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Interview   

Les moutons ne gardent pas la grosse tête bien longtemps. La tête tout court non plus d’ailleurs.


Ivar Bjornson (Enslaved) : « Tu sais, il est très difficile d’attraper un mouton qui ne veut pas l’être lorsqu’il est en liberté dans la montagne. »

Avons-nous vraiment besoin d’en dire plus pour vous donner envie de lire cette interview ?

(NDLR : à propos de Motörhead) « Ce groupe est une référence, ce sont les grands voyageurs du metal. Ils nous montrent que la scène, c’est ce qui motive vraiment un combo. Et ils sont le symbole de la longévité : ils étaient là quand nous étions gosses, et ils sont toujours là aujourd’hui.« 

Radio Metal : Sur ce nouvel album, Enslaved est comme d’habitude très progressif. Mais on retrouve également un véritable désir d’accroche au travers de certains riffs et sections rythmiques. « Raidho » ou « The Beacon » sont des morceaux presque directs. Le track-by-track posté sur votre MySpace révèle un enthousiasme certain de votre part, surtout pour ces aspects plus simples et plus accessibles. Vos débuts vous manquent-ils ?

Ivar Bjørnson (guitare) : Ils ne nous manquent pas, mais je dirais que nous nous en sommes inspirés. Le groupe existe depuis très longtemps, au point que nous commençons à avoir un certain recul et à nous inspirer de notre propre travail. C’est assez incroyable, parce que cette influence est évidemment très proche, mais en même temps suffisamment éloignée pour que nous puissions nous montrer objectifs. Après vingt ans, c’est quelque chose de naturel, de cyclique. On peut se concentrer sur quelque chose, au lieu de se contenter de toujours avancer.

Le black metal progressif a une image très sérieuse, presque intellectuelle qui peut rebuter certaines personnes. Vouliez-vous vous débarrasser de cette image, avec ce côté plus accrocheur ?

En tant que personnes, ça ne nous pose aucun problème. Nous avons une certaine distance par rapport à ça et le groupe sait faire preuve d’humour. Mais ce n’est pas le cas avec la musique. Ça, c’est quelque chose de sérieux et de très important pour nous. Les blagues, c’est en coulisses, pas sur scène ! Mais en même temps, malgré l’aspect progressif de la musique, le côté rock a toujours été très important pour nous, depuis nos démos et nos premiers albums. Notre musique est un mélange de simplicité et d’éléments plus expérimentaux. Tout au long de la carrière d’Enslaved, nous avons toujours essayé de trouver le point d’équilibre. Ce point change constamment, car nous évoluons en tant que musiciens et que personnes, et nous sommes influencés par d’autres types de musiques. Sur un album, l’équilibre tendra davantage vers l’extrême, et sur le suivant, ce sera plus progressif. C’est quelque chose de changeant, de dynamique. À l’heure actuelle, l’une des raisons pour lesquelles nous sommes si fiers de cet album, c’est que nous nous sommes plus que jamais approchés de ce point d’équilibre. C’est la même chose en live : nous avons des éléments très atmosphériques, très rock. Nous voulons créer un lien avec le public et y mettre toute notre énergie. C’est également la même chose avec la musique que nous écoutons : un jour, on écoute King Crimson ou Led Zeppelin, et le lendemain, Bathory ou Motörhead. Je pense qu’il n’y a pas besoin de choisir l’un ou l’autre.

Sur le deuxième et le dernier titre de l’album, on retrouve un rythme de batterie très proche de Motörhead. Sur le MySpace d’Enslaved, vous avez déclaré vous sentir proches d’eux car ils voyagent énormément. Ce clin d’œil musical était-il délibéré ?

À un niveau subconscient, peut-être ! Nous n’avons pas écrit ces titres pour rendre hommage à Motörhead. Mais quand nous les avons écoutés pour la première fois, nous avons entendu la même chose que toi : « Tiens, ça ressemble à Motörhead… ». Mais au final, ça sonne bien. Ce groupe est une référence, ce sont les grands voyageurs du metal. Ils nous montrent que la scène, c’est ce qui motive vraiment un combo. Et ils sont le symbole de la longévité : ils étaient là quand nous étions gosses, et ils sont toujours là aujourd’hui. Quand nous nous sommes rendus compte de ça, ce clin d’œil nous a semblé être une bonne chose.

Tu es apparemment issu d’une famille qui a l’habitude de bouger. D’une certaine façon, ne serais-tu pas devenu musicien pour voyager, toi aussi ?

Peut-être ! Quand j’étais plus jeune et que je réfléchissais à ce que je voulais faire plus tard, ce qui me plaisait dans l’idée de faire partie d’un groupe, c’était la possibilité de voyager, de découvrir de nouveaux endroits et d’exporter mon travail et ma passion dans le monde entier. Quand c’était encore légal, ma famille a participé à la pêche à la baleine. Quand cette activité est devenue illégale, ils ont embarqué sur des bâtiments commerciaux. Nous avons souvent déménagé et nous aimons toujours découvrir de nouveaux endroits. C’est dans le sang. J’aime rentrer à la maison après une tournée, mais j’ai vraiment hâte de repartir sur les routes dans quelques semaines, pour me réveiller dans de nouvelles villes. C’est dans les gènes !

« Quand j’étais plus jeune et que je réfléchissais à ce que je voulais faire plus tard, ce qui me plaisait dans l’idée de faire partie d’un groupe, c’était la possibilité de voyager […] Quand c’était encore légal, ma famille a participé à la pêche à la baleine. Quand cette activité est devenue illégale, ils ont embarqué sur des bâtiments commerciaux. Nous avons souvent déménagé et nous aimons toujours découvrir de nouveaux endroits. C’est dans le sang. « 

Pourquoi avoir enregistré l’album dans trois studios différents ? Était-ce prémédité ou aviez-vous un objectif artistique particulier ?

L’objectif était d’obtenir un son aussi proche que possible de celui que nos instruments ont sur scène, afin de faire passer l’énergie nécessaire. Sur les précédents albums, le résultat final manquait d’énergie. Nous voulions utiliser nos propres studios, en particulier Earshot. Mais le problème était que nous ne pouvions pas enregistrer la batterie là-bas, car le kit était trop imposant. Il nous fallait donc un studio avec une salle d’enregistrement plus grande. Nous avons donc enregistré la batterie dans un studio, et les guitares, la basse et les parties vocales dans un autre. Les effets sonores ont été réalisés dans mon propre studio. C’était l’environnement optimal pour chaque partie. Nous avions déjà utilisé plusieurs studios par le passé, mais sans producteur, il est facile de s’éparpiller. Cette fois, nous avons vraiment essayé de nous concentrer sur notre travail chaque fois que nous changions de studio.

L’interlude « Axioma » occupe une position centrale dans l’album. Son titre fait également référence à celui de l’album. Il semblerait que cette chanson soit liée au concept de l’album. Quelle est son histoire ?

Son origine au sens musical est difficile à décrire. C’est sans doute la chanson la plus abstraite, tant du point de vue des paroles que de la musique. C’est une séparation naturelle entre le titre plus direct qui la précède et le titre plus prog et mélodique qui vient après. C’est presque rituel, dans un sens. C’est tout ce sur quoi je peux poser des mots ! C’est très difficile à décrire. Je ne sais pas d’où est venue cette chanson, mais quand elle est venue, il fallait qu’elle fasse partie de l’album.

Pourquoi avoir donné à cette chanson tant d’importance avec un titre faisant écho à celui de l’album ?

C’était naturel. Lorsque la chanson a été composée, ça semblait être le titre idéal à lui donner. Un axiome est une vérité indiscutable, une sorte de vérité universelle et scientifique. Tout est dans le concept du synthétiseur : cette chanson ne comporte pas de claviers ou de samples modernes, seulement de vieux synthétiseurs des années 70. Pour moi, c’est un peu comme si l’homme rencontrait l’univers. Dans un sens, c’est très brut, ce n’est pas parfait, ça tremblote un peu et c’est parfois désaccordé. Mais pour moi, d’une certaine façon, la musique des années 70 est très spirituelle. À l’époque, les gens essayaient de reproduire des sons élémentaires et de faire de la musique grâce à des objets électriques. C’est le principe de base du synthétiseur : les sons électriques sont amplifiés pour produire quelque chose d’aérien, de cosmique. C’est ce genre d’associations que m’évoque cette musique. C’est pour cela que la chanson a reçu une position centrale.

Est-ce la signification de l’artwork ? L’homme rencontrant l’univers ?

Si on prend le titre complet, on a d’un côté « Axioma », qui représente les lois de la nature, et de l’autre, « Ethica Odini », la traduction latine du livre de la loi d’Odin, dieu de la mythologie nordique. Ce n’est pas exactement l’opposé du premier, mais certains y voient la loi de l’homme ou de Dieu. Voilà le sens du titre : il s’agit du contraste entre l’axiome, qui représente l’univers lui-même, et la loi humaine ou divine, comme diraient certains. Dans un certain sens, c’est l’exploration des lois qui régissent toute chose. C’est la rencontre entre l’ordre et le chaos, le compromis entre le désir et la rationalité, entre la liberté et la discipline, toutes ces notions qui se complètent. Certains de ces éléments se retrouvent dans la pochette. Nous avons eu une conversation avec l’artiste, exactement comme nous discutons toi et moi en ce moment. Nous avons parlé des paroles, du titre, de toutes les associations qui en découlent, du contraste entre ces éléments opposés. La pochette est son interprétation de cette conversation.

Pour en finir avec « Axioma », lorsque j’ai entendu ce titre, je n’ai pas pu m’empêcher de penser à la BO de Twin Peaks. Ai-je rêvé, ou bien ai-je mis le doigt sur quelque chose ?

Je ne dirai pas qu’il s’agit d’une influence directe, mais la BO de Twin Peaks est l’une de mes préférées. Je dois admettre que l’atmosphère de la chanson est très inspirée par cette BO. Je l’écouterai tout à l’heure pour m’assurer que je ne l’ai pas complètement plagiée !

(NDLR : à propos de Truls Espedal) « Certains groupes reçoivent une proposition de l’artiste et lui disent ensuite d’ajouter plus de vert dans ce coin-là, ce genre de choses. Pour nous, le risque et le pari sont un peu plus grands : on discute, puis il nous montre le résultat. […]Truls est un artiste assez connu en Norvège, ce n’est pas le genre de type à qui on demande de modifier un visage ou de faire telle ou telle chose différemment. […] Pour résumer, le point fort de notre collaboration, c’est la confiance mutuelle. « 

Pour cet album, vous avez à nouveau fait appel à Truls Espedal, qui a réalisé les pochettes de tous vos albums depuis 2001. Quel est le point fort de cette collaboration ?

Le point fort de cette collaboration est sa flexibilité. C’est toute la beauté de notre processus de travail. Truls vient nous voir à Bergen ou dans notre studio de répétition et nous passons la journée ensemble, à discuter des paroles et à écouter la musique. Pendant que nous parlons, il dessine quelques croquis. Parfois il s’éloigne un peu de ce qu’on voudrait, et parfois il y a une véritable résonance. Lorsque nous avons le sentiment d’être sur la même longueur d’ondes, il rentre chez lui et passe quelques semaines à peindre. Ensuite, il nous montre le produit fini. Certains groupes reçoivent une proposition de l’artiste et lui disent ensuite d’ajouter plus de vert dans ce coin-là, ce genre de choses. Pour nous, le risque et le pari sont un peu plus grands : on discute, puis il nous montre le résultat. Truls est un artiste assez connu en Norvège, ce n’est pas le genre de type à qui on demande de modifier un visage ou de faire telle ou telle chose différemment. Mais nous lui faisons entièrement confiance. Jusqu’à présent, chaque artwork qu’il a produit s’est révélé être une bonne surprise. Pour résumer, le point fort de notre collaboration, c’est la confiance mutuelle. Nous nous faisons confiance à 100 %, ce qui, je crois, en plutôt rare.

Peut-on dire qu’il fait partie intégrante du groupe ?

Tout à fait. Il fait partie du groupe Enslaved au sens large.

« …nous adorons parler avec les gens, entendre leurs impressions et leurs expériences avec un album ou un concert. […] L’un de nos fans a une brasserie et a brassé une bière spéciale Enslaved. Le public apporte de la nourriture aux concerts pour organiser de petits dîners. On est même invités chez les gens !  Avec certains [de nos fans], nous discutons davantage de la philosophie derrière notre musique, et c’est extrêmement gratifiant. Mais si la conversation n’est pas à ce niveau, ça n’a pas d’importance. Nous respectons ceux qui se contentent d’aimer la musique autant que ceux qui passent beaucoup de temps à interpréter les paroles. »

Parlons un peu de ce concours proposant aux internautes de réaliser leur propre vidéo pour le titre « Ethica Odini » (NDLR : entretien réalisé avant la publication des résultats du concours). Le gagnant verra sa vidéo projetée en backdrop lors des concerts. Est-ce un moyen d’économiser du temps et de l’argent sur une vidéo ?!

Pas vraiment, non ! Parmi les backdrops que nous utilisons en concert, beaucoup ont été réalisés par nous-mêmes. Nous avons travaillé avec des graphiques, ainsi qu’avec notre ingénieur lumières qui apprécie ce genre de technologie. Notre label qualifie ça de concours, mais je trouve ça un peu stupide. Je préfère parler d’expérience : le but est de voir quelles associations des gens qui suivent Enslaved depuis longtemps peuvent faire avec notre musique en général, et avec ce titre en particulier. Tout est parti de YouTube. Parfois, quand on recherche une chanson, on tombe sur des vidéos géniales qui n’ont rien d’officiel. Quelqu’un avait simplement utilisé un logiciel vidéo open source et mis plusieurs idées bout à bout. Certaines de ses vidéos étaient vraiment superbes. Nous voulions encourager le public à s’engager sur cette voie et à partager ses idées. Tout le monde n’appréciera pas l’initiative, mais c’est un bon moyen de s’exprimer, ce qui est toujours une bonne chose.

Ce que la question sous-entendait, c’était que vous étiez à court d’idées et que vous vouliez que les fans fassent votre vidéo pour vous !

Oui, j’ai bien compris que tu plaisantais. Mais là encore, c’est un pari, une expérience inédite. Je crois qu’il y a énormément de talents cachés, là dehors. Ce sera très sympa de voir ce qu’ils sont capables de faire.

Apparemment, vous faites complètement confiance à vos fans pour comprendre votre univers musical et de votre symbolique. D’où cela vient-il ? Quel type de relation avez-vous avec vos fans ? Avez-vous l’habitude d’échanger des idées avec eux ?

Concernant nos concepts, nous avons envie d’entendre leurs propres interprétations. C’est comme ça que nous fonctionnons nous-mêmes : avec le groupe, nous ne parlons jamais des détails. Les paroles d’une chanson sont une œuvre d’art et, en tant que telle, elles doivent être interprétées par chacun. Nous ne discutons jamais du sens concret des paroles. Mais nous avons un grand respect pour nos fans. Quand nous sommes en tournée, nous adorons parler avec les gens, entendre leurs impressions et leurs expériences avec un album ou un concert. Je pense que nos fans apprécient le fait que nous ayons un contact direct avec eux. La dernière fois que nous sommes venus en France, certaines personnes sont venues au concert avec une bière spéciale en édition limitée. L’un de nos fans a une brasserie et avait brassé cette bière spéciale Enslaved. Le public apporte de la nourriture aux concerts pour organiser de petits dîners. On est même invités chez les gens ! Nos fans sont des gens qui partagent un intérêt commun : la musique. Avec certains, nous discutons davantage de la philosophie derrière notre musique, et c’est extrêmement gratifiant. Mais si la conversation n’est pas à ce niveau, ça n’a pas d’importance. Nous respectons ceux qui se contentent d’aimer la musique autant que ceux qui passent beaucoup de temps à interpréter les paroles. Ça dépend de tout un chacun.

Avez-vous une idée particulière de ce que vous souhaitez pour cette vidéo, ou voulez-vous être surpris ?

Nous voulons être surpris. C’est la raison pour laquelle nous nous sommes demandés si nous devions indiquer quelques éléments à inclure dans la vidéo. Mais au final, nous ne l’avons pas fait. Nous avons simplement décidé de communiquer les paroles et de voir ce que les gens pouvaient faire. Ce serait d’ailleurs très intéressant si quelqu’un créait une vidéo sans même avoir lu les paroles. Nous espérons vraiment être surpris.

Il est l’heure de poser la question stupide de l’interview : êtes-vous toujours en contact avec ce mouton avec lequel vous aviez passé une journée entière, il y a de cela quelques années ? Comment vit-il sa célébrité ? Il a pris la grosse tête ?

Non, je pense qu’il a été abattu ! C’était un très jeune mouton, très gentil. En fait, cette histoire a posé problème, car il est impossible d’attraper un mouton comme ça, dans la montagne. Toute cette affaire a été trafiquée, nous avons dû mettre en scène sa capture. Pose la question à n’importe quel fermier : il est impossible d’attraper un mouton qui ne veut pas l’être lorsqu’il est en liberté dans la montagne. Mais je crois que ce mouton nous a vraiment appréciés, et il a été très difficile de le faire repartir après ça ! Il nous suivait partout. C’était assez triste de repartir à la fin de la journée.

Tu penses donc qu’il est mort ?

Sans doute. Ces animaux-là ne vivent pas longtemps, et celui-là était particulièrement costaud. Il a probablement été transformé en repas de Noël il y a un an ou deux !

Interview réalisée par phoner en septembre 2010
MySpace Enslaved : http://www.myspace.com/enslaved

Traduction : Saff’



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