Quand j’évoquais dans ces colonnes il y a à peine plus d’un mois la présence d’Alice Cooper dans un film dont la sortie (directement en DVD, ne le cherchez pas en salle) était imminente en Hexagone, je n’avais pas prévu de m’imposer son visionnage. Le film en question : « Suck », réalisé par le bien peu connu Rob Stefaniuk (réalisateur, co-scénariste, co-compositeur de la B.O. et acteur principal, oui, rien que ça !) est une production de série B canadienne, trois-millième histoire de vampires de l’année et sorti chez nous il y a environ trois semaines.
Mais voilà qu’alors que se profile une soirée télé sans fioriture au cours de laquelle on n’hésite pas longtemps entre tous les programmes démontrant la diversité culturelle française et n’arrivant plus à choisir parmi une vidéothèque trop fournie, on finit par s’offrir un petit voyage par la case VOD de son fournisseur internet à la recherche d’un film un tantinet crétin pour passer une soirée n’ayant d’autre prétention que d’être divertissante. Et alors apparaît dans la liste « Suck » et on se laisse tenter par un petit plaisir qu’on se dit déjà être honteux.
Commençons par le synopsis de rigueur : pas plus metal que la dent en résine de mon frangin, un jeune groupe de rock de Toronto, groupe de losers ironiquement baptisé The Winners, joue dans les bars en rêvant à la célébrité. Au cours de l’un de ces concerts, voilà qu’arrive un type décrit, d’après les dialogues, comme « effrayant » ou encore comme « Satan sous amphétamine » mais qui serait plutôt de l’ordre du Chapelier Fou (version Tim Burton) en cuir et lycra qui se serait rouler dans les ordures.
Cet échevelé est malheureusement un maître vampire qui pose ses crocs sur la jolie bassiste du groupe qui reviendra de cette rencontre comme ayant plongé son visage dans une boîte de fard blanc, parfaitement brushinguée et arborant des lentilles bleu pâle liserées de noir comme tout vampire qui se respecte. S’en suivra une tournée sanglante au cours de laquelle motels et supérettes de bord de route deviendront le théâtre de sanglantes et burlesques dégustations. Et alors qu’ils auront sur leurs talons un chasseur de vampires du nom – fichtrement original – de Van Helsig (interprété par Malcolm McDowell récemment vu dans le rôle du Dr. Loomis dans les remakes de « Halloween » par Rob Zombie), le groupe sera confronté à la tentation de rejoindre leur bassiste sur la rive obscure, ce qui leur assurerait d’être propulsés dans le grand bain (de sang) à plus de deux cents battements par seconde.
Le synopsis est déjà aussi blindé de clichés qu’un porte-avion russe est blindé d’amiante. Coup de bol pour le film car nous ne sommes pas face à un film qui a choisi de se prendre au sérieux et d’être la nouvelle référence de la vampirologie sur pellicule mais de toute évidence face à une comédie (surtout après les hilarantes premières images suivant une chauve-souris en images de synthèse bien moches). Tout est là pour nous faire rire, ou au moins sourire.
Calico et Alice Cooper
D’abord la pléthore de guest stars. Alice Cooper, bien sûr, qui nous apparaît en premier lieu comme un sympathique barman pourvoyeur de bons conseils (accompagné de près par sa propre fille, Calico, en tant que serveuse) avant de nous rejouer dans quelques passages fantasmatiques le mythe des crossroads et de la légende de Robert Johnson (fameux bluesman qui aurait vendu son âme au diable à la Croisée des Chemins pour devenir le meilleur des guitaristes de blues et ayant déjà bénéficié d’un bel hommage dans un film de Walter Hill de 1986) et au cours desquelles scènes il finira par nous souhaiter « bienvenue dans son cauchemar ». Amis du clin d’œil mammouthesque, bonsoir.
Autres « special featuring » : Iggy Pop en responsable d’un studio d’enregistrement minable qui a lui aussi de bons conseils : primo, « ne baise pas sans capote », secundo, « ne fais pas confiance à une sal*perie de vampire ». Jeunes gens, écoutez bien l’ami Iggy. Mais aussi Henry Rollins (un des pères du hardcore avec Black Flag dans les années 80) en animateur de radio lourdingue. Et – cherry on the cake – Moby qui semble prendre racine dans l’univers du hard rock en interprétant ici le leader du groupe The Secretaries Of Steack dont les concerts se font sous une pluie de viande sanguinolente ; un peu comme au temps des premières tournées solo d’Ozzy Osbourne.
Moby est Beef Bellows
Le film assume aussi parfaitement son esprit gaudriole dans ses citations musicales en reprenant de façon parfaitement gratuite plusieurs pochettes d’albums célèbres telles que la fameuse photo des Beatles traversant un passage piéton pour l’album Abbey Road, l’Electric Warrior de T-Rex ou The Kids Are Alright de The Who. La farce est aussi de la partie dans la représentation en stop-motion et papier mâché du périple du groupe dans leur corbillard ou dans certaines citations cinématographiques (entre le « Dracula » de Coppola et « This is Spinal Tap »).
Et la morale de cette histoire ? Serait-ce qu’il faut savoir sucer (le titre du film est décliné en bien des variations sémantiques), être prêt à dévorer ses concurrents et avoir les dents longues pour réussir dans une industrie musicale saturée ? Ce n’est pas l’essentiel. Au final, on a surtout un film qui aurait pu se vautrer dans le nanar mais nous aura plutôt confortablement trimballé dans une heure et demie d’auto-dérision sans prise de tête à l’aide d’une photographie loin d’être dégueulasse (principalement dans les instants d’apparitions fantastiques) et d’une bande-son dans laquelle se côtoient Alice Cooper, David Bowie, Iggy Pop seul ou avec The Stooges ou encore The Velvet Underground.
Au-delà de ça, je ne vous conseille pas forcément de vous ruer tout de suite sur le DVD de ce film. Mais si un jour vous le trouvez dans un vidéo-club (s’il en existe encore de bons), en VOD comme moi (qui n’ai malheureusement pas eu accès à la VOST de cette façon) ou si vous le trouvez un jour bradé chez votre dealer de galettes à images préféré, ne vous gênez pas et passez donc un bon moment à peu de frais.
Site officiel du film : http://www.suckthemovie.com/
je l ai vu, il m’a profondement ennuyé
Super article (une fois de plus !)