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Chronique Focus   

-(16)- – Into Dust


En trois décennies de carrière, les Californiens de -(16)- n’ont jamais dérogé à leur formule : un sludge hargneux, anxieux et écrasant qui n’a rien à envier à celui des incontournables Crowbar, Acid Bath, Eyehategod et consorts, sans jamais vraiment connaître le même succès. La faute à une situation géographique éloignée de l’épicentre néo-orléanais du style peut-être, la faute aussi aux risques du métier – problèmes de drogue, d’alcool, overdoses et galères à l’avenant – qui ont valu au groupe son lot de remaniements de line-up, de pauses et de nouveaux départs. Seul rescapé de la première époque, celle du début des années 1990 : Bobby Ferry, le guitariste promu au rôle de chanteur depuis le départ de Cris Jerue après la sortie de Dream Squasher en 2020. Si ce dernier album était marqué par un effort délibéré d’injecter un peu d’optimisme (pas de guimauve à craindre avec -(16)-, il s’agissait seulement d’aimer beaucoup son chien !) à l’univers sombre et désespéré du groupe, qu’on peut situer entre metal lent et visqueux et punk hardcore teinté de noise à la Unsane, pour Into Dust, leur neuvième opus, les Américains se tiennent à leurs fondamentaux : bile noire, temps qui passe, misère et addiction. De quoi mordre la poussière, donc, à grands coups de riffs et de négativité.

Dès « Misfortune Teller », l’auditeur est en territoire familier certes (hasard ou clin d’œil : le titre est aussi celui d’une chanson de Down), mais résolument hostile : « You can live but you can’t stay here » (« Tu peux vivre mais tu ne peux pas rester ici ») grogne Ferry sur fond de guitares plombantes. Une fois le décor posé, le groupe peut dérouler son histoire de descente aux enfers, et en douze chansons et presque trois quarts d’heure, on a de quoi explorer tous les recoins du fond du trou. Car tout gris et agressif qu’Into Dust soit, il n’est jamais monolithique, et sa recette sludge peaufinée par l’expérience – riffs grinçants, basse bourdonnante, paroles écorchées – se teinte à l’occasion de grunge glauque façon Alice In Chains époque Dirt lors de passages en voix claire, sur « Ash In The Hourglass » et « Scrape The Rocks » notamment, ou d’accélérations implacables sur « Lane Splitter ». La batterie et son tintement de cymbales quasi permanent ajoutent tant au groove qu’au malaise ; les solos d’Alex Shuster en revanche, jouissifs et thrashisants, tiennent quasiment de la percée de lumière, moins rédemption que plaisir paradoxal des abysses, les proverbiales étoiles qu’on voit du caniveau (« Dead Eyes »), tout comme les passages les plus mélodiques (« Never Paid Back »). Le quatuor se permet même quelques incartades hors des territoires balisés : le bref instrumental « The Deep », éthéré et menaçant, au rôle plus narratif que vraiment musical, et surtout « Born On A Barstool » qui referme l’album sur un hymne à l’alcoolisme et au fatalisme rehaussé de guitare acoustique et de passages jazzy élégants, éclats hallucinatoires avant de revenir où -(16)- nous laisse, sur le tabouret poisseux d’un rade lugubre.

Le quatuor ne perd jamais le fil de son scénario : Into Dust raconte l’histoire d’une chute qui commence par une notice d’éviction et se termine quelques mésaventures plus tard avec une vaine tentative de laisser le passé derrière soi et d’oublier. Or son propre passé, -(16)- ne l’oublie jamais, et il y a quelque chose de plaisamment anachronique dans Into Dust, qui pourrait avoir été sorti lors de l’âge d’or du sludge, dans les années 1990, production plus moderne et plus claire en sus. Ni les années ni les tribulations n’ont altéré l’essence de -(16)-, au contraire : avec l’expérience, leur angoisse et leur colère semblent plus justifiées, moins gratuites que jamais, et Ferry et ses comparses, en pleine possession de leurs moyens, ne dérogent pas à l’esthétique qu’ils se sont choisie. L’avantage du pessimisme, c’est que sa pertinence n’est jamais démentie : il en va de même pour le sludge de -(16)-, dont le temps n’a émoussé ni la hargne ni les rugosités, bien au contraire.

Clip vidéo de la chanson « Lane Splitter » :

Clip vidéo de la chanson « Scrape The Rocks » :

Clip vidéo de la chanson « Misfortune Teller » :

Album Into Dust, sorti le 18 novembre 2022 via Relapse Records. Disponible à l’achat ici



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