C’est l’heure du changement chez Three Doors Down qui a sorti cette semaine son sixième album, Us And The Night, inaugurant notamment un nouveau line-up. Le combo originaire du Mississippi a en effet, quelques temps après la sortie de l’album Time Of My Life (2011), essuyé deux départs, et pas des moindres, puisqu’il s’agit de deux des trois membres fondateurs. Le guitariste lead Matt Roberts s’est vu contraint de partir pour s’occuper de sa santé ; il souffrait de problèmes de circulation sanguine, aggravés par les tournées. Le bassiste Todd Harnell a, quant à lui, été remercié suite à son arrestation qui lui a valu deux ans de prison ; il a causé la mort d’un conducteur de 47 ans dans un accident de voiture sous l’emprise de drogues et d’alcool. Le premier a été remplacé par son propre technicien guitare, Chet Roberts, à la rythmique, et le second par Justin Biltonen, tandis que le guitariste Chris Henderson a repris le rôle de guitariste lead. « Cet album vient de l’obscurité parce que nous avons eu pas mal de difficultés par le passé, » nous explique, en l’occurrence, ce dernier pour donner un sens au titre et à l’illustration de ce nouvel album. « Les cinq dernières années ont été marquées par quelques tragédies et beaucoup de hauts et de bas. Et je crois que cette lumière dans l’obscurité fait référence à nous qui venons de l’obscurité pour aller vers la lumière. »
3 Doors Down revient donc aujourd’hui avec un nouveau visage mais aussi, en conséquence, une nouvelle dynamique. Et ça tombe bien, puisque le groupe américain, qui s’illustre depuis maintenant presque deux décennies dans un post-grunge/rock alternatif, avait conscience qu’il lui fallait sortir de la routine et retrouver une forme d’excitation qui s’était érodée au fil du temps. « Lorsque tu écris autant d’albums avec les mêmes personnes, au final, tu stagnes et ça devient mécanique, » nous explique Chris Henderson. Il poursuit : « Et tu te dis qu’il doit bien y avoir une façon de renouveler les choses. Et celui-ci est bien meilleur, mec. C’est redevenu palpitant ! Les nouveaux membres et la nouvelle manière de composer ont rapporté un grand vent de fraîcheur ! […] Ceci est notre sixième album, il y en a déjà cinq autres qui sont sortis avant, donc tout le monde savait plus ou moins quoi attendre de nous ! Avant que tout le monde entende le nouvel album, si nous étions arrivés en disant : ‘Hey, nous avons un nouvel album qui sort la semaine prochaine,’ sans même avoir entendu une note, ils auraient immédiatement eu une opinion dessus. C’est pourquoi nous voulions faire un album neuf et qui représentait qui nous sommes aujourd’hui, par opposition à qui nous étions. Nous sommes un groupe complètement différent aujourd’hui par rapport à il y a cinq ans. »
« Lorsque tu écris autant d’albums avec les mêmes personnes, au final, tu stagnes et ça devient mécanique. […] Les nouveaux membres et la nouvelle manière de composer ont rapporté un grand vent de fraîcheur ! »
C’est donc presque comme un nouveau départ pour 3 Doors Down, qui leur a donné une vraie envie de s’y mettre, de composer de la musique, mais sans forcer les choses, sans avoir à se presser et en profitant de l’apport des nouveaux arrivants, comme par exemple le single « In The Dark », un titre exploitant une nouvelle fibre sensuelle, pour ne pas dire sexy (rien qu’à voir le clip, dans lequel les fans de la série Breaking Bad reconnaîtront RJ Mitte, alias Walter White Jr., dans une aventure érotique sauvage en compagnie d’une ravissante créature), et provenant simplement d’un bout de musique sur lequel Chet Roberts s’amusait via GarageBand sur son iPad. Mais, surtout, il suffit d’écouter la chanson d’ouverture de l’album, « The Broken », qui parle de ne pas baisser les bras, de se prendre en main, d’assumer ses choix et se battre pour ses convictions, pour immédiatement sentir cet élan positif et optimiste qui parcourt l’album : « Cette chanson symbolise à elle seule le fait que nous n’avions pas peur de changer. Les paroles, c’est une chose, mais musicalement non plus nous n’avions pas peur de changer, et c’est encore le cas aujourd’hui. Voilà ce qu’elle symbolise : voici une nouvelle version d’un vieux groupe. »
Et ceci se traduit jusque dans les méthodes même employées pour concevoir l’album : « Ce que nous avons fait, vraiment, c’est que nous l’avons composé différemment. Au lieu de le composer à la guitare acoustique, à la batterie, basse ou au chant, nous avons utilisé des éléments et instruments différents. L’une des choses que nous avons utilisées pendant la composition, dans la chanson ‘The Broken’ en l’occurrence, était une boucle de batterie, au lieu d’utiliser le batteur qui aurait apporté sa contribution. J’ai expressément choisi de sortir le batteur de l’équation pour utiliser une boucle de batterie pour écrire la chanson, et ce n’est qu’ensuite que j’ai impliqué le batteur. » Un batteur, Greg Upchurch, qui, d’un autre côté, a pour la première fois composé de la musique : « Il a écrit toutes les parties de guitare sur ‘Living In Your Hell’. C’est un super compositeur ! » S’exclame le guitariste. Parce qu’à chaque fois, par le passé, le groupe savait exactement quelle direction il voulait prendre, le but était cette fois, au contraire, d’emprunter des chemins de traverse et sortir de leur zone de confort pour finalement, naturellement, retomber sur leurs pattes, avec un album qui leur ressemble, un album proposant toutes les caractéristiques de 3 Doors Down mais un brin rafraîchi et modernisé.
« [La] chanson [‘Kryptonite’] représente presque tout pour le groupe. […] Pour beaucoup de gens, nous sommes cette chanson, c’est tout ce que nous sommes pour eux ! »
Car pas question, pour autant, de renier qui ils sont et ont été et ce qui a fait le succès du groupe. Et s’il y a une chanson emblématique dans leur répertoire, c’est bien le hit « Kryptonite », sorti en 2000 sur son premier album The Better Life et écrite par un Brad Arnold âgé de quinze ans. « Cette chanson représente presque tout pour le groupe, » confesse Henderson. « C’est l’une de nos plus grosses chansons. Peu importe où nous allons, les gens la connaissent. Pour beaucoup de gens, nous sommes cette chanson, c’est tout ce que nous sommes pour eux ! Donc, pour eux, cette chanson nous représente mais pour nous, elle représente une période de notre carrière. […] Mais ça ne nous pose aucun problème [de la jouer encore aujourd’hui]. Lorsque nous la jouons, c’est un moment dans le concert qui sera spécial pour beaucoup de monde. Donc ouais, elle reste l’une de nos chansons préférées à jouer ! »
Pour finir, nous avons voulu évoquer la relation spéciale que semble entretenir 3 Doors Down avec les rois du rock sudiste Lynyrd Skynyrd, car même s’ils représentent deux générations de rock américain bien distinctes, leurs chemins se sont souvent croisés, avec des jams entre les deux groupes à la clef (comme lors de la tournée américaine en co-tête d’affiche de 2006). On se souvient également de leur reprise de « That Smell » empreint de beaucoup de respect sur l’EP Another 700 Miles de 2003. Mais ce n’est pas tout, comme le note Henderson : « Si tu écoutes ‘When I’m Gone’ [de l’album Away From The Sun, en 2002,] en particulier, ce premier break de solo de guitare, c’est un hommage à Lynyrd Skynyrd, à leur chanson ‘Simple Man’. » « Je suis un énorme fan de Lynyrd Skynyrd ! » déclare-t-il par ailleurs, avant de poursuivre : « Et je suis un collectionneur de guitares, donc j’ai quelques guitares à eux. C’est l’un des groupes que j’ai essayé d’émuler en tant que guitariste pendant des années et des années, et j’ai réussi à chopper un tout petit peu de leur style musical. Avec les années, nous sommes un peu devenus amis avec eux et nous avons pu tourner et travailler à un niveau professionnel avec eux. C’était vraiment génial de prendre part à ça. C’est un groupe tellement emblématique ! Et le fait de se lier d’amitié avec eux, ça fait vraiment plaisir. »
Interview réalisée par téléphone le 8 mars 2016 par Philippe Sliwa.
Texte : Nicolas Gricourt.
Site internet officiel de 3 Doors Down : www.3doorsdown.com