7 Weeks ne s’est jamais astreint à faire avancer sa carrière en ligne droite et s’est autorisé des détours. Les parenthèses musicales peuvent très bien rester ce qu’elles sont à l’origine, soit des expériences éphémères. Mais il arrive que certaines influent sur la trame majeure d’une discographie, telle une quête secondaire de jeu vidéo vous ramenant sans que vous vous y attendiez à l’histoire principale. Pour 7 Weeks, ces dernières années il y a eu le récent EP acoustique Bends et il y avait surtout eu en 2012 leur plus inattendu travail sur un ciné concert pour le film Dead Of Night, dont nous vous avions beaucoup parlé dans ces colonnes, qui les avait amenés vers des terrains musicaux inclassables qu’ils n’auraient probablement pas foulés naturellement, du moins pas aussi vite dans leur carrière ni aussi abruptement.
Pour la sortie de leur nouvel album, nous avons voulu entendre de quelle manière ces parenthèses ont pu altérer leur récit et comment le fait de travailler, parfois sous la contrainte, sur des influences inattendues a pu stimuler la créativité d’un groupe si spontané. Et au-delà du contexte purement musical de l’album, nous avons voulu analyser avec le chanteur Julien Bernard son contexte humain. En effet, les difficultés de stabilité de line-up ont fait de 7 Weeks un duo, entouré (pour l’instant) de musiciens de tournée, avec ce que cela implique notamment en termes d’écriture.
« Ce que font beaucoup de groupes et ce que nous avons aussi beaucoup fait : il y a un riff, et ensuite nous essayons de trouver une émotion qui va dessus. Là c’est le contraire, nous avons une émotion, nous allons en faire la musique. »
Radio Metal : Je sais que vous considériez l’EP Bends comme une parenthèse dans votre carrière et que cela vous a permis de prendre des libertés par rapport à votre style. Est-ce important pour vous de vous réserver des moments tels que celui-là pour expérimenter des choses ?
Julien Bernard (chant, basse & guitare) : Oui, nous l’avons toujours plus ou moins fait. Bends, ce n’est pas tellement de l’expérimentation, c’est plus que nous nous sommes retrouvés tous les quatre dans une grange à la campagne – une super grange –, c’est une salle de concert en fait, mais c’est une grange, et nous étions vraiment perdus dans la campagne, nous nous sommes faits un truc à la cool et ces morceaux-là, nous les avons vraiment faits tous les quatre ensemble, et nous avons tout partagé ensemble. Nous savions que nous partions dans un truc plus cool, plus folk, que nous n’irions pas plus loin, que c’était juste une direction ponctuelle à un moment – c’est ce que ça a été, d’ailleurs – et après, nous sommes passés à autre chose. Donc je dirais que nous avons plus fait d’expérimentations sur un album tel que Dead Of Night, mais en même temps, c’était le film qui se prêtait à ça. Par contre, sur le dernier album, pour le coup, nous n’avons pas fait d’expérimentation mais nous ne nous sommes fixés aucune barrière. Nous nous sommes retrouvés à deux avec Jérémy [Cantin-Gaucher], le batteur, quand Manu [Costa] a arrêté avec le groupe – il était là depuis quatre ans, il devait rester six mois au départ. Nous nous sommes dit : « Qu’est-ce qu’on fait ? », parce que le groupe, c’était vraiment Jérémy, Manu et moi. Nous nous sommes retrouvés à deux avec Jérémy, et nous nous sommes dit : « On ne se pose pas de question, on écrit la musique, on verra si ça sort en album, en EP, si ça ne sort pas… » Donc pour la première fois, nous avons fait de la musique juste pour faire de la musique. Donc ça, quelque part, c’est plus de l’expérimentation que ce que nous avons fait les autres fois. Mais nous aimons ça, oui, nous ne nous donnons aucune barrière et là, nous avons vraiment fait ce que nous voulions. Et nous nous sommes rendus compte, une fois que c’était fini, que c’était une sorte de condensé de tout ce que nous avions pu faire avant.
Dans la mesure où Dead Of Night avait eu un impact sur Carnivora et de façon générale sur votre évolution musicale, dans quelle mesure Bends a-t-il eu également un impact sur A Farewell To Dawn ?
Non, l’impact de Bends s’arrête juste après qu’il ait été fait. C’est-à-dire que nous avons joué les morceaux sur scène, parce qu’à cette époque-là, nous avions une tournée avec Triggerfinger, qui vise un public plus rock, plus accessible et ça tombait très bien avec la couleur de Bends, donc nous jouions ces morceaux-là. Mais aujourd’hui, nous ne les jouons plus, ils appartiennent à cette période-là. Ça a donc duré sur cette tournée, nous avons continué à jouer quelques morceaux, mais là, dans le set, il n’y a aucun morceau de Bends. Donc Bends n’a eu aucune influence, aucune incidence sur le disque que nous sommes en train de sortir.
D’ailleurs ressentez-vous toujours aujourd’hui l’influence de l’expérience qu’avait constituée Dead Of Night, et plus généralement continuez-vous à être inspirés par une approche cinématographique de la musique ?
Toujours. Dead Of Night est vraiment un marqueur dans la vie du groupe. C’est-à-dire que, déjà, jusqu’alors, nous étions cantonnés, dans le groupe et dans la tête des gens, à du stoner. Avec Dead Of Night nous avons cassé tout ça, parce que même ceux qui trouvent qu’il y a du stoner là-dedans, je ne sais pas où ils le trouvent, mais il n’y en a pas. Donc ça nous a montré qu’en ayant moins de références directes, nous étions plus intéressants au final, donc ça a servi à tous les disques par la suite. Puis aujourd’hui, dans le nouvel album, par exemple, il y a des choses qui sont directement héritées de Dead Of Night, notamment l’utilisation des claviers, des instrumentaux, c’est vraiment du post-Dead Of Night, et puis dans l’ouverture, dans le fait de penser la musique exactement en fonction des sentiments, et pas de calquer des sentiments sur une musique déjà existante, ce que font beaucoup de groupes et ce que nous avons aussi beaucoup fait : il y a un riff, et ensuite nous essayons de trouver une émotion qui va dessus. Là c’est le contraire, nous avons une émotion, nous allons en faire la musique. Un morceau comme « Farewell To Dawn », nous lui avons donné le titre de l’album parce que ce morceau est tellement fort, tellement différent… Et il est tout seul ! C’est le seul instrumental, synthétique, il n’y a rien, pas de basse, pas de guitare, enfin très peu. Et nous avons dit que ça allait quand même être le titre de l’album parce que ce morceau-là est très fort et résume bien l’ambiance du groupe que nous avions avec Jérémy à ce moment-là. Et pour revenir au côté cinématographique, dans les clips, dans le choix des clips, nous ne choisissons pas du tout les morceaux les plus classiques de 7 Weeks, car ce sont des morceaux à riffs. Nous prenons des morceaux plus évocateurs, plus ambiants, pour que les images découlent super bien dessus.
Durant cette année, vous avez un peu délaissé la scène. Est-ce que c’est lié à l’enregistrement de ce disque ?
Nous n’avons effectivement pas joué pendant onze mois. Nous avons commencé à bosser avec le groupe à la suite de cette pause, vers mai-juin 2015, mais Manu nous a dit qu’il arrêtait à ce moment-là. Donc nous avons fait une pause et avec Jérémy nous nous y sommes remis en septembre, et nous avons enregistré le disque en décembre. Donc pendant trois mois, nous n’avons fait que ça, que de la musique, ce que nous ne faisions jamais les autres fois parce qu’avec les concerts, tu as toujours tout un tas de choses à faire, la logistique, la promo, etc. Là, nous n’avions rien d’autre à faire que de nous concentrer sur la musique. Et nous avions délaissé la scène pendant onze mois car cela faisait dix ans que nous étions au taquet tout le temps, et nous avions besoin de nous poser aussi. En plus, nous étions dans une situation où il fallait que nous remettions le line-up à jour, et donc nous nous sommes un peu concentrés sur la musique, donc effectivement, cela a un rapport plus ou moins direct.
L’album a été composé à deux. Quelle dynamique de création a apporté cette méthode de travail ?
[Réfléchit] C’était compliqué ! Avoir les idées était très simple, se les expliquer c’était très simple puisqu’à deux il y a moins d’interactions avec les avis de tout le monde, donc c’était plus simple. Par contre, à mettre en place, c’était très compliqué parce que jamais les morceaux n’ont été joués avant même d’être répétés. En studio, quand nous étions tous les deux avec Jérémy, un coup je faisais la basse, avec la batterie, ou alors un coup je faisais la guitare, mais nous ne pouvions jamais tout faire en même temps. Donc nous avons découvert l’album en vrai – nous l’avions quand même maquetté – sur les premières répètes que nous avons faites pour bosser les chansons pour le live. C’était donc un peu spécial mais ça a créé une dynamique. Je pense que ça a beaucoup plus intégré Jérémy au processus de création, et ça a donné des morceaux que nous n’aurions pas faits avant, comme par exemple « Knots », qui est basé sur un pattern unique que seuls les batteurs peuvent trouver. Je n’aurais personnellement jamais trouvé un truc comme ça, car c’est tout décalé et tout, mais nous avons travaillé dans ce sens-là et c’est intéressant parce que ça donne un morceau un peu déstructuré. Ça a donné une bonne dynamique, mais ça a été très difficile à faire.
« Dès les débuts du groupe, nous essayions de bien tous avoir conscience que 7 Weeks ne pouvait pas révolutionner la musique, de par sa conception, sa situation, son contexte culturel, social, etc. […] Donc la seule chose qui nous semble intéressante pour nous à faire, c’est d’essayer d’avoir une démarche artistique la plus ouverte possible. »
Justement, certains groupes trouvent que c’est plus facile de composer à deux car tu rebondis sur les idées de l’autre, etc., et d’autres trouvent que c’est une vraie prise de tête. Toi, tu es un petit peu entre les deux…
Parce que j’ai toujours plus ou moins tout composé dans le groupe mais, à cette période-là, pour la composition de Farewell To Dawn, nous étions deux et nous ne voulions personne d’autre. C’est-à-dire que pour les répètes, nous étions deux aussi. D’habitude, je pouvais composer tout seul, ensuite j’arrivais en répète et nous jouions tous ensemble. Là, nous n’étions que deux. C’était volontaire, nous voulions nous retrouver tous les deux avec Jérémy en tant que membres fondateurs du groupe, et faire cet album à deux. Donc c’était ça la difficulté, c’était de voir ce que pouvaient donner les morceaux, nous avons été obligés de maquetter pour se rendre compte, par exemple.
Comment décrirais-tu le lien qui vous unit tous les deux, d’un point de vue créatif ?
Nous cosignons tous les morceaux ensemble depuis le début, mais c’est plus une histoire d’égalité par rapport au partage des droits, etc. mais j’étais le principal compositeur et il était un peu plus suiveur. Mais sur l’album, là, nous avons plus une relation de complicité sur la composition et ça, c’est vraiment nouveau. Il s’est mis à travailler le chant, aussi ; bon, il n’en fait pas forcément là, mais ça l’a intégré à ce genre de choses. Il n’est pas que batteur, il a envie de faire plus.
Au-delà de la composition, aujourd’hui, 7 Weeks, c’est vous deux. Comment ça se fait que le poste de guitariste soit devenu si instable ?
En fait, les morceaux étaient déjà composés avant même que le groupe existe. J’avais composé, par exemple, les morceaux de la première démo, même du premier EP, sur mon quatre pistes, chez moi, tout seul, et après, j’ai cherché des gens pour les jouer. Il y a donc déjà cette démarche-là. Il y a des groupes qui fonctionnent où les mecs se mettent ensemble dans une pièce et ils font de la musique à trois, à quatre ou à cinq, ça sort comme ça et ça marche comme ça. Nous, ça ne marchait pas comme ça, c’est un autre modèle où je suis principal compositeur. Donc, forcément, il faut ensuite trouver des gens pour jouer ça, et on trouve des gens qui ont envie de faire ça un an, deux ans, et puis qui se lassent parce que ce n’est pas forcément leur musique. Et surtout, le point commun que nous avons avec Jérémy, c’est que nous sommes musiciens professionnels, c’est-à-dire que nous vivons de ça, parce que nous ne faisons que ça. Pour un groupe autoproduit, tu es obligé de ne faire que ça. Notre maison de disques est notre propre maison de disques, etc. Donc c’est beaucoup de boulot. Tous les gens qui ont été dans le groupe sont des gens qui étaient amateurs. Ils jouaient bien, il n’y a pas de souci, mais ils étaient amateurs donc nous n’avions pas la même démarche. Et quand tu es amateur et que tu pars cent jours par an, avec la vie sur la route, le nombre de concerts, le fait d’être loin de chez soi, la fatigue, les tensions qu’il peut y avoir aussi à être toute la journée les uns sur les autres, les gens décrochent au bout d’un moment et préfèrent continuer à rester avec un groupe qui fait moins de dates, où eux vont avoir une activité à côté et faire ce genre de choses. C’est plus ça qui faisait la différence.
Vous aviez trouvé une belle alchimie avec Manuel Costa à partir de Dead Of Night, à tel point qu’il avait fini par intégrer le groupe, et prenant de plus en plus de place musicalement, jusqu’à Bends. Sauf que cette fois une partie des claviers et de la programmation ont été assurés par François Maigret en tant qu’invité. Pourquoi cette collaboration avec Manuel s’est-elle arrêtée ?
En fait, Manu avait une place très importante dans le ciné-concert. Sur Carnivora, il avait une place très importante scéniquement parce que tu ne peux pas passer à côté d’un mec comme Manu qui fait ma taille, qui est chauve, qui a des grosses pattes, qui est habillé en costard et qui remue la tête comme un malade. C’est donc quelqu’un de très théâtral, il avait ce personnage-là sur scène. Après Bends, il a commencé à ne plus suivre la cadence. Manu est plus âgé que nous, il a cinquante ans, et il était un peu fatigué des tournées, et dans la musique, il avait un peu besoin de se retrouver dans son truc à lui. Pour le dernier album, nous ne voulions pas mettre de claviers, enfin, ce n’était pas une obligation mais nous nous étions dits que nous ferions un truc sans claviers, ce n’était pas grave, nous l’avions déjà fait. Mais au final, il y avait des morceaux qui s’y prêtaient tellement que nous avons envoyé les morceaux à François, qui a produit trois de nos disques. Il a rajouté des claviers et quand nous avons écouté le résultat, nous nous sommes dits : « On garde ça, c’est mortel ! » Et comme nous ne nous étions fixés aucune barrière sur ce disque, encore moins que les autres car nous ne savions même pas ce que nous allions en faire – si nous allions en faire un album, un EP ou quoi que ce soit -, nous avons tout laissé. Et nous avons donc ce guest-là, qui est en plus quelqu’un que nous adorons, et nous sommes très contents d’avoir ces morceaux-là au milieu du reste.
Il y a comme un parfum industriel dans ce disque, que ce soit avec l’apport de l’électronique mais aussi dans les sons de saturation, notamment sur la basse, contribuant à faire de votre musique une musique hybride, inclassable. Et si l’on considère la dimension cinématographique que votre musique a pris et prend encore, est-ce qu’on peut dire que votre plaisir créatif, vous le trouvez dans le mélange des univers ?
Toujours. Dès les débuts du groupe, nous essayions de bien tous avoir conscience que 7 Weeks ne pouvait pas révolutionner la musique, de par sa conception, sa situation, son contexte culturel, social, etc. On ne peut pas, aujourd’hui, révolutionner la musique, surtout en faisant un style comme celui-là, surtout en France. Les seuls à faire un peu la révolution, c’est Gojira. Nous ne sommes pas du tout à ce niveau-là, nous ne sommes pas du tout dans cette optique-là, dans cette démarche-là. Donc la seule chose qui nous semble intéressante pour nous à faire, c’est d’essayer d’avoir une démarche artistique la plus ouverte possible. Pour nous, avec nos personnalités, ça donne quelque chose qui va aller du riff stoner de base comme nous avons pu le faire au début, à des morceaux instrumentaux comme A Farewell To Dawn, complètement synthétiques. Alors, je suis très content que tu parles du son de basse, parce que j’ai justement, en tant que bassiste, vraiment travaillé le son de la basse pour qu’il ait aussi ce côté où l’on pense des fois que c’est du clavier, alors que c’est de la basse. J’avais envie d’avoir cette espèce d’osmose entre la guitare, la basse et la batterie, comme Motörhead peut l’avoir dans un autre style et avec d’autres sonorités, c’est-à-dire qu’on ne sait plus qui fait quoi. Le bloc est là, et cette basse très saturée et en même temps très synthétique, c’est notre manière à nous de lier le tout, avec les claviers notamment, et avec ces effets et ambiances de guitare que nous pouvons avoir des fois, qui sont très barrées, très ambiantes. Nous essayons de faire ça.
« J’avais envie d’avoir cette espèce d’osmose entre la guitare, la basse et la batterie, comme Motörhead peut l’avoir dans un autre style et avec d’autres sonorités, c’est-à-dire qu’on ne sait plus qui fait quoi. »
Il y a un gros travail sur des atmosphères malsaines, voire martiales sur ce disque : interludes, arpèges, riffs dissonants, passages répétitifs, bruitages. D’où vient cette noirceur ?
Comme je le disais tout à l’heure, nous n’avions pas de volonté particulière de composition, donc c’est le contexte. Après, ce n’est jamais la fête les textes de 7 Weeks, mais c’était le sentiment du moment. Après, il y a des textes qui étaient écrits depuis très longtemps. « The Ghost Beside Me » est écrit depuis au moins trois ans. C’est quelque chose que je chantais souvent en balance, donc le texte existait sans la musique. « Kamikaze » a été écrit l’an dernier, mais alors, rien à voir avec les événements qui se sont passés en novembre. C’est le kamikaze japonais, c’est une histoire, ça n’a rien à voir avec tout cela. Ce sont des textes que j’avais et qui sont, oui, assez sombres, assez noirs, et les interludes renforcent cela, car justement, il n’y a pas de texte et c’est très évocateur, avec les nappes de clavier, c’est un peu flippant. Ça aussi est hérité de Dead Of Night, ces interludes qui vont faire la liaison. En fait, « Ohka », par exemple, un interlude d’une minute, instrumentale, c’est l’intro de Kamikaze. Mais cette intro, nous avions envie d’en faire autre chose. Au départ, il y avait juste la guitare, nous l’avons envoyée à François Maigret, et je lui dis : « Tu connais « Johnny Favorite » ? C’est un morceau de la BO de Angel Heart. » Il me dit que non, alors je lui dis d’aller voir sur YouTube. Alors il l’écoute, et je lui demande s’il peut me faire un truc comme ça sur l’intro d’ « Ohka ». Il me dit : « OK. » Il m’a envoyé ça cinq ou dix minutes après en studio, nous l’avons rentré sur la clé USB, nous l’avons mis sur ProTools et voilà, ça a donné ce morceau-là. Il y a des choses qui se sont passées comme ça et au final, nous avons un morceau complet, alors qu’au départ c’était juste trois arpèges de guitare qui était tout seuls.
Quel a été l’apport de Francis Caste, qui a produit l’album ?
Déjà, humainement, un mec super, il nous a super bien accueillis. Et alors, lui, il nous a poussés dans nos retranchements… C’est-à-dire que c’est quand même un esclavagiste, au bon sens du terme. Il te jauge, il voit jusqu’où tu peux aller et il t’y fait aller. Jérémy est un cogneur à la batterie, et il l’a fait cogner deux fois plus. S’il cogne comme ça en concert, je lui jette des cailloux. Mais pour le studio, c’était super, parce que le son de la batterie est énorme. Et puis pareil pour la guitare. Je me suis tapé basse, chant et guitare, donc j’avais énormément de trucs à jouer, je n’étais pas ultra prêt et il m’a fait jouer tout, au moins six fois ! Ensuite, il choisit les pistes, il mixe, etc., et il a fait un vrai travail de prod, notamment sur les voix et sur les ambiances guitare et ça, c’est super. Nous nous sommes très bien entendus là-dessus avec lui. Et en plus, le style lui plaisait. Il fait beaucoup de trucs assez extrêmes et je crois qu’il était content de se taper un truc qui correspond plus à ses références 90’s, à lui. Donc sur le chant, le placement, les harmonies, il a fait un gros travail.
Tu évoquais l’ambiance des textes et des compos. Est-ce que tu peux approfondir les thématiques de l’album ?
Déjà, ce n’est pas un album concept. Les thématiques… [Réfléchit] Généralement, il me faut au moins six mois ou un an pour me rendre compte de ce que j’ai voulu dire dans les textes. Mais si je les prends dans l’ordre, par exemple, « King In The Mud » parle, au premier degré, de la créature du marais qui est roi dans son marais mais qui s’assèche et qui cherche la pluie, donc la thématique, qu’est-ce que ça peut être là-dedans, il me faut un peu plus de temps [petits rires]. Après, « The Ghost Beside Me », ça, je sais exactement vu que c’est un vieux morceau, ça parle de l’inspiration, qui est quelque chose d’hyper motivant, d’hyper régénérant, et qui en même temps peut des fois sembler être une malédiction, je trouve, parce que vu que je n’écris que des trucs sombres, des fois je me dis que si je n’écris que des trucs sombres, c’est bien que, bon… Voilà. Après, « Kamikaze », je ne sais pas pourquoi, j’avais envie de raconter cette histoire d’un pilote japonais qui, au moment de s’écraser, se dit : « Qu’est-ce que je suis en train de faire ? » J’ai écrit ce texte-là suite à un film qui s’appelle Le Dernier Kamikaze ou un truc comme ça. C’est un film japonais sur un mec qui ne s’est pas écrasé et qui est une espèce de honte sociale au Japon, et le film est basé là-dessus et sur ses enfants qui cherchent à retrouver son passé, pourquoi il a eu cette action-là et tout. C’est toujours soit des histoires, où je prends des choses du quotidien que j’essaie de détourner un peu, de manière des fois un peu fantastique, comme « The Ghost Beside Me », soit ce sont des états d’esprit que j’exacerbe, pour en faire quelque chose de plus intéressant, parce que mes propres états d’esprit ne sont pas intéressants, ma vie ne regarde que moi. Par contre, j’utilise des sentiments que j’ai et je fais comme la musique, je les amplifie, je les rends plus forts qu’ils ne le sont, pour que ça donne quelque chose de plus fort, qui te fait sortir du quotidien.
Vous avez annoncé le nouveau line up du groupe, en précisant bien qu’il s’agit d’un line-up de tournée…
Oui, parce que nous ne savons pas ce que sera le prochain album. Si ça se trouve, ce sera un album électro, et nous aurons besoin d’un gars qui fait de l’électro, ce que nous n’avons pas là. Là, nous avons Gérald à la guitare, et PH qui fait guitare et claviers. Donc c’est le line-up dont nous avons besoin pour la tournée. C’est ce que nous faisions avec Manu. Au début, nous l’avions dit, c’était 7 Weeks featuring Manu from Olen’K, qui est son groupe, un groupe de trip-hop, et après nous ne mettions plus le featuring puisqu’il nous suivait sur les tournées et tout. Mais nous avons toujours fonctionné un peu comme ça parce que Limoges, c’est une petite ville, avec une petite scène et peu de musiciens, et au final, nous sommes obligés de faire plus des collaborations que d’avoir un vrai groupe, parce que le vrai groupe, c’est Jérémy et moi, depuis le départ.
Envisagez-vous de rester à deux pour la compo et d’engager des musiciens additionnels juste pour les tournées ?
Je ne sais pas, il n’y a pas de recette. Là, les gars avec qui nous bossons, qui sont des mecs super cools, qui jouent bien et tout, mais nous les connaissons depuis peu de temps. On verra comment ça se passe avec eux au moment d’attaquer la composition, mais de toute façon depuis le départ avec Jérémy, c’est nous qui composons la musique. À part pour Dead Of Night où nous étions vraiment quatre à travailler sur le film en même temps, et encore il y avait des morceaux que j’avais écrits tout seul, mais sinon, en général, les idées viennent plutôt de moi. Donc nous ne sommes pas arrêtés là-dessus. C’est plus les formations live qui sont plus difficiles à prévoir en fonction de ce que nous avons à jouer sur scène, mais la composition c’est toujours plus ou moins Jérémy et moi.
Votre tournée a été annoncée et pour l’instant, il n’y a pas beaucoup de dates. A quoi est-ce dû ? Doit-on s’attendre à d’autres dates ?
Oui, parce que celles-ci sont des dates promotionnelles, en gros, pour la sortie de l’album, et le tourneur travaille sur 2017, en fait. Donc il y a beaucoup de gens qui me demandent « Est-ce que vous venez à Lyon, est-ce que vous venez ici, est-ce que vous venez là ? », je leur réponds à chaque fois « sûrement sur 2017 », parce que là, il n’y aura pas d’autres dates d’ici la fin de l’année, c’étaient des dates qui étaient quasiment calées en fonction de la sortie du disque. Nous ne ferons pas ce que nous avons fait sur Carnivora, c’est-à-dire enquiller trente dates pour la sortie d’album en deux mois. Mais ça, c’est parce que le disque était prêt huit mois avant qu’il sorte. Là le disque était prêt en avril-mai, et il sort en octobre, c’est moins de six mois.
Interview réalisée en face à face le 19 octobre 2016 par Aline Meyer.
Fiche de questions et introduction : Philippe Sliwa.
Retranscription : Robin Colas.
Site internet officiel de 7 Weeks : 7weeks.fr
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