Oui, 7 Weeks aurait pu légitimement tout arrêter. Les Limousins, las des galères inhérentes à la vie de groupe sur la route (problèmes de label, line up instable), se sont interrogés à la fin de l’ère A Farewell To Dawn (2016) sur le bien-fondé de persister dans un mode de vie qui nécessite une véritable dévotion à la musique. Le noyau du groupe, le chanteur Julien Bernard et le batteur Jérémy Cantin-Gaucher, a tranché : 7 Weeks est un groupe résilient, inspiré par la difficulté. Le groupe s’est trouvé un nouveau line up avec l’arrivée d’un claviériste-guitariste en la personne de PH Marin et d’un autre guitariste, Fred Mariolle. Sisyphus est un titre à-propos, évidemment inspiré de la mythologie grecque et de l’interprétation d’Albert Camus : quoi qu’il arrive, la tâche continue et doit continuer. 7 Weeks a mis un terme à un cycle avec A Farewell To Dawn. Sisyphus se charge d’amorcer un nouvel élan, avec son lot d’ajustements et de renouvellements. Une chose est certaine : 7 Weeks a eu le nez creux de survivre.
La musique de Sisyphus a cherché à s’affranchir des aspects plus « monolithiques » sur le plan sonore. Les premières secondes de « Gone » suffisent pour s’en rendre compte. Certes, 7 Weeks fait toujours honneur à son essence rock, il laisse cependant bien davantage de respiration aux instruments, comme si chaque musicien avait un espace mieux délimité pour s’exprimer. Les claviers de « Gone » sont mis au premier plan et ne sont pas relégués à une fonction d’accompagnement. Les successions d’arpèges de guitare tranchent avec le riffing à l’unisson qui pouvait parfois caractériser le groupe auparavant (les progressions tantôt dynamiques, tantôt lancinantes de « Sisyphus » sont l’argument principal en faveur d’un agencement moins frontal). « Idols » est le parfait exemple de la réussite de cette orientation musicale : la composition est truffée de nuances, que ce soit le groove léché de la batterie, le timbre de pseudo-crooner de Julien Bernard, la progression mélodique qui balise le titre – des arpèges délicats jusqu’au solo poussiéreux – ou l’efficacité d’un refrain plus exubérant. Peut-être que certains déploreront une identité moins « rentre-dedans », mais on ne peut nier le gain en subtilité.
L’auditeur n’a pourtant pas le droit de se trouver déboussolé. 7 Weeks s’inscrit toujours dans le même registre global, quitte à l’expliciter à travers le rock US enjoué de « Solar Ride » aux légers airs de Queens Of The Stone Age. Même lors de l’application de formules familières, Sisyphus se veut plus dynamique, plus vivant (ce qui est une petite prouesse lorsqu’on sait que c’est la philosophie que prône 7 Weeks depuis ses débuts), sans doute grâce à une production live. Julien Bernard ose même prendre des risques en s’illustrant dans un registre plus aigu qui lui permet d’élever l’intégralité de « Solar Ride ». « Breathe » est issu d’un travail de composition articulé autour d’un jeu batterie-guitare quasi intangible à la « No One Knows » de la bande à Josh Homme, structure sur laquelle viennent se greffer toutes les évolutions vocales et les arrangements. « The Crying River » vient quant à lui honorer les influences blues du groupe, porté une fois encore par un refrain entêtant : 7 Weeks est passé maître dans l’art de la chanson et pas seulement celui de l’instrumentation. Plus insolite est la conclusion « 667-off », composition issue d’un bœuf qui offre une rétrospective sur l’évolution musicale du groupe : de l’énergie juvénile (une introduction et un riffing stoner abrupts qui ne sont pas sans rappeler l’esprit de « Loaded (Burnt) » sur All Channels Off) à des plages plus nuancées pour aboutir sur un final explosif, une catharsis presque cinématographique. La « chanson d’une vie » en somme.
Sisyphus a l’éloquence nécessaire pour nous faire comprendre que 7 Weeks a retrouvé toute sa détermination et persévérance. Il laisse son passé derrière lui et n’a que trois grands desseins : composer, enregistrer et tourner. Le tout sans se soucier des conséquences futures ou d’un statut à atteindre. Sisyphus honore toujours les affects de ses musiciens en conservant et affûtant un langage rock plus complexe et évocateur que les discours primaires. L’album profite d’une intelligence de répartition des instruments et de la voix, tout en ayant l’influence émotionnelle que peut avoir une bonne chanson et la spontanéité qui devrait être le prérequis immuable du rock.
Clip vidéo de la chanson « Solar Ride » :
Album Sisyphus, sortie le 31 janvier 2020 via F2M Planet. Disponible à l’achat ici