On peut dire que depuis qu’Accept s’est reformé en 2009, en se réappropriant sa recette à succès avec l’album Blood Of The Nations (2010), il s’est imposé une feuille de route très claire : surtout ne rien changer. Et c’est avec une discipline toute germanique qu’il s’est efforcé de figer sa musique quatre albums durant, y compris le petit nouveau, The Rise Of Chaos. Même producteur Andy Sneap aux commandes et toujours ce duo exclusif, le guitariste Wolf Hoffmann et le bassiste Peter Baltes, pour concevoir les chansons. Certes, du changement, il y en a récemment eu dans les rangs du groupe, avec les départs de Herman Frank et Stefan Schwarzmann, respectivement remplacés par Uwe Lulis et Christopher Williams en 2015. Mais l’impact sur la musique est totalement transparent, Lulis, comme son prédécesseur, n’ayant même pas enregistré de guitare sur l’album.
C’est donc en grande partie de cette maîtrise du non-changement dont nous avons parlé avec Hoffmann, et de cet état d’esprit conservateur où le plaisir du fan est, d’une façon qui peut paraître très altruiste, l’objectif premier. Mais parler de ce nouveau disque, qui donc ne surprendra personne, c’est aussi rebondir sur quelques thématiques qui permettent d’en savoir plus, par exemple, sur les regrets ou son rapport à la technologie.
« C’est facile de s’emballer pour quelque chose que tu n’as jamais fait avant mais tu veux que ce soit reconnaissable comme étant Accept, comme étant ton propre style. Donc tu es parfois pris entre le marteau et l’enclume. »
Radio Metal : Vous avez énormément tourné pour l’album Blind Rage. Est-ce que ça signifie que vous avez écrit les nouvelles musiques sur la route ?
Wolf hoffmann (guitare) : Non, pas en grande partie. Nous avons seulement fait une tournée pour sortir du studio, c’était avec Sabaton. Nous avons fait cette tournée, oui, mais c’était surtout pour sortir du studio et changer un peu d’environnement, et nous avons effectivement écrit un peu de musique sur la route mais le principal était déjà écrit avant que nous partions en tournée. Nous avons juste profité du temps passé sur la route pour travailler sur des overdubs, des arrangements, et c’est beaucoup de travail qui a d’habitude lieu en studio. L’essence des chansons était peut-être terminée mais ensuite, tu trouves plein de petits détails qui ont encore besoin d’attention et de parties à arranger, des parties solos, tout ce type de choses et une bonne partie du temps passé sur la route a été consacré à peaufiner tout ça, pour finaliser ces trucs.
La dernière fois que nous t’avons parlé, tu nous as dit qu’ « un album n’est qu’un moyen pour toi de partir en tournée […]. Le cycle commence toujours avec l’album mais le but final, c’est toujours de partir en tournée, rencontrer les fans et jouer les chansons à des fans dans le monde entier. » Est-ce que tourner est votre seule motivation pour écrire de la musique ?
Non, et je doute que c’est ce que je voulais dire en disant que l’album est un moyen, parce que l’album, pour moi, représente beaucoup plus que ça, vraiment. Peut-être que c’est le point de départ pour partir en tournée, et c’est vraiment le point de départ d’un cycle, oui. Mais vraiment, un album, idéalement, est quelque chose qui aura une longévité, que les fans pourront considérer dans quelques années et dont ils parleront encore, aimeront et écouteront. Donc c’est plus qu’une excuse pour partir en tournée mais à la fois, tu as raison, c’est toujours le même cycle : ça commence avec l’album, ensuite tu pars sur les routes, ensuite tu fais un autre album et ainsi de suite, c’est vrai. C’est juste comme ça que ça se passe. Mais partir en tournée est vraiment ce que je préfère. Bon, en fait, j’aime être en studio aussi mais partir en tournée est bien plus palpitant, tu peux rencontrer de nouvelles personnes tout le temps et, je ne sais pas, c’est plus marrant, d’une certaine façon.
Tu nous as aussi dit que vous « ne voul[ez] pas faire quoi que ce soit que [vous] n’ay[ez] fait auparavant. [Vous] essay[ez] juste de [vous] améliorer dans exactement ce que [vous êtes] censés faire. » Y a-t-il encore une marge d’amélioration dans un groupe comme Accept après quarante ans ?
Ouais, eh bien, c’est la question en or ! C’est à ça que nous essayons de répondre à chaque fois que nous faisons un album. Car parfois on a le sentiment que nous avons déjà fait tout ce que nous devrions faire. Je sais que nous ne devrions pas faire quelque chose qui ne sonne pas comme nous, mais à la fois, tu composes quelque chose qui t’emballe, et c’est facile de s’emballer pour quelque chose que tu n’as jamais fait avant mais tu veux que ce soit reconnaissable comme étant Accept, comme étant ton propre style. Donc tu es parfois pris entre le marteau et l’enclume. C’est juste que ça prend du temps et ça requiert de la patience pour y arriver, et c’est peut-être pourquoi les albums prennent plus de temps plus ta carrière s’allonge. Les groupes, souvent, surtout dans les années 70 et 80, sortaient des albums comme ça, tous les ans, et maintenant, les mêmes groupes ou artistes prennent parfois cinq ans. Peut-être que c’est l’explication, parce que tu as parfois l’impression que tu ne peux pas gagner, tu as fait tout ce que tu veux faire et rien ne semble t’enthousiasmer. Je crois que si ça ne m’enthousiasme pas, alors ça ne devrait pas sortir. Je ne veux pas publier de chansons qui me font ressentir que ça va, que de toute façon les fans aimeront. Je ne veux pas faire ça. Je veux faire des choses derrière lesquelles je peux me tenir à cent pour cent. Et ouais, parfois ça prend plus de temps d’y arriver.
Et qu’avez-vous essayé d’améliorer, spécifiquement, sur The Rise Of Chaos ?
Ce n’est rien de vraiment spécifique. Je ne peux pas vraiment dire que nous voulions nous améliorer sur telle ou telle chose, c’est juste la qualité globale des chansons qui doit être au rendez-vous. Et je crois, ou j’espère, que nous avons une collection de dix chansons toutes aussi solides les unes que les autres cette fois. C’est un autre aspect : je voulais m’assurer qu’il n’y ait pas de point d’interrogation sur cet album ou de chanson pour lesquelles tout le monde dit : « Bon, vous auriez pu laisser celle-là de côté. » Parfois tout le monde a ces chansons et cette impression tenace : « Ouais… Je ne suis pas à cent pour cent convaincu mais avec un peu de chance, tous les autres trouveront qu’elle est géniale. » Donc c’est ce que j’ai essayé d’éviter et c’est pourquoi nous avons choisi les meilleures chansons et les avons travaillé jusqu’à ce que nous étions sûrs qu’elles étaient prêtent à sortir. Mais il n’y a rien de particulier qu’on peut mettre avant comme étant une chose sur laquelle nous avons essayé de nous améliorer.
« Nous ne faisons pas cet album pour nous-mêmes. Nous le faisons pour le public. Mais c’est pareil pour les concerts. Lorsque nous montons sur scène, nous essayons de faire plaisir au public, nous ne jouons pas vraiment pour nous faire plaisir à nous-mêmes, même si c’est très amusant. »
Est-ce important que des groupes comme Accept se présentent comme des piliers de la tradition du heavy metal ? As-tu un sentiment de responsabilité par rapport à ça ?
Je ne me suis jamais senti comme ça mais je suppose que nous sommes des pionniers dans la communauté metal. Que nous ayons une responsabilité, honnêtement, je m’en fiche un peu. Je pense juste à ce qui est bien pour nous de faire. Je pense que tu dois faire ce que tu fais le mieux et tu ne peux pas être tout pour tout le monde. Tu dois te demander : qu’est-ce qui nous a amené ici ? Et on doit se tenir à faire ça. Après tout, c’est ce style qui reçoit de l’attention mondialement et que les fans partout dans le monde aiment. Ils ne nous aiment pour aucune autre raison et ils ne veulent pas que nous soyons qui que ce soit d’autre. Donc nous devrions être notre propre… Nous avons une sorte de marque de fabrique, je suppose, c’est ce que nous devrions faire !
Si vous changiez trop, aurais-tu l’impression de trahir les fans ou même toi-même ?
Bien sûr ! Et ils seraient les premiers à nous le dire ! Nos fans sont très passionnés par la musique. Ils nous diraient immédiatement si nous essayions de sonner comme un autre groupe ou si nous changions de direction. Tu sais, nous l’avons fait par le passé et immédiatement, tout le monde était sur nous et nous disaient qu’ils n’aimaient pas, ou peu importe. Au bout du compte, nous n’essayons pas de nous faire plaisir à n… Nous ne faisons pas cet album pour nous-mêmes. Nous le faisons pour le public. Mais c’est pareil pour les concerts. Lorsque nous montons sur scène, nous essayons de faire plaisir au public, nous ne jouons pas vraiment pour nous faire plaisir à nous-mêmes, même si c’est très amusant, mais nous essayons vraiment de satisfaire le public. Ce sont eux qui achètent les billets, donc ils devraient pouvoir apprécier et voir et entendre les chansons qu’ils veulent entendre. Mais dans un album, il faut quand même que tu le rendes aussi bon que possible et le travailler jusqu’à ce que tu sois personnellement satisfait, je pense, même si le résultat final est toujours destiné aux fans, mais si je ne suis pas convaincu, je sais que je ne pourrais pas convaincre qui que ce soit d’autre. Donc c’est pourquoi je suis généralement mon pire critique. C’est comme ça que je vois les choses [petits rires].
Depuis Blind Rage, vous avez accueilli Uwe Lulis à la guitare et Christopher Williams à la batterie. Y a-t-il une routine particulière lorsque vous accueillez de nouveaux membres dans le groupe pour qu’ils s’alignent sur le son d’Accept ? Est-ce que tu leur expliques et travailles avec eux sur cet aspect ?
Nous ne le faisons pas si souvent que ça au point d’avoir une routine [petits rires]. C’est vraiment toutes les quelques années que ça se produit, ce sont des circonstances différentes, je crois, et dans ce cas, Herman [Frank] et Stephan [Schwarzmann] sont partis parce qu’ils voulaient former leur propre groupe. Donc ouais, nous avions besoin de nouveaux membres et il se trouve que nous les connaissions tous les deux, donc ça s’est fait sans mal, il n’y a pas eu d’audition ou autre. Donc une fois que nous leur avons demandé de nous rejoindre, ils étaient surexcités. Et bien sûr, il y a quelques trucs que nous faisons, mais ce n’est pas comme si nous nous posions et leur disions : « Voici ce que tu fais, voici ce que tu ne fais pas. » Je suppose que ça vient pendant les premières semaines quand quelqu’un travaille avec nous, il s’adapte à notre rythme et notre façon de faire. Donc nous laissons les gars s’adapter. Ce n’est pas comme si nous avions une organisation stricte… Peut-être que c’est le cas et je n’en ai pas conscience. Mais non, nous n’avons pas de routine [petits rires].
Toi et Peter êtes les principaux compositeurs du groupe et initiez toujours la création des chansons. Mais comment les deux nouveaux membres ont-ils contribué au processus de composition ?
Ils n’y ont pas contribué, vraiment, pour te dire brutalement la vérité. Christopher a contribué avec son jeu de batterie, donc il a joué sur les chansons et rien que ça a façonné les chansons jusqu’à un certain point, évidemment, et ensuite, pour être franc, j’ai toujours joué toutes les guitares au fil des années sur les albums et je ne veux pas vraiment changer ça uniquement pour qu’un nouveau membre ou un nouveau guitariste puisse être amené à bord ou je ne sais quoi. Nous ne voulons pas vraiment changer notre manière de travailler, parce que c’est quelque chose que nous portons en haute estime et qui nous est très chère. Peter et moi travaillons ensemble depuis quarante ans et nous ne voulons pas casser ça. Donc ils n’ont pas tellement contribué, pour être honnête. Uwe Lulis, ça ne lui pose pas de souci, c’est plus ou moins un musicien de live.
Après son départ, Herman a dit qu’il se sentait frustré de ne pas pouvoir contribuer plus au processus de composition dans Accept. Est-ce quelque chose dont vous avez parlé avec Uwe et Christopher avant de les recruter, afin de clarifier leurs rôles dans le groupe dès le départ ?
Bien sûr, et nous avons parlé de ça avec Herman également. Donc évidemment il dit ça maintenant qu’il est parti du groupe, peu importe. Mais je ne veux plus faire de commentaire sur le sujet.
« Avant, il y avait certains tabous qui aujourd’hui sont constamment brisés. On dirait vraiment que les choses sont amenées à des extrêmes désormais et qu’il n’y a aucune limite. »
Tu as déclaré que The Rise Of Chaos « décrit la condition qui est lentement en train de se répandre dans le monde. » Peux-tu nous parler de ta vision actuelle du monde et comment tu l’analyse ?
On dirait qu’en regardant autour de nous et les news, il y clairement un esprit de chaos dans le monde en ce moment. Tout ce que nous prenions pour acquis comme étant des choses que les gens ne faisaient pas, ou ne disaient pas, sont faites et dites aujourd’hui. Je veux dire qu’avant, il y avait certains tabous qui aujourd’hui sont constamment brisés. On dirait vraiment que les choses sont amenées à des extrêmes désormais et qu’il n’y a aucune limite. Politiquement mais aussi regarde la façon dont la violence se répand dans le monde. Les gens se font sauter dans des concerts maintenant. Où est-ce que ça va finir ? Donc il est clair que ça paraît être vraiment de plus en plus chaotique. C’est partout autour de nous, ici en Europe, aux US, partout où tu regardes. Et regarde la façon dont le climat est en train de se dérégler et être hors de contrôle. C’est aussi quelque chose dont on pourrait s’inquiéter et qualifier de chaos. Donc tu peux interpréter ce titre de plein de façons. Donc ça semblait correspondre à notre époque, et c’est le cas parce que tout le monde rebondit dessus. Genre : « Oh, est-ce que vous avez écrit ça pour Trump ? Ou ci ou ça ? » Mais non, pas vraiment en particulier, mais ça semblait bien.
Est-ce que ça nourri votre colère et votre énergie que vous mettez dans votre musique ?
Non, notre musique est toujours inspirée par la musique et non par les paroles. Oui, nous voulons avoir des paroles éloquentes mais le sens des paroles et tout le contenu, je dirais, est secondaire. Et je n’aime même pas tellement expliquer notre musique parce que ça fait croire que les paroles sont plus importantes que la musique, alors que ce n’est pas le cas. Nous voulons écrire de la musique où ce sont les riffs et l’énergie des chansons qui parlent, ce genre de choses. Ensuite tu devrais te concentrer sur les lignes de chant, et ci et ça, à la fin. Si ça t’intéresse, ouais, il y a aussi des paroles. Mais ce n’est pas la partie la plus importante. Je pense que l’inspiration vient bien plus de la musique. Le heavy metal a toujours été porté sur le côté sombre, l’agression et la puissance. Ça n’a jamais été sur l’amour ou les trucs joyeux, et ça ne devrait pas l’être, selon moi, tout du moins pas de la façon dont nous écrivons. C’est toujours un peu sinistre… Je veux dire que ça toujours été dans ce genre de choses, donc c’est tout à fait naturel que nous chantions beaucoup à propos de choses malfaisantes. Mais ça ne veut pas dire que nous sommes déprimés, et ça ne veut pas dire que nous voyons le monde de façon horrible et négative. Il se trouve juste que dans ces chansons que nous avons choisies, il y a plein de sujets sombres, c’est vrai.
Le titre de l’album précédent, Blind Rage, était déjà inspiré par ce qui se passait dans le monde à l’époque…
C’est à chaque fois le cas ! Je pense que chaque album en soi est une déclaration et une marque dans le temps, si tu veux. Presque comme « ceci est la situation dans nos vies, celles-ci sont les chansons que nous écrivons maintenant et si vous attendez quelques années, vous obtiendrez une autre collection de chansons. » En fait, si nous écrivions continuellement des chansons, alors elles ne feraient que changer un peu graduellement au fil du temps, mais il n’y aurait jamais ce genre de « un album signifie ceci, un album signifie cela. » Un album n’est vraiment qu’une collection de douze ou dix chansons, et il se trouve qu’elles sortent toutes à un moment dans le temps. C’est tout. C’est la déclaration que nous faisons à ce moment précis. Mais il n’y a pas d’autre signification particulière. Comme je l’ai dit : cet album n’a pas de déclaration collective ou une pensée profonde derrière, ou peu importe.
Avec tout le chaos dans le monde aujourd’hui, penses-tu qu’un groupe comme Accept, qui est très direct et cohérent, peut représenter un havre de paix où les metalleux peuvent aller, pour trouver le réconfort ou quelque chose qu’ils peuvent saisir ?
[Rires] C’est un objectif noble ! Ça serait sympa si nous pouvions [petits rires] sauver le monde, pour ainsi dire. J’aurais aimé ! Mais je crois que le heavy metal en général a une sorte de longue tradition et c’est quelque chose que les gens parviennent à aimer et apprécier, et durant les concerts surtout, j’ai toujours le sentiment que ça permet aux fans d’évacuer leur énergie de façon très pacifique. Au bout du compte, tout est une question de profiter de ce que l’on aime, s’éclater et relâcher la pression, mais ce n’est jamais tellement plus que ça. J’ai toujours l’impression que lorsque les gens sortent de nos concerts, ils se sentent paisiblement comblés. Tout le monde sort heureux, j’espère. Ils ont tous crié et sauté, en levant le poing, mais ce n’est jamais par colère. Au final, c’est toujours très plaisant pour nous et le public. Donc peut-être qu’il y a ce type de facteur là-dedans mais je n’irais pas jusqu’à dire que ça t’abrite de la vie de tous les jours ou quoi. Peut-être un tout petit peu, je ne sais pas.
A propos de l’artwork, tu as dit : « Avant, nos artworks étaient très simples et concentrés sur un message. Mais cette fois, nous voulions le rendre plus intéressant en utilisant une image atmosphérique où tu peux apercevoir plein de détails, mais aussi avec la présence d’une déclaration claire et réfléchie. » Du coup, vouliez-vous que la subtilité de l’artwork représente la complexité du monde ?
Peut-être un petit peu, ouais. Lorsque nous avons pensé à ce que nous allions utiliser comme illustration avec le titre The Rise Of Chaos, le décor de scène que nous avions tout juste conçu est venu à l’esprit car tout le monde l’a adoré et il possède ce côté post-apocalyptique, ce côté bâtiment ou complexe industriel. Nous avons dit : « Ça ne serait pas cool si nous avions la même chose mais dans une version où on verrait les répercussions, pendant l’apocalypse ou ce chaos ? » Donc il a un peu ce côté Godzilla après l’attaque, si tu veux, un peu. Et il y a plein de petits détails dans le décor de scène et dans cette illustration mais il ne faut pas les sur-interpréter. Au final, c’est fait pour avoir l’air impressionnant et cool, et susciter un peu l’imagination.
« Je n’aime même pas tellement expliquer notre musique parce que ça fait croire que les paroles sont plus importantes que la musique, alors que ce n’est pas le cas. Nous voulons écrire de la musique où ce sont les riffs et l’énergie des chansons qui parlent. »
Dans la chanson « No Regrets », Mark chante : « J’ai fait des erreurs mais je n’ai jamais eu tort… »
Ouais, je n’ai moi-même jamais compris cette phrase ! [Rires] Et je ne suis pas sûr de totalement adhérer à ça. Tout le monde a fait des erreurs, et je suis sûr qu’ils ne les regrettent pas non plus parce que j’ai une philosophie qui veut qu’une fois que tu as fait quelque chose, que tu l’as assumée et qu’au final ça s’avère être une mauvaise chose, tu ne peux pas revenir en arrière et la remettre en cause. Il faut assumer et passer à autre chose. En l’occurrence, je n’aime pas quand les gens disent : « Bon, nous avons sorti cet album en 1983 mais je l’ai toujours détesté. » Je me dis : « Attends une seconde, tu en as fait partie, alors pourquoi tu ne l’assumes pas ? » Et moi j’assume. Ouais, les choses tournent mal parfois, et alors ? Tu ne peux pas blâmer les autres tout le temps. A la fois, ça n’a aucun sens de revenir en arrière et se dire « j’aurais dû faire ci, j’aurais dû faire ça, les choses seraient devenues… bla bla bla. » Ça ne sert à rien. C’est fait ! Comme on dit : ce qui est fait est fait et tu ne peux pas revenir en arrière. La balle a quitté le revolver. Dès que tu appuies sur la détente, c’est fait, il faut vivre avec !
Dirais-tu que quel que soient les erreurs que tu as fait, elles ont fait de toi ce que tu es aujourd’hui ?
Bien sûr ! Je le crois. En fait, qu’est-ce que l’expérience de vie, si tu y réfléchis ? L’expérience de vie, c’est le fait d’avoir fait un paquet d’erreurs et d’avoir appris grâce à elles. C’est toujours facile pour les gens qui ne font jamais rien de se poser au fond, ne jamais prendre de décision et blâmer ceux qui prennent des décisions. Si tu prends des décisions, tu feras des erreurs, ça ne fait aucun doute. Tous ceux qui font bouger le monde et le secoue, tous ceux qui accomplissent quelque chose, les gens importants, je pense qu’ils ont tous fait un paquet d’erreurs. Tu ne peux pas vivre ta vie sans faire d’erreur ! C’est aussi simple que ça. Et tu apprends de ça et tu passes à autre chose.
Dans « Analog Man », Mark chante : « Je suis un homme analogique pris au piège dans un monde digital. » Est-ce que toi, personnellement, tu te sens comme ça parfois ?
Personnellement, non, mais cette phrase vient de notre chanteur Mark. C’est vraiment lui qui dit qu’il est un homme analogique, et nous échangeons toujours [au sujet des paroles], c’est quelque chose qui est voulu comme étant humoristique, mais il y a une part de vérité là-dedans. Car nous avons tous grandi à une époque où nous n’avions pas tous ces gadgets sophistiqués et nous n’avions rien de digital, certainement pas moi. Mark parle même dans ses paroles d’une époque où la stéréo était le dernier truc à la mode, il se souvient de quand tout était en mono. Personnellement, je ne m’en souviens pas bien mais je comprends assurément de quoi il parle parce que nous avons tous grandi dans un monde sans ordinateur et téléphone portable sophistiqué. C’est clairement une chose avec laquelle on galère au quotidien et c’est pourquoi ça parle à plein de gens. Plein de gens pensent que cette chanson est très drôle, je trouve qu’elle fonctionne super bien !
Et quelle est ta relation à la technologie ?
J’essaie de l’adopter autant que je peux. Je ne suis pas un geek et je ne le serai jamais mais, à la fois, je suis celui dans le groupe qui essaie toujours d’avancer avec la technologie. J’essaie toujours de passer au niveau suivant et voir ce qu’il existe d’autre, pour utiliser la nouvelle technologie sur scène et en studio. Je dirais que, pour un groupe de la vieille école, nous sommes pas mal à la pointe, car je connais plein de gens qui sont désespérément l’inverse, ils sont complètement dans le passé. Ça fonctionne pour eux, j’en suis sûr, mais de la façon dont nous voyageons et dont nous tournons, ça nous a énormément aidés d’utiliser la technologie moderne. Ça nous permet de sonner mieux et travailler plus efficacement. Pareil en studio, lorsque nous enregistrons. Nous pourrions très bien tout enregistrer en analogique parce que nous savions comment faire, et nous le savons encore, mais ça prendrait probablement plus de temps, ça ne sonnerait pas aussi bien, il y a aussi quelques inconvénients, il n’y a pas que des avantages. Tout possède deux côtés. Nous avons choisi ce côté-là.
« Je n’aime pas quand les gens disent : ‘Bon, nous avons sorti cet album en 1983 mais je l’ai toujours détesté.’ Je me dis : ‘Attends une seconde, tu en as fait partie, alors pourquoi tu ne l’assumes pas ?’ Et moi j’assume. »
The Rise Of Chaos est le quatrième album d’affilée que vous faites avec le producteur Andy Sneap. Comment décrirais-tu votre relation de travail avec lui désormais ?
Andy est comme un frère maintenant ! Nous le connaissons depuis sept ou huit ans désormais et c’est le quatrième album. Je n’avais aucune idée de qui était Andy Sneap lorsque nous nous sommes rencontrés pour la première fois mais j’ai découvert qu’il était déjà très connu et qu’il était vraiment quelqu’un dans la communauté metal, et tout le monde le connaissait sauf moi [petits rires]. Mais il se trouvait aussi qu’il était un grand fan d’Accept et c’est pourquoi nous l’avons tout de suite aimé. Bon, pas seulement parce qu’il était fan mais aussi parce que c’est un super mec avec qui travailler, et il s’est avéré qu’il était le gars parfait pour le job. Donc nous sommes restés avec lui et nous avons fait appel à lui depuis lors, et nous le garderons sans doute pour toujours, s’il nous le permet. En ce moment, il travaille avec de grands noms comme Judas Priest, Saxon et qui sait qui il produira l’année prochaine. Donc avec un peu de chance, il nous parlera toujours et nous continuerons avec lui. Mais comme je l’ai dit, il donne l’impression d’être un membre de la famille ou un frère aujourd’hui.
Comment cette relation a-t-elle évoluée depuis le premier album que vous avez fait avec lui ?
Nous avions clairement besoin de plus de conseils durant le premier album parce que nous avions été absents du business pendant longtemps à ce moment-là, et c’était le premier album avec un nouveau chanteur, et le premier album avec Andy Sneap. C’était le premier album, point, depuis de très nombreuses années, si bien que nous ne savions pas où donner de la tête et quoi faire. Du coup, c’était assurément un guide. Il nous donnait la direction dans laquelle aller, il nous aidait à choisir les chansons, il était vraiment très utile. Et progressivement au fil du temps, nous en avions de moins en moins besoin parce que nous trouvions déjà des chansons qui étaient spécifiquement écrites pour l’album. Nous ne cherchions plus tellement. Surtout sur cet album, nous savions plus ou moins ce que nous voulions dès le départ. Mais il nous a sans aucun doute aidé à le mettre sur bande, pour ainsi dire, et le mettre dans la boite et faire en sorte qu’il sonne super, c’est certain.
Vous jouerez un concert spécial en trois parties au Wacken. Une partie d’Accept classique, un seconde où tu joueras des chansons de ton album solo avec L’Orchestre Symphonique National Tchèque, et une troisième où Accept partagera la scène avec l’orchestre et un show multimédia complexe. Comment l’idée pour cet événement spécial est venue ?
Une chose a mené à une autre, je veux dire, depuis que j’ai enregistré Headbangers Symphony l’année dernière – je devrais dire « sorti », car il a été enregistré il y a je ne sais pas combien d’années -, moi et tous ceux qui l’ont écouté ont pensé que ça avait sa place sur scène quelque part. C’est quelque chose que tu veux entendre avec un grand orchestre, c’est là sa place, on veut le voir joué quelque part. Et ensuite nous parlions aux gens du Wacken au sujet de faire un autre concert d’Accept en 2017, et une chose menant à une autre, ils ont dit : « Et qu’en est-il de Headbangers Symphony, tu ne pourrais pas faire ça en même temps ? Ce serait super d’avoir une avant-première mondiale sur scène. » Et quelle meilleure scène pour le faire que la plus grosse scène metal de toutes, le Wacken ? Donc je suis là : « Ouais ! » Et puis est venue l’idée : « Attends une seconde, puisque nous aurons un orchestre et que nous ferons Headbangers Symphony, pourquoi ne pas faire des chansons d’Accept avec un orchestre ? » Donc c’était quelque chose de totalement nouveau. Je n’étais pas trop sûr à propos de ça au départ mais ensuite, nous avons essayé d’arranger les chansons pour l’orchestre, et une fois que j’ai entendu le résultat complet, j’étais convaincu, ça pourrait vraiment bien marcher !
Comment vous préparez-vous à un tel événement, surtout avec un orchestre ?
Beaucoup de travail a déjà été investi dedans. Je veux dire, rien qu’écrire les partitions, faire tous les arrangements, répéter tous ces trucs. Ça représente clairement beaucoup de travail. Mais au final, il y a plein d’inconnues parce que l’orchestre est totalement différent de nous et nous n’avons pas tellement de temps pour répéter avec eux. La technologie sur scène avec tous les instruments différents, ce n’est pas si facile ! Et il y a plein d’inconnues, mais la vie est pleine de risques, n’est-ce pas ?
Est-ce que ce sera enregistré ?
Ouais, bien sûr ! Wacken enregistre toujours et nous prévoyons de l’enregistrer, c’est sûr. A savoir si ça sortira et quand, il faudra attendre de voir comment ça se goupille.
Quelle est votre relation au Wacken Open Air ?
C’est une relation qui dure depuis longtemps. Le Wacken est le plus vieux festival et le plus gros, c’est certain, et je suppose que nous sommes le plus vieux groupe de metal en Allemagne, ou le premier groupe de metal en Allemagne, donc évidemment, il y a historiquement un lien fort, déjà. Nous avons personnellement joué plusieurs fois là-bas. Je suis sacrément excité d’y retourner !
Interview réalisée en face à face le 14 juin 2017 par Aline Meyer.
Retranscription, traduction, introduction et fiche de questions : Nicolas Gricourt.
Photos : Nat Edeme (1, 2 & 5) & Holger Talinski (3 & 6).
Site officiel d’Accept : acceptworldwide.com.
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