Nouveau moment de vérité pour Accept, dix ans depuis son retour avec Blood Of The Nations et le frontman Mark Tornillo. C’est un nouveau changement majeur qui a récemment marqué les légendes du heavy metal teuton (enfin, américano-germanique maintenant). Accept a perdu son bassiste Peter Baltes, ce qui fait du guitariste Wolf Hoffmann le dernier compositeur historique et membre fondateur encore en activité dans le groupe. En contrepartie, le groupe a accueilli Martin Mortnik à la basse et a gagné un troisième guitariste en la personne de Philip Shouse. En cinq ans, Accept a accueilli pas moins de quatre nouvelles têtes. Ça représente d’un côté un apport conséquent en sang neuf, d’un autre côté un risque pour la marque Accept.
Les fans en jugeront par eux-mêmes avec Too Mean To Die. Un album qui annonce d’emblée la couleur, offensive, et force à reconnaître l’esprit combatif et résilient de Wolf Hoffmann qui n’a jamais cessé d’avoir foi en son groupe et en ses capacités de l’emmener vers l’avant, y compris en période de pandémie. Un album qui voit la formule d’Accept s’assouplir, en intégrant Martin Motnik au processus de composition et en élargissant légèrement ses horizons. On en parle ci-après avec le guitariste.
« Quand on a de bons musiciens, ils peuvent être dans le groupe depuis cinq minutes et ça peut être meilleur qu’avec quelqu’un qui a officié pendant dix ans. […] Le simple fait que certaines personnes sont là depuis plus ou moins longtemps que d’autres n’a vraiment aucune importance. »
Radio Metal : Accept revient avec Too Mean To Die, le premier album dans l’histoire du groupe que tu as écrit sans ton partenaire de longue date Peter Baltes. Il a quitté le groupe fin 2018. Le groupe a déclaré que « Peter avait besoin de changement dans sa vie ». L’as-tu vu venir ou bien c’était une surprise complète même pour toi ?
Wolf Hoffmann (guitare) : Nous voyions que quelque chose se tramait et qu’il n’avait plus la passion qu’on doit avoir quand on est dans un groupe comme celui-ci. Il ne se confiait jamais vraiment à nous et ne disait pas ce qui n’allait pas, mais nous savions qu’il y avait quelque chose. Quand c’est arrivé, c’était un peu une surprise mais pas complètement. J’étais triste quand c’est arrivé, mais je suis obligé de respecter sa décision personnelle. Que peut-on faire ? On ne peut rien y faire. J’ai poursuivi ma route avec Accept, la vie continue, c’est la seule chose que je sais faire. Evidemment, je le respecte et si c’est ce qu’il voulait faire, alors je lui souhaite bonne chance. Nous nous connaissons depuis plus de quarante ans, donc notre relation date d’il y a longtemps et il a toujours été un ami, un pote et un partenaire de composition, mais s’il veut changer de vie, qu’il en soit ainsi, je ne peux rien y faire. J’ai essayé de l’en dissuader mais c’est tout ce que je pouvais faire. Nous sommes donc passés à autre chose et nous avons trouvé un chouette type pour prendre sa place, il s’appelle Martin Motnik et Accept sonne super bien. Vous en jugerez par vous-même s’il y a une énorme différence, mais d’après ce que j’ai entendu jusqu’à présent, l’album est très bien reçu. Je ne dirais pas que, personnellement, Peter ne me manque pas, mais l’album n’a pas vraiment souffert de son absence, je pense.
Comment ont été les premiers concerts avec le nouveau line-up ?
Ils se sont très bien passés ! Nous avons fait un paquet de concerts à trois guitaristes l’automne dernier où nous avons joué des musiques d’Accept et c’était incroyable, j’ai adoré ! Nous avons ce nouveau guitariste dans le groupe maintenant, Philip Shouse, nous l’avons trouvé quand il a remplacé Uwe [Lulis] sur la tournée avec orchestre que nous avons faite l’an dernier et nous avons découvert à quel point Phil était un super guitariste et un mec sympa, et que sa personnalité fonctionnait très bien avec le reste du groupe. Nous avons tous pensé que ça aurait été triste de le laisser partir après cette tournée et nous avons décidé de le garder comme guitariste additionnel. Je suis content que nous l’ayons fait parce que c’est un superbe ajout à l’ensemble. Même sur ce nouvel album, nous nous sommes assurés qu’il y aurait suffisamment de passages où nous pouvions faire des duels de guitare et il y a plein d’endroits dans les chansons où nous pouvons échanger des solos. J’ai donc vraiment hâte de jouer ces nouvelles chansons avec un troisième guitariste en concert.
Quel est le rôle de chacun des guitaristes dans le groupe maintenant que vous êtes trois ? Comment ça fonctionne ?
Ca fonctionne exactement comme avec deux guitaristes. En gros, on parle des parties et de qui joue quoi. C’est très facile, en fait. Les gens pensent que c’est très difficile, mais ça ne l’est pas. Chaque chanson est légèrement différente et dans certains cas, on peut faire des doubles solos de guitares pendant qu’un autre guitariste joue la rythmique en dessous, donc il y a trois parties de guitare, et parfois nous sommes deux à jouer les riffs et le troisième guitariste peut jouer une partie d’arrangement qui, normalement, apparaissait seulement sur les albums. Nous avons une option supplémentaire pour les parties de guitare parce que ces albums sont normalement pleins de parties de guitares, donc on peut faire plus de choses avec trois guitaristes, c’est très simple. Chaque chanson réclame un traitement différent.
Quatre membres sur six sont dans le groupe depuis cinq ans ou moins. Est-ce que ça crée une atmosphère spéciale au sein du groupe ? Surtout en termes de nouvelle énergie et d’enthousiasme que les nouveaux apportent…
Les gens font toujours de drôles de suppositions. Quand on a de bons musiciens, ils peuvent être dans le groupe depuis cinq minutes et ça peut être meilleur qu’avec quelqu’un qui a officié pendant dix ans. Tout dépend de la personnalité, du musicien… Il y a plein de variables qui entrent en ligne de compte et le simple fait que certaines personnes sont là depuis plus ou moins longtemps que d’autres n’a vraiment aucune importance. Mais oui, aussi triste que ça puisse parfois être quand un ancien membre quitte le groupe, le côté positif est que les nouveaux membres apportent du sang neuf. Normalement, les nouveaux gars sont pleins d’enthousiasme et de passion, ils veulent faire leurs preuves et ceci stimule tout le monde. Souvent, avoir du sang neuf dans le groupe c’est une très bonne chose, c’est bienvenu, ça donne un coup de pied au cul. C’est très sympa d’avoir de nouvelles personnes dans le groupe. Ça apporte quelque chose en plus. J’ai vraiment ressenti ce coup de pied au cul, d’une certaine façon. Martin Motnik, en particulier, a beaucoup aidé dans le processus de composition, et ça m’a complètement pris par surprise. Quand nous avons commencé à composer ces chansons, j’ai dit à tout le monde : « Ecoutez les gars, si vous avez la moindre idée, envoyez-les dans l’arène, faites-moi écouter ce que vous avez ! » et Martin a vraiment été celui qui s’est manifesté et qui a proposé un paquet de bons trucs utilisables qui sonnent complètement comme du Accept typique. J’en étais très content. C’était totalement inattendu, étant le nouveau gars dans le groupe, il a vraiment assuré ! Je ne dirais pas que j’étais choqué, mais j’ai été très agréablement surpris. C’était génial et je l’ai vraiment encouragé à composer plus. Après avoir entendu ses deux ou trois premières idées, je lui ai dit : « C’est génial tes trucs, je veux en entendre plus ! Qu’est-ce que tu as d’autre ? » Il a fini par faire un paquet de choses, c’était super.
« Tant que ça sonne comme appartenant à Accept, je me fiche de savoir qui l’a composé. Je suis content quand je ne suis pas obligé de faire tout le boulot moi-même ! »
C’est intéressant, parce que par le passé, tu insistais sur le fait qu’il était important pour toi que la composition reste entre toi et Peter, à l’époque, afin de rester fidèle à la marque de fabrique d’Accept. Maintenant que Peter est parti, on dirait que ça a évolué…
Oui, mais même quand Peter était dans le groupe, nous n’avons jamais dit à qui que ce soit qu’il ne pouvait pas contribuer aux compositions. C’était juste que tous les deux, nous étions ceux qui nous occupions de ça et personne d’autre ne prenait la peine de composer quoi que ce soit. Nous étions les compositeurs principaux et tout le monde prenait ça pour acquis. Généralement, les batteurs ne composent pas de chanson et Mark Tornillo écrivait déjà les textes et il ne joue pas vraiment de guitare, donc ça restait vraiment entre nous deux. Peut-être qu’Uwe pouvait contribuer parfois mais son style de composition est assez différent. Parfois il propose des chansons mais elles ne fonctionnent pas vraiment dans notre contexte. Son style est un peu différent. Il est capable de jouer n’importe quoi mais ce qu’il compose ne sonne jamais vraiment comme Accept, parce que c’est le critère premier pour moi. Tant que ça sonne comme appartenant à Accept, je me fiche de savoir qui l’a composé. Je suis content quand je ne suis pas obligé de faire tout le boulot moi-même !
Etant le dernier membre historique d’Accept au sein du groupe, as-tu ressenti plus de pression qu’habituellement pendant la composition de cet album ?
Je ne parlerais pas de pression mais j’ai assurément ressenti que tout reposait sur mes épaules. C’est la raison pour laquelle j’étais très content que Martin relève le défi et apporte des choses. J’ai toujours écrit beaucoup de musique, je ne dirais pas la majorité, mais j’ai clairement l’habitude de composer un paquet de trucs. Même quand je travaillais avec Peter, parfois, ça commençait avec une idée à moi et nous travaillions dessus ensemble et ça changeait un petit peu, mais j’ai toujours écrit de la musique de mon côté et lui aussi. Par le passé, nous travaillions toujours individuellement d’abord et ensuite nous nous jouions nos idées ou démos respectives et nous les travaillions ensemble ensuite. Bien souvent, ça commence en solitaire. Je me pose seul avec juste une boîte à rythmes et une guitare, et j’enregistre des trucs.
Le groupe s’est réuni avec Andy Sneap en mars à Nashville pour commencer à enregistrer, juste au moment où le Covid-19 a bouleversé le monde. Comment avez-vous vécu la situation ?
C’était absolument dingue parce que nous étions en train d’enregistrer et de faire du metal, et à la fois, nous avions la télé allumée et les informations empiraient de jour en jour. Nous ne savions pas vraiment la tournure que ça allait prendre ! Nous nous demandions si le monde serait encore debout quand l’album allait être terminé [petits rires]. C’était littéralement effrayant pendant un moment parce que nous ne savions pas vraiment à quelle vitesse et comment ça allait se répandre, ce que nous pouvions faire d’autre et à quel point c’était vraiment dangereux. Au début, il y avait de nombreuses inconnues. En y repensant maintenant, nous avons une meilleure compréhension du danger, mais à l’époque personne ne savait réellement. Bref, nous avons interrompu le processus d’enregistrement, ce qui nous a donné plus de temps pour terminer et travailler sur les chansons. Quand nous avons voulu nous regrouper, les pays et leurs frontières étaient fermés, donc Andy Sneap ne pouvait pas venir aux Etats-Unis. Notre seule possibilité de terminer cet album était qu’Andy soit présent à distance via internet. Il écoutait en ligne pendant que les gars étaient ici à Nashville pour enregistrer, donc il produisait à distance, ce qui est légèrement inhabituel, voire très inhabituel ! Mais ça allait. Ça va tant que la connexion internet ne tombe pas en panne, or ça arrivait. Ça tombait constamment en panne. C’était pénible ! Mais si on a une connexion stable, en fait ça va. Ce n’est jamais aussi bien que le vrai truc mais ça permet quand même de travailler. J’espère que ça ne deviendra pas la norme parce qu’il est clair que je ne préfère pas procéder ainsi.
L’album s’intitule Too Mean To Die et avec le départ de Peter et la situation avec le coronavirus qui a impacté l’album, on ne peut pas ne pas y voir une déclaration par rapport au groupe : penses-tu que rien ne peut battre ta détermination et ta passion pour ce groupe aujourd’hui ?
Sûrement pas ! Nous sommes des guerriers du metal mec ! Nous sommes immortels, on ne peut pas nous tuer ! C’est notre propre réaction face à la situation liée au coronavirus. Ce n’est pas voulu pour être totalement sérieux mais nous voulions offrir un album de metal « rentre-dedans » et ne pas vraiment parler de ce que fait le coronavirus, dire à quel point le confinement est moche, etc. Soyons honnête : à ce stade, tout le monde en a assez entendu sur le sujet. Donc peut-être qu’un bon album de metal direct et qui déchire, c’est ce que les fans veulent aujourd’hui. C’est ce que nous voulions faire et c’est la raison pour laquelle nous avons utilisé cette phrase légèrement ironique : « On est trop méchants pour mourir. On est les guerriers du heavy metal, des salopards qui ne tiennent pas en place » comme disent les paroles [rires]. En fait, ce sont des paroles plutôt bonnes, je les aime bien !
« Nous nous demandions si le monde serait encore debout quand l’album allait être terminé [petits rires]. »
Penses-tu que le heavy metal – et Accept en particulier – a un rôle à jouer pour aider les gens à traverser ce genre de période incertaine et angoissante, en tant qu’échappatoire ?
Peut-être. Nous pouvons servir à ça. Il n’y a rien de mal à ça. Si les gens veulent utiliser notre musique comme échappatoire, absolument, j’en serai ravi. Le metal a toujours été une échappatoire. Les gens viennent aux concerts et je pense que parfois ils s’en servent pour s’évader de leur travail quotidien ou de la vie en général. Ils vont à un concert de metal, ils évacuent la pression, s’éclatent, oublient un instant les problèmes qu’ils peuvent avoir et profitent du bon vieux heavy metal ! Si cet album peut leur fournir ça durant cette période de dingue, alors pourquoi pas !
Le metal a-t-il été une échappatoire pour toi ?
Non, ça a été ma vie ! Je n’ai rien d’autre ! Je n’ai pas besoin d’échapper à quoi que ce soit, je suis dans le heavy metal jusqu’aux genoux.
Le premier single que vous avez dévoilé, « The Undertaker », contient des couplets qui ne sonnent pas comme du Accept typique, même si on retrouve globalement dans la chanson les marqueurs d’Accept. Puis il y a la ballade « The Best Is Yet To Come » dans laquelle on retrouve la prestation vocale la plus claire et douce qu’on ait jamais entendue de la part de Mark. Y avait-il cette fois une volonté d’explorer un peu plus et d’offrir quelques surprises ?
Non, les gens se trompent toujours et croient toujours qu’on prévoit ces choses. Je pense que nous essayons toujours de faire ce que la composition ou la chanson réclame. Si tu prends cette chanson que j’ai écrite, « The Best Is Yet To Come », évidemment on ne peut pas avoir quelque chose qui nous crie au visage. Il faut cette voix émotionnelle et douce parce que c’est ce que la chanson exige. C’est ainsi que ça fonctionne. On compose quelque chose et ensuite on donne à la chanson ce qui la rendrait meilleure et la soutiendrait, mais on ne dit jamais : « Oh, il faut que je compose une chanson qui aurait une voix douce » et ensuite on écrit la chanson en fonction de ces lignes directrices, ça ne marche pas comme ça. On compose quelque chose et ensuite on détermine ce qui l’améliorerait, c’est toujours comme ça. Peu importe ce que ça implique de faire, tant que ça ne donne pas l’impression d’être totalement étranger à notre marque de fabrique, alors il faut le faire ! Ce n’est jamais quelque chose que nous planifions ou une décision stratégique prise par qui que ce soit. Ça se fait un peu tout seul.
Je suppose que vous avez de la chance d’avoir un chanteur comme Mark qui est justement capable d’offrir à la chanson ce qu’elle réclame…
Oui, c’est l’autre chose. Maintenant, nous avons ce super chanteur qui a toutes ces facettes dans sa voix et il peut non seulement crier mais il peut aussi chanter comme il faut de manière vraiment émotionnelle. C’est pourquoi j’ai pensé : « Et pourquoi pas ? C’est une magnifique chanson et ça reste du Accept, d’une certaine façon, donc pourquoi pas ? » Ça ne me paraissait pas du tout décalé, je ne trouve pas que ce soit bizarre. Ça sonne complètement familier dans le cadre d’Accept. C’est une super chanson, je l’adore, c’est même l’une de mes préférées. Je pense que Mark a encore plus en lui que personne n’a attendu. Très franchement, voilà, je pense que le meilleur est à venir ! Il reste dans les tuyaux encore beaucoup de choses qui pourraient même être encore meilleures que ce que les gens ont entendu jusqu’à présent. Il faudra attendre de voir ce que le futur nous réserve mais je trouve que Mark est un chanteur très polyvalent qui pourrait faire encore plus de choses de ce genre.
Et qu’en est-il de « The Undertaker » ?
Cette chanson est étrange parce qu’elle a été composée à l’envers, elle a été composée à partir des paroles. Mark m’avait donné un paquet de paroles, ce qu’il ne fait presque jamais, c’était plus ou moins un texte fini, écrit sous la forme d’un poème, un tas de phrases qui rimaient et, bien sûr, ça parlait d’un croque-mort. Je pense que quand il l’a écrite, il avait en tête l’un de ces vieux croque-morts qui foutent les jetons et qu’on voit dans les films occidentaux, et j’ai trouvé que c’était un sujet intéressant. J’ai essayé d’écrire une chanson pour coller aux paroles. Evidemment, on a envie que ce soit un peu mystérieux et effrayant, parce qu’un croque-mort, ça fiche pas mal la trouille, ça ne peut pas être une chanson joyeuse ou une ballade ! Voilà comment nous avons composé cette chanson, à l’envers, et j’aime bien ! C’est assez amusant et facile pour moi. Souvent, ça se fait dans l’autre sens, je commence avec un riff de guitare, des idées vocales, des accords et mélodies de base un peu vagues dans ma tête et arrive un moment où on commence à réfléchir à des mots. C’est parfois très dur de trouver des mots qui ont du sens pour les transformer en idée de chanson utilisable. Donc cette fois j’ai apprécié de faire ça à l’envers, d’avoir des paroles existantes et qui avaient du sens, et alors tout ce qu’il reste à faire, c’est à écrire la musique qui colle à cette atmosphère ou aux mots. C’est très amusant. J’aurais aimé que nous fassions plus souvent ça.
« Nous sommes des guerriers du metal mec ! Nous sommes immortels, on ne peut pas nous tuer ! »
Une autre surprise serait l’instrumental de fin, « Samson And Delilah ». Ces touches orientales, ce n’est pas quelque chose qu’on a très souvent entendu chez Accept et le groupe n’a pas si souvent fait d’instrumentaux par le passé. D’un autre côté, ça semble être une référence à l’opéra de Camille Saint-Saëns du même nom et on y retrouve des extraits de la Symphonie Du Nouveau Monde d’Antonin Dvořák. Est-ce que ça pourrait être le résultat du concert au Wacken 2017 où le groupe a joué certaines de tes adaptations classiques ?
Bien sûr, c’est quelque chose que je fais depuis des années, j’ai même fait des albums solos complets avec rien que des adaptations de thèmes classiques. Cette chanson « Samson And Delilah » aurait pu être sur l’un de mes albums. J’aurais pu la conserver pour plus tard mais Andy trouvait que c’était un super ajout à l’album et que c’était suffisamment heavy pour avoir du sens dans le contexte du reste de l’album, donc nous avons décidé de l’inclure. Ça conclut joliment le reste des chansons. Je trouve que c’est un joli morceau de fin, un peu comme une outro, si tu veux. Ça semble bien fonctionner, nous l’avons utilisé et tout le monde semble l’aimer. D’autres gens qui ont écouté l’album objectivement trouvent – et je suis peut-être d’accord – qu’il est assez varié et présente différentes facettes. Ça a probablement contribué au fait d’avoir aussi un morceau instrumental. Nous avons une belle ballade, nous avons des chansons mid-tempo, nous avons plein de trucs rentre-dedans. Il y a pas mal de variations dans cet album, même si ce n’est pas au point où ça part un peu dans tous les sens, tout s’enchaîne très bien.
Avec ce concert au Wacken Open Air où le groupe a joué tes musiques solos et maintenant cet instrumental qui aurait pu se trouver sur un de tes albums solos, n’as-tu pas l’impression que ta carrière solo et Accept sont un peu en train de converger ?
C’est dur de fixer une délimitation stricte entre les deux parce que ma vie a été Accept et dès que… Nous avons fait des concerts avec orchestre l’an dernier et à l’origine, je voulais juste y faire mes trucs classiques, mais les tourneurs et tout le monde ont insisté en disant : « Eh bien, si tu es sur scène et qu’un orchestre est là, le batteur est là, tu vas jouer ‘Balls To The Wall’ et ‘Metal Heart’, n’est-ce pas ? » Une chose en a entraîné une autre. Je ne peux pas vraiment échapper au fait que je suis dans Accept et Accept ne peut pas échapper au fait que je suis influencé par la musique classique parce que j’ai écrit une grande partie de ces musiques. Ça s’entrecroise tellement que c’est très dur de séparer les deux. Ça remonte à quarante ans en arrière. Mais ce n’est pas un souci, c’est simplement qui je suis et ce que je fais. Je ne crois pas que ça pose problème à qui que ce soit.
« Symphony Of Pain » contient également la célèbre Cinquième Symphonie de Beethoven. Ce n’est pas nouveau et c’est depuis longtemps une des marques de fabrique d’Accept. Mais comment ces petits extraits classiques arrivent ? Est-ce quelque chose de conscient où tu te dis que tu dois respecter la tradition ou bien est-ce que ça vient toujours de manière très organique ?
Dans le cas présent, « Symphony Of Pain », ça faisait un petit moment que j’essayais d’écrire une chanson portant ce titre et j’ai même essayé sur les albums précédents. Je n’étais jamais vraiment content du résultat. J’ai enfin eu de bons riffs et un refrain qui, tout d’un coup, avaient du sens et allaient très bien ensemble. Ensuite, si tu penses aux symphonies et tout, tôt ou tard, [chante] « tatatata » te vient en tête parce que c’est la symphonie que tout le monde connaît. Surtout quand on parle d’une « symphonie de douleur », pour moi, il y a forcément le lien avec la Schicksals-Sinfonie – en allemand, ou la Symphonie du Destin, si on traduit, je suppose – on l’a souvent appelée comme ça parce que c’est le destin qui frappe à ta porte, « tatatata ». C’est ainsi que beaucoup de gens interprètent ce thème principal et la symphonie parce que ça traite grosso modo du fait que Beethoven perdait l’ouïe. Tout ça m’est venu en tête et, tout d’un coup, je me suis dit que peut-être je pourrais utiliser ce thème principal dans la chanson. Je l’ai fait et ça a bien marché. Cette chanson, au niveau des paroles, parle même de la vie de Beethoven et de sa lutte contre la surdité. C’est une sacrée épreuve, j’imagine, quand on est un compositeur comme Beethoven et qu’on devient sourd, tu imagines ? C’est une grosse tragédie !
Tu as dit que ça faisait longtemps que tu essayais d’écrire une chanson intitulée « Symphony Of Pain ». Qu’est-ce que ce nom signifiait pour toi à l’origine ?
Rien, je trouvais juste que c’était cool. Souvent, j’utilise des trucs qui me paraissent cool. Si on parle de douleur et qu’on pense à ce que serait une exagération de la douleur, on pense à une symphonie de douleur. Ça me paraissait très metal et je me demandais ce que ça pourrait dire. Beaucoup de morceaux commencent comme ça. Souvent, je trouve des mots que je trouve cool et plus tard j’essaye de leur donner un sens dans le contexte d’une chanson. C’était le cas de « Symphony Of Pain ». Ça ne voulait rien dire de particulier au départ, je dois bien l’admettre. Parfois, ça fonctionne comme ça. Souvent, j’aborde ces phrases d’accroche et idées de refrain de manière phonétique, presque comme une partie instrumentale. Elles ont un certain son et un certain rythme, et je me demande comment ça s’associe à l’instrumentation, comment ça roule sur la langue et comment ça sonne quand on le chante. C’est souvent super important. Le sens est aussi important mais pas aussi important que la manière dont ça sonne quand on le chante. Je veux dire qu’il y a plein d’exemples dans le monde de grosses chansons à succès qui ne veulent strictement rien dire, mais qui sonnent bien. Il y a souvent des chansons pour lesquelles on se dit : « Bon sang, mais à propos de quoi il chante ? » Ca n’a aucun sens, mais on connaît tous ces chansons, tout le monde chante en chœur, et on oublie que ça ne veut rien dire. Je n’essaye jamais de faire ça mais je sais l’importance du son et des phrasés.
« Je ne veux jamais prendre ma retraite ! Je vais continuer tant que je le peux, jusqu’à ce qu’une force extérieure me dicte autrement. »
La chanson d’ouverture s’appelle « Zombie Apocalypse » : je ne sais pas si ça vient de toi ou de Mark, mais es-tu fan des films ou séries de zombies comme The Walking Dead ?
[Petits rires] Non, pas du tout et j’étais sceptique à l’idée d’écrire une chanson sur des zombies mais ensuite Mark m’a expliqué ce qu’il voulait dire avec ça. C’était un autre exemple où les mots étaient là en premier. Il avait juste la phrase « zombie apocalypse » et j’ai pensé : « Qu’est-ce que tu cherches à dire avec ça ? Est-ce que tu essayes d’écrire une chanson sur The Walking Dead ou un truc comme ça ? » Il a dit : « Non, non, ça parle des gens qui marchent dans la rue le regard rivé sur leur téléphone, sans prêter attention à quoi que ce soit d’autre, déambulant comme des zombies, accros à leurs iPhones ! » C’est ce qu’il voulait dire. C’était une autre approche du thème que nous avions déjà abordé sur le dernier album avec la chanson « Analog Man ». C’est dans la même veine mais dans ce cas, nous avons été du côté des zombies. J’ai eu beaucoup du mal avec cette chanson, musicalement parlant, jusqu’à ce que je trouve quelque chose qui me satisfasse. Cette chanson a muté de nombreuses fois pour devenir ce qu’elle est aujourd’hui.
Ça fait dix ans qu’Accept a fait son grand retour avec l’album Blood Of The Nations, le premier avec Mark au chant. Quel bilan tires-tu de ces dix années ?
J’ai le sentiment que c’est une période très cohérente, peut-être même la plus cohérente de notre carrière, car pour moi, ces cinq albums sont vraiment dans la même veine et ils semblent vraiment aller de l’avant. Il n’y a pas de changement de direction à droite ou à gauche. Nous avons le vent en poupe. Blood Of The Nations avait quelque chose de vraiment magique parce que c’est notre premier album après une longue pause et il y avait dans cet album une énergie et un esprit qui étaient tout simplement magiques et ont pris tout le monde de court, personne ne s’y attendait. Après ça, je trouve que nous avons continué sur la lancée et que nous n’avons cessé de nous améliorer. C’est toujours dur pour moi de juger les albums et de dire que tel album est meilleur que l’autre. Pour moi, ils tapaient tous dans le mille. Je trouve que nous sommes sur quelque chose et nous allons continuer comme ça.
Quels sont tes souvenirs d’il y a dix ans et des premiers pas de Mark dans le groupe ?
C’était une période intéressante parce que quand nous avons relancé toute la machine, nous n’avions aucune attente. Nous n’avions pas de maison de disques, pas de tournée callée, rien. Nous étions juste de nouveau affamés, pleins de passion et nous voulions prouver au monde que nous étions toujours dans le coup et que nous avions encore des choses à dire musicalement et dans les textes. C’est ce qui nous a inspirés. Nous étions tous à la retraite ou retirés de la scène musicale à ce moment-là et tout d’un coup, en rencontrant Mark, nous avions trouvé ce gars qui, selon nous, nous permettrait de reprendre là où nous nous étions arrêtés plus tôt. Personne à l’extérieur du groupe ne croyait vraiment en nous au départ, ils pensaient tous que nous étions fous, mais nous sentions que nous tenions quelque chose et au fond de nous, nous étions convaincus que ça allait fonctionner, et ça a fonctionné ! Nous voilà dix ans plus tard et ça fonctionne toujours super bien. Comme je l’ai dit, ça donne l’impression d’une période très cohérente et, bizarrement, très paisible dans notre carrière, parce que nous faisons appel au même producteur, nous avons le même chanteur… Oui, certains membres ont changé mais ça n’a pas l’air de trop nous impacter. Nous avons le vent en poupe et nous allons poursuivre sur cette lancée.
Je me souviens que dans une de nos interviews passées, tu qualifiais cette réincarnation d’Accept de miracle. Penses-tu que ce soit un autre miracle que ça ait perduré plus de dix ans maintenant, c’est-à-dire plus que le parcours initial du groupe ?
Le véritable miracle a été de trouver Mark et de tout relancer, mais maintenant que nous sommes lancés, ce serait stupide de ne pas continuer, parce que nous aimons ce que nous faisons, tout comme les fans. Donc évidemment, nous allons poursuivre avec le groupe. Plein de gens seraient heureux d’être dans notre position et d’avoir notre succès. Pourquoi diable voudrions-nous laisser tomber ? Ça me dépasse. Je ne veux jamais prendre ma retraite ! Je vais continuer tant que je le peux, jusqu’à ce qu’une force extérieure me dicte autrement, mais en attendant, je serai là sur scène, je composerai des chansons et je jouerai de cette guitare !
Ça fait aussi dix ans maintenant que vous collaborez avec le producteur Andy Sneap, donc je suppose que tu le connais bien maintenant. Comment s’en sort-il selon toi en tant que membre de Judas Priest ?
Ce n’est pas vraiment à moi de le juger. C’est un très bon ami à moi et Judas Priest est un groupe phénoménal. Je trouve qu’il fait du super boulot, vraiment ! C’est un membre de la famille Accept. Je trouve que c’est génial. Je suis très content pour lui qu’il ait eu le job parce que c’est un mec super sympa, on s’entend facilement avec lui, niveau personnalité, donc ça semble bien marcher. Je lui souhaite bonne chance et j’espère qu’il pourra longtemps faire ça. Tant que ça ne l’empêche pas de nous produire, tout me va ! [Rires]
Interview réalisée par téléphone le 10 novembre 2020 par Nicolas Gricourt.
Retranscription : Floriane Wittner.
Traduction : Nicolas Gricourt.
Photos : Deaf Music (6), Iana Domingos (2) & Scott Duissa (1).
Site officiel d’Accept : www.diamondheadofficial.com
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