Ça ne fait plus aucun doute, Accept est reparti comme en 40… Ou plutôt comme en 80 ! Car le moins qu’on puisse dire c’est que Blind Rage, le nouvel album du groupe pionnier de heavy metal allemand, fleure bon la belle époque dans l’approche, l’esprit, les riffs, les hymnes… D’ailleurs le groupe ne se cache pas d’essayer de rester le plus fidèle possible à ce qui est leur son, leur style emblématique, et de ne surtout pas changer de formule. Au contraire, l’objectif est de retrouver ce qui a fait sa gloire et de le surpasser. Et à vrai dire, tout concorde à croire que la « stratégie » est payante puisque depuis qu’ils se sont reformés voilà cinq ans avec Mark Tornillo au chant, le succès, sur album comme sur scène, est au rendez-vous auprès des fans comme de la critique.
Et tout n’est pas qu’une question de stratégie, puisque c’est avant tout l’alchimie retrouvée au sein du groupe, entre les deux frères d’armes et fondateurs, le bassiste Peter Baltes et le guitariste Wolf Hoffmann, mais aussi avec Tornillo qui fut rapidement accepté par les fans, qui rend tout cela possible. Et au cours de l’entretien qui suit avec Hoffmann, on le sent clairement comblé et plus apaisé qu’il ne l’était il y a quatre ans lorsqu’il présentait Blood Of The Nations, le premier album de la résurrection d’Accept.
« Nous n’essayons pas seulement de faire aussi bien que le passé mais nous essayons également de le surpasser »
Radio Metal : Tu as dit que votre précédent album Stalingrad a été fait dans la précipitation et que vous étiez sous pression pendant sa conception. Donc, avec le recul, que penses-tu désormais de cet album, en considérant tout particulièrement la vitesse avec laquelle il a été fait ? As-tu des regrets par rapport à ça ?
Wolf Hoffmann (guitare) : Non, non, je ne voulais pas paraître négatif. J’ai trouvé que l’album est devenu super ! Particulièrement en considérant à quel point nous étions pressés par le temps. Je disais simplement que j’aurais préféré avoir un peu plus de temps pour le processus d’écriture, car pendant que nous faisions Stalingrad, nous étions encore en train de finir certaines des chansons tout en enregistrant déjà le premier lot de chansons dans le même temps. C’était donc un peu stressant, si tu vois ce que je veux dire.
Le nouvel album s’intitule Blind Rage, pourtant aucune chanson ne porte ce nom. En quoi ce titre représente l’album ?
En fait nous avions d’abord eu l’idée pour l’illustration et ensuite, lorsque nous avons commencé à chercher un titre, aucun des titres de chansons que nous avions sur l’album ne faisait sens avec l’illustration et représentait vraiment l’album dans son ensemble. Nous avons donc trouvé ce titre « Blind Rage », en nous inspirant de tout ce qui est en train de se passer en ce moment dans le monde, toute cette rage folle que l’on voit, par exemple politiquement et ce qui s’est passé dernièrement en Ukraine. Il n’y a pas de concept profond derrière ça, mais ça paraissait coller à l’album dans son ensemble.
Tu as dit au sujet de cet album que c’était « une collection de chansons typiquement Accept avec un côté classique. » Serait-ce parce qu’il peut parfois être difficile de se retrouver avec quelque chose de vraiment neuf ou bien est-ce parce qu’il est important de rester fidèle à ce qui est attendu de vous ?
[Nous avons effectivement essayé d’écrire un album qui] soit dans notre style et des chansons que nous aurions pu écrire il y a trente ans. Nous ne voulions pas être différents ; nous voulions juste être meilleurs. Mais stylistiquement, nous voulions avec les chansons mettre en plein dans le mille et je crois que nous avons atteint ce but. Nous avons simplement de la nouvelle musique qui, nous espérons, est meilleure que tout ce que nous avons fait jusqu’à présent, mais ce n’est pas du tout différent. Et ça ne devrait pas l’être. Ça parait toujours facile de faire ça, mais en vrai, c’est pas mal délicat, surtout après avoir fait comme nous quatorze ou quinze albums. Ce n’est pas toujours facile de trouver quelque chose qui sonne à la fois frais et complètement typique.
Le chanteur Mark Tornillo a dit : « Nous n’avions aussi pas peur de revenir en arrière et être ce que le groupe était dans les années 80, ce qui est ce que nous recherchions. » Penses-tu qu’il soit important de confronter et mesurer vos albums actuels à ce que vous avez fait dans le passé ?
Je vais te dire : lorsque nous avons débuté toute cette aventure, il y a à peu près quatre ou cinq ans, personne ne savait jusqu’où nous pourrions aller avec ça ou ce que nous pouvions en attendre, ce que les fans diraient, mais nous savions tous que nous avions une histoire imposante car nous avons des fans loyaux qui ont de fortes opinions. Nous espérions donc que nous pourrions faire quelque chose à part vivre dans le passé. Nous nous sommes dit : « Si nous faisons ceci, il va falloir le faire bien. Nous allons faire de nouveaux albums, nous allons écrire la meilleure musique qu’il nous sera possible et si jamais les gens finissent par dire que c’est aussi bon que ce que nous avons fait dans le passé, alors super. » Mais là maintenant, nous avons trois albums avec nous et les fans viennent nous voir pour nous dire : « Tu sais, j’ai grandi en écoutant Balls To The Wall, Metal Heart et Restless And Wild, ces albums sont les bandes son de ma vie – ou peu importe -. Mais la nouvelle ère d’Accept, je l’aime autant si n’est plus que tout ce que vous avez fait dans le passé. » Donc lorsque des fans me disent ceci, je suis là : « Wow ! Incroyable ! » Personne n’aurait pu anticiper ceci. En fait, nous n’essayons pas seulement de faire aussi bien que le passé mais nous essayons également de le surpasser et peut-être que nous y arriverons un jour, ça serait génial !
Sur quoi te concentres-tu le plus lorsque tu écris une chanson ? Est-ce que ce sont les riffs ou peut-être les refrains, dans la mesure où Accept a toujours eu ces gros refrains accrocheurs ?
Bien sûr, le riff est juste le point de départ, vraiment. Le riff est quelque chose qui t’inspire et te pousse à continuer. Mais, à partir de là, il y a dans mon esprit encore une longue route à faire avant d’obtenir une bonne chanson. Une bonne chanson aura des paroles marquantes, quelque chose auquel te raccrocher et une histoire à raconter, une bonne partie de solo… Il y a donc de nombreux éléments en dehors du riff. Tu sais, la manière dont nous fonctionnons, le processus, a toujours été le même depuis trente ans, même en remontant aux années 70 en fait. Peter et moi sommes les frères de plus longue date dans ce groupe et nous nous posons toujours ensemble en premier, seuls quelque part, sans que personne d’autre ne soit présent, et nous commençons à échanger des riffs et jammer dessus, et Peter chante un semblant de ligne de chant, je trouve des idées de chant et de paroles… Nous commençons à construire la chanson de cette manière comme une démo, avec la plus part du temps juste du « blabla » en guise de paroles. Ensuite elle passe par de très nombreuses révisions, et lorsque nous sommes contents de la chanson et que nous avons le sentiment de tenir quelque chose – à ce stade nous avons déjà une sorte de refrain et nous savons de quoi traitera la chanson -, alors nous la transmettons à Mark et il écrit les paroles et lignes vocales finales, et c’est à partir de là que ça commence vraiment à prendre forme. Mais c’est grosso-modo Peter et moi qui faisons toutes les démos.
« Toute la réincarnation d’Accept, c’est ni plus ni moins qu’un miracle. »
Une fois de plus le nouvel album a été enregistré dans ton propre studio à Nashville. Est-ce important pour toi et le groupe de bénéficier du confort d’un environnement familier ?
Non, pas vraiment. Nous pourrions travailler n’importe où. C’est juste que c’est là où je passe tout mon temps et où mes outils et jouets se trouvent, c’est donc l’endroit le plus naturel pour nous pour faire ça. Et puis, en fait, tout n’est généralement pas tout réalisé ici. Nous avons fait les prises principales ici, ensuite nous avons fait le chant dans un autre studio et l’avons mixé en Angleterre. Pour le premier album nous avions enregistré les pistes principales en Angleterre et nous avons trouvé qu’il était vraiment peu pratique d’aller chez Andy Sneap… Au lieu d’avoir quatre personnes qui vont chez Andy Sneap, nous avons estimé qu’il était plus facile de faire en sorte qu’Andy Sneap vienne ici. Et nous vivons grosso-modo ici, donc c’est plus facile et plus pratique pour nous. Et puis, en plus de ça, la météo est toujours naze en Angleterre, donc c’était mieux ainsi. [Rires]
Parfois les groupes nous disent qu’ils se tiennent intentionnellement à l’écart de ce genre de confort car ils considèrent que ça les distrait de la musique. Que penses-tu de ce point de vue ?
Eh bien, qui a dit que mon studio est confortable ? [Rires] Je ne sais pas mec, nous faisons ça depuis assez de temps pour pouvoir le faire n’importe où, pour être honnête.
Vous avez travaillé avec Andy Sneap pour la production pour la troisième fois d’affilée. Considérerais-tu qu’Accept et Andy forment une véritable équipe ? Comment décrirais-tu votre relation de travail avec Andy ?
De manière assez évidente, si tu travailles avec quelqu’un trois fois de suite, tu te diras qu’il y a quelque chose qui fonctionne bien. Ouais, bien sûr, si c’est une équipe gagnante, tu ne veux pas avoir à la changer. Si ce n’est pas cassé, ne répare pas ! Et Andy est un chouette type avec qui être ; il n’a pas un énorme égo comme certains des autres producteurs avec lesquels nous avons travaillé. Nous aimons donc ça et c’est un fan d’Accept depuis son enfance. Il semble être le meilleur gars auquel nous pouvons penser pour faire ce boulot. Pour être tout à fait franc, lorsqu’à l’origine il est venu nous voir, je ne savais pas vraiment qui était Andy Sneap, mais j’ai découvert à quel point il était un producteur de metal accompli. Ça ne fait que montrer comme j’étais déconnecté de la scène musicale pendant ces longues années où nous ne faisions pas de musique. Je ne savais pas vraiment qui était Andy, alors que tout le monde le connaissait.
Apparemment Andy est celui qui croyait en Accept lorsque personne n’y croyait lorsque vous avez décidé de revenir avec Mark Tornillo. Apparemment il y avait un peu d’animosité à l’encontre du groupe à ce stade. Comment l’expliques-tu ? Qu’est-ce que les gens vous reprochaient ?
Je ne dirais pas qu’il y avait de l’animosité à l’encontre du groupe, c’était simplement l’idée qu’Accept revenait avec un chanteur différent qui a soulevé la forte désapprobation de nombreuses personnes. Je veux dire que je peux presque comprendre les réactions des fans car en règle générale ça ne fonctionne pas. Je peux comprendre le scepticisme. La seule chose que je ne pouvais pas comprendre à l’époque, et que je ne peux toujours pas comprendre, c’est comment tu peux écrire quelque chose avant d’entendre quoi que ce soit, vraiment. A partir du moment où tout le monde nous a entendus et vus en concert, tout a changé, évidemment. Le reste appartient à l’histoire. C’est terminé maintenant. Tout le monde trouve que ce que nous faisons est sans doute plus solide que tout ce que nous avons fait dans notre carrière. Toute la réincarnation d’Accept, c’est ni plus ni moins qu’un miracle.
Et prends-tu ce succès comme une sorte de revanche ?
Non, je ne réfléchis pas en ces termes, mec. Mais je dois dire que c’est très gratifiant de voir tous les journalistes ravaler leurs propres mots. Tu sais, il y a d’autres gens dans ce monde qui ravalent probablement leurs propres paroles mais je ne m’attarde pas là-dessus, nous regardons simplement vers le futur. Je ne pourrais pas plus me ficher de tout ça désormais. Ce n’est même plus un sujet parce que le temps avance, et nous voici avec un troisième album, prêt à embarquer très bientôt dans une tournée mondiale, donc qui a encore le temps pour cette merde ? [Rires]
Ceci est déjà le troisième album de Mark Tornillo avec Accept. Comment sa relation avec le groupe et son empreinte dans le groupe ont évolué avec le temps ? Comment a-t-il grandi en tant que frontman d’Accept ?
Je pense qu’il est devenu plus à l’aise sur scène. Tu peux clairement t’en rendre compte. Il faut que tu imagines que nous sommes montés sur scène pour la première fois à New York, en 2010 je crois, et nous n’avions jamais été ensemble sur une scène auparavant. Il y a donc eu une petite période où il a fallu que nous nous ressentions les uns les autres et Mark était peut-être un peu nouveau dans son rôle. [Il n’a] jamais vraiment [fait ça] en dehors des Etats-Unis, et voilà que nous l’envoyons littéralement à travers le monde dans tous ces pays comme la Russie, le Japon, l’Amérique du Sud et l’Europe, c’est assez époustouflant. Mais il s’est vraiment bien adapté et ce qui était plus important encore c’est que les fans l’ont vraiment adopté. Je pense donc qu’on a ici une équipe gagnante.
« Dès que l’audience arrive et que tout le monde saute de haut en bas lorsque qu’ils entendent les riffs de « Princess Of The Dawn »… Que veux-tu de plus ? »
Ta femme et manager Gaby semble être une véritable force motrice pour le groupe et très impliquée dans tout ce qui touche au groupe depuis bien longtemps…
Je ne te le fais pas dire !
Quelle est son implication dans la confection d’un album comme Blind Rage ? Comment interagit-elle artistiquement avec le reste du groupe ?
C’est elle qui tire les ficelles et elle est le moteur de toute l’opération depuis plusieurs décennies. Mais ça a toujours été comme ça, même en remontant jusqu’au début des années 80 lorsqu’elle nous a rejoints. Elle est celle qui fait en sorte que tout se tienne et pendant de nombreuses années elle a été la parolière du groupe, uniquement parce que nous étions des gamins et que nous ne pouvions pas écrire de paroles, et très certainement aussi parce que nous ne pouvions même pas parler anglais. Elle a commencé à écrire des chansons par nécessité mais aussi parce qu’elle avait un talent pour ça. Nous ne l’avions jamais dit à personne et elle ne voulait pas le dire à qui que ce soit car elle n’aime pas être exposée au regard du public. Encore aujourd’hui elle ne veut pas vraiment faire d’interview et ne veut pas attirer l’attention sur elle, mais je peux te dire une chose : sans Gaby, il n’y aurait pas eu d’Accept.
La considérerais-tu comme un membre du groupe ?
Plus que ça !
Comment équilibrez-vous les setlist de nos jours ? Je veux dire que vous avez désormais trois supers albums avec Mark que je suis sûr vous voulez défendre et mettre en valeur en concert mais, en même temps, vous avez toujours tant de classiques et autres chansons à jouer… Ça doit être un sacré casse-tête !
Ouais mais c’est un problème de luxe, n’est-ce pas ? Si tu as tant de chanson parmi lesquelles choisir… Tu sais, je ne me plains pas, mais c’est un peu un défi parfois, ouais. Tu ne veux pas mettre en colère les fans qui veulent entendre les vieux classiques et en même temps tu veux que ça reste intéressant et ne pas avoir à toujours jouer les mêmes vieilles musiques. Il faut donc trouver l’équilibre. Nous essayons toujours de satisfaire tout le monde de manière à ce que tout le monde entende une partie de chaque époque d’Accept. Je ne pense pas que nous atteindrons le stade où nous ne jouerons plus aucune vieille chanson, même si parfois j’aimerais le faire, mais je vais te dire, dès que l’audience arrive et que tout le monde saute de haut en bas lorsque qu’ils entendent les riffs de « Princess Of The Dawn »… Que veux-tu de plus ? Au bout du compte, nous ne faisons pas ça pour nous, nous le faisons pour le public. Nous jouons pour le public, pas pour notre propre satisfaction.
Apparemment tu as été photographe. Peux-tu nous en dire plus à ce sujet ?
Ouais ! Eh bien, aussi étrange que ça puisse être, je suis toujours photographe. J’ai été photographe pendant… Bon sang, depuis toujours ! J’ai développé ça comme un passe-temps depuis que j’ai commencé à tourner avec Accept et ensuite je suis devenu un amateur très sérieux. Lorsqu’Accept s’est arrêté, je me suis dit que, plutôt que de commencer mon propre groupe ou un autre projet, je pourrais prendre congé et essayer quelque chose de complètement différent avec mon second amour dans la vie, qui est la photographie. J’ai donc débuté une toute nouvelle carrière en tant que photographe professionnel, ce que je pouvais encore faire confortablement jusqu’à ce jour. Mais la musique est toujours mon amour numéro un, c’est ce que je veux vraiment faire plus que tout, donc, là tout suite, je me re-concentre sur la musique. J’essaie de mener les deux carrières en parallèle aussi longtemps que possible, mais je peux déjà entrevoir que ce sera la musique qui prendra le pas à cent pour cent à partir d’aujourd’hui.
D’après toi, y aurait-il des parallèles à faire entre le fait de prendre une photo et composer une chanson ?
Il y en a, je veux dire que d’un point de vue créatif il y a plusieurs choses qui rentrent en compte qui sont en quelque sortes similaires. Tu dois te stimuler, tu dois être créatif, [tu as besoin d’un] certain niveau d’habilité, tu dois t’entraîner à ce que tu fais… Il y a pas mal de parallèles à faire mais, peu importe ce que quiconque te dira, c’est quand même bien plus excitant d’être sur scène face à quelques centaines de gamins qui crient que ça ne l’est d’être derrière un appareil photo. Je veux dire que je tire parfois beaucoup de satisfaction avec mes boulots de photographe et j’adore lorsque mes photos sont publiées, ou peu importe, mais c’est loin d’être le même frisson.
Interview téléphonique réalisée le 8 juillet 2014 par Metal’O Phil.
Retranscription, traduction, fiche de questions et introduction : Spaceman.
Photos : Hoffmann Photography & Alan Hess.
Site officiel d’Accept : www.acceptworldwide.com
Super interview ! Merci !