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Interview   

ACOD suit sa propre prophétie


Les années passent et ACOD peaufine son metal extrême mélodique : une production qui gagne en clarté, un habillage orchestral mieux maîtrisé et une progression musicale et textuelle plus marquée. Fort d’une exposition nouvelle chez les amateurs de black metal avec sa signature chez Les Acteurs De L’Ombre, le groupe du sud de la France qui était en duo pour ce nouveau cycle de composition présentait à la mi-septembre son nouveau disque Fourth Reign Over Opacities And Beyond. Si celui-ci s’inscrit comme le deuxième volet d’une trilogie conceptuelle démarrée avec The Divine Triumph de 2018, il marquera forcément un changement dans l’histoire du combo qui évolue et qui dépasse sans doute le statut de groupe émergeant. Qu’importe d’ailleurs la notoriété qu’il va acquérir avec ce nouveau méfait, ACOD poursuit simplement sa route et compose déjà le dernier épisode de sa trilogie, semblant avoir même quelques pistes pour la suite de cette épopée…

Une aventure qui comporte d’ailleurs un secret bien préservé jusqu’à présent : la signification du nom du groupe ! Si des indices se sont glissés dans ce deuxième opus, et s’en glisseront par ailleurs également dans le prochain, personne n’a encore percé le mystère. Malheureusement pour nos lecteurs, le chanteur Frédéric Peuchaud n’en dévoile pas plus dans cet entretien… Pour autant ce dernier nous fait le plaisir de nous parler ci-dessous des nouveautés dans les compos, des anecdotes de tournages de clips, des thématiques autour de cette nouvelle sortie et même de ses goûts pour Emperor et les débuts de Cradle Of Filth.

« Pour moi, il y a une véritable progression autant dans la musique que dans les textes. C’est de plus en plus sombre, c’est de plus en plus travaillé. »

Radio Metal : Lors du cycle du précédent album The Divine Triumph, tu disais que vous aviez trouvé un nouvel équilibre à trois membres, après pas mal de changements de line up. Pour ce nouvel opus vous gardez le même trio, est-ce que la composition s’est déroulée de la même façon ?

Frédéric Peuchaud (chant) : Nous sommes passés en duo puisque pendant une phase de composition et d’enregistrement de l’album, Raph [Clément], notre batteur, a eu des changements de vie. Il a quitté le navire. Maintenant, il est revenu parmi nous, mais nous avons pris un batteur de session pour l’enregistrement de cet album, Nicolas « Ranko » Muller, qui bossait dans Swart Crown et qui est un très bon batteur du genre. Nous avons le même schéma de composition qu’avant, c’est-à-dire Jérôme qui compose la musique et moi qui compose les paroles. Ça fait une vue globale par une personne pour la musique et une autre personne pour les paroles. Nous nous retrouvons ensuite dans sa cave ; il a un studio tout caverneux chez lui et nous nous mettons ensemble pour bosser sur les points de détail des compositions.

The Divine Triumph est sorti il y a quatre ans, c’était le premier opus d’une trilogie. Fourth Reign Over Opacities And Beyond a-t-il été composé dans la foulée ou avez-vous eu un temps de pause pour laisser l’album refroidir et prendre un peu de recul ?

Il y a eu un temps de pause puisque nous avons fait pas mal de dates pour défendre l’album et ensuite nous avons composé Fourth Reign Over Opacities And Beyond. L’album a été composé assez rapidement, il est prêt depuis presque 2019, bien que nous ayons ensuite bossé quelques petites choses. Nous ne voulions pas le sortir pendant la période Covid-19, car si nous l’avions sorti, nous n’aurions pas pu le jouer. Nous sommes un groupe de live, nous avons de très bons retours en live par la presse et par le public, et nous étions tous d’accord pour dire que sortir un album sans le jouer, c’était un petit peu le perdre. Nous avons donc préféré patienter et le sortir maintenant. C’est une période encore un peu difficile puisqu’il y a un peu d’embouteillage de dates et que beaucoup de choses s’annulent, mais je pense que pour 2023, ça devrait un petit peu se décanter.

Ce nouvel album est très cohérent avec son prédécesseur, on pourrait aisément le qualifier de suite, et il est d’ailleurs pensé comme ça. Le risque des albums qui sont proches ou dans le même esprit, c’est que l’un ait l’air d’être la face B d’un autre. Est-ce que concevoir une suite est facile à faire, surtout quand c’est aussi proche conceptuellement ?

Je vais te répondre au niveau des paroles. Pour moi, c’est très simple, parce que ça fait très longtemps que tout le fil de l’histoire est écrit dans ma tête. Ce n’est pas du tout une face B. Au contraire, pour moi, il y a une véritable progression autant dans la musique que dans les textes. C’est de plus en plus sombre, c’est de plus en plus travaillé. D’ailleurs, sur cet album, on voit qu’il y a beaucoup plus d’orchestrations qu’avant. Sur The Divine Triumph, nous avions fait appel à quelqu’un pour les faire, alors que cette fois, nous avons eu du temps pour les bosser, donc nous nous sommes équipés en logiciel et nous avons fait toutes les orchestrations nous-mêmes – enfin, Jérôme les a faites. Je l’ai rejoint plusieurs fois pour bosser avec lui, mais c’est lui qui, tout seul, travaillait dans sa cave. Il m’envoyait des trucs et le matin, je me réveillais et je recevais des parties sur lesquelles il avait bossé toute la nuit. C’est un très gros bosseur et c’est un très bon compositeur, parce qu’il y a du violon, du piano, des trompettes, etc. et il a tout bossé tout seul en très peu de temps. Il a vite appris.

Par rapport à ce temps que vous vous êtes donné pour ne pas sortir l’album pendant les périodes de confinements, est-ce que ça vous a permis d’augmenter un peu la technique, plus que si vous aviez fait l’album dans la continuité ?

Oui, nous avons pris du level en technicité – notamment, par exemple, sur les orchestrations, ce dont nous parlions – mais nous avons aussi eu du temps pour bosser sur d’autres productions. C’est-à-dire que l’album sort maintenant, mais nous avons d’autres productions qui vont sortir par la suite, parce que nous avons tous eu beaucoup de temps, donc forcément nous avons beaucoup travaillé. Il y a beaucoup de choses qui vont arriver. Nous avons pas mal de prods dans les tuyaux. Elles sont même enregistrées déjà.

« Quand j’écoute Emperor, c’est vraiment le mix parfait entre des orchestrations et du metal. Nous essayons donc un peu de retranscrire ça dans nos compositions. »

Puisque tu parles des orchestrations, lors du dernier entretien, tu ne voulais pas que ce soit trop chargé sur le précédent album. Sur cet album, elles sont davantage présentes et les accointances avec le metal extrême symphonique sont plus prononcées. Comment faites-vous pour jauger et ne pas noyer l’aspect metal dans un ensemble qui pourrait être trop symphonique ? Quelle serait la frontière ?

Nous sommes fans des groupes des années 90 comme Emperor : la frontière est là. Quand j’écoute Emperor, c’est vraiment le mix parfait entre des orchestrations et du metal. Nous essayons donc un peu de retranscrire ça dans nos compositions. Dans les premières chroniques, on nous compare beaucoup à Cradle Of Filth. Je trouve que Cradle Of Filth première époque, c’est très bien et c’est plutôt un compliment. Après, c’est sûr que si tu commences à mettre beaucoup de chant féminin, beaucoup d’orchestrations et que tu commences à adoucir tes guitares, ne pas avoir une basse qui va taper, ça va être compliqué, ça ne va plus du tout être du ACOD et ça ne va plus du tout nous plaire, donc ce n’est pas du tout un chemin que nous allons emprunter.

Plus globalement, qu’avez-vous vraiment voulu pousser sur cet album ? Musicalement, quelles sont les grandes nuances que vous avez voulu apporter ?

Niveau orchestration, il va être plus habillé. Il y a du parler français que nous n’utilisions pas du tout dans l’ancien et que, d’ailleurs, nous n’avons jamais utilisé dans ACOD. Nous avons voulu l’utiliser dans cet album parce que c’était important pour l’histoire, donc c’était cool d’en mettre. Je trouve que nous avons des compositions plus sombres que dans The Divine Triumph. Elles sont tout aussi percutantes, mais on voit qu’on descend de plus en plus dans les abysses, qu’on part vraiment dans une histoire qui est très compliquée. Je le trouve vraiment beaucoup plus abouti sur tous les points, tous les aspects.

Tu as commencé à parler des paroles qui mélangent le chant en anglais et les déclamations en français. Tu as déjà commencé à répondre en disant que ça avait un rapport au concept. Comment as-tu abordé ce mélange linguistique ?

En fait, j’ai toujours voulu le faire. Plusieurs fois, à l’époque, j’avais émis l’idée de mettre quelques passages de parler français dans ACOD. Malheureusement, les compositions que nous faisions à l’époque ne se prêtaient pas à ce genre de choses. J’ai toujours été un petit peu frustré de ne pas pouvoir le mettre, mais je trouvais que cette fois, les quelques passages parlés que nous avons mis dedans allaient complètement. En fait, il n’y a pas de français crié, à part un seul mot sur le dernier titre de l’album, mais c’était quelque chose que nous avions toujours voulu mettre. Je pense que ça donne une autre dimension à la musique quand on a des petits interludes au milieu de la chanson. Ça te fait voyager, tu vois qu’il y a des dialogues, tu vois que ce que tu écoutes n’est pas uniquement musical.

Vous avez pu conserver la même équipe pour la production, à savoir Jens Bogren, Shawter de Dagoba pour la production du chant et même Paolo Girardi pour la pochette. Comment cela s’est-il passé ?

Quand on a les bonnes personnes, on ne les change pas ; on garde la bonne équipe. Jens Bogren avec Linus Corneliusson, c’est fantastique, ils font un travail de malade, donc c’était certain que nous allions repartir là-bas. J’ai fait les voix chez Shawter parce que c’est un ami de longue date et j’avais l’habitude de travailler avec lui. Ça a été un plaisir d’enregistrer chez lui, ça roule à chaque fois que je passe chez lui. En trois jours, tout est enregistré. Il y a un confort musical là-bas qui me plaît énormément. Nous avons fait des prises guitares et des prises batterie chez Sebastien Camhi, au Studio Artmusic. C’est pareil, c’est allé très vite en travaillant avec Ranko. Nous l’avions appelé un petit peu en catastrophe et il s’est bougé le cul pour enregistrer. Ce sont des mecs qui connaissent tous leur boulot. Paolo Girardi, c’était obligatoirement le peintre de notre pochette. Il avait fait le premier, il a fait le deuxième, et forcément il va faire le troisième ; il faut que ce soit lui pour la fin de la trilogie. Il faut qu’il y ait une continuité et une suite logique.

« Au niveau de la diction, c’est quelque chose que je travaille depuis un moment, notamment avec Shawter. Pour moi, manger les mots, c’était dans les années 90-80, où les productions n’étaient pas super, donc on criait et c’était bouffé. Maintenant, quand on a des micros à huit mille euros, que tu as un studio et que tu peux enregistrer, tant qu’à faire, tu essaies de le faire correctement. »

Par rapport à la production, il y a une façon d’équilibrer les instruments qui est assez différente du précédent album, notamment la basse, qui, même si elle était déjà en avant, est plus présente que jamais – notamment sur un titre comme « Genus Vacuitatis ». Si The Divine Triumph avait une production très orientée sur le côté incisif, le nouvel album semble davantage accentuer les rythmiques et les lourdeurs de la composition. Est-ce que c’est une équation que vous vouliez changer dès le départ ou est-ce que ça s’est fait par rapport aux thématiques, ou par rapport aux nouvelles orchestrations ?

C’était quelque chose que nous voulions. Jérôme, qui compose, est bassiste mais ce n’est pas pour ça qu’il a mis la basse autant en avant, c’est juste parce qu’il voulait quelque chose de très organique. Les tests que nous avons faits avec la basse comme ça, c’est vraiment un son qui nous correspond. Ce n’est pas un son qui est très courant non plus. Je suis très content d’avoir fait des morceaux dans lesquels on entend vraiment la basse et pas seulement dans lesquels on la ressent. Il y en a de moins en moins, donc c’est quand même cool. Tous les bassistes sont très heureux d’écouter cet album. C’est bien, c’est un son qui est un peu particulier. Je suis très content parce que nous avons des retours sur les premiers singles que nous avons mis sur YouTube et beaucoup de gens, beaucoup d’étrangers, nous parlent de la prod et nous disent que c’est super qu’on entende tout et que le son de basse est vraiment fantastique. Ça veut dire que le pari que nous avons fait sur ce son-là a été bon. Donc je suis plutôt satisfait.

Si on évoquait plus le côté épique sur le précédent opus, sur celui-ci, on sent qu’il y a un sens de l’accroche qui est particulièrement soigné, que ce soit par les riffs de guitare, les lignes de basse ou même ta propre diction, ta façon de chanter, qui est assez facile à reprendre en chœur, par exemple. Est-ce quelque chose que vous vouliez accentuer aussi sur cet album-là ?

C’est ça. Nous voulions une production très propre, tout en gardant un peu l’aspect sale du black-death. C’était assez risqué. Nous avons quand même réussi à faire une production très correcte qui nous convient et qui convient surtout au public. Comme je l’ai dit tout à l’heure, c’était des paris risqués mais nous avons réussi. Au niveau de la diction, c’est quelque chose que je travaille depuis un moment, notamment avec Shawter. Pour moi, manger les mots, c’était dans les années 90-80, où les productions n’étaient pas super, donc on criait et c’était bouffé. Maintenant, quand on a des micros à huit mille euros, que tu as un studio et que tu peux enregistrer, tant qu’à faire, tu essaies de le faire correctement.

Il y a toujours un peu d’appréhension au moment de sortir un album, mais quand vous sortez ce premier single, « The Prophecy Of Agony », c’est clairement un tube. Saviez-vous dès le début que ce titre était un des singles forts de l’album ?

Ça a été compliqué, nous avons toujours des périodes de doute. Cet album, je l’écoute depuis des années, at il y a des moments où on se demande : « Est-ce que c’est bien ? Est-ce que ce n’est pas bien ? » On veut toujours modifier quelque chose. Et puis nous l’avons fait écouter à quelques proches et même eux, des fois, ne savaient pas. Je me suis rendu compte que quand tu n’as pas la pochette, la sortie du truc ou des gens qui viennent te dire que c’est bien, il y a des personnes qui ne sont pas capables de juger un morceau en l’écoutant pour la première fois. Après, c’est vrai que ce n’était pas enregistré dans un studio, mais ils n’arrivaient pas à juger de la qualité d’un titre. C’était donc compliqué quand nous l’avons fait écouter. Avec Jérôme et Raph, nous nous disions : « Celui-là, ça va être le titre qu’il faut mettre en single en premier, parce que c’est un titre qui est accrocheur, c’est un titre qui montre un petit peu tout ce qu’on peut faire », mais en face, nous avions des potes qui ne savaient pas du tout. Quand nous les avons sortis, nous nous sommes dit : « Bon, allez, on y croit, on le sort et on va voir ce qu’il va se passer. » Coup de bol, ça a été bon, donc nous ne sommes pas trop cons sur ce point-là [rires].

Tu évoquais The Divine Triumph comme une descente aux enfers dans un univers sombre, occulte, dans les abysses et les tréfonds de l’âme. Dans le communiqué de presse, il est indiqué que la trilogie parle d’une épopée, celle d’une âme perdue dans l’au-delà. Dans les grandes lignes, qu’évoque ce deuxième album par rapport à ces thématiques ? Est-ce une remontée, une quête, un combat ?

C’est toujours une quête, c’est toujours un combat et il y a eu une remontée à la fin de The Divine Triumph, mais une remontée qui va être passagère puisque l’on tombe encore plus bas dans Fourth Reign Over Opacities And Beyond. J’essaie toujours d’avoir un double langage dans mes compositions, c’est-à-dire qu’il y a cette histoire, on suit les péripéties de ce héros, et on peut aussi transposer ça à notre vie de tous les jours. Les combats que cette personne mène contre des chimères, ça peut être les combats que nous avons dans la vie de tous les jours, par exemple contre la drogue, contre l’alcoolisme, contre pas mal de choses. Ça essaye de donner un petit peu de force, un petit peu de grandeur à l’histoire. Je ne peux pas trop en dire parce que c’est toute une histoire qui en découle, donc c’est un petit peu compliqué d’en parler comme ça.

« Il y a plein de choses qui sont secrètes dans ACOD. Quand les gens vont s’y intéresser, regarder les clips, ils vont voir plusieurs choses en plus. »

Justement, est-ce que l’album ne dit pas quelque chose de la période actuelle post-pandémie, avec un contexte mondial assez compliqué ? Car ça fait quand même bien « bande-son de l’Apocalypse », il y a un appui qui colle bien au contexte général…

Espérons que ce ne soit pas l’apocalypse tout de suite, parce que nous aimerions bien sortir le troisième. Il faut que nous ayons le temps de le sortir, et ensuite, ce qu’il se passe après, on s’en fout. Si la terre doit brûler, brûlons tous ensemble [rires]. Mais non, avec l’écriture de cet album, je n’ai vraiment pas du tout pensé à la pandémie. Ce n’est pas quelque chose qui a influencé mon écriture et je pense que ça n’influencera pas du tout mes textes. Je suis vraiment passé complètement à côté de la pandémie. Il y a beaucoup de groupes qui ont écrit dessus, donc je pense que ce n’était pas nécessaire qu’ACOD le fasse aussi. C’est vraiment une histoire qui plonge le personnage de plus en plus bas en lui-même, parce que son âme devient de plus en plus noire, et on voit les combats qu’il mène. Ce sont des choses qui nous arrivent aussi dans la vie.

La dernière fois, tu disais que tu faisais comme un jeu de piste, que tu glissais des sens cachés dans les textes, qu’il y avait pas mal de liens. Tu as aussi donné des indices, ne serait-ce que sur la signification du nom du groupe, mais on ne sait toujours pas ce que signifie ACOD. Est-ce que tu glisses encore des indices et est-ce qu’il y a un auditeur qui a trouvé la clé de l’énigme ?

Personne. Il y a un indice dans cet album et il y aura un indice dans le troisième volet de la trilogie. Avec ces deux indices là vous avez le nom du groupe.

Ce côté énigmatique fait partie de l’esthétique que vous développez dans ACOD. N’as-tu pas peur de briser quelque chose en révélant les secrets ?

Non, il faut les révéler à un moment donné. Il y a plein de choses qui sont secrètes dans ACOD. Quand les gens vont s’y intéresser, regarder les clips, ils vont voir plusieurs choses en plus. Je les vois et des fois, je me dis : « Tiens, c’est drôle que personne n’ait vu ça. » Peut-être aussi parce que nous sommes un petit groupe, donc les gens ne s’y intéressent pas non plus énormément, pour l’instant. Mais pour quelqu’un qui va regarder les clips, voir la chronologie des tournages, etc., il y a pas mal de choses que nous cachons et qui, de toute façon, vont être trouvées ou dévoilées à un moment donné.

À propos des clips, vous en aviez réalisé plusieurs précédemment. Il est prévu d’illustrer cet album avec des vidéos également. Est-ce que ça fait partie d’une manière de décrire votre univers ?

Oui, complètement. Je pense que le visuel est très important. Nous essayons de faire des beaux clips. Nous avons été très fiers et contents des deux clips que nous avons faits pour The Divine Triumph. Nous avons bossé avec Brice Hincker de Smash Hit Combo. Il réalise des tonnes et des tonnes de clips. Nous avons bossé deux fois avec lui puisque nous avons fait deux clips. Il y a notamment celui de « The Prophecy Of Agony » que nous avons sorti en single ; comme nous aimons beaucoup cette chanson, nous avons décidé de faire le clip dessus. Évidemment, le clip est relié aux autres que nous avons faits – tout est toujours relié chez nous, avec la trame de l’histoire. Nous avons beaucoup bossé les visuels sur le clip et le digipack que nous avons sorti. Nous sortons aussi un coffret en bois avec beaucoup d’objets collectors dedans. Nous essayons de faire un max sur le visuel parce que tu ne peux pas dissocier ton univers de ta musique. Nous sommes obligés d’avoir des repères visuels dans ce que nous faisons parce que c’est important. Même pour les photos de groupe, nous bossons avec Nicolas Sénégas qui est un photographe d’exception, qui a très bien compris notre univers. Il nous propose des photos qui sont, je trouve, différentes des poses metal que l’on voit. Quand on ouvre un magazine Metallian, souvent les mecs sont tous de face, les bras croisés. Tu passes page par page, c’est souvent les mêmes – moi-même j’en ai fait des photos comme ça. Mais quand nous avons bossé avec Nicolas Sénégas, nous avons eu des photos différentes. Je trouve que c’est carrément des photos d’art et c’est pour ça que nous l’avons choisi. Sur sa page Instagram, il y a des trucs absolument fantastiques. Nous sommes vraiment contents. Il nous a fait faire des poses qui font badass, ça correspond vraiment à notre univers. C’est un petit peu bizarre comme univers, mais ça rend très bien.

Je vais te reparler justement de ta collaboration avec Brice Hincker, parce que dans Smash Hit Combo, j’imagine que c’est lui aussi qui réalise ses propres clips. C’est un groupe qui parle de la « génération geek » et des problèmes de tout un chacun à travers le langage des jeux vidéo, entre autres. Est-ce que c’est en découvrant leur travail que tu as pris contact avec lui et que tu t’es dit que quelque chose pouvait coller aussi avec l’univers d’ACOD ?

Il avait fait un clip assez long sur Legend Of Zelda. Il a fait un travail de fou, je crois d’ailleurs qu’ils ont mis un an pour le réaliser. En regardant ce clip, je me suis dit : « Les images, la façon de filmer, c’est quelque chose qui peut nous intéresser. » Nous avions émis l’hypothèse de travailler avec lui, mais nous avions mis ça de côté puisque après, il y a eu la période Covid-19 où nous avons mis un peu tout en standby. Quand la question de faire un clip s’est posée, nous l’avons tout de suite contacté. En plus, il avait pris encore du level en bossant avec d’autres personnes. Ça s’est fait un peu naturellement. Il est un peu loin, à Strasbourg, donc à chaque fois nous le faisions venir ici. C’était un petit peu compliqué, surtout qu’il est arrivé pendant les grosses périodes de canicule chez nous. Il a été servi question chaleur, il n’était pas trop habitué. Il a vraiment bossé, il s’est donné à fond pour nous. Nous nous sommes retrouvés dans des situations extrêmes, sur des lacs de sel par quarante-cinq degrés – sur le sel je ne te raconte pas la réverbération de la chaleur ! – et nous étions en train de jouer avec des armures, des capes, des cagoules, etc. C’était chaud ! C’était une expérience assez sympathique. Il a failli mourir cinquante fois chez nous, mais je pense qu’il reviendra avec plaisir pour les prochains [rires].

« Nous nous sommes retrouvés dans des situations extrêmes, sur des lacs de sel par quarante-cinq degrés – sur le sel je ne te raconte pas la réverbération de la chaleur ! – et nous étions en train de jouer avec des armures, des capes, des cagoules, etc. C’était chaud ! C’était une expérience assez sympathique. »

Il y a pas mal de contributions extérieures sur ce nouvel album, comme pour le précédent. Est-ce important pour vous de garder un esprit collectif autour de ce projet ACOD qui va bien au-delà des musiciens permanents ?

Oui, et pour moi, c’est important de toujours bosser avec les mêmes personnes quand on est content d’eux. Nous avons nos musiciens de session : Romain Aimar et Matt Asselberghs. Nous retravaillons avec eux parce que c’est des potes et nous sommes très contents d’eux. Des fois, ils ne sont pas là et nous faisons appel à d’autres personnes, mais quand nous pouvons, c’est avec eux que nous bossons. Nous avons les mêmes équipes, dont Tristan Shone, notre ingénieur du son qui est super cool. Actuellement, il est très pris parce qu’il bosse par exemple avec Perturbator, mais dès que nous avons l’occasion, nous rebossons avec les mêmes personnes, parce que c’est une famille. Quand tu pars en tournée et en concert, c’est compliqué de partir avec des gens avec qui tu ne t’entends pas. Je ne me verrais pas le faire. J’ai déjà eu des musiciens qui étaient très limites, avec qui nous jouions à une époque, je ne le referais plus. Maintenant, quelqu’un qui me casse les couilles, c’est droite dans la gueule et puis dégage. C’est vrai, je le dis vraiment très sincèrement. Je ne vais plus me faire chier à discuter avec des gens qui sont casse-couilles, qui font le bordel ou qui viennent pour autre chose que pour jouer dans un groupe. Si c’est le cas, ça va se passer très mal [rires].

Tu as dit que tu avais déjà des choses qui étaient enregistrées pour le troisième volet, est-ce que vous avez déjà toute la conception du volet final de la trilogie en tête ? Et même pour aller plus loin, est-ce que vous pensez déjà à l’après-trilogie ?

Je ne sais pas si je peux tout dire. Nous avons une espèce de spin off qui va sortir plus tard, car l’histoire est un petit peu compliquée. Le troisième est en cours de composition. Il y a déjà des chansons qui sont prêtes. Nous sommes en train de bosser dessus. Je pense que nous allons mettre un peu plus de temps à bosser ; comme il y a les spins off qui sortent, nous aurons un peu plus de temps. Et concernant l’histoire et les paroles, oui, j’ai une idée pour l’après-trilogie, mais ce sera dans très longtemps, donc je me demande : « Est-ce qu’on sera toujours là ? Est-ce qu’on aura toujours l’envie de faire de la musique ? Où on sera ? » C’est très compliqué parce que si tu sors tes albums et que tout le monde s’en branle, ça met un coup au moral et tu ne sais pas si tu vas continuer derrière. Et est-ce que nous serons vivants ? Je ne sais pas. Peut-être que Jérôme sera mort d’overdose. Je ne sais pas [rires]. Peut être qu’il y aura une guerre, nous serons enrôlés dans de la machinerie russe et nous serons morts.

Il y a quatre ans, tu disais que malgré les évolutions du groupe, il y avait toujours une cohérence dans l’univers d’ACOD. Rétrospectivement, tiendrais-tu les mêmes propos, sachant que cette nouvelle trilogie, cette nouvelle phase, se distingue véritablement de vos anciens travaux ?

Pour moi, il y a eu deux phases pour ce groupe. Je ne sais pas s’il y a beaucoup de groupes qui ont été comme nous. Il y a eu une longue période où nous avons sorti trois albums, je crois, où nous étions très nombreux et pour faire plaisir un peu à tout le monde, tout le monde met la pierre à l’édifice. Au final, l’édifice ne ressemble pas du tout à ce que tu avais sur les plans au début. C’était un petit peu compliqué, donc nous nous perdions un petit peu. Il y avait un certain engouement dans ce que nous faisions parce que nous étions un groupe de potes, mais ce n’était pas vraiment la musique que, peut-être, chacun aurait voulue. Et maintenant, du fait que nous nous retrouvons avec uniquement des personnes qui ont la même vision musicale, forcément, ça élargit les horizons et nous arrivons à faire quelque chose qui nous plaît plus. Il y a beaucoup plus de cohésion là-dedans et c’est beaucoup plus facile. Les compositions coulent, il y a plus d’entente, même dans les mauvais moments – parce qu’évidemment, il y a de mauvais moments, comme dans tous les groupes, mais nous arrivons à nous rabibocher plus facilement, à bosser sur l’essentiel, etc. C’est quand même beaucoup plus simple.

C’est votre premier album qui sort chez Les Acteurs De L’Ombre. Comment s’est fait votre passage sur le label et qu’est-ce qu’il représente pour toi ?

Parce que je couche avec Gérald ! [Rires] En fait, ça fait très longtemps que nous sommes très potes avec Gérard Milani, c’est mon jumeau maléfique. Nous passons pas mal de soirées ensemble, il me faisait écouter les groupes de Les Acteurs De L’Ombre, moi je lui faisais écouter les futures sorties, notamment Fourth Reign Over Opacities And Beyond d’ACOD. Nous en avons palé. Il m’a rappelé un jour, j’étais tranquille chez moi, et il m’a dit : « Ecoute, j’ai trouvé ça très bien… » Il a proposé aux autres membres – il faut savoir que c’est un label associatif, ils sont plusieurs, donc tout le monde a le droit de donner son avis. Ça a plu aussi – enfin, peut-être que ça n’a pas plu à certaines personnes, mais apparemment la majorité l’a emporté. Ils ont fait le pari sur nous. Au vu des premiers retours et des premières critiques, pour l’instant, les indicateurs sont au vert, donc nous croisons les doigts. Ça s’est fait naturellement. Pour moi, Les Acteurs De L’Ombre devient de plus en plus gros, donc ça devient un gros label, même si eux se voient parfois plus petits qu’ils ne le sont, et pour signer chez un gros label, c’est plus simple quand tu as la personne en face de toi que quand on envoie juste un mail : « Salut, on est tel groupe. Regardez ce qu’on fait, écoutez, c’est super ! » Il y a tellement de trucs qui arrivent que c’est toujours un peu compliqué de tirer son épingle du jeu. Là, nous avions quand même de la facilité.

« J’ai une idée pour l’après-trilogie, mais ce sera dans très longtemps, donc je me demande : « Est-ce qu’on sera toujours là ? Est-ce qu’on aura toujours l’envie de faire de la musique ? Où on sera ? » C’est très compliqué parce que si tu sors tes albums et que tout le monde s’en branle, ça met un coup au moral et tu ne sais pas si tu vas continuer derrière. Et est-ce que nous serons vivants ? Je ne sais pas. Peut-être que Jérôme sera mort d’overdose. Je ne sais pas [rires]. »

Nous avons croisé Gérald cet été, il nous parlait d’ACOD et nous disait que c’est un groupe qui est assez accessible. Je crois que c’est le terme qu’il a utilisé, et nous étions assez d’accord. Mais en fait, c’est accessible pour du metal extrême, pour les raisons que nous avons évoquées au cours de cet entretien. Que penses-tu de ce qualificatif qui est souvent utilisé, par exemple, pour parler d’un Dimmu Borgir ? Est-ce que tu le vois bien pour qualifier ce que fait ACOD ?

Ça ne me gêne pas du tout que l’on dise que nous faisons quelque chose d’accessible. En live, quand nous jouons, en festival par exemple, on voit que ça ne désemplit pas, que le public s’arrête, regarde et reste alors qu’ils ne vont pas se marrer. Donc oui, très certainement, c’est accessible. Je suis d’accord avec ça, c’est sûr que nous ne faisons pas du grind. Et puis, très honnêtement, la bataille d’essayer de faire un truc hyper underground « parce qu’on est méchants et qu’il ne faut absolument pas que les gens écoutent »… Ce n’est pas notre bataille. Je pense que c’est d’ailleurs une bataille qui est un petit peu obsolète. Je ne vais pas non plus dire que c’est un qualificatif qui me plaît particulièrement, mais je pense qu’il est complètement justifié. Il y a des orchestrations, il n’y a pas du blast du début à la fin du titre, c’est quand même assez mélodique, c’est compréhensible, il y a une bonne prod. C’est sûr que ça va être accessible.

Justement, cette stylistique peut légèrement détonner dans le catalogue des Acteurs De L’Ombre. Ce n’est pas le style musical qui est le plus représenté dans le metal extrême qu’ils proposent. Est-ce que tu penses que cette signature peut vous amener un nouveau public ?

Oui, c’est même sûr et certain. C’est vrai qu’ils ont un public vraiment post-black. D’ailleurs, je pense que dans les discussions qu’ils ont eues en interne, ça a dû un petit peu bloquer à ce niveau-là. Mais je pense que dans un label, c’est bien aussi d’élargir les horizons, et pourquoi pas de prendre un groupe comme nous. Nous ne sommes pas un groupe énorme non plus, mais nous sommes quand même pas mal établis en France. Donc je pense que c’était intelligent de leur part, de se dire : « On fait un pari sur eux, on prend du black-death. Ils ont une notoriété en France et on verra comment ça va se goupiller dans le futur. »

On peut avoir l’impression que, ces dernières années, il y a pas mal de groupes qui se sont lancés dans tout ce qui était metal extrême un peu mélodique et un peu symphonique. Est-ce qu’il y a des groupes en France qui t’ont particulièrement intéressé ces derniers temps ?

Je vais parler des groupes du label, tant qu’à faire. Je ne sais pas si c’est sorti ou si ça va sortir, j’ai écouté Houle – je crois que c’est une prochaine signature des Acteurs De L’Ombre ou c’est une récente signature – et que j’ai vraiment beaucoup aimé. Tu as aussi Délivrance. C’est le groupe d’Étienne [Sarthou], le batteur d’AqME. Je ne connaissais pas du tout ce groupe, je l’ai découvert récemment et j’ai trouvé ça vraiment très sympa. Une bonne claque. Après, je crois qu’ils ne sont pas sur Les Acteurs De L’Ombre, il y a Belore. C’est un one man band project mais ils jouent quand même en live et je suis allé les voir jouer et j’ai acheté des albums. Très cool aussi. Nous avons énormément de groupes comme ça qui sont très cool. Que ce soit chez Les Acteurs De L’Ombre ou ailleurs, c’est une belle palanquée de groupes.

Interview réalisée par téléphone le 8 septembre 2022 par Jean-Florian Garel & Eric Melkhian.
Retranscription : Aurélie Chappaz.
Photos : Nicolas Sénégas.

Facebook officiel d’ACOD : www.facebook.com/acodband

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