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Interview   

Airbourne : avis de tornade dans le rock


Le rock selon Airbourne, c’est du sérieux. Aux yeux du chanteur et guitariste Joel O’Keeffe, qui avoue en début d’interview être sous traitement pour hyperactivité, le public n’en a pour son argent que si le groupe sort de scène en nage et sur les rotules, après s’être donné à deux cents pour cent. Face au frontman survolté, dont la réputation en matière d’escalade des structures de scène et de soli à plusieurs mètres de hauteur n’est plus à faire, le fait d’avoir bravé la grève monstre du métro parisien pour assurer cette interview semble soudain bien dérisoire et pas si rock’n’roll !

Confortablement installés dans le canapé bling du Hard Rock Café, Joel et le « nouveau » guitariste du combo, Matt « Harri » Harrison, reviennent pour nous sur l’élaboration de Boneshaker, véritable tornade sonore enregistrée à l’ancienne, live et sur bande. Un entretien dont des extraits seront prochainement à retrouver en vidéo sur notre chaîne YouTube pour profiter pleinement de l’énergie des fils spirituels d’AC/DC… et de cette délicieuse gouaille australienne toute en mate et en g’day.

« Nous avons ce même langage à la guitare, sans avoir à y réfléchir ou en parler, ça fait que c’est naturel. […] C’est probablement un langage qui n’aurait aucun sens pour qui que ce soit, en dehors de nous deux, mais tous les deux, nous le comprenons immédiatement. »

Radio Metal : Comment allez-vous ?

Joel O’Keeffe (chant & guitare) : Très bien, merci. J’ai apparemment de l’hypertension artérielle, donc c’est intéressant ! Je suis allé voir le médecin avant pour avoir des médicaments contre le TDAH, et… [Rires] Je suis en train de tout déballer là ! Il a dit que j’ai de l’hypertension. Je crois que c’est parce que je suis excité d’être là ! Je suis sûr qu’il n’y a pas de souci.

Il y a deux ans, le guitariste David Roads a quitté le groupe. Seulement quelques mois avant que tu rejoignes le groupe, Harri, ton groupe Palace Of The King a tourné avec Airbourne. Est-ce là que vous avez noué des liens ou bien est-ce que cette amitié remonte à plus loin ?

Oh, ça remonte clairement à plus loin. Nous avons noué des liens grâce au groupe Johnny Crash…

Matt « Harri » Harrison (guitare) : A ne pas confondre avec Johnny Cash !

Joel : Même si nous adorons Johnny Cash aussi ! Nous avons parlé de Neighbourhood Threat, et aussi d’albums de The Cult, d’AC/DC, de Kix et de Rhino Bucket. Ça remonte à il y a dix ans. Ça fait donc un bon moment que nous nous connaissons.

Harri : Que des méga-groupes !

Joel : Des méga-groupes à la AC/DC, y compris AC/DC eux-mêmes.

Harri : Donc oui, ça fait presque dix ans que nous étions amis avant ça, ce qui a rendu la transition très fluide et naturelle. On avait l’impression que c’était le destin.

Saviez-vous déjà durant cette tournée, à la fin 2016, que David allait quitter le groupe et qu’Harri deviendrait votre nouveau guitariste ?

Joel : Non, je ne savais pas que tout ça allait se produire. Je n’avais pas la capacité de voir l’avenir. Nous tournions, nous étions sur la route, nous jouions et ensuite, sans crier gare, il a dit : « Les gars, j’ai une ferme au pays. » Il a toujours été passionné par sa ferme, c’est là où se trouve sa vraie vocation. Je sais qu’il est heureux là-bas. Je suis sûr qu’en ce moment il est en train de conduire un tracteur ou quelque chose comme ça, et de s’assurer que les vaches ont à manger ! J’ai déjà été dans sa ferme, c’est génial ! Il y travaille avec son père. Être sur la route, tourner à travers le monde avec ce type d’engagement, on est fait pour ça ou on ne l’est pas. Donc voilà où il en est aujourd’hui. Je sais qu’il a hâte d’entendre l’album. Il m’a envoyé un SMS l’autre jour, disant : « J’espère que ce sera un bon album ! » On verra. Nous connaissons Harri depuis des années – vraiment, des années – et il a rejoint le groupe au milieu de cette tournée. Il s’est tout de suite intégré. Je crois que ce qui est super pour nous, c’est que c’est d’abord un pote, avant même d’être dans le groupe ou quoi que ce soit. Alors que s’il avait été, disons, américain ou s’il était venu d’ailleurs, et que nous l’avions tout juste rencontré, ça aurait été bien plus dur. Nous avons une camaraderie, il y a plein de blagues entre nous, nous rions et nous nous éclatons tout le temps. C’est ce qui a fait que c’était très facile. Et puis, faire l’album a été super facile, parce que nous avons donné des concerts ensemble partout dans le monde un paquet de fois, et l’album a été enregistré live. Nous l’avons fait en quatre ou cinq semaines. Voilà une réponse qui répond à tout ! [Petits rires]

J’allais justement dire que, Harri, tu as pu jouer dans le groupe pendant deux ans avant de te mettre à faire ton premier album avec eux. Est-ce que ça t’a aidé à t’imprégner de l’état d’esprit d’Airbourne pour l’album ?

Harri : Oui, c’est certain. Comme Joel vient de le mentionner, la façon dont nous avons réalisé l’album a fait que le processus, à partir du moment où j’ai rejoint le groupe, durant les deux ans de tournées et puis quand nous travaillions sur de nouvelles idées – juste des petits bouts ici et là, des riffs, quand nous étions en salle de répétition à Melbourne avant d’aller à Nashville… ça a fait que tout était super facile. Je suppose que le mérite revient aussi en grande partie à Dave Cobb, notre producteur. Il a aidé à créer un environnement qui n’était pas intimidant ; pas de pression, c’était très confortable et très naturel. La moitié du temps, nous enregistrions sans même le savoir. En gros, il laissait constamment tourner la bande. Tous les moments d’excitation, à ne faire que traîner ensemble et jouer de la musique, il les a tous capturés. Et c’est grosso modo l’album !

Joel : Oui, à cent pour cent, c’est l’album. Tout ce dont je me souviens, c’est de me marrer tout le temps, et c’est ça qui a donné l’album !

Joel, penses-tu qu’Harri a apporté de la fraîcheur et peut-être un enthousiasme renouvelé à votre nouvel album, Boneshaker ?

Oh ouais, il est super enthousiaste ! C’est un mec vraiment marrant. Rien que ça c’est super, et c’est aussi un super guitariste. Il comprend… Comme je l’ai dit, les groupes sur lesquels nous avons noué des liens il y a dix ans, ce sont les groupes qui nous donnent de bonnes ondes et que nous avons écoutés en grandissant aussi. Donc, vu que nous avons ce même langage à la guitare, sans avoir à y réfléchir ou en parler, ça fait que c’est naturel. Je dis : « Tu es en train de faire ci, alors je vais faire ça. » Nous ne sommes pas obligés de nous poser et chercher à comprendre quoi faire. Nous savons naturellement comment assembler nos guitares pour obtenir un son constituant quelque chose de complet dans l’univers de la guitare. Parfois, si on y réfléchit trop, ça peut partir un peu de traviole. Mais il apporte sa guitare, j’apporte ma guitare, nous les mettons ensemble, et voilà le son !

Harri : Ce n’est pas comme si nous étions, l’un comme l’autre, des musiciens très qualifiés. Nous ne connaissons pas des trucs de dingue sur la théorie musicale ou quoi que ce soit de ce genre. Tu as mentionné avant le langage musical ; c’est probablement un langage qui n’aurait aucun sens pour qui que ce soit, en dehors de nous deux, mais tous les deux, nous le comprenons immédiatement, et c’est quelque chose qui a commencé à se développer presque avant que je rejoigne le groupe ! Généralement à trois ou quatre heures du matin, après avoir bu trop de bières, et ensuite en prenant les guitares dans un de nos séjours ou quelque chose comme ça pour nous amuser avec. Donc c’était cool.

Joel : Nous devrions publier un glossaire des termes liés à la guitare que nous utilisons !

« Quand j’entends une chanson que j’adore, plus rien d’autre n’existe. Une arme nucléaire pourrait se déclencher que je ne le remarquerais même pas. »

Pour Boneshaker, comme vous l’avez mentionné, vous avez fait appel au producteur de Nashville Dave Cobb, qui est très réputé. C’est un producteur moderne mais connu pour ses productions authentiques, organiques et vintage. Est-ce ce qui a fait de lui le producteur idéal pour Airbourne, un groupe de rock n’ roll lui aussi à la fois moderne et vintage ?

Totalement. C’était un des principaux aspects que nous regardions avant même de l’appeler. Il avait un groupe il y a longtemps, ça s’appelait Black Robot. Ils avaient de super sons de guitare et, en fait, nous avons tout fait sur la base de ce seul album ! Il y a une chanson qui s’appelait « Baddass », et puis ils ont fait une reprise de « Cocaine », la chanson de JJ Cale, et…

Harri : Il produisait et jouait sur cet album aussi. Il jouait de la guitare dans ce groupe.

Joel : Donc nous savions qu’il connaissait ce dont nous n’arrêtions pas de parler. Et aussi, la police de caractère sur son site web, où c’est marqué « Dave Cobb, producteur », à un moment donné, c’était la même qu’AC/DC avait utilisée pour Powerage. C’est un de nos albums d’AC/DC préférés de tous les temps. Donc nous savons que ce gars a ce qu’il faut pour comprendre ce que nous sommes et ce que nous voulons faire. Il a tout épuré en termes de son. Quand nous l’avons appelé, il était sur la même longueur d’onde. Nous parlions de choses du style : « Tu sais, sur ‘Dirty Deeds Done Dirt Cheap’, quand les guitares sont accordées un tout petit peu différemment, et ils ont presque un effet de chorus, et ça sonne presque plus gros que s’ils avaient été parfaitement accordés ? » Juste des bribes de conversations comme ça. Nous parlions des Rolling Stones, nous parlions de Led Zeppelin, de la façon dont ils s’installaient pour enregistrer live en studio, et il terminait nos phrases quand nous lui disions ce que nous voulions. Donc c’était super.

D’après le communiqué de presse, vous vous êtes donné un défi : faire un album qui soit fait de la même vieille étoffe que les enregistrements classiques de la fin des années 70. Qu’est-ce ça a impliqué de relever ce défi ?

Harri : Ça à l’air très simple dit comme ça, mais c’est un peu le cas. Comme tu l’as mentionné, Dave Cobb est un producteur moderne connu pour un truc très classique, mais c’est un art perdu. C’est le dernier Dieu à faire ce genre de chose. Cobb et même Greg Gordon, qui a mixé l’album, ce sont deux mecs vraiment spéciaux qui ont un talent qu’un tas de gars modernes, qui sont des génies sur Pro Tools et sur ordinateur, n’ont pas. C’est différent de produire comme le fait Dave Cobb, et de mixer un album plein d’instruments qui re-pissent dans un micro sur deux et toutes ces choses qui font que ce serait un cauchemar à mixer. Greg Gordon est lui aussi un génie !

Joel : Oui, ce sont tous les deux des génies. Ils vont super bien ensemble. On pourrait faire un album qui sonne très propre et brut, mais ça peut aussi sonner assez merdique, faute d’un meilleur terme – ou simplement bas de gamme. Pour faire un album brut mais qui ait quand même de la puissance, il faut capturer l’énergie dans les chansons, et ensuite avoir quelqu’un comme Greg Gordon pour mixer ça et emmener cette énergie jusqu’aux enceintes. Mais Cobb, c’est un geek autoproclamé quand il s’agit de scruter le moindre petit détail. De la même façon, nous sommes des geeks en ce qui concerne la manière dont les albums classiques étaient réalisés, et cet art en voie de disparition… Dans les processus d’enregistrement modernes, c’est complètement un art qui se perd, parce que tout le monde se repose sur Pro Tools, l’Auto-Tune ou les pistes de click pour que tout soit sans effort. Alors que nous, nous avons jeté par la fenêtre toutes ces règles : nous utilisons les techniques du passé que plus personne n’utilise, nous avons un magnétophone, nous nous débarrassons de nos téléphones portables, nous les sortons de la pièce, nous nous débarrassons des ordinateurs portables, et nous n’avons qu’un magnétophone, un groupe, un producteur et un ingénieur, et ensuite nous y allons à fond dans un studio légendaire où Elvis, les Rolling Stones et Dolly Parton ont enregistré.

Vous avez l’impression que les techniques d’enregistrement et la technologie modernes retirent quelque chose au rock n’ roll ?

Complètement. Et je pense que c’est là où nous en sommes dans l’industrie musicale et dans la musique en général : c’est devenu trop propre, trop parfait, trop réfléchi, c’est presque devenu une chaîne de production. Il faut faire machine arrière et refaire des trucs faits main, avec seulement des instruments et un magnétophone. C’est le sentiment que ça me donne. Même les couvertures de magazines photoshoppées et tout, les gens font moins ça. Si tu vas sur Instagram avec ton téléphone et que tu utilises trop le filtre, les gens n’aiment pas ; ils veulent voir une vraie photo. Ce sont des trucs culturels qui sont en train de se produire dans le monde et qui font dire : « Eh bien, les gens veulent entendre une guitare qui sonne comme une guitare, pas comme un effet digital sur un ordinateur, comme un plug-in. » Putain, repiquez la guitare avec un micro, une guitare, et jouez le truc et enregistrez-le ! Et c’est tout !

Ce n’est pas fastidieux d’enregistrer sur bande, quand vous savez que ça pourrait être plus « facile », d’une certaine façon ?

Ça pourrait être plus facile, d’une certaine façon, si nous morcelions tout. La façon dont nous l’avons fait était que le groupe était ensemble dans une pièce. Nous étions d’abord assis pour travailler la chanson en acoustique, et ensuite Dave disait : « C’est bon, on l’a. Branchons les amplis maintenant, vous avez gagné le droit de jouer avec vos amplis ! » Donc nous nous branchions, nous faisions une, peut-être deux prises de la chanson, et c’était tout. C’est une seule longue prise. Et ensuite, il disait : « L’énergie du solo était meilleure sur la seconde prise », donc il coupait la bande et mettait le morceau de bande sur la première, et c’est tout. Et ensuite, tu chantes par-dessus, exactement comme ça se faisait dans le temps. Donc enregistrer sur bande, c’est fastidieux si tu traites ça à la manière de Pro Tools. Mais si tu ne fais qu’une prise avec l’ensemble du groupe, c’est en fait très facile, car le temps pour nous de jouer la chanson, c’est tout ce qu’il nous fallait.

Harri : Oui, il n’y avait pas de recalage de coup de grosse caisse et toutes ces choses que les producteurs modernes font maintenant, en utilisant Pro Tool et click, click, click, copier et coller. « Ce coup de caisse claire en particulier était le plus joli, donc je vais le copier-coller sur tous les coups de caisse claire, comme ça tout sonnera pareil ! » Ça, ça aurait été fastidieux, mais ce n’est pas ce que nous cherchions à faire.

« Nous sommes un peu comme des ouvriers qualifiés. Nous avons seulement les outils qui se trouvent dans notre boîte à outils. Quand nous nous mettons à travailler sur quelque chose, nous ne sortons que les outils dont nous savons qu’ils feront le boulot. »

Airbourne est connu pour être un groupe de live hyper énergique. C’est aussi quelque chose que vous vouliez retrouver sur album, cette énergie qui a fait votre réputation ?

Joel : Oui. Et je pense que nous avons réussi à en capter une bonne partie grâce à la façon dont nous avons fait cet album, car comme je disais, c’était la première ou la seconde – ou peut-être la troisième – prise de chaque chanson, lorsqu’on est le plus énergique car on est excité de la jouer, mais on ne sait pas encore ce qu’on est en train faire. Après que l’album ait été mixé, nous nous disions que plein de gens réclamaient au groupe de faire un album live. Eh bien, c’est un peu ce qu’ils ont avec ça ! C’est un album live en studio !

Harri : Il est clair qu’on entend toutes les erreurs dans l’album ! [Rires] Comme lors d’un concert !

Il y a quelque chose de très primitif et instinctif qui transpire de cette musique dans Boneshaker, plus que dans n’importe lequel de vos autres albums. C’est ça le rock n’ roll pour vous, une musique qui parle à l’instinct animal en vous ?

Joel : A cent pour cent. Quand j’entends une chanson que j’adore, plus rien d’autre n’existe. Une arme nucléaire pourrait se déclencher que je ne le remarquerais même pas. Je serais encore là à donner des coups au plafond et m’éclater sur la chanson. La première chanson d’AC/DC que j’ai entendue était « Thunderstruck ». Dès que j’entends ça, c’est comme si le monde entier disparaissait. Je deviens comme un diable de Tasmanie !

Harri : Ça te ramène à ce moment précis quand tu l’as découverte.

Joel : On entendait Motörhead avant. La chanson « Rock’n’Roll » de Motörhead, où il dit « rock’n’roll » une trentaine de fois à la fin, ça nous parle vraiment. Il y a une collaboration entre Saxon, Motörhead et Rose Tattoo qui a été faite pour la chanson « I’ve Got To Rock (To Stay Alive) ». Quand j’entends ça, je me mets à courir à travers tout le bâtiment, tellement je suis excité. Donc oui, c’est primitif. C’est dans ton cœur, et c’est pourquoi il y a une chanson sur l’album qui s’appelle « Rock’n’Roll For Life ».

Harri : Il me semble que tu as prononcé le mot « ressentir » dans ta question. C’était un mot qui n’arrêtait pas de revenir pendant que nous travaillions avec Cobb en studio et auquel nous n’arrêtions pas de nous référer. Tous nos albums favoris nous font ressentir quelque chose et ils possèdent un feeling à part. Il ne s’agit pas d’être parfait ou d’identifier la place parfaite d’un coup de caisse claire ou quoi que ce soit de ce genre. C’est de ça que nous parlions constamment : il faut que ça fasse ressentir quelque chose. C’est souvent pourquoi la première ou la seconde prise était la meilleure, parce qu’elles capturaient ce moment où nous nous sentions les plus inspirés par l’idée. Et ça se retrouve sur la bande.

Votre musique est très directe, très épurée, sans guitare acoustique, sans clavier et sans arrangement sophistiqué. Est-ce que ça transcrit un état d’esprit et une personnalité de manière générale que vous avez ? Genre, même dans la vie vous n’avez pas envie de trucs compliqués ?

Joel : Oui, clairement. Nous sommes un peu comme des ouvriers qualifiés. Nous avons seulement les outils qui se trouvent dans notre boîte à outils. Quand nous nous mettons à travailler sur quelque chose, nous ne sortons que les outils dont nous savons qu’ils feront le boulot, et dans notre cas c’est une certaine guitare et un certain ampli. Une fois que nous avons fini notre boulot, à construire notre mur de briques, ou peu importe… Nous n’avons pas besoin de clavier ou ce genre de chose. Ça n’a jamais été notre truc. Notre truc a toujours été : « Si on peut le faire nous-mêmes en tant que groupe, alors c’est ce qu’on doit faire. » Car ensuite nous allons le jouer devant un public, donc où est le clavier ? Nous n’avons pas de claviériste ! C’était l’un d’entre nous en studio, bourré, qui pressait des boutons, et quelqu’un l’a enregistré ! [Rires] Ceci dit, Streety [le bassiste Justin Street] est un très bon pianiste. Sur scène il joue de la basse, mais souvent, tu rentres dans le studio et Streety est assis derrière le piano, à jouer des méga-riffs de piano…

Harri : … sur un extraordinaire piano centenaire qui est là depuis le premier jour !

Joel : Oui. Et ensuite, nous prenons une guitare et nous jammons avec lui et tout, et nous nous disons : « On devrait mettre ça sur l’album ! » Et il est là : « Par contre, je vais jouer de la basse ! » « Oh, ouais, zut ! » Donc, qui sait ? Peut-être qu’un jour, un petit truc au piano… Ça a marché pour Queen ! Freddie pouvait parfaitement réussir ça ! Ce n’est pas que nous n’y avons pas pensé, c’est juste que, quand nous branchons les amplis et envoyons la sauce, vous n’entendriez pas le piano [petits rires]. C’est trop fort. Et nous aimons vraiment la simplicité de notre musique, c’est ce qu’il nous faut.

L’album ne dure que trente minutes, ce qui en fait l’album le plus court que vous ayez jamais fait, et le rythme ne ralentit jamais vraiment. Il y a une véritable urgence, avec même cinq chansons en dessous des trois minutes. Votre but était-il de faire de cet album une sorte de tornade s’échappant des enceintes, ne laissant pas le temps aux gens de s’ennuyer ?

C’est effectivement comme une tornade !

Harri : Comme une tornade, c’est bon ça !

Joel : Vous devriez utiliser ça pour titrer votre chronique ! « Le nouvel album d’Airbourne est comme une tornade s’échappant des enceintes » ! J’adore ça ! Ouais !

Harri : Dans le même ordre d’idée, notre manageur nous a parlé d’une critique d’un de nos concerts sur la tournée que nous venons de finir, et ça disait un truc du genre : « Le public profitait d’une belle journée relaxante, jusqu’à ce qu’Airbourne débarque sur scène et les explose au napalm. » C’est pareil ! Nous essayons de capturer dans l’album ce type de d’énergie viscérale, qui va à toute berzingue. Donc oui, c’est sympa à entendre, merci ! [Rires] Je le prends comme un compliment !

« Nous sommes un peu comme des chiens fous qui aboient dans les enceintes. Et vous avez quelqu’un comme Cobb, qui est le Monsieur Loyal dans un cirque. Il a des animaux de cirque, des lions, et il essaye un peu de les dompter, mais nous sommes trop sauvages ! »

Le rock n’ roll est aussi connu pour ses ballades. Même Motörhead a fait des ballades, et AC/DC dans une certaine mesure. Or vous n’en avez aucune sur cet album et je ne me souviens pas qu’Airbourne en ait fait une un jour. Les ballades, ce n’est pas votre truc ?

Joel : Je ne suis pas certain qu’AC/DC ait vraiment fait une ballade. Aucune ne me vient en tête.

Des trucs plus lents, au moins !

« Weapon Of War » est plus ou moins lent [petits rires]. « The Jack » est assez lente, mais je ne crois pas que ce soit une ballade.

Harri : C’est une chanson d’amour !

Joel : Une ballade sur la chtouille ! [Rires] Je veux dire que lorsque nous nous branchons et commençons à jouer, tout accélère. Dans le studio, il nous arrivait même de ralentir le magnétophone, parce que nous avions joué une chanson trop vite, et Cobb était là : « J’adore l’énergie, les gars, mais… » Il rembobinait la bande, et il disait : « Oh, ça sonne plus heavy comme ça ! » Parfois, nous pensons trop vite, nous sommes un petit peu trop durs et trop rapides. Nous sommes un peu comme des chiens fous qui aboient dans les enceintes. Et vous avez quelqu’un comme Cobb, qui est le Monsieur Loyal dans un cirque. Il a des animaux de cirque, des lions, et il essaye un peu de les dompter, mais nous sommes trop sauvages ! Et parfois, nous accélérions le magnéto, genre : « Voyons voir ce qui se passe si on accélère ce machin ! » Et ensuite, nous faisions un solo ou autre. Bon, là je rentre trop dans la technique, mais… C’était quoi la question ?

[Rires] Les ballades !

Exact. Nous sommes trop rapides pour les ballades !

Harri : [Rires] Mais là encore, ça fait partie des trucs propres à Cobb qui sont vraiment géniaux. Il n’essaye pas de tenir le groupe en laisse, de le maîtriser, maîtriser, maîtriser – ce qui pompe toute l’énergie de ce qu’on est en train d’essayer de créer depuis le départ. L’énergie et le feeling passaient avant tout, et pendant que nous réécoutions la chanson, si nous nous disions : « Oh merde, on a joué bien trop vite ! », il était assis là, à dire : « Ouais, mais les gars, il y a de l’énergie ! » Et ensuite, nous sommes comme des gosses geeks dans un magasin de jouets : « On n’a qu’à ralentir le magnétophone. » Nous rembobinions et ralentissions parfaitement jusqu’à ce que nous nous regardions en bougeant nos têtes sur le groove, sentant que nous avions trouvé le bon tempo pour la chanson. Il s’agissait juste d’utiliser ces sortes de jouets marrants et de traficoter, plutôt que d’être tenus en laisse et d’être retenus par le producteur.

Joel : La raison pour laquelle nous trafiquions souvent le magnétophone, c’est parce que c’était une technique qu’ils utilisaient dans le temps. On peut l’entendre sur certaines chansons. Je pourrais totalement me tromper, mais si tu écoutes « Shoot To Thrill » sur Back In Black, ça sonne vraiment comme si ça avait été un petit peu accéléré, simplement parce que les guitares sont toutes aiguës – à moins qu’ils les aient accordées aiguës. Peut-être que sous la direction de quelqu’un comme Mutt Lange, il y a un peu plus de contrôle sur l’accordage. Mais ça sonne comme si ça avait été légèrement accéléré, et on dirait que d’autres trucs, comme « Highway To Hell », ont été un petit peu ralentis, parce que le côté gras de la batterie et des guitares devient tout d’un coup plus marqué. On ne peut pas faire ça avec Pro Tools sans perdre en qualité sonore. Mais avec un magnétophone, tu prends la bande… C’est comme quand on a un vinyle et qu’on met son doigt sur le bord de la platine pour la ralentir un petit peu, on entend la musique ralentir, mais alors le chant sonne bizarre. Mais avec des guitares, de la basse et de la batterie, si tu les ralentis, tu obtiens un son plus gros. Et c’est pourquoi des gars comme Eddie Van Halen sous-accordaient leurs guitares, pour faire briller les lampes un petit peu différemment, afin d’obtenir un son plus gros. Tout est donc une question d’épaisseur et de brillance et ce type de chose – et d’énergie.

Harri : Donc pas de ballade !

Joel : Pas de ballade ! Trop rapide pour les ballades !

Sur la pochette de l’album, on peut voir les lettres « RNRFL », qui sont les initiales de « Rock n’ Roll For Life », la dernière chanson de l’album. Est-ce que vous vous voyez faire encore ça à 70 ou 80 ans ?

Ouais, enfin… Je n’anticipe pas autant, mais je me dis vraiment : « Ouais, quand j’aurai cet âge… Rock n’ roll pour la vie ! » Je pourrais le faire, ouais, bien sûr !

Harri : Carrément, ouais ! A moins que nous n’atteignions pas les 70 ans ! Ça serait la seule raison pour laquelle nous ne ferions plus ça à 70 ans !

Joel : Nous serions sous terre, à tabasser le sol avec nos poings, toujours à balancer du rock là-dessous !

Harri : Il faudrait juste équiper le cercueil avec des enceintes Bluetooth !

Qu’est-ce que ça veut dire être rock n’ roll en 2019, en termes d’attitude, à une époque où les réseaux sociaux scrutent nos moindres faits et gestes, et où on remet même en question notre liberté d’expression ?

Joel : Plus que jamais, ne jamais s’en soucier. C’est le moment de s’en foutre ! Je m’éloigne un peu de ta question, mais par exemple, jamais par le passé nous n’avions joué une nouvelle chanson en concert qui n’avait pas encore été enregistrée. Sur cette tournée, nous l’avons fait. « Boneshaker » est le premier single, il n’était pas encore sorti que nous le jouions dans un tas de festivals à travers l’Europe. L’un d’entre eux était le Wacken, en Allemagne. Il y a quatre-vingt-dix mille personnes là-bas, nous avons joué « Boneshaker », alors que le morceau n’était pas encore sorti. Ensuite les réseaux sociaux s’en sont emparés, et ça a été partagé de partout. Mais pour nous, c’est cool de faire ça maintenant ! On utilise ça comme un outil, et si quelqu’un veut… Les opinions, c’est comme les trous du cul : tout le monde en a un, ou peu importe quel est le dicton. Donc les gens veulent dire de la merde sur toi, parce qu’ils se cachent derrière un petit ordinateur portable en tapant sur leur clavier, ou ils se mettent sur leur téléphone et deviennent de grands guerriers de la justice sociale. Mais si tu les rencontres en personne et [les mets face aux] choses qu’ils écrivent, ils sont là : « Oh, non non non… » Mais tout le monde à droit d’avoir une opinion, tout comme on a un trou du cul qui sert à chier, et c’est ce qu’on fait avec. Mais la plupart du temps, les gens veulent juste s’éclater avec du rock, donc je me fiche de ce que les gens disent à propos du groupe sur les réseaux sociaux. Je n’en ai rien à foutre ! C’est comme un putain de trou du cul ! [Rires]

« [Après nos concerts, les gens] retournent au travail, leurs oreilles sifflent, peut-être qu’ils sont un peu éméchés ou peu importe, et leurs collègues demanderont peut-être : ‘Hey, comment était ta soirée hier ?’ ‘Oh, j’ai été au concert d’Airbourne. C’était la meilleure chose que j’ai vue de ma vie. Maintenant je vais quitter mon job et dire à mon patron d’aller se faire foutre !’ Et ils partent et montent un groupe de rock n’ roll ! [Rires] C’est le scénario idéal ! »

« Weapon Of War » est une chanson peut-être plus réfléchie. Croyez-vous qu’on va vers la fin du monde, comme la chanson semble le suggérer ?

Quand nous écrivions les paroles de cette chanson, il se passait un tas de choses avec la Corée. Et depuis l’Australie, ça nous donnait l’impression : « Oh merde, un missile vole dans cette direction ! » Et ensuite, quand nous en parlions avec Cobb, il disait qu’à l’époque où il était à l’école, durant la guerre froide, ils faisaient des exercices, c’est-à-dire que les enfants devaient se cacher sous leur bureau dans la salle de classe. Il disait que les gens allaient au travail tous les jours, sans savoir si c’était le dernier jour et si des missiles allaient frapper leur ville, parce que…

Harri : Ils vivaient réellement dans la peur de ce type de choses.

Joel : Oui, la peur d’une attaque nucléaire. C’est donc l’un des aspects principaux de cette chanson et la raison pour laquelle nous l’avons écrite. L’autre aspect, c’était aussi pour traiter du syndrome de stress post-traumatique, quand on revient de l’étranger, d’une guerre que le gouvernement a déclenchée. On n’est qu’un soldat qui part au travail pour payer les factures ; on n’a pas envie de tuer qui que ce soit. Ils reviennent chez eux et on les oublie, et ils souffrent de ce stress post-traumatique. Parfois ils reviennent à la maison et il leur manque une jambe ou quelque chose comme ça, ou ils ont perdu leur meilleur ami, et ils réintègrent la société, et personne ne les aide vraiment à faire ça. Donc c’est genre : « Je ne suis qu’une arme de guerre. » C’est l’impression que ça donne. Bob Seger avait une chanson, « Feel Like A Number » (« j’ai l’impression d’être un numéro », NdT). Mais vous êtes plus que ça ! Ces deux idées rassemblées ont formé « Weapon Of War ».

Il y a un discours au début de la chanson. Ça vient d’où ?

C’est Aaron, notre pote, qui a travaillé sur l’album avec nous. C’étaient des paroles qui n’ont pas trouvé leur place dans la chanson. Cobb a dit : « Eh bien, on devrait faire une intro. Ces paroles que vous avez, utilisons-les au début. Ce serait un discours vraiment cool. » Voilà comment c’est arrivé.

Harri : Je crois qu’il l’a littéralement fait sur le répondeur ou quelque chose comme ça, non ? Ensuite nous avons enregistré le téléphone avec un microphone !

Joel : Oui, il n’était pas au studio à ce moment-là, donc nous lui avons simplement envoyé un message avec les paroles. Il a dit : « Ouais, pas de problème. » Il a appelé mon téléphone et a laissé un message sur le répondeur, et nous avons utilisé le répondeur pour le mettre sur l’album. Ou nous avons mis un micro devant le téléphone et l’avons fait comme ça. C’est le seul usage de technologie moderne que nous ayons fait sur l’album !

Joel, tu avais l’habitude d’escalader les structures des scènes durant tes prestations live mais vous avez désormais des clauses contractuelles pour t’empêcher de faire ça. Du coup, as-tu pensé à de nouveaux jeux de scène effrontés et imprévisibles ?

Ouais, enfin… J’ai réfléchi à ce que nous pourrions essayer de faire pour contourner ça, mais je pense que je vais probablement devoir commencer à regrimper ces saloperies et rompre le contrat ! Parce que je ne connais pas d’autre façon de faire ! Ceci dit, une chose que nous faisons, c’est que nous sautons dans la foule pour faire le tour d’une partie du festival, et ce genre de truc. Mais même la guitare la plus démentielle a ses limites ! Parfois, nous nous retrouvons dans des situations à la Spinal Tap. Au Rock Am Ring, nous étions dans la foule, en train d’essayer de revenir à la scène, et nous nous sommes retrouvés dans un enclos, là où il y a les toilettes et quelques tentes. Nous avions pris la mauvaise direction, donc nous avons dû revenir. Mais c’est marrant, c’est ce qui fait que c’est authentique et rock n’ roll, et il faut se marrer. On ne peut pas s’énerver à cause de ça, c’est marrant.

Tu as dit une fois que « si un gars dans le public a payé deux dollars ou vingt dollars, alors il n’en aura pas pour son argent tant que [vous] ne descend[ez] pas de scène en sang, battus et couverts de bleus ». Comment parvenez-vous à conserver cet état d’esprit après autant de concerts ?

Je pense que c’est juste l’amour du rock n’ roll, et c’est le public, son énergie.

Harri : Rock n’ roll pour la vie ! C’est de ça qu’il est question !

Joel : Rock n’ roll pour la vie. Dès que nous nous branchons et que nous commençons à jouer cette première note, ce premier accord, nous y allons le plus fort possible. On voit le public, on veut recevoir son énergie et lui donner tout ce qu’on a pour qu’ils oublient toutes les conneries dans leur vie, et aussi leur offrir le putain de don du rock n’ roll ! Et qu’ils s’éclatent le plus possible, de façon à ce que lorsqu’ils repartent, ils soient là : « Merde, c’était vraiment génial ! » Ils retournent au travail, leurs oreilles sifflent, peut-être qu’ils sont un peu éméchés ou peu importe, et leurs collègues demanderont peut-être : « Hey, comment était ta soirée hier ? » « Oh, j’ai été au concert d’Airbourne. C’était la meilleure chose que j’ai vue de ma vie. Maintenant je vais quitter mon job et dire à mon patron d’aller se faire foutre ! » Et ils partent et montent un groupe de rock n’ roll ! [Rires] C’est le scénario idéal !

Interview réalisée en face à face le 13 septembre 2019 par Tiphaine Lombardelli.
Fiche de questions : Nicolas Gricourt.
Retranscription : Tiphaine Lombardelli.
Traduction : Nicolas Gricourt.
Photos : Travis Shinn.

Site officiel d’Airbourne : airbournerock.com.

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