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Interview   

Akentra cultive son ambivalence


L’ambivalence que Marilyn Monroe dégageait et cultivait pourrait être une métaphore décrivant Akentra. Tout d’abord par le nom du groupe, pour d’évidentes raisons (Akentra étant une plante carnivore), mais aussi musicalement, par son mélange entre mélodies et parties agressives puis par ses textes qui tantôt condamnent la nature humaine, tantôt la célèbrent par d’intimes déclarations d’amour ou d’amitié envers des proches directs des membres de la formation.

Évidemment, cette dynamique de contrastes est présente chez de nombreux autres groupes, artistes ou même personnalités en général, mais le parallèle est d’autant plus facile à faire ici étant donné le respect que la chanteuse Lucia Ferreira a pour Marilyn et l’importante influence qu’elle a représenté pour elle.

A l’occasion de la sortie du nouvel album Alive, marqué notamment par l’arrivée d’un jeune nouveau au sein du combo, nous nous sommes entretenus avec la chanteuse. Nous en avons profité pour aborder ses différents projets musicaux en fin d’entretien.

« Le fait d’écrire en anglais me permet de garder une certaine distance. »

Radio Metal : L’Akentra est une plante carnivore. Avez-vous choisi ce nom parce que c’était, pour vous, la métaphore parfaite pour la musique du groupe ? Puisqu’il y a ce côté à la fois nature, qui peut paraître un peu plus doux, le côté carnivore, lui un peu plus agressif. Ainsi ce nom du groupe est-il une métaphore pour les parties énervées et plus développées de votre musique ?

Lucia Ferreira (chant) : C’est exactement ça. Tu as exactement résumé la situation, il s’agit bien de cela.

Et comment êtes-vous tombés sur ce nom ? Vous connaissiez déjà cette plante à la base ?

En fait on a fait une liste de noms et c’est vrai que le côté plantes carnivores me parlait pas mal. Donc j’ai fouiné un peu sur le net, j’ai trouvé des noms de plantes carnivores qui sonnaient bien et quand je suis tombé sur « akentra », ça m’a tilté tout de suite.

Une question sur le lien entre vos deux premiers albums : le premier était Asleep et le deuxième est donc Alive. Est-ce que le fait que les deux noms d’albums commencent par un « A » est intentionnel ? Du coup peut-on y voir un lien entre les deux albums d’autant plus qu’Alive est aussi un morceau de l’album d’avant…

Le fait que les deux albums commencent en « A » est plutôt un hasard. Par contre concernant le titre du deuxième album, Alive, le fait que cela reprenne un titre du premier est un clin d’oeil. C’est un petit retour en arrière, un petit rappel, pour le fun.

Concernant les paroles du disque il y a sur ce dernier le titre « The One » qui est apparemment une déclaration d’amour très personnelle à quelqu’un qui partage ta vie. Il s’agit d’un thème très intime donc qu’est-ce qui t’a poussé à sortir ce sujet de ton intimité et le partager avec les gens ?

Je pense que c’est vraiment les guitares qui m’ont inspiré ce thème-là. C’est vrai qu’il est venu assez naturellement, bizarrement, et je pense que si j’avais écrit en français, cela aurait été différent. Le fait d’écrire en anglais me permet aussi de garder une certaine distance et que mes proches ne comprennent pas forcément ce que je dis dans ce morceau-là. Mais c’est vrai que c’est un texte assez personnel.

Donc l’idée est quand même que tout le monde puisse se l’approprier un petit peu ?

Voilà. Après ce qui était rigolo lorsqu’on a composé ce morceau c’est que Thomas a commencé avec la guitare acoustique et lorsque j’ai mis le texte dessus, il m’a dit « C’est marrant, c’est exactement ce que j’avais en tête quand j’ai commencé à travailler ce truc-là ». Donc c’est vrai que là-dessus on s’est rejoints et au final c’était marrant de savoir que c’était ce qu’il avait en tête quand il a composé le morceau.

Comment tes proches ont-ils pris ce texte ? Ont-ils été contents qu’il y ait cette sorte de dédicace ou ont-ils été un peu gênés ? Quelle a été leur réaction ?

Mon chéri a été super content, il était fier comme tout. Donc évidemment il a dit à tout le monde « Hé, vous avez vu, cette chanson-là, elle est pour moi ! ». Il s’en est bien bien vanté. Sinon, mes autres proches étaient contents pour lui et ils ont trouvé que c’était une belle preuve d’amour.

Il y a aussi des textes assez sombres dans l’album : « Résurrection » parle de suicide, « Future » est une critique très acerbe de l’être humain. Peux-tu me dire quelle est la source de ces textes ? D’où vient cette noirceur ?

Ca vient de ce que je peux constater au quotidien. Par exemple, pour « Résurrection », j’ai une amie qui est malade, elle a fait une tentative de suicide, et c’est quelque chose qui m’a beaucoup touchée, et le fait d’en parler dans une chanson est un moyen d’exorciser ce genre de choses, et je pense que c’est un peu thérapeutique. Pour « Future », c’est pareil, je constate le quotidien. Il y a juste à allumer la télé et regarder les infos pour constater que l’humain est une merde [rires], malheureusement. Mais ce qu’il faut espérer c’est qu’il y a encore un peu d’espoir et qu’on pourra sauver quelque chose.

« Quand on dit qu’on ne veut pas d’enfant, tout de suite on est un peu regardé bizarrement. »

Toi, en as-tu de l’espoir ?

Ca dépend des jours, il y a des jours avec et il y a des jours sans.

Il y a une chanson qui s’appelle « My Son », qui reprend un peu cette question qu’on pose un peu à tout le monde quand les gens prennent de l’âge « Alors, c’est pour quand le bébé ? » etc. Et forcément, selon les personnes, ça peut être mal pris parce que, même encore aujourd’hui, dans une société où on commence enfin, sans doute, à accepter la différence des autres, il est encore un petit peu mal vu et bizarre de dire qu’on ne veut pas forcément d’enfant. Voulais-tu t’exprimer sur ce sujet-là pour défendre ceux qui ont pas forcément envie d’avoir d’enfant et dont c’est totalement le droit ?

Ouais, c’est vrai que quand on dit qu’on ne veut pas d’enfant, tout de suite on est un peu regardé bizarrement, les gens disent « C’est bizarre, c’est pas comme les autres ». C’est vrai que ça paraît étrange à la plupart des gens et qu’autour de moi j’ai de plus en plus de gens qui ont des enfants, une vie de famille… Et c’est vrai qu’être différent fait un peu bizarre donc cette chanson-là me permettait d’aborder ce sujet. C’est vrai que même mon compagnon est issu d’une famille nombreuse, ses frères et soeurs ont tous des enfants, parfois jusqu’à cinq enfants. Donc le fait que lui n’en ait pas, c’est vrai que ça leur paraît bizarre. Mais comme je dis dans la chanson, on n’est jamais à l’abri, parfois les hormones parlent et la raison se tait donc on ne sait jamais.

L’album est sorti l’an dernier, du coup quels ont été les retours depuis ?

Jusque-là, on a eu des retours qui étaient pas mal. Les fans étaient super contents et ce qu’on a le plus entendu c’est que cet album-là, par rapport à Asleep, était plus rock que metal. Nous déjà, quand on est sortis du studio on était très très contents et je pense que les fans ont bien suivi.

L’histoire du groupe a été marquée assez récemment par le départ de Habib, est-ce que tu peux nous parler des raisons de ce départ ?

En fait, Habib a monté sa propre société de prestations, ce qui fait qu’il est amené à travailler le week-end. Or on répète le week-end et les concerts se font généralement le week-end aussi donc cela devenait compliqué pour lui de cumuler Akentra avec son activité pro. Il a donc été obligé de faire un choix à un moment donné. C’est pour ça qu’ils nous a quittés et qu’on a recruté le petit Maël à la place.

Lorsque Maël est arrivé, l’album était déjà prêt. Pour l’instant, qu’a-t-il apporté ? Comment décrirais-tu cette nouvelle alchimie ?

C’est vrai qu’avec Maël cela a bien collé tout de suite, que ce soit musicalement ou humainement. Il est tout jeune, a une vingtaine d’années et a un petit côté foufou. Il n’a peur de rien et plus il est très créatif et curieux donc c’est agréable de travailler avec quelqu’un comme ça qui ne s’interdit rien. Maël est vraiment une belle rencontre.

L’album est sorti l’an dernier et vous êtes encore en train d’en faire la promotion. Malgré tout, pensez-vous déjà au prochain album et avez-vous déjà des idées ?

Oui, on a déjà quelques pistes. On a des petits bouts de morceaux qui traînent à droite à gauche que l’on a commencé à maquetter. Mais c’est vrai que ces temps-ci, on se concentre vraiment sur Alive et sur les concerts qui vont en découler. Mais en effet nous avons déjà quelques pistes pour un prochain album.

« [Mael] a une vingtaine d’années et a un petit côté foufou. Il n’a peur de rien et plus il est très créatif et curieux donc c’est agréable de travailler avec quelqu’un comme ça qui ne s’interdit rien. »

Peux-tu nous parler de ces pistes-là ? Y a-t-il quelque chose de marquant, de nouvelles influences qui s’expriment ?

Oui, je pense que ça va être encore différent, justement du fait de l’arrivée de Maël. Je pense qu’il va y avoir des choses qui risqueraient d’étonner.

Du coup, vous avez déjà pu le mettre un peu à contribution en termes d’écriture de morceaux pour ces nouvelles idées ?

Oui carrément. Il est déjà dedans.

J’ai lu dans une interview que tu avais des influences éclectiques et notamment très jazz. Peux-tu nous parler de cela ?

En fait, j’ai découvert le jazz au groupe vocal du lycée qund j’étais bien plus jeune. C’est là que j’ai découvert un super compositeur qui s’appelle Cole Porter. Quand j’ai découvert ce compositeur et toutes ses chansons, j’ai vraiment eu un gros gros coup de coeur. C’est vrai que cet univers jazz des années 1950, le côté un peu pin-up, Marilyn Monroe et les comédies musicales de l’époque : je suis vraiment tombée amoureuse de cet univers-là et je n’en suis pas sortie.

Justement, tu viens de parler de Marilyn Monroe et c’est vrai que quand on croise les différentes interviews de toi qu’on peut trouver sur la toile, le nom de Marilyn Monroe revient souvent, voire tout le temps. Peux-tu nous en dire plus sur ce qui te plaît et t’influence chez elle en tant qu’artiste ?

Je pense que ce qui me plaît vraiment chez Marilyn est le côté à la fois très fragile et en même temps le côté un peu dévergondé, le côté femme fatale vraiment assumé, le côté sucré, suave… Je ne sais pas comment expliquer mais c’est vrai que le personnage en lui-même est déjà plutôt fascinant, sa façon d’interpréter ses chansons… Le côté pin-up, femme fatale, me plaît vraiment.

Et est-ce que, dans ces influences différentes, notamment dans le jazz, tu trouves que tu as la place d’exprimer cet éclectisme au sein de la musique du groupe ?

Non, je ne pense pas, pas avec Akentra. C’est pour ça que j’ai de petites choses à côté, histoire de m’exprimer au niveau jazz. Dans Akentra, c’est assez compliqué de mettre des parties jazzy.

Peux-tu nous parler de tes autres projets artistiques ?

En fait, j’étais dans un groupe que j’avais monté avec une autre chanteuse qui est aussi du rock bien pêchu et bien rentre-dedans. Donc on avait monté ce projet-là toutes les deux et j’ai récemment quitté le groupe parce que ça ne me correspondait plus vraiment, musicalement parlant. Du coup, je joue actuellement avec une formation jazz acoustique avec contrebasse, guitare… Des musiciens qui jouent de plusieurs instruments, un coup c’est la guitare, un coup c’est le violon, un coup c’est l’harmonica… C’est intéressant, on s’est faits quelques répètes déjà et c’est plutôt prometteur, je m’éclate bien. On verra où cela nous mène.

Interview réalisée par téléphone le 11 décembre 2015 par Philippe Sliwa.
Retranscription : Robin Collas.
Introduction : Philippe Sliwa.

Site officiel Akentra : akentra.com.



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