S’il a très jeune fait carrière en Russie, Victor Smolski est davantage connu chez nous pour son travail avec Rage, avec qui il est resté pendant quinze et a mis à profit, à certaines occasions, ses connaissances en matière de musique classique (héritées de son père Dmitry Smolski). Depuis 2015, Victor parcourt le monde avec sa formation Almanac, déjà auteur de deux albums avec Tsar (2016) et Kingslayer (2017). Le rythme de tournée s’accélérant a amené Almanac à se séparer de plusieurs membres dont les chanteurs David Readman et Andy B. Franck. Il en fallait plus pour faire renoncer Victor, qui a immédiatement reformé un nouveau line-up centré autour de deux chanteurs (contre trois auparavant) avec Jeannette Marchewka et Patrick Sühl, accompagnés du bassiste Tim Rashid et du batteur Kevin Kott, sans compter les participations de Frank Beck de Gamma Ray et du growleur Marcel Junker. Rush Of Death constitue la troisième réalisation d’Almanac, articulée autour de la thématique des gladiateurs. L’occasion pour Victor Smolski d’effectuer un parallèle avec sa passion et ceux qu’ils considèrent comme les combattants des temps modernes : les pilotes automobiles. Victor Smolski est toujours en quête de l’alliance parfaite entre musique symphonique et heavy metal sans pour autant forcer les choses, quitte à embrasser davantage une seule facette.
Rush Of Death est nourri par les multitudes de shows effectués par Almanac ces dernières années. Il en résulte un opus largement heavy, gorgé d’énergie. Les réactions du public sur des plus petites scènes et les modifications de line-up ont influé sur la manière de composer de Victor, moins enclin à proposer des arrangements orchestraux gargantuesques qui ont besoin d’une logistique considérable, d’une scène immense et d’une audience massive pour vraiment prendre vie. En conséquence, une partie des chansons est dénuée de tout élément symphonique. Il est néanmoins tout aussi respectueux de sa thématique que les précédents, les bruits de moteur qui introduisent « Predator » donnent le ton : Almanac reste tout aussi explicite. Le riffing qui s’ensuit s’inscrit dans une tradition de heavy/thrash avec les articulations mélodiques et acrobaties guitaristiques spectaculaires chères à Smolski. Il y a un véritable enthousiasme qui motive l’interprétation des chanteurs, aboutissant à un refrain fédérateur, quoiqu’un brin kitsch. « Rush Of Death » et son introduction de basse privilégie une approche tantôt rock n’ roll faisant presque office d’hommage aux dernières heures de la NWOBHM, tantôt plus lourde et résolument moderne. Smolski s’illustre par les multiples interventions de soli effrénés, galvanisé par l’univers de la course automobile dont il fait lui-même partie.
Rush Of Death est quasiment un split-album puisque Victor Smolski a décidé d’intégrer au cœur de l’album Suite Lingua Mortis Part. 2, la suite directe des chansons avec orchestre de la première moitié de l’album Speak Of The Devil (2006) de Rage. L’intégration de l’orchestre est ici mise en avant, agrémentant les chansons sans les subjuguer, à l’image des cuivres de « Bought And Sold » ou de l’interlude orchestrale « The Human Essence » qui fait directement référence aux gladiateurs antiques (« when the human being becomes puppet / the audience is pleased / the fight is over »). Le heavy grandiloquent et progressif de « Satisfied » permet au groupe de profiter pleinement de l’expérience de compositeur classique et metal de Victor, adhérant pleinement au grand spectacle. Lorsque Almanac revient pour finir l’album dans un registre plus traditionnel, à commencer par « Blink Of An Eye », il peine en revanche à se démarquer de la masse de productions heavy existante, si ce n’est par le jeu de guitare toujours aussi riche et élastique de Smolski. En somme, on regrette qu’Almanac ne lâche pas plus souvent les chevaux.
La thématique contemporaine de Rush Of Death et les expériences live ont amené Almanac à grandement diminuer son essence symphonique. Certains se réjouiront d’un opus véritablement centré sur le talent de guitariste de Victor Smolski, d’autres auraient préféré profiter davantage de sa science de l’arrangement classique. Rush Of Death profite d’un démarrage enthousiasmant qui capte d’emblée notre attention, mais c’est lorsque Almanac s’adonne à une fusion plus prononcée des genres et à ses élans les plus progressifs qu’il décolle réellement. Cela correspond au choix de tailler ses compositions pour le live, au détriment parfois de l’immersion habituellement proposée par Almanac.
Lyric vidéo de la chanson « Rush Of Death » :
Vidéo live de la chanson « Self Blinded Eyes » :
Lyric vidéo de la chanson « Bought And Sold » :
Lyric vidéo de la chanson « Predator » :
Album Rush Of Death, sorti le 6 mars 2020 via Nuclear Blast. Disponible à l’achat ici