Le doom est une incontestable excroissance du heavy metal historique : celui de Black Sabbath ! Accords lourds, quasi nauséeux, qui raclent le bitume et une atmosphère inquiétante, menaçante même. Souvent à la limite du chant incantatoire, à l’aura spirituelle toutefois rarement lumineuse. Voilà, en gros, ce à quoi il faut s’attendre avec une formation d’un doom disons traditionnel. Un doom qui rendrait directement hommage au Sabbat Noir en approfondissant (littéralement) encore un peu plus le propos originel… En tout cas tel est le credo d’Alunah, formation made in England justement, de Birmingham même, pour être précis. Mené par la chanteuse Sophie Day, le combo a signé l’an passé chez Napalm Records/Spinning Goblin où sortira, le 3 octobre prochain, Awakening The Forest, troisième effort du quartet faisant suite à un White Hoarhound, sorti en 2012, et qui, alors, avait déjà annoncé la couleur. Alunah pouvait enfin entrer dans la cour des grands.
La formation offre ici un album à peine plus court que son prédécesseur. Six pistes au lieu de sept. Les Anglais démontrent un réel désir d’offrir quelque chose de somme toute concis bien que, paradoxalement, les titres s’élèvent presque tous au dessus des huit minutes. Awakening The Forest joue ainsi sur la répétition : les riffs reviennent de manière métronomique au fil des titres et traînent lentement dans le creux des oreilles en alternant, toujours, sentiment d’oppression (« Heavy Bought », « Awakening The Forest ») et mysticisme crépusculaire (« The Mask Of Herne », « The Summerland »). Une recette qui a déjà fait ses preuves dans plus d’une formation mais qui, chez Alunah, se trouve inévitablement sublimée par la voix enivrante de Sophie Day. La chanteuse est l’atout principal du combo qui, même s’il démontre un certain savoir-faire dans la composition, a bien du mal à s’éloigner des influences ancestrales du genre. Le plus aérien et plein de finesse « The Summerland », par exemple, outre un esprit très Scorpions période Uli Jon Roth dès les premières notes faisant écho au lead final de « Fly To The Rainbow », possède ce petit quelque chose de sabbathien, à la « Born Again », chanson de la période Ian Gillan. Ou encore ces arpèges sur « The Mask Of Herne » qui ne sont pas sans rappeler ceux d’un « Snowblind ». Sans parler du spectre de « Black Sabbath », la chanson fondatrice, qui plane sur le titre d’ouverture « Bricket Wood Coven », lourd et lancinant.
Mais attention ! Il ne faudrait pas prendre Alunah pour une pale copie plus doom et féminin de Black Sabbath. Même si les influences du combo sont plus qu’évidentes, le quartet offre ici un album particulièrement maîtrisé et établissant malgré tout sa griffe. Alunah a toujours fait preuve d’une certaine méticulosité dans la confection de son univers sonore – un chouïa moins maîtrisé dans son fond, Call Of Avernus (2010) montrait déjà un groupe au son propre -, en atteste une production qui flatte avec clarté et naturel le grain des instruments et la voix, et apporte de la profondeur à l’album. Ainsi, Awakening The Forest est à la fois un évident hommage aux pères fondateurs du style et leurs descendants directs (Trouble, Saint Vitus, etc.) mais aussi (surtout) un album de doom de qualité à prendre comme tel et savourer sans modération.
Ci-dessous le clip de « Heavy Bought » :
Album Awakening The Forest, sortie le 3 octobre 2014 chez Napalm Records/Spinning Goblin.