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Chronique Focus   

Amaranthe – Manifest


Depuis 2011 Amaranthe s’efforce de s’imposer comme l’une des figures de proue du power-metal suédois, si tant est qu’on puisse le rattacher au genre. En réalité, Amaranthe prône la fusion de deux styles a priori antagonistes : le metal et des éléments électro issus de l’eurodance. Si certains ont immédiatement été conquis par l’hybridation risquée d’Amaranthe, d’autres persistent en rejetant la formation suédoise au rang d’aberration, une monstruosité qui envoie valser toute idée du bon goût. C’est justement tout l’intérêt d’Amaranthe qui en a parfaitement conscience. Désormais accompagné d’Angela Gossow (ex-Arch Enemy) en tant que manager et signé sur le label Nuclear Blast, son sixième opus Manifest amplifie les traits les plus marquants de sa musique qui n’a qu’une seule vocation : le divertissement.

Aborder la musique d’Amaranthe sous le prisme de l’expression artistique amène à des débats inextricables. Ce que les musiciens du groupe mettent en avant, c’est cette notion de plaisir inhérente au fait de « divertir ». Il faut entendre par là un goût pour les refrains cheesy et entêtants, les rythmiques immédiates et les arrangements grand public. Amaranthe n’a pas de véritable agenda thématique ou philosophique (malgré le goût certain d’Olof Mörck pour la discipline, ce qui transparaît subrepticement dans certains textes). La production de Jacob Hansen délivre tout l’arsenal nécessaire. Amaranthe utilise les murs de guitare à l’unisson, les samples inspirés des années 80 et 90 et les dualités vocales – voix féminine/voix masculine, chant clair/chant hurlé – pour créer la dynamique de ses morceaux. Prenez tous les ingrédients d’Helix (2018) et amplifiez-les (c’est apparemment possible) et vous obtenez Manifest. À une nuance près : Manifest se veut volontairement plus agressif. Les premières guitares de « Fearless » donnent les indices quant à la domination de la six-cordes sur l’album, jamais en retrait par rapport aux samples de clavier. Malgré la modernité manifeste (sans mauvais jeu de mots) d’Amaranthe, celui-ci puise paradoxalement son inspiration dans le heavy traditionnel, quitte à délivrer des soli de guitare venus d’un autre temps (« Fearless », « Make It Better »). Le groupe se plaît à délivrer un riffing bas du front à l’instar de « Make It Better » qui embrasse frileusement un lexique indus martial. « Boom! » va jusqu’à mêler à la grosse louche djent, dubstep et metalcore, l’occasion pour Henrik Englund Wilhelmsson de délivrer un rap corrosif à la vitesse de l’éclair.

Cette agressivité exacerbée n’annihile pourtant pas cet affect pour les « friandises » dont raffole Amaranthe. « Scream My Name » voit ses guitares sans cesse accompagnées de samples tirés de l’EDM de seconde zone tandis qu’« Archangel » nous gratifie d’une sonorité clavecin à faire pâlir les quelques clavecinistes encore voués à défendre la noblesse de leur instrument. Surtout, le groupe s’évertue de construire des refrains calqués sur les gimmicks de la pop « commerciale » et de l’EDM, à l’instar des phrasés d’Elize Ryd sur « Scream My Name ». « Adrenaline » lui oppose une parenté avec le power metal, inspiration prononcée sur l’ensemble de Manifest – exception faite de « Crystaline » qui tombe dans la ballade mielleuse, à coups de piano et violoncelle (signé Perttu Kivilaakso d’Apocalyptica) larmoyants. Quoi qu’il en soit, Amaranthe donne dans le grandiloquent et le sucré. Quitte à agresser le palais et déchausser les dents. Manifest souffre justement de sa consommation prolongée. La production presque trop lisse et la répétition des gimmicks empêchent de vraiment tendre à ce « divertissement » que recherche le groupe. On en vient à n’attendre que les phrasés d’Elize pour se sortir d’une monotonie d’un riffing simplifié à l’excès. Trop peu de titres comme « Do Or Die » apportent de la profondeur aux sections rythmiques d’Amaranthe. Les compositions suivent la marche d’un « Strong » (avec Noora Louhimo de Battle Beast) et de ses articulations téléphonées. Paradoxalement, Amaranthe en devient mou.

Il faut accepter les règles du jeu d’Amaranthe pour ne pas s’enfuir. Le groupe propose une musique extravertie sans vraiment incorporer de second degré. Il s’agit de mélanger en secouant très fort toutes les accroches les plus évidentes des genres musicaux utilisés. En réalité, la seule vertu de Manifest est le travail d’Elize Ryd. Sans elle, Amaranthe rappelle le naufrage Raintime avec Psychromatic (2010). L’électro cheesy et le metal ne sont pas nécessairement destinés à vivre un mariage heureux. Ceci dit, Amaranthe a des allures de gâteau au Carambar : d’un aspect dégoûtant, évidemment indigeste, et pourtant addictif sur l’instant. Reste à vivre avec sa culpabilité.

Clip vidéo de la chanson « Strong » (avec Noora Louhimo de BATTLE BEAST) :

Clip vidéo de la chanson « Viral » :

Clip vidéo de la chanson « Do Or Die » avec Angela Gossow (ex-ARCH ENEMY) :

Album Manifest, sortie le 2 octobre 2020 via Nuclear Blast. Disponible à l’achat ici



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