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Interview   

Amaranthe : le metal en mode extraverti


Amaranthe a eu de la chance. Alors que 2020 restera dans les annales comme une année désastreuse pour la vaste majorité des groupes, contraints d’annuler leurs tournées et de repousser leurs nouvelles galettes aux calendes grecques, les Suédois ont réussi à éviter, presque par miracle, le plus gros de la tempête. Enregistré en mode « confinement », leur sixième opus, Manifest, ne sort finalement qu’avec deux petits mois de retard sur le planning d’origine, et même s’il leur sera impossible de défendre l’album sur scène avant l’an prochain, leur nouvelle écurie, Nuclear Blast, a mis les petits plats dans les grands en termes de marketing.

Ainsi, c’est en face à face (et avec la distanciation sociale qui s’impose) que nous avons pu nous entretenir avec les deux principaux moteurs du groupe, Elize Ryd (chant) et Olof Mörck (guitare). De la journaliste ou des artistes, difficile de dire qui se réjouissait davantage de cette ébauche de retour à la normale après plusieurs mois de pause forcée ! Avec beaucoup d’enthousiasme, les deux musiciens sont revenus pour nous sur la conception épique de Manifest, les angoisses et la culpabilité qui ont parfois accompagné l’enregistrement, ainsi que sur l’évolution d’Amaranthe et la place du groupe au sein de la scène metal.

« Avec Helix, nous étions de retour sur le droit chemin – un chemin qui nous a menés, deux ans plus tard, à ce Manifest, qui représente vraiment l’âme de ce que nous voulons faire. […] C’était intéressant pour nous de souligner un peu plus dans cet album qui nous sommes et à quel genre nous appartenons – et ce genre, c’est le metal. »

Radio Metal : Comment allez-vous en cette période perturbée ?

Olof Mörck (guitare & claviers) : Plutôt très bien, étant donné les circonstances ! [Rires]

Elize Ryd (chant) : Nous faisons partie des chanceux. Nous avons été occupés depuis le début de la quarantaine, parce que nous avions de toute façon prévu de nous isoler au Danemark. Ou plutôt de nous isoler à Göteborg et d’écrire des chansons pendant quelques mois, puis de nous isoler au Danemark pour enregistrer l’album. Le processus est généralement une sorte d’isolement pour nous, car nous ne voyons personne et ne pouvons pas passer du temps avec des gens normaux ! [Rires] Donc oui, tout va bien. En fait, le seul problème à l’heure actuelle, c’est que j’ai mal à la gorge, parce que je n’ai pas parlé autant depuis longtemps ! [Rires]

Olof : Ces derniers jours, elle n’a fait que me parler, parler, parler et parler encore !

Elize : On finit par considérer que parler à des gens toute la journée et utiliser certains muscles spécifiques va de soi. Là, étant donné que j’ai été relativement silencieuse, je me suis demandé : « Mais qu’est-ce qui se passe ?! »

Helix, en tant que titre, faisait référence à la structure de l’ADN et avait été choisi parce que, pour citer Elize, « si [vous pouviez] trouver l’essence, l’ADN de [votre] musique, c’est Helix ». Manifest est une déclaration d’intention forte impliquant le même genre d’idée. En quoi Manifest est-il plus Amaranthe que ne l’était Helix ? Est-ce l’aboutissement d’un processus démarré avec Helix ?

C’est ça.

Olof : Oui, totalement. C’est effectivement « plus Amaranthe ». Je pense qu’il y a une évolution constante avec chaque album, dans l’optique de s’approcher au maximum du noyau dur de notre son. Avec le recul, je trouve que c’était un titre parfaitement adapté à l’album précédent. Nous avons vraiment trouvé notre identité, en tant que créateurs et même en tant que personnes, à certains niveaux. Nous avons débuté en 2011 et le chemin a été long et semé d’embûches, avec beaucoup de leçons à apprendre en route. Il y a eu du bon et du mauvais. Mais avec Helix, nous étions de retour sur le droit chemin – un chemin qui nous a menés, deux ans plus tard, à ce Manifest, qui représente vraiment l’âme de ce que nous voulons faire.

Ces dernières années, avec Helix et désormais Manifest, vous donnez l’impression d’avoir cherché à définir ce qu’est Amaranthe, votre identité, votre ADN. Diriez-vous qu’Amaranthe a traversé une crise d’identité ?

Elize : [Rires] Bonne question !

Olof : Je dirais oui et non. Dans un sens, pas du tout, parce qu’un groupe comme Amaranthe doit toujours expérimenter et essayer de nouvelles choses. D’un autre côté, nous avons effectivement beaucoup changé et tenté des expériences bizarres que nous aurions pu éviter. Malgré tout, nous aimons tous les albums que nous avons sortis. Après tout, ils nous ont menés jusqu’ici. Tu en penses quoi ?

Elize : J’ai le sentiment que nous étions des bébés sur le premier album, puis que nous sommes devenus des adolescents. Et puis il s’est passé des trucs dingues, et nous sommes devenus ce que nous sommes aujourd’hui. Ça n’a jamais été une crise. J’ai aussi l’impression que j’étais très rebelle à un moment, surtout quand les gens avaient des opinions très tranchées quant à notre son. Je voulais montrer que je pouvais changer tout ça dans l’écriture sans problème. Et puis nous sommes partis dans tous les sens, juste pour montrer que nous pouvions le faire. Bien sûr, nous n’avons plus l’impression d’avoir besoin de faire ça. Mais c’était drôle – et ça l’est toujours !

En parlant de son, pour résumer les choses simplement, Amaranthe s’est construit sur ce mélange unique de metal et d’eurodance. Toutefois, la balance sur Manifest penche davantage du côté metal du groupe. Quels ont été les facteurs qui ont mené à cela ? Cela veut-il dire qu’Amaranthe s’accepte enfin en tant que groupe de metal ?

Olof : C’est une très bonne façon de le formuler. Nous avons toujours voulu nous démarquer. Je crois qu’il était évident dès le départ que nous étions fondamentalement un groupe de metal. Mais quand toutes les expérimentations sont arrivées… Et puis, je crois que les gens n’avaient encore jamais entendu ce mélange de styles et qu’ils ne savaient pas où nous placer sur l’échiquier. Mais nous avons pris notre place dans la communauté metal. Depuis que nous avons commencé à être managés par Angela Gossow, anciennement d’Arch Enemy, je crois que nous avons vraiment fait notre trou dans la communauté metal au sens large. Et nous passons beaucoup de temps avec tous les groupes de la scène quand nous sommes en festival ou en tournée. Je trouve que c’était intéressant pour nous de souligner un peu plus dans cet album qui nous sommes et à quel genre nous appartenons – et ce genre, c’est le metal.

Elize : Personnellement, c’est quelque chose qui me manquait. Je me disais : « Bon sang, les guitares heavy me manquent ! » C’est vraiment quelque chose que nous voulions retrouver.

« Une grande partie de la musique metal est, par sa nature même, très introvertie. Notre musique, elle, vise à être extravertie ; elle a pour but de divertir, et elle n’en a pas honte. »

À l’origine, comme expliqué lors de la conférence de presse virtuelle, vous aviez prévu de rejoindre le studio un dimanche, mais le vendredi soir, le gouvernement danois a annoncé la fermeture des frontières pour le lendemain. Vous avez donc décidé, un peu en panique, de gagner le Danemark immédiatement, ce qui signifie que vous avez enregistré l’album pendant le confinement – à l’exception de Johan [Andreassen, bass], qui a enregistré à Helsinki. Quelle était l’atmosphère en studio étant donné le contexte ? Pas trop angoissante ?

Si, je dois bien l’avouer. Certains jours étaient pires que d’autres. Je suis restée calme tout du long, mais il y avait beaucoup de points d’interrogation dans l’air. Pourtant, je me sentais comme un Bouddha au milieu de la tempête. Je répétais : « Tout va bien se passer ! Il n’y a aucune raison de paniquer ! » La seule chose qui aurait pu être vraiment contrariante, c’était de ne pas réussir à faire venir les deux autres chanteurs au studio. Est-ce que nous aurions dû passer par Skype pour leur demander d’envoyer leurs prises ? Nous y perdons beaucoup si nous ne sommes pas ensemble pour enregistrer le chant. C’était vraiment très important. Johan a enregistré la basse en Finlande, ce qui était nouveau pour nous, mais ça a très bien fonctionné. Je trouve que ça a ajouté un petit quelque chose en plus, parce qu’il était super concentré. Il a travaillé en Finlande avec un gars avec qui il est très à l’aise, et il n’y avait que lui. C’était peut-être une meilleure solution. Chaque personne est différente, et pour lui, je pense que c’était ce qu’il y avait de mieux. J’adore le son de la basse. C’était intéressant d’obtenir les pistes de basse toutes prêtes, avec un son si net et si clair, et Jacob [Hansen, producteur] était ravi aussi. Donc il y a eu des points positifs et des points négatifs. Il y avait aussi une sorte d’excitation. C’était un peu un casse-tête et il fallait prendre chaque jour l’un après l’autre.

Olof : Exactement. Quelques semaines avant le début de l’enregistrement, la question qui m’est venue en tête était : « Est-ce que nous devrions faire ça au beau milieu d’une telle crise ? »

Elize : Oh oui. Il est arrivé que nous nous sentions un peu coupables.

Olof : Tout à fait. Je discutais avec Jacob Hansen, notre producteur, et nous plaisantions sur le fait que le monde se cassait la figure autour de nous et que nous étions là : « C’est un super refrain de metal ! On en fait une autre ! » Mais avec le recul, c’était la bonne décision. Évidemment, l’isolement a été difficile pour beaucoup de gens, alors que nous avons fait quelque chose de constructif pendant deux mois et demi, dans un environnement familier qui est de toute façon synonyme de confinement. Pour nous, c’était assez optimal. Mais il y a une limite à la gravité que les choses peuvent atteindre tout en continuant à enregistrer un album de heavy metal et à faire semblant que tout va bien. Cela dit, je ne pense pas que nous ayons atteint cette limite. C’était important pour nous de faire ça.

Elize : Les médias parlaient de trucs très inquiétants, comme la possible pénurie de nourriture dans les magasins. Je pensais un peu à ça, du genre : « Et si nous n’avons plus de nourriture ? Qu’est-ce qui se passera à ce moment-là ?! » Et puis Olof a dit : « Il y a probablement bien assez de nourriture, vu que la ville n’est pas grande à la base. » Nous étions sans doute plus en sécurité là-bas qu’à Göteborg. Les magasins disaient : « Du calme, tout va bien, il n’y a aucune pénurie ! Bien sûr que nous allons continuer à vous approvisionner ! » C’est juste que les gens achetaient davantage, d’où le fait que les rayons étaient plus vides. Nous sommes passés par différentes phases. Olof plaisantait sur le fait qu’il ne savait pas s’il allait revoir sa femme d’ici l’année prochaine ! Je nous imaginais vivre ensemble au Danemark pendant un an ! Je me disais : « S’il le faut, on fera ça ! » [Rires] Que veux-tu faire, de toute façon ? J’essayais de rester positive. Heureusement, nous avons pu rentrer à la maison, donc tout va bien. Olof a pu retourner auprès de sa femme ! C’était un peu comme quand les gens partaient à la guerre il y a longtemps – il était comme un vieux Viking !

Rien qu’en jetant un coup d’œil à la tracklist, une chanson attire immédiatement l’attention : « Virus ». Je sais que ce titre avait été trouvé avant la pandémie, mais que vous avez légèrement modifié les paroles pour coller aux circonstances. Quelle était l’idée d’origine pour cette chanson ? D’autres paroles ont-elles été impactées par la situation ?

Olof : Tout à fait. Je tiens à préciser que l’idée et l’intention d’origine sont toujours là. Ce n’était pas exactement une critique, mais plutôt un commentaire sur le phénomène des réseaux sociaux. Les gens ont tendance à se cacher derrière ça et à agir de façon déplorable, tout le monde le sait bien. Mais d’un autre côté, ça relie les gens dans le monde entier. En tant que musiciens, nous avons pu entrer en contact avec des gens d’un peu partout, tout en restant connectés nous aussi. C’est une vraie révolution en termes d’interaction humaine. Mais il reste la façon dont les réseaux sociaux ont abordé la situation du Covid-19. Nous avons mélangé ces deux significations pour commenter la façon dont la situation se développe à l’échelle mondiale à cause du virus, et comment les gens, via les médias traditionnels et les réseaux sociaux, montent le problème en épingle. Tout est très polarisant. Par exemple, les masques sont devenus un débat politique aux États-Unis. Comment cela peut-il être un débat politique ? Ça n’a aucun sens ! C’est en gros ce dont parle la chanson : les gens se cachent derrière leur écran, sont frustrés et rabaissent les autres pour se sentir mieux dans leur peau. Tu as peut-être une interprétation différente ?

Elize : Non, c’était bien le sens d’origine. Nous sommes dans la même situation que la plupart des gens. Mais il y a un avenir vers lequel tendre, et nous sommes vraiment impatients de revenir au live.

Olof, tu as déclaré que « cet album est le plus mature et le plus philosophique que [vous ayez] enregistré ». Qualifier un album de « philosophique » est assez audacieux ! Quel sens donnes-tu à ce terme ?

Olof : La philosophie dont je parle… Pour commencer, il faut faire la distinction entre la philosophie émanant d’un philosophe (et il est assez osé d’affirmer qu’on est philosophe !) et la philosophie personnelle. Je pense que tout le monde a une philosophie de vie, avec ses objectifs et sa morale. En termes de philosophie de groupe, c’est quelque chose qui nous suit depuis le début. Je pense à la valeur du divertissement. Une grande partie de la musique metal est, par sa nature même, très introvertie. Notre musique, elle, vise à être extravertie ; elle a pour but de divertir, et elle n’en a pas honte. Son but est de remonter le moral plutôt que de déprimer l’auditeur, de le stimuler plutôt que de le décourager, etc. Je dirais que notre philosophie se cristallise un peu plus avec chaque album que nous sortons. Comme je suis un grand fan de philosophie allemande et grecque, j’essaie aussi de glisser des références ici et là. Mais il s’agit surtout de la philosophie du groupe, et non de la philosophie selon la tradition occidentale.

« Ça a été un parcours un peu schizophrène, parce que d’un côté, notre objectif était de créer la controverse. Nous n’avons pas cherché à être acceptés immédiatement. Une partie de moi a même été surprise qu’il n’y ait pas davantage de polémique quand les premiers singles sont sortis ! »

Vous avez pris part à une tournée avec Sabaton et Apocalyptica au début de l’année, à l’époque où les concerts faisaient encore partie du décor. Perttu [Kivilaakso] joue du violoncelle sur « Crystalline », ce qui, j’en suis convaincue, est une conséquence directe de cette tournée, mais l’expérience globale avec Apocalyptica et Sabaton a-t-elle eu d’autres répercussions sur le nouvel album ?

Carrément !

Elize : Oui, beaucoup.

Olof : Avant de faire cette tournée… En fait, nous avons commencé à écrire le nouvel album en novembre de l’an dernier, et lorsque nous sommes partis en tournée, à la mi-janvier, nous avions une bonne trentaine d’idées. Pas des chansons complètes, mais au moins des germes de futures chansons. À notre retour de la tournée avec Sabaton, l’objectif était de choisir entre douze et quatorze chansons à emmener en studio. Mais au final, nous avons été complètement retournés par cette expérience. Nous avons été formidablement bien traités par l’équipe de Sabaton, et nous avons passé notre temps à traîner avec les gars d’Apocalyptica. Et puis nous avions l’occasion de jouer dans des arènes tous les soirs. En dehors du fait qu’il est super cool de jouer devant des publics de cette taille, nous avons aussi compris ce qui passe le mieux musicalement dans des salles aussi grandes. Nous sommes rentrés dans le meilleur état d’esprit possible. Nous avons commencé à travailler sur les nouvelles chansons quelques jours après être rentrés à la maison, et Elize sautait partout dans la pièce en hurlant des idées de lignes de chant. Moi aussi, j’étais très enthousiaste. Il y a avait du vin et beaucoup d’idées de chansons sont nées en très peu de temps. Concrètement, je crois que nous avons écrit sept ou huit chansons après la tournée avec Sabaton, et toutes se sont retrouvées sur l’album. Elles forment le cœur de l’album. C’est génial de retrouver cet enthousiasme dans la musique.

Manifest constitue presque un nouveau départ pour Amaranthe, car vous avez changé de management et de label. Qu’est-ce qui a motivé tous ces changements ?

Elize : [pause] Il fallait le faire.

Olof : Oui. C’était une volonté de pousser les choses plus loin.

Elize : Pour ne pas perdre notre… [réfléchit] enthousiasme. Nous avions vraiment besoin de ce nouveau souffle. C’était beaucoup plus simple d’écrire un nouvel album cette fois-ci. Il y avait tellement de nouvelles têtes pour nous inspirer, nous soutenir et croire en nous. Nous ne sommes plus simplement un produit – « Vous devez produire, produire » –, tout n’est plus fait de la même façon, les gens ne se contentent plus de parler de la quantité d’argent que ça rapporte. Aujourd’hui, nous sommes entourés de personnes qui se préoccupent de la scène metal, qui veulent que nous soyons créatifs et qui cherchent à nous inspirer d’une façon totalement différente. Je ne dis pas que certains individus spécifiques étaient la cause de la situation précédente, mais avec notre ancien label, nous avions déjà épuisé toutes nos idées. Et puis ils étaient sous la coupe d’un label plus puissant, ce qui fait qu’ils ne pouvaient pas toujours prendre les décisions. Ils n’avaient aucune raison de nous proposer des idées, parce qu’il aurait fallu qu’ils se tournent vers la maison mère et leur demandent leur soutien. Je ne sais pas, c’était un peu comme être menés à la baguette. C’était très excitant au début, et nous avons signé à nouveau avec eux. Je n’étais pas impliquée dans la partie business à l’époque, donc je n’ai pas pu exprimer mon opinion à ce sujet. Mais aujourd’hui, nous sommes plus âgés et plus en mesure de prendre des décisions, et nous avons décidé de prendre les décisions qui faisaient sens pour nous. C’est exactement ce que nous avons fait. Nous avons eu de la chance que [Nuclear Blast] veuille travailler avec nous. Nous en sommes ravis. Nous adorons tous les gens qui travaillent là-bas.

Olof : Je pense que ce n’est jamais une bonne idée de continuer à travailler avec des gens qui ont une philosophie très différente – pour réutiliser ce mot ! Les gens avec qui nous travaillions précédemment voyaient les choses complètement différemment, du côté du management comme du côté du label. Pour nous, il était important de nous éloigner de ça et de ne pas finir par adopter le même point de vue.

Elize : [Chante] « Break with the past… » C’est logique ! [Rires]

Olof : Exactement ! Je pense que les gens créatifs doivent travailler avec les bonnes personnes, des créatifs qui évoluent dans le même style. Dans le cas contraire, ils sont entraînés dans une mauvaise direction.

En parlant de nouvelles têtes, Angela Gossow, anciennement d’Arch Enemy, est votre nouvelle manageuse. Quel genre de manageuse est-elle ?

Elize : Oh, c’est la meilleure !

Olof : Le meilleur genre !

Elize : Elle est tellement créative, c’est fou. Mais elle a aussi une éducation formidable, et elle sait tout ce qu’il faut savoir sur l’industrie. Elle a été une femme dans l’industrie. Elle sait des choses que d’autres managers ne savent pas, je dirais. Je pense qu’elle sait tout.

Olof : Oui, étant donné qu’elle a été artiste elle-même, elle sait exactement ce que c’est que de tourner. Pour citer un exemple spécifique, quand un manager a passé sa carrière assis à un bureau, c’est facile pour lui de se dire : « Si j’envoie l’artiste à 6 heures du matin, ce n’est pas si tôt que ça. » Mais il ne réalise pas que, pour ça, il faut se lever à 2h30 du matin, puis donner un concert le même jour et rentrer à la maison à la même heure le lendemain. Il ne voit que l’horaire : « 6 ou 7 heures, c’est faisable. »

Elize : Ou il choisit l’option la moins chère : « Le vol de 4h25 ne coûte rien, prenons ça ! »

Olof : [Angela] est aussi une excellente négociatrice. Je plains la personne qui doit négocier avec la Gossow ! [Rires] Mais elle est aussi très gentille.

Elize : Et très drôle.

« Qu’aurait pensé mon moi de 14 ans d’Amaranthe ? Il aurait probablement détesté, pour être honnête ! [Rires] »

Quand il y a une femme dans le groupe, pensez-vous que ce soit important d’avoir une manageuse qui sait ce que c’est que d’être une femme dans cette industrie ?

C’était mon sentiment, et c’est pour ça que je voulais une femme manageur. J’ai décidé que je ne voulais plus travailler uniquement avec des hommes. C’était une décision parfaitement consciente. Je pense qu’Olof apprécie d’avoir plus de femmes autour de nous – parce que nous sommes un peu meilleures que les hommes ! [Rires]

Olof : Il y a pas mal de femmes dans l’industrie de nos jours, du côté label comme du côté management, par rapport à il y a vingt ans, quand j’ai sorti mon premier album. À l’époque, il n’y avait aucune femme, à part les stagiaires. Je trouve que c’est une évolution formidable. Je pense que la majorité des gens qui travaillent avec nous sont des femmes, mais c’est drôle, parce que je n’y pense pratiquement jamais, jusqu’à ce que quelqu’un me le fasse remarquer. Pour moi, ce sont évidemment des gens avant tout !

Elize : Oui, c’est très vrai. Avant, je ne me disais jamais : « Ce sont des hommes ; ce sont des femmes. » Mais tout le monde s’est mis à en parler, et c’est devenu un sujet à part entière. Je me disais : « Est-ce que je suis si bizarre que ça ? » Quand c’est devenu un sujet courant, j’ai aussi commencé à y penser davantage. Mais il y les hommes très machos, et il y a un autre type d’hommes.

Olof : Dit-elle en me regardant ! [Rires]

Elize : Mais c’est bien le sujet : ce n’est pas ancré dans le sexe. Certaines personnes pensent que je suis née garçon ! J’imagine que c’est parce que je suis très…

Olof : Directe ?

Elize : Masculine ? [Rires]

Tu sais ce que tu veux !

Exactement ! Mais est-ce que c’est un truc d’homme ? Je ne sais pas. C’est très intéressant. Les gens sont très différents. Je pourrais être n’importe quoi, ça me serait égal. Du moment que les femmes n’ont pas le sentiment de valoir moins que les hommes… Parce qu’il y a des hommes qui veulent que les femmes se sentent inférieures. Et nous savons exactement qui sont ces gens, et ils peuvent aller se faire foutre ! C’est à nous de les dégager !

Olof, tu as déclaré que « le metal est devenu plus conservateur qu’il ne l’était ». Cela a-t-il été difficile pour Amaranthe de faire accepter son mélange de musique caractéristique par les metalleux ?

Olof : Ça a pris du temps. Je dirais que la transition a été marquée par le troisième ou le quatrième album, quand les gens ont vu à quel point nous tournions et agissions comme un groupe de metal traditionnel. Au moment du quatrième album, les gens disaient : « Je les préférais au début, quand ils étaient plus metal. » Et moi, j’étais là : « Ce n’est pas ce que vous disiez il y a six ans, bande d’enfoirés ! » [Rires] Je pense que, quand tu atteins ce point où les gens disent : « Le premier album était meilleur, plus metal », tu as fini par être accepté. Ça a été un parcours un peu schizophrène, parce que d’un côté, notre objectif était de créer la controverse. Nous n’avons pas cherché à être acceptés immédiatement. Une partie de moi a même été surprise qu’il n’y ait pas davantage de polémique quand les premiers singles sont sortis ! D’un point de vue personnel, j’ai accueilli ça avec plaisir. Je sortais des albums de metal depuis déjà dix ans, et il était temps pour moi de bousculer un peu les choses. Nous avons eu la chance de mettre en place la collaboration parfaite et de prendre une direction différente. Ça a été un sacré parcours, mais avec le recul et vu la situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui, c’est cool de sentir que nous faisons partie de la communauté, comme on en a parlé tout à l’heure. Nous sommes acceptés, dans une certaine mesure. Mais il reste malgré tout beaucoup de haters, ce qui est génial ! C’est toujours bien quand les gens sont passionnés ! [Rires]

Apparemment, Olof, quand tu avais 14 ans, tu étais black metalleux…

Elize : Oh, il faut que je te montre une photo !

Mon Dieu, j’ai hâte de voir ça ! Comment décrirais-tu ton évolution entre cette époque et le moment où tu as fondé un groupe mélangeant metal et éléments qu’un black metalleux de 14 ans n’aurait sans doute pas tolérés ?

Olof : C’est un point de vue assez drôle, parce que je me suis posé la même question : « Qu’aurait pensé mon moi de 14 ans d’Amaranthe ? » Il aurait probablement détesté, pour être honnête ! [Rires] Mais j’ai grandi avec… Tiens, voilà !

Elize : [Elle nous montre une photo d’un ado black metalleux typique sur son téléphone] Ça, c’est Olof. [Rires]

Waouh !

Olof : Ça fait une sacrée différence ! [Rires] C’était il y a vingt-quatre ans, quelque chose comme ça.

Elize : Mon frère ressemblait à ça, au fait ! Il écoutait exclusivement du death metal. C’est pour ça que je me suis sentie si à l’aise avec Olof, je pouvais l’imaginer traîner avec mon frère.

Olof : J’écoutais beaucoup de black et de death metal, et via le death, j’ai découvert la scène de Göteborg, qui était beaucoup plus mélodique. Grâce à l’aspect mélodique, je suis revenu au rock et à la pop avec lesquels j’avais grandi. À 16 ou 17 ans, j’écoutais déjà l’eurodance qui sortait à l’époque. J’avais déjà le prototype en tête. Pareil pour Elize, qui a grandi en écoutant du metal et de la pop. Ensuite, j’ai joué du power et du death pendant dix ans, et puis le temps est venu de passer à autre chose.

Quel est le secret pour associer metal et eurodance ? Y a-t-il des éléments, des formules ou des structures spécifiques avec lesquels vous devez vous montrer prudents ou que vous devez garder à l’esprit ?

En général, quand on associe pop et metal, il faut faire attention à ce que les influences pop soient énergiques. Il n’y a aucun problème avec la musique douce en soi, mais si c’est trop doux ou trop joyeux, il devient difficile de mélanger ce sentiment avec du metal. La musique peut être positive, bien sûr, mais il est important qu’elle reste puissante. Tu en penses quoi ?

Elize : Nous faisons toujours attention aux différents sons et aux rythmes dance. J’ai des goûts spécifiques en matière de dance, qui renvoient à ce que j’écoutais en grandissant. Je n’aime pas quand c’est trop ténu. Le secret, c’est de trouver des tonalités à la fois légèrement industrielles et presque EDM. Nous mélangeons souvent deux ou trois sons différents – voire parfois quatre – pour créer notre propre son…

Olof : Ou vingt, en fonction de la chanson ! [Rires] Mais oui, tu as raison.

Elize : … pour que ça ne sonne pas ténu. Ce serait super agaçant. Nous choisissons les sons qui nous motivent vraiment. Si un bruit était agaçant, on ne l’utiliserait pas. Ou peut-être que si, à condition que ça ait du sens.

Olof : Tout à fait, pour créer un contraste.

Elize : [Elle chante un beat de dance] Il arrive aussi parfois que nous changions le ton. Si on joue là au lieu de jouer ici, le son devient génial. Nous faisons très attention à ce que les choses sonnent le mieux possible.

Interview réalisée en face à face le 10 août 2020 par Tiphaine Lombardelli.
Retranscription & traduction : Tiphaine Lombardelli.
Photos : Johan Carlen (2, 5) & Patrick Ullaeus (1, 4).

Site officiel d’Amaranthe : www.amaranthe.se

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  • C’est clair Beurk !!! et dédicace au type tout à droite de la deuxième photo, le sosie de Rémi dans « C’est arrivé prêt de chez vous  » ….

    [Reply]

  • Les photos du duo sont bien dégueulasses.

    [Reply]

    Tellement…

    Mais généralement, si la musique n’est pas totalement dégueulasse, les visuels du groupe (photos/clips) sont atroces.

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