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Live Report   

Amenra laisse le public sans voix


Avec leur Mass VI sorti en octobre dernier, les Belges d’Amenra ont délivré l’un des grands moments musicaux de 2017. Leur mélange unique de sludge et de hardcore, habité et mélancolique, y trouvait une nouvelle expression vibrante et montrait un groupe au sommet de son art, en pleine possession de ses moyens. Pour autant, c’est avant tout un groupe de live que demeure Amenra, réputé pour l’intensité et l’esthétique léchée de ses performances. Donc quand Colin H Van Eeckhout et sa bande ont proposé à leur public deux soirées uniques à Nimègue aux Pays-Bas, les tickets sont partis à toute allure. Au programme : après un concert acoustique accompagné par CHVE (le projet solo de Colin) et Syndrome, ainsi que A-Sun Amissa dans la Stevenskerk, l’église la plus ancienne de la ville, les Belges ont choisi plusieurs groupes très variés de leur entourage, c’est-à-dire plus ou moins étroitement affiliés à la Church Of Ra, pour une grand-messe se jouant à guichet fermé à la Doornroosje.

Si on a raté la soirée à l’église et sa performance apparemment mémorable de « Parabol » de Tool par Amenra en configuration minimaliste, impossible de manquer un line-up aussi alléchant: Barst, Fär, Throane, Sembler Deah, VVOVNDS, Aluk Todolo, et Amenra, évidemment. Retour sur une soirée riche en émotions fortes où les Belges ont pu défendre haut et fort leur vision de la musique : sombre, intense, brillante, et résolument authentique.

Artistes : Amenra – Aluk Todolo – VVOVNDS – Sembler Deah – Throane – Fär – Barst
Date : 20 janvier 2018
Salle : Doornroosje
Ville : Nimègue [Pays-Bas]

Amenra (Hellfest 2012)

C’est à Barst qu’a incombé la tâche d’ouvrir les hostilités. En plein après-midi, devant une salle déjà bien remplie, la tête pensante de ce groupe à géométrie variable dont le line-up varie pour chaque performance était pour l’occasion entouré entre autres de deux batteurs et une chanteuse. Au programme : vastes paysages de compositions hypnotiques à la croisée des genres, Barst lui-même qualifiant sa musique de « black shoegaze math noise drone transcendantal et atmosphérique » (!), ce qui se trouve être en effet assez bien vu. Envolées psychédéliques, vocalises synthétiques, rythmes lancinants qui gagnent peu à peu en intensité : Barst propose une entrée en matière lumineuse et évocatrice.

Lui succéderont le duo belge Fär, épaulé pour l’occasion par une batteuse. Changement de sonorités radical, et pourtant on demeure dans le même univers (ce sera le cas toute la soirée, gageure au vu de la variété des groupes ; l’esthétique générale très cohérente – larges projections, noir et blanc systématique, prestations immersives avec peu voire pas d’interactions avec le public – y étant sans doute pour beaucoup) : le groupe se revendique de deux influences, la witch house et le trap. De la première, on reconnaît les sonorités synthétiques et les atmosphères sombres. Du second, le style lourd et syncopé, ainsi que quelques couplets quasiment rappés. Pour le dire en d’autres mots, affichés fièrement sur le t-shirt de Tim De Gieter aux consoles : « Nothin’ But a Goth Thang ». Le duo brasse donc large en termes d’influences, le tout pour un résultat finalement assez pop et accrocheur, dont la froideur potentielle est balancée par la présence d’une batteuse donc plutôt que d’une boîte à rythme, et par la voix chaude d’An-Sofie De Meyer. Une découverte pour beaucoup, et une réaction très positive du public qui accueille le groupe avec chaleur.

Aux manettes de Throane, Dehn Sora, graphiste et musicien prolifique de la Church Of Ra. Se faisant très rare en live, la présence du projet ce soir est un événement en soi : les deux premiers albums de Throane, Derrière nous, la lumière (2016), et Plus une main à mordre (2017) ont été remarqués par bien des amateurs de ce que, faute de mieux, on appelle souvent post-black metal. Sombre, tourmentée, très atmosphérique, un peu industrielle : on se demandait ce que le résultat pouvait donner en live, et le groupe se montre à la hauteur des attentes en faisant le choix d’incarner sa musique de manière plus hardcore que sur disque. Au chant, Dehn Sora est habité, et la batterie et la basse sont très présentes, imprimant à l’ensemble un groove lancinant moins froid que sur les albums mais assez hypnotique. Une performance d’écorchés vifs qui augure du meilleur pour le futur scénique du groupe.

Le set de Throane est à peine terminé que Dehn Sora est déjà de retour sur scène en compagnie de Colin H Van Eeckhout et de Mathieu J. Vandekerckhove d’Amenra pour le set de leur projet Sembler Deah. Une fois de plus, le changement d’ambiance est radical : au centre de la scène, un feu brûle. Les guitaristes sont assis autour et Colin H Van Eeckhout se tient près d’eux, encapuchonné comme un moine. Le temps est à l’introspection et à la révérence. Courbés sur eux mêmes, les guitaristes s’affairent sur leurs pédales, Dehn Sora joue de sa guitare avec un archet : les sonorités se font tantôt délicates et atmosphériques, tantôt écrasantes et dévastatrices, un écrin parfait pour les mystérieuses psalmodies plaintives du chanteur. En fond, on voit des racines pousser imperceptiblement sur le vaste écran, illustration parfaite de la sensation de s’enfoncer dans quelque chose d’organique et primitif, presque utérin au fur et à mesure que le set avance, pour se terminer après une vingtaine de minutes seulement. Un set très court donc, mais extrêmement dense émotionnellement et dont la beauté contemplative sera assurément l’un des temps forts de la journée.

Amenra (Hellfest 2012)

La brièveté de la performance de Sembler Deah ayant quelque peu modifié le planning, c’est avec une vingtaine de minutes d’avance que VVOVNDS monte sur scène, laissant pour un temps une partie du public sur la touche. Le quatuor de Courtrai balance un hardcore énervé brut de décoffrage mais un peu statique à l’exception d’un chanteur, Jenci Vervaeke, qui n’hésite pas à donner de sa personne et à littéralement engloutir son micro (!). Après la retenue de Sembler Deah, leur hargne secoue les spectateurs pour beaucoup englués dans leur sieste post-dîner, horaires hollandais oblige. Malgré leur personnalité moins marquée que celle des autres groupes jouant se soir, le set des Belges, baigné de lumières d’un rouge sanglant, est un déferlement d’énergie brute assez cathartique.

Ce sont les Français d’Aluk Todolo qui leur succèdent. À peine plus d’un mois après son dernier passage en terres bataves, le trio interprète cette fois-ci son dernier album, Voix, dans son intégralité. Au programme, donc : rock primordial, boucles entêtantes, et décharges électriques. Le rythme pulse, tenu à l’infini par la basse et la batterie, point de départ de toutes les envolées possibles. Servie par de très beaux jeux de lumières (tant la sonorisation que la qualité des visuels de la Doornroosje auront été toute la soirée impressionnants de précision), la musique du groupe emplit la salle d’une tension presque palpable, d’une sorte de fluide médiumnique que les musiciens se font un plaisir de porter à son incandescence avant de le relâcher dans une déflagration d’énergie quasiment élémentale. Pendant une heure, ils ramènent le rock à son essence la plus électrique, à l’image du pedal board que le guitariste Shantidas Riedaker finira par enlacer, et de l’ampoule dont le filament palpite comme un cœur durant toute la durée du set, véritable noyau du groupe que le guitariste vient saluer puis brandir comme un ostensoir. Une performance intense livrée par des musiciens inspirés, au service de forces cosmiques étourdissantes.

Après de telles prestations, celle d’Amenra est attendue comme une apothéose. La réputation des Belges les précède, et si près de chez eux, la majorité du public n’en est pas à sa première cérémonie. Celle-ci commence presque en silence, avec Colin H Van Eeckhout qui tape avec deux pièces en métal le rythme qui ouvre le long crescendo de « Boden ». Le public réagit comme un seul homme aux premiers riffs, headbangant d’avant en arrière comme une vague avec à son sommet le chanteur qui lui tourne le dos comme si il ouvrait la voie. Devant un large backdrop où sont projetées des images de nature ou de cathédrale qui transforment la salle en lieu idéal pour la célébration de ces « masses » qui constituent l’essence du groupe, les musiciens déploient leur musique sombre, corrosive et habitée, entre sludge écrasant et intermèdes atmosphériques, avec une maîtrise étourdissante, mêlant titres de leur dernier album en date, Mass VI, à des incontournables plus anciens comme « Razoreater » et « Aorte. Nous Sommes Du Même Sang. »

Le chanteur, au centre de ce déferlement de puissance, dos au public à l’exception de quelques instants, se tient courbé en avant comme un boxeur aux prises avec on ne sait quels démons intérieurs. La douleur, la mort, la solitude que toute la discographie d’Amenra décrit de manière poignante ? Le talent du groupe, au-delà des qualités individuelles des musiciens et de leurs compositions, tient sans doute au fait qu’au milieu de toute cette noirceur, la catharsis opère, et tout se renverse en son opposé : extase, vie, communauté. Ce qui éblouit, finalement, à l’image des stroboscopes placés face au public, c’est la lumière, une lumière glorieuse et éclatante de soleil de minuit. Une fin de soirée bouleversante qui laissera le public sans voix, conscient d’avoir eu le privilège d’assister à quelque chose de rare : Amenra et sa Church Of Ra proclament et rappellent à tous le pouvoir infini de la musique, à l’origine de tous les cérémonials, des plus primitifs aux plus sophistiqués. Le mois de janvier n’est pas terminé qu’on a sans doute déjà assisté au plus grand concert de l’année.

Setlist Amenra :

Boden
Plus Près De Toi (Closer To You)
Razoreater
Children Of The Eye
Nowena | 9.10
Aorte. Nous Sommes Du Même Sang.
Terziele
Am Kreuz
Diaken

Report : Chloé Perrin.
Photos : Nicolas Gricourt (Hellfest 2012).



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