Depuis plus de quinze ans, les Mass [messes] d’Amenra rythment la carrière prolifique de ce sextet flamand et de leur collectif, Church Of Ra. Proposant un mélange unique de sludge et de post-hardcore extrêmement intense et dense en émotions, leur approche DIY très punk et leurs performances live surpuissantes ont attiré l’attention de bien des amateurs au-delà de toutes limites de scènes ou de milieux spécifiques, dont les membres de Neurosis, les légendes du post-metal américain. Au point de rencontre de nombreux styles donc, mais aussi de nombreux médias, Amenra propose une vision ambitieuse, vaste et viscérale de son art, comme le prouve une fois de plus Mass VI, sorti récemment sur Neurot Recordings.
Pour comprendre les tenants et aboutissants de cette création tentaculaire qu’est Amenra, quoi de mieux que d’en discuter avec Colin H. Van Eeckhout, le frontman du groupe ? Réfléchi et habité, il nous a parlé d’où le groupe puise ses racines et d’où il souhaite aller, de processus de travail et de ce qui va bien au-delà de la musique. Faisant l’effort de parler français pour partager avec le plus de précision possible sa vision du monde, il évoque autant ses débuts dans la scène straight edge flamande que son rapport personnel aux rituels, ses sources d’inspiration que son éthique, comme autant de facettes d’Amenra, le point de convergence où se retrouvent vie, douleur et beauté.
« Pour nous, les Mass d’Amenra ce sont des cathédrales, ça prend énormément de temps donc ça doit vraiment valoir le coup, il faut vraiment que nous soyons sûrs de nous et que ça ait de la valeur. »
Radio Metal : Mass VI va sortir dans quelques semaines maintenant (interview réalisée avant la sortie de l’album, NDLR), les premières retours apparaissent, les gens commencent à s’approprier l’album : toi, comment te sens-tu par rapport à ce disque pour le moment ?
Colin H. Van Eeckhout (chant) : C’est la première fois qu’après un enregistrement, je ne suis pas complètement frustré [rires], que je ne me dis pas que beaucoup de choses auraient pu être améliorées etc. Je ressens surtout une espèce de soulagement d’avoir réussi à écrire un album à nouveau, parce que je me rends compte qu’un jour ou l’autre, comme nous voulons vraiment faire ces albums en tant que collectifs et que ça rend les choses assez compliquées, ça risque de devenir impossible. Nous verrons bien, mais en tout cas, pour le moment je ressens une impression de soulagement, un sentiment plus positif que pour les albums précédents.
Tu parles du fait que c’est de plus en plus difficile de faire des albums en tant que collectif – j’ai remarqué qu’il y a de plus en plus de temps entre les albums studios d’Amenra, mais que par contre entre temps vous faites de plus en plus d’EP, de splits, de vidéos, d’autres projets musicaux… Comment tous ces projets viennent nourrir les Mass qui sont le cœur d’Amenra, ou du moins qui me semblent l’être, mais peut-être que je me trompe ?
Non, non, c’est vrai ! Pour nous, les Mass d’Amenra ce sont des cathédrales, ça prend énormément de temps donc ça doit vraiment valoir le coup, il faut vraiment que nous soyons sûrs de nous et que ça ait de la valeur. Ça demande bien plus qu’écrire de la musique pour un film, par exemple. Les Mass forment notre histoire officielle. C’est vrai qu’il y a eu cinq ans entre cet album et le précédent, mais nous ne nous en sommes vraiment pas rendu compte parce que nous n’arrêtons jamais : chaque jour je me consacre à Amenra. Ça peut être en travaillant avec une artiste qui fait des bijoux pour un clip que nous enregistrerons peut-être dans quatre ans, ou en travaillant avec d’autres personnes qui nous inspirent, qui nous aident sans le savoir. Nous faisons en effet beaucoup de splits, nous avons d’autres projets musicaux qui certes nous prennent beaucoup de temps, mais aussi nous inspirent et nous aident à construire Amenra, notre nom et notre groupe. Nous avons fait beaucoup de choses en acoustique il y a un ou deux ans, nous avons beaucoup d’identités, en fait. Nous avons aussi fait un film avec de l’ambient, énormément de choses, et c’est très intéressant, mais c’est vrai que le principal reste les albums studio. Ceux-là ne sont écrits que si la nécessité est là, si ça vaut le coup et si ça va avoir une valeur indéniable.
Justement, je voulais te parler de ces sessions acoustiques : votre musique électrique est très puissante, très intense, donc comment faites-vous pour exprimer ça en acoustique, avec des moyens très différents ?
Les choix que nous faisons sont toujours très logiques pour nous. Ça nous a semblé naturel de travailler en acoustique, parce que ce sont différents pôles que nous recherchons : nous avons un pôle super puissant et électrique, et avec les choses en acoustique, nous travaillons avec un spectre émotionnel complètement différent, mais c’est toujours la même histoire que nous racontons. Dans nos têtes, c’est complètement logique et normal : ça ouvre énormément de possibilités pour compléter l’histoire que nous racontons.
Mass VI sort sur Neurot Recording, tout comme Mass V. Vous avez de plus des liens avec Neurosis, Scott Kelly apparaît sur un de vos titres, toi tu as tourné avec lui, etc., donc comment s’est passée la rencontre avec eux et comment travaillez-vous avec ce label ?
Je pense que quand nous les avons rencontrés il y a cinq ou six ans, nous avons dû leur faire un peu penser à eux quand ils étaient plus jeunes, quelque chose comme ça. Nous savions vraiment ce que nous voulions, nous y allions à 300 %, et puis nous avons été très inspirés par Neurosis. Nous avions discuté du fait de sortir quelque chose sur Neurot, et puis peu à peu nous sommes devenus potes avec certains membres du groupe, qui ont dû se dire en tant que Neurot que quelque chose était en train de se passer en Belgique. Nous avons sympathisé avec Scott qui a une émission de radio et qui m’a demandé de lui envoyer des trucs que je faisais avec Amenra et les autres groupes, et il nous a soutenu aux États-Unis. Puis nous avons tournés ensemble, et quelques fois avec Neurosis, et j’ai eu l’impression qu’ils voulaient voir ce que nous étions humainement aussi parce que je crois que c’est important pour eux, leur approche n’est pas business du tout : ça vient du cœur et pas du porte-monnaie. C’est idéal pour nous parce que dans notre manière de travailler, nous aimons faire ce que nous voulons, et eux nous laissent vraiment libres, là où d’autres labels peuvent t’inciter à faire certains trucs pas chers à produire, etc., très marketing. Eux sont à 100 % derrière l’artistique et pas derrière l’économique. Ils nous ont pris sous leur aile et nous ont aidé dès qu’ils le pouvaient. Neurot, ça ressemble plus à une famille qu’à un label. Je les vois comme des grands frères à qui on peut demander de l’aide si besoin est.
Pour cet album, vous avez aussi continué à travailler avec Billy Anderson qui avait déjà produit Mass V et qui a travaillé avec Neurosis et Eyehategod par exemple. À quel point est-ce qu’il s’investit dans vos disques, qu’est-ce qu’il vous a apporté à ton avis ?
Il est super doué pour produire en studio un son analogue au son live. Nous, Amenra, nous serons toujours avant tout un groupe live, c’est quelque chose qui va toujours être le plus important pour nous, donc nous avions besoin de quelqu’un qui pourrait traduire ça sur un album, ce qui est extrêmement difficile. Billy, avec toute l’expérience qu’il a, y arrive. Je ne sais pas comment il s’y prend, mais il a vraiment cette capacité de retranscrire cette force du live sur album, ce qui est très difficile, je trouve. Mais nous avons fait deux mixages : un avec Billy, et un avec Jack Shirley qui a travaillé avec Deafheaven et Oathbreaker par exemple, qui est plus jeune, appartenant à une nouvelle génération d’ingénieurs du son, et ça a été très beau à voir aussi, ces nuances dans notre musique lorsqu’elle passe entre différentes mains.
« Amenra pour moi… C’est un peu tout, c’est ma vie, c’est ma philosophie, ma manière de mener ma vie : essayer d’être un être humain bon, de vivre avec l’idée que la vie n’est pas pour toujours et que la mort peut venir à chaque seconde, et que par conséquent il faut vivre ensemble, travailler ensemble à faire des trucs bons, inspirer les gens autour de nous à faire des trucs bons. »
Apparemment pendant que vous étiez en train de travailler sur Mass VI vous avez été coincés dans les Ardennes pendant une semaine à cause de la neige. Comment est-ce que ça a influencé votre humeur, votre musique et votre processus créatif ?
Nous ne sommes presque pas sortis en dix jours de studio. Nous étions vraiment là en tant que collectif plus qu’en tant qu’individu, ce qui nous a renforcés comme entité, comme groupe, je pense. C’était nous et personne d’autre, ce qui était important, et différent de Mass V pour lequel une partie des enregistrements avaient lieu plus près de la maison : assez facilement l’un d’entre nous pouvait rentrer chez lui, aller voir ses enfants, aller faire quelque chose au boulot, ce qui niquait l’idée d’enregistrer tous ensemble. Être là, dans la nature envahie par la neige, ça te rapproche de ce monde de la nature et c’est un moment magique.
J’ai lu aussi qu’apparemment tous les musiciens cette fois-ci sont un peu sortis de leur zone de confort et sont allés jouer des instruments qui n’étaient pas leurs instruments habituels, par exemple. Est-ce que tu penses que c’est lié à ce contexte spécial aussi ?
Ouais, ça a sûrement donné un autre élan à la musique. C’était aussi la première fois que Levy [Seynaeve], notre bassiste, écrivait avec nous, qu’il a vraiment participé à l’écriture d’un album, ce qui a apporté une nouvelle voix à ce que nous faisons. Il a dix ans de moins que nous et donc veut encore faire ses preuves et mettre sa signature sur le monde, ce qui nous a beaucoup aidé.
Avec Amenra, tu chantes en flamand, en anglais et en français. Pourquoi ? Est-ce que tu as l’impression d’exprimer des choses différentes avec chacune de ces langues ?
C’est toujours l’idée que ce avec quoi nous travaillons dans Amenra, c’est quelque chose d’universel. Ça n’a pas de langue. Lorsque tu as des choses à raconter, quand tu le traduis dans différentes langues, il va toujours y avoir une où ça a plus d’intérêt et de profondeur, ça rentre plus vite dans ta tête, ça a plus de sens. Voilà pourquoi j’ai commencé à travailler avec ces différentes langues. Le flamand, c’est aussi une manière de rester près de chez nous, tout près de notre peau, c’est une énorme partie de notre identité. Nous avons toujours approché toutes ces langues à travers cette idée que ce que nous faisons est universel.
Est-ce que c’est pour la même raison que vous utilisez toute sorte de médias, aussi ? Il est clair maintenant qu’Amenra, c’est plus que de la musique : vous travaillez avec des images, vous avez sorti des livres… Comment est-ce que vous travaillez avec tous ces médias, comment est-ce que vous entrecroisez toutes ces manières de vous exprimer et finalement qu’est-ce que c’est Amenra pour toi, tout simplement ?
Tout ça, c’est une matière très abstraite, c’est très difficile à expliquer. Dans ma tête, c’est très clair ce qu’est Amenra, ce que nous essayons d’établir avec tout ce que nous faisons, mais c’est difficile à expliquer. Tout doit avoir son but. Tout doit avoir sa valeur individuelle aussi. Quand tu regardes un visuel qu’on utilise, il doit déjà avoir sa propre force, sa propre intensité et sa propre intention. Il doit te faire arrêter tout ce que tu es en train de faire et te donner envie de t’y plonger. Ça doit te poser des questions, te donner envie de savoir, de chercher en toi-même… Voilà ce que nous faisons avec Amenra. Pour cet album-ci, c’est un cygne qui est sur la pochette, un animal très fier, très beau et très gracieux, mais c’est une beauté morte. C’est une métaphore qui dit que tout ce qui est beau et même la plus grande force va terminer un jour ou l’autre. Rien n’est éternel, ce qui demande une sorte de respect. C’est ce que notre musique doit faire. Chaque image doit avoir une force et apporter quelque chose d’inédit. Mais c’est difficile d’expliquer ce qu’est Amenra pour moi… C’est un peu tout, c’est ma vie, c’est ma philosophie, ma manière de mener ma vie : essayer d’être un être humain bon, de vivre avec l’idée que la vie n’est pas pour toujours et que la mort peut venir à chaque seconde, et que par conséquent il faut vivre ensemble, travailler ensemble à faire des trucs bons, inspirer les gens autour de nous à faire des trucs bons. C’est très flou, c’est très abstrait, c’est très grand, c’est très philosophique… C’est difficile de répondre à une question aussi ouverte !
Le cygne de la pochette m’avait fait penser à l’idée de chant du cygne, cette expression qui laisse entendre que les cygnes font leur plus beau chant juste avant de mourir… J’espère que ça ne veut rien dire quant à l’avenir du groupe !
C’est très beau cette expression… Ça rejoint ce que je disais, avec nous, on ne peut jamais vraiment savoir si un album sera le dernier. Si nous avons l’impression que nous devons en écrire un nouveau et que ça vaut le coup, nous en ferons en autre, mais je ne sais pas… Cette image me parle ; comme les autres photos de la pochette, elle représente un animal mort de la région où nous vivons, chacun a son symbolisme propre mais la photo principale reste celle du cygne.
Vos concerts ont la réputation d’être très intenses et tu es connu pour être très investi physiquement en tant que chanteur et performer, dans ta manière en général de te présenter dos au public, etc. Comment tu envisages la dimension physique, corporelle de ce que vous faites ? Pour moi c’est quelque chose qui est très particulier au punk et au hardcore, cette physicalité de la musique…
Nous venons d’une scène hardcore punk et nous avons toujours été habitués à faire ce que nous faisons à 200 %, nous y allons jusqu’au bout, ça rend le truc plus honnête et lui donne plus de force, une dimension plus grande. Nous, nous nous voyons nous-mêmes comme des instruments, c’est donc aussi important pour nous d’utiliser notre physique sur scène, de matérialiser ce que nous faisons. Quand je regarde un performer ou un artiste, quand je vois qu’il est vraiment investi dans le moment à 100 %, ça entre plus au fond, ça a une honnêteté qui est très belle et très puissante, et il faut. Ce que nous faisons, il faut le faire du mieux possible, il faut aller jusqu’au bout et que rien ne puisse nous arrêter.
« Je ne veux pas imposer mes propres rituels aux autres, mais […] je trouve que construire ses propres rituels soi-même a de l’importance dans une vie. »
Dans cette optique je suppose, il y a quelques années vous avez collaboré avec le tatoueur Little Swastika dans le cadre d’une de vos performances. Quel rapport y a-t-il pour toi entre musique et modifications corporelles ?
C’est un peu le même thème que celui auquel nous nous intéressons : la douleur de la vie, les trucs de la vie qui te mettent à genoux, le moment où tu ne vois plus clair et où finalement quelque chose va te permettre de voir la lumière, te donner de l’espoir et l’idée qu’il est possible de se remettre sur pieds et de continuer son chemin. Cette douleur-là, l’idée de sacrifice, qu’il faut sacrifier certaines choses pour pouvoir vivre ou se mettre soi-même à l’épreuve pour arriver à autre chose, sentir ce qui vit en nous… Moi, je chante la douleur, des métaphores ou des images qui parlent de ça, donc il faut aussi que ce soit une part de moi. Il faut savoir de quoi on parle. La coopération avec Little Swastika, ça a aussi été un sacrifice. Il a tatoué le symbole d’Amenra sur le dos de trois personnes, et c’est un sacrifice pour la vie qu’ils ont fait. Le son et la douleur du moment, c’est très puissant. Il a fait des tatouages en live sur scène, et le son que fait une machine à tatouer, c’est le son de la douleur, nous aussi nous connaissons cette douleur et c’est une espèce de métaphore tangible qui rend les choses plus vraies, plus justes. Les coopérations de ce genre m’inspirent à fond et me donnent presque une raison d’être, elles donnent de la valeur à tout ça.
L’idée de rituel qui est très importante dans votre musique, il me semble. Vous avez décidé d’intituler vos albums « mass » [« messes »], vous faites partie d’un collectif qui s’appelle Church Of Ra… Quel est ton rapport à cette dimension religieuse ou du moins spirituelle de ce que vous faites ?
En ce qui concerne les modifications corporelles ou la suspension, c’était un peu difficile au début des années 90 de trouver des gens qui s’intéressaient à ça, et notamment d’une manière ritualiste. J’ai toujours été intéressé par les rituels et leur disparition dans notre vie moderne. Un jour, je suis tombé sur des livres sur les « modern primitives » [primitifs modernes] et ça m’a attiré, ça m’a semblé très juste. Cette idée de remettre du rituel dans des vies contemporaines m’a beaucoup intéressé, ça m’a vraiment parlé. Nous, nous venons de petits villages chrétiens avec une grande église au milieu, beaucoup d’entre nous ont fait leurs communions à six et douze ans, mais ça a complètement perdu sa signification, c’est devenu un moment où tu reçois des cadeaux et c’est tout, et c’est dommage je trouve. Il y a des tribus dans d’autres pays où les rituels ont encore de la valeur et je trouve ça beau. Je ne veux pas imposer mes propres rituels aux autres, mais je veux bien leur donner mon opinion là-dessus, et je trouve que construire ses propres rituels soi-même a de l’importance dans une vie. Pour moi, ça a été la suspension, des choses comme ça. Ça a ouvert les portes de la musique, aussi ; un concert pour nous c’est aussi un rituel, une espèce de sacrifice physique. Nous y allons jusqu’au bout et ça aussi, ça fait quelque chose, ça a sa propre force et sa place dans une vie. C’est important, et c’est vrai que c’est une grande partie de ce que nous faisons avec Amenra.
J’ai remarqué que parmi les lieux où vous jouez ou ceux ou vous prenez les photos du groupe, il y a beaucoup d’églises, de musées ou de galeries d’art. Quel rapport vous avez à votre héritage ou votre patrimoine ? Est-ce que vous cherchez à vous le réapproprier ou le raviver peut-être ?
C’est juste, nous cherchons à nous le réapproprier, nous prenons ce qui a été important dans notre culture et lui redonnons une valeur dans le monde contemporain. Cela dit, nous n’imposons pas notre démarche aux autres. Quand nous prenons des photos, c’est soit à un endroit où nous jouons le jour-même, soit près d’où nous répétons ; ce sont toujours des endroits importants pour nous. C’est vrai que notre patrimoine, nos origines, le fait que nous venons de Flandres, qu’il y a eu des grandes batailles pendant les deux guerres mondiales dans nos champs, ce sont des choses qui ont une place dans la vie de chacun de nous et donc aussi dans tout ce que nous faisons. C’est important pour nous.
De la même manière, je sais que toi – je ne sais pas en ce qui concerne les autres membres du groupe – tu viens de la scène straight edge des Flandres justement, d’un collectif qui s’appelait H8000. Cet héritage hardcore-là, quelle influence a-t-il sur Amenra ? Et comment avez-vous décidé d’élargir votre palette jusqu’à ce que vous faites aujourd’hui ?
En effet, presque tous les autres membres du groupe faisaient aussi partie de ce collectif, H8000 (c’est un code postal en fait). Cette scène nous a ouvert les yeux : voir les concerts des groupes hardcore straight edge locaux chaque week-end dans notre région, ça nous a montré que c’était possible de faire soi-même, d’acheter les instruments et de faire la musique nous-même. Ça nous a inspiré à fond, ça a été le début pour nous, ils nous ont donné l’élan pour faire ce que nous faisons maintenant. Ça nous a aussi donné une certaine éthique du travail. Dans le milieu punk hardcore nous faisions un fanzine que nous éditions nous-même, nous faisions des mixtapes que nous envoyions dans toute l’Europe, et nous nous voyions sur certains festivals chaque année. Ça m’a ouvert la porte du screamo, un style très émotionnel qui m’a incité à écrire des paroles plus personnelles et moins politiques que dans le straight edge. C’est vraiment le fond de ce que nous faisons, nous avons juste continué à faire ce que nous faisions comme si nous avions toujours seize ans. Le style a évolué et grandi avec nous, nous sommes plus vieux maintenant, c’est un peu plus mature peut-être, plus vrai – quand tu as seize ans tu es plus préoccupé par ton image, etc., alors que plus vieux, tu t’en fous, et fais ce que tu penses devoir faire. C’est ce qui était intéressant. Ça nous a vraiment formé, ça nous a appris à jouer de la musique.
Pour finir, quels sont tes projets personnels à venir et les projets pour Amenra après la sortie de l’album ?
Pour nous, ça ne s’arrête pas au moment où nous finissons d’enregistrer la musique. Dès que c’est enregistré, nous nous attelons aux visuels, à les filmer, au montage, etc., c’est donc ça que nous faisons en ce moment. Une fois que ce sera terminé, tout le monde se jettera sur ses autres projets parce qu’en avoir fini avec ce disque d’Amenra nous donnera le temps de nous consacrer à d’autres choses. Nous allons essayer de faire des tournées, il y a déjà une tournée européenne prévue pour 2018, une tournée américaine aussi, nous allons essayer de faire tout ça et de commencer à écrire le prochain album… Ça fait beaucoup de choses ! Nous avons aussi commencé à faire deux nouveaux livres, donc il va y avoir beaucoup de nouvelles choses dans les mois à venir. Nous n’arrêtons pas, ça n’arrête pas !
Interview réalisée par téléphone le 6 octobre 2017 par Chloé Perrin.
Retranscription : Chloé Perrin.
Photos : Stephan Vanfleteren.
Site officiel d’Amenra : amenra-official.tumblr.com.
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