Cela fait plus de vingt-cinq ans qu’Amon Amarth arpente les scènes. Petit à petit, les Suédois sont devenus l’un des groupes les plus influents de la scène, jusqu’à définir un genre et un imaginaire ancrés dans l’histoire et la mythologie vikings. Jomsviking a permis au groupe de poursuivre son accession à une notoriété conséquente et de devenir une véritable machine à grosses affiches et festivals. The Pursuit Of Vikings : 25 Years In The Eye Of The Storm entérinait ces vingt-cinq années de carrière qui les ont menés au sommet, ayant presque la fonction de marqueur. C’est donc avec la volonté de se renouveler et de retrouver une certaine force créative qu’Amon Amarth livre son onzième opus simplement intitulé Berserker. Amon Amarth ne redéfinit pas le genre qu’il a contribué à créer, il a cependant tenté de nuancer sa formule avec de légères incartades à ce qu’on connaît parfaitement de lui.
Berserker n’est pas un album concept comme l’était son prédécesseur Jomsviking. Amon Amarth ne souhaitait pas s’imposer des limites en termes d’inspiration : Berserker se laisse aller au gré des envies de ses compositeurs, qu’ils soient motivés par la mythologie viking, les récits légendaires ou encore la narration historique. La méthode de production favorise justement cette individualité des compositions, chaque titre a été enregistré seul puis pratiquement terminé avant de passer au suivant. Cette méthodologie est l’œuvre de Jay Ruston (Stone Sour, Steel Panther, Anthrax) qui a œuvré à Los Angeles pour forger le nouveau son d’Amon Amarth, plus clair et profond en raison d’une basse plus présente et de guitares moins creusées. Quoi qu’il en soit, si l’inspiration et ce qui motive l’écriture d’Amon Amarth découlent des mêmes influences, et si un titre tel que « Crack The Sky » a tout d’un « The Pursuit Of Viking bis », la musique de Berserker n’est pas exempte de petites surprises. « Fafner’s Gold » (titre qui évoque le Dragon qui garde le trésor des nains) s’ouvre par une introduction acoustique rappelant fortement celle du « Battery » de Metallica, quelque chose de quasi inédit dans le catalogue des Suédois. « Fafner’s Gold » est un très bon indicateur du tempo global de Berserker, enlevé et entraînant. Amon Amarth accentue sa parenté avec la NWOBHM, surtout lors de l’excellent « Mjölner, Hammer Of Thor » et les nombreuses accroches mélodiques chantantes créées par les leads. L’occasion de constater que l’un des points forts de l’opus est la synergie entre les deux guitaristes Olavi Mikkonen et Johan Söderberg. Ces derniers varient les influences, allant d’un Iron Maiden (« Mjölner, Hammer Of Thor », « When Once Again We Can Set Our Sails ») à une approche plus death (« Valkyria », « Ironside ») en passant par un riffing aux sonorités plus contemporaines, à l’instar de l’introduction presque metalcore de « Raven’s Flight ».
Sans décontenancer, Amon Amarth multiplie les nuances au sein de ses compositions qui créent cette impression d’ « un seul Amon Amarth pour plusieurs registres ». En résulte un album avec peut-être moins de passages mémorables à la première écoute (à l’instar de « Crack The Sky », « Shield Wall » devrait toutefois unir les foules en live avec son exhortation subtile : « Fight till death ! »), mais qui s’épuise plus lentement. À ce titre, l’orchestration et le piano intégrés à « Into The Dark » sont le symbole du dessein d’Amon Amarth 2.0, pour prendre le terme employé par le groupe : ne pas se travestir, conserver une identité forte source de son succès sans (uniquement) répéter inlassablement les mêmes gimmicks. Johan Hegg se permet même d’investir un terrain vocal plus théâtral, à l’image d’« Ironside », où il use de sa voix claire de crooner le temps d’une courte accalmie, ou incarnant le personnage du Berserker vociférant dans le très narratif « The Berserker At Stamford Bridge », référence à la bataille du 25 septembre 1066 qui a vu les Vikings d’Harald Hardrada être défaits par les troupes anglaises d’Harold Godwinson (lui-même vaincu plus tard à Hastings le 14 octobre par Guillaume le Conquérant, date qui marque la conquête du royaume d’Angleterre par la Normandie). Parfois, la nouvelle formule provoque quelques écueils : « The Berserker At Stamford Bridge » justement, malgré la prestation incarnée de Hegg, accuse une certaine lourdeur dans sa progression avec des leads moins inspirés. Si l’on perçoit ce qu’Amon Amarth a voulu réaliser, à savoir conter la résistance épique d’un guerrier viking seul face aux innombrables Anglais sur Stamford Bridge, les mélodies au côté presque trop cliché n’élèvent pas suffisamment la composition.
Berserker est une petite surprise, mais une bonne. Amon Amarth semble s’être relancé avec de nouvelles idées et de nouveaux objectifs : devenir une tête d’affiche encore plus imposante et pouvoir continuer à faire ce qu’il adore sans avoir l’impression de (complètement) tourner en rond. Il y a suffisamment d’éléments quasi inédits pour revigorer l’intérêt autour des Suédois. Berserker va peut-être demander un peu de temps avant d’être adopté au même titre que ses prédécesseurs, mais il a largement les épaules pour rejoindre le panthéon d’Amon Amarth.
Chanson « Raven’s Flight » en écoute :
Album Berserker, sortie le 3 mai 2019 via Metal Blade Records. Disponible à l’achat ici