Amon Amarth est plus qu’un groupe ; c’est un dépositaire, un véritable témoin d’un genre et d’une culture presque fantasmée. Rien ne semble dévier les « vikings » de leur chemin, pas même le départ du batteur Fredrik Andersson après dix-sept ans de loyaux services. C’est donc Tobias Gustafsson de Vomitory qui a joué le rôle d’homme d’armes en attendant l’arrivée d’un nouveau membre définitif. Quoi qu’il en soit, Jomsviking, le dernier effort des Suédois semble s’être écrit sans sourciller. Amon Amarth continue d’étaler un savoir-faire en acier trempé.
Jomsviking, c’est le nom d’une troupe de mercenaires d’élite vikings. Des guerriers de tous âges, prêts à embrasser toutes les causes nobles leur garantissant l’accession au Valhalla dans la fureur, le sang et l’honneur. Amon Amarth n’étonne donc personne en reprenant ces thèmes au sein d’un album qui se veut conceptuel : les musiciens se font les hérauts du parcours d’un homme qui s’enrôle dans cette confrérie de guerriers légendaires et de leurs exploits. Gloire, combats, camaraderie et sorts funestes : voilà les ingrédients qui ont motivé la composition de ce Jomsviking. Exit le panthéon scandinave, le dernier opus d’Amon Amarth est une histoire d’hommes. Andy Sneap est de retour à la production après Deceiver Of The Gods (2013), avec un son moins brut de fonderie et des impératifs différents : Amon Amarth voulait donner de l’ampleur à la narration en intégrant davantage d’arrangements et sonorités épiques, en témoignent les chœurs de « Raise Your Horns » qui risquent de faire un malheur en live, quelques voix narratives qui ponctuent le récit, ainsi que les leads et solos qui appliquent les canons du death mélodique nordique sans broncher. Les lourdes percussions de « The Way Of Vikings », par-dessus une orchestration héroïque, viennent galvaniser les troupes, tandis que les martèlements d’introduction d’ « At Dawn’s First Light » et son lead de guitare parviennent à nous faire endosser l’arsenal viking tout en appréhendant la tension qui précède la bataille. Oui, Amon Amarth n’a pas réellement changé de recette et le groupe s’en contrefiche. Il aime sa mythologie et veut la partager, la vivre par substitution à travers sa musique, où les riffs puissants, guerriers et fédérateurs sont le leitmotiv (que ce soit le coup de poing « First Kill » ou le heavy « Wanderer » qui s’enchaînent d’emblée), et on ne peut pas vraiment les blâmer.
Amon Amarth n’est pourtant pas fainéant, loin de là. L’album contient quelques titres qui s’éloignent des sentiers battus, tel « One Thousand Burning Arrows » et ses passages presque « doom », agrémentés de couplets mélodiques. Pour cette ode funéraire, Amon Amarth modifie son tempo sans s’y perdre, pendant que Johan Hegg sort son timbre death le plus grave, et crée une atmosphère mélancolique de manière assez élégante sans sombrer dans la parodie grossière. Une approche que l’on retrouve au début et à la fin de la scène finale, « Back On The Northen Shore », qui s’étend sur plus de sept minutes. On se réjouit en outre de la participation de Doro Pesch sur « A Dream That Cannot Be », touche féminine qui vient mettre en valeur la part de romance tragique – le thème de l’épouse aimée mais déjà promise et du temps qui éloigne les amants. Amon Amarth recherche l’authenticité en créant des parallèles entre ses thèmes et sa musique, preuve d’une honnêteté remarquable.
Et en termes d’honnêteté, Amon Amarth ne transige pas. Le groupe a déclaré qu’il faisait ce qu’il aimait, point barre. Les prétentions du groupe ne vont pas au-delà. Il a juré allégeance à sa musique et ce Jomsviking est une preuve de fidélité tangible : rien de bien surprenant, rien de décevant. Amon Amarth continue son épopée, ressemblant davantage aux vikings effectuant des raids en territoires connus qu’à ceux qui entreprennent de découvrir de nouvelles contrées, si ce n’est que le récit et la façon dont la musique tend à le mettre en valeur confèrent à ce Jomsviking une dimension supplémentaire non négligeable.
Voir les clips de « First Kill » et « At Dawn’s First Light » :
Album Jomsviking, sortie le 25 mars 2016 via Metal Blade.