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Conférence De Presse    Studio Report   

Amorphis dévoile son Halo


Jamais deux sans trois, comme on dit. Après Under The Red Cloud (2015) et Queen Of Time (2018), le groupe Amorphis, le producteur Jens Bogren et l’illustrateur Valnoir ont refait équipe pour donner naissance à Halo, que nous avons pu écouter en avant-première. Un album dans la continuité… et la rupture. La continuité parce qu’on reconnaîtra immédiatement la patte des trois acteurs, autant sur le plan sonore que visuel. Ceux qui avaient été emportés dans l’univers des deux précédents albums ne seront clairement pas dépaysés, avec un accent mis sur l’idée de contraste comme le suggère d’emblée la pochette. Rien que « Northward » en ouverture ne laisse que peu de doutes, avec son introduction qui se met doucement en place, ses mélodies et riffs conquérants et sa structure dynamique qui fleure bon le progressif.

La rupture – terme à relativiser – simplement parce qu’après la course à l’orchestration qui a atteint son paroxysme sur Queen Of Time, le groupe et le producteur – véritable maître d’œuvre et septième membre en studio – ont décidé de lever le pied sur plan. « The Wolf » est le plus emblématique de cette démarche, en laissant ses riffs propices au headbang s’exprimer sans entrave. Mais attention, les amateurs de grosses sensations et de grandiloquence n’ont pas à s’inquiéter. Comme le fait remarquer Jens Bogren, « un album épuré d’Amorphis est probablement plus chargé que la plupart des productions d’autres groupes ». Ainsi on voyage avec le sitar électrique de « On The Dark Waters » et « A New Land » ou les ambiances aériennes de « The Moon », on vibre au son des percussions sur « When The Gods Came » et on se laisse bercer par le duo avec Petronella Nettermalm sur le délicat « My Name Is Night » en clôture. Sans compter qu’avec six musiciens, il se passe forcément toujours beaucoup de choses. Surtout, Halo est gorgé de mélodies et refrains lumineux qui galvanisent l’auditeur et répondent aux growls toujours aussi impressionnants de Tomi Joutsen.

Voilà pour nos premières impressions, même s’il faudra évidemment de plus amples écoutes pour mieux cerner ce nouveau tableau d’Amorphis. Suite à l’écoute, le panel de journalistes a pu s’entretenir avec le groupe au complet, ainsi que Jens Bogren – le plus bavard – et Valnoir afin que ceux-ci nous racontent la conception du disque sous toutes ses coutures. Nous vous proposons ci-après une transcription des passages les plus pertinents des échanges, sélectionnés par nos soins, réarrangés et réorganisés par thèmes.

A propos de la conception en période de Covid-19 :

Jens Bogren (production) : Ça a été une expérience assez étrange de produire cet album en cette période : tout le monde était éparpillé à divers endroits, mais nous y sommes arrivés. Il y a eu des moments très difficiles. Nous avons commencé la production en janvier. Esa m’a appelé en me disant : « J’ai quelques chansons, tu peux y jeter une oreille ? » Je crois qu’il y avait trente-six chansons en démo ! J’ai eu l’immense plaisir de faire la sélection parmi ces chansons et d’aider le groupe à les peaufiner. Nous sommes ensuite allés au studio. Enfin, cette fois, nous avons fait pas mal de choses à distance. Batterie, guitares et basse ont été enregistrées à Helsinki, au Sonic Pump, pendant que je criais des instructions par téléphone, par Zoom, en morse, peu importe les canaux de communications que nous avions à notre disposition. Ensuite, nous avons fait venir Esa en Suède pour enregistrer ses leads de guitare quand nous avions une ouverture dans les restrictions de voyages dues au Covid-19. J’ai une fois essayé d’aller en Finlande pour enregistrer du chant mais j’ai été bloqué à la frontière, parce qu’ils ont changé les règles ou je ne sais quoi quelques jours plus tôt. Le chant a majoritairement été enregistré en Finlande, puis j’ai fini par réussir à venir pour finaliser les choses. Ça a donc été très étrange, avec des allers-retours incessants entre ça et d’autres projets, et nous avons fini le mixage plus tard que prévu. Malgré tout, c’est toujours amusant de travailler avec Amorphis. Je me sens comme un membre du groupe ; je ne sais pas si c’est réciproque ! Nous sommes très fiers de cet album et je pense que la musique parlera d’elle-même.

Esa Holopainen (guitare) : Je dirais qu’il n’y avait pas énormément de pression – en tout cas, pas de pression supplémentaire due au Covid-19 – quand nous faisions l’album. Evidemment, comme n’importe quel groupe, nous n’avions pas le droit de faire des concerts et des tournées. La situation en Finlande était, j’imagine, à peu près la même que partout dans le monde. Je suppose que le plus grand challenge venait de cette production dont parlait Jens. Habituellement, nous enregistrions tout dans le studio de Jens en Suède, mais comme il était impossible de voyager, nous avons dû faire certaines choses à distance. Connaissant Jens, nous savons que c’est clairement quelque chose qu’il n’aime pas faire parce qu’en temps normal, nous faisons les albums dans un cadre très intime, et comme il est très demandé, il veut que nous enregistrions dans son studio, tout produire là-bas et tout superviser. Pour cet album, c’était quasi impossible de tout faire en Suède ou alors nous aurions été obligés de repousser cette production d’un an ou deux. Pour ce qui est de la composition et des répétitions, je pense que nous avons travaillé à peu près comme avant. Chaque membre du groupe a envoyé ses musiques. Nous avions un Google Drive où nous mettions toutes nos démos et nous avons donné tout le paquet à Jens. Il a dû faire la partie difficile du boulot et choisir les chansons que nous avons ensuite commencé à répéter. En ce sens, c’était notre manière normale de travailler. Il y avait aussi beaucoup plus de matière qu’avant. J’imagine que c’est parce que les gens avaient plus de temps pour écrire les chansons, car nous n’avions pas de concert ou de tournée.

A propos de la direction musicale :

Jens : Personnellement, j’ai essayé de rendre cet album un peu plus direct en termes d’arrangements. Le groupe dit qu’il est plus heavy, moi je trouve qu’il est très pop – nous ne sommes pas d’accord là-dessus. Comme toujours, un album d’Amorphis est un voyage. Il faut plusieurs écoutes pour digérer tous les détails, toutes les mélodies, etc.

Esa : Ça sonne un petit peu épuré si on compare à Queen Of Time, mais il y a plein de nuances et de détails que vous découvrirez avec le temps. C’est un album très intéressant. Il ne se dévoile pas entièrement à la première écoute, mais c’est un album dont nous sommes très contents.

Jens : Quand nous disons « épuré », ça reste un album d’Amorphis. Un album épuré d’Amorphis est probablement plus chargé que la plupart des productions d’autres groupes sur la planète. Et pour je ne sais quelle raison, tous ces groupes qui ont les productions les plus chargées viennent me voir [rires]. Je veux juste faire des albums de punk, mais… voilà.

Esa : Ça peut paraître stupide de dire que c’est un album épuré, mais ça l’est probablement dans notre manière de travailler. Le travail du son n’est pas constamment pompeux et il y a plus de dynamique.

Jens : Je pense que c’était aussi peut-être un objectif. Quand nous avons fait Queen Of Time, nous savions que celui-ci n’était pas aussi direct Qu’Under The Red Cloud. C’était plus un album conceptuel, avec énormément de trucs et qui était constamment hyper épique. Il n’y avait pas moyen que nous refassions ça. Nous ne pouvions pas faire plus épique et faire quelque chose qui ressemble à Queen Of Time ne semblait pas bien. Nous avons même discuté pour savoir si c’était judicieux que je continue à travailler avec Amorphis, car quand on travaille tout le temps avec les mêmes personnes, ça peut devenir dur de bien se développer ou d’aller dans des directions différentes. Pour moi, c’était important que nous essayions, au moins, de trouver un chemin un peu différent. Cette fois, si on prend les chansons indépendamment, au moins après quelques écoutes, je pense qu’elles sont meilleures que sur Queen Of Time, tandis qu’en tant qu’album conceptuel, Queen Of Time est super. Personnellement, je suis autant fier de chacun de ces trois albums que nous avons faits ensemble.

Esa : Durant le processus, quand nous étions en train de faire Halo, d’une certaine façon, je me suis dit que ça allait être dans la continuité de Queen Of Time, car nous savions que Jens allait ajouter plein de choses, des arrangements orchestraux, etc. En fait, nous, le groupe, nous n’avons pas entendu grand-chose de ce qu’il était en train de faire ; il travaillait plus ou moins dans notre dos avec tous les trucs orchestraux, ce qui ne nous posait aucun problème. J’étais un peu surpris quand j’ai entendu que ce n’était pas aussi rempli d’orchestrations. A certains moments, cet album sonne comme plus un groupe de metal et on voit vraiment le côté plus agressif. Inversement, on retrouve aussi la partie fragile de la musique. Je pense que ça représente assez bien le thème global sur lequel nous avons commencé à travailler, quand Tomi a envoyé les premières idées de texte qu’avait Pekka. Tout était marqué par des contrastes forts. Dans son ensemble, l’album représente bien l’idée ou le plan originel que nous avions.

A propos de la sélection des morceaux :

Jens : Amorphis a décidé qu’ils voulaient rester un groupe pour de nombreuses années, donc je porte le fardeau de certaines décisions qui, autrement, peuvent causer des problèmes au sein du groupe et vite dégénérer – je l’ai vu avec beaucoup de groupes. Il y avait des instructions claires lors du premier album que nous avons fait ensemble, Under The Red Cloud : « On veut que tu choisisses les chansons sur lesquelles on va travailler. » Nous avons enregistré treize chansons pour l’album, je pensais que nous allions réduire ça à dix – c’est ce que nous avions décidé – et au final, c’était impossible de faire la sélection, donc nous nous sommes retrouvés avec onze qui allaient bien. Mais j’ai aussi parlé un peu avec le groupe pour dire ce que je pensais. Concernant ce processus de sélection de chansons, je ne sais pas s’il y a une vraie science là-derrière. C’est évidemment, pour beaucoup, une question de goût et ça dépend du potentiel que je vois dans les chansons, peu importe ce que ça peut vouloir dire. Peut-être que j’entends des éléments et changements que j’aimerais mettre en place. Parfois ça peut surprendre les autres : « Pourquoi on a choisi cette chanson ? » « J’ai cette idée pour cette chanson, on peut faire ci et ça. Je pense que ça ira bien dans l’album. » Ensuite, parmi ces trente-six chansons que nous avions, il s’agissait aussi de choisir la direction que prendrait l’album, en partant des deux précédents que j’ai faits avec eux et en essayant de peut-être explorer de nouvelles pistes ; à la fois, nous ne voulions pas non plus faire un album de reggae.

Esa : Quand on travaille sur des chansons et passe beaucoup de temps dessus, on finit par vraiment y tenir. Personne n’a envie d’entendre : « Ta chanson ne sera probablement pas sur l’album. » Mais tout le monde connaît la règle du jeu et il faut le faire. L’autre solution aurait été de jouer à la loterie avec les chansons de l’album [rires], mais je ne suis pas sûr que ça serve l’ensemble de l’œuvre.

Jens : Pour l’ordre des chansons, j’essaye généralement d’influer dessus de façon à ce que ce soit peut-être un peu surprenant. Mon avis personnel est qu’il y a plein de très bonnes chansons dans cet album, donc on pouvait presque les placer au hasard, mais par exemple, ça ne me dérange pas si un morceau très accrocheur arrive assez tard dans l’album. Ça dépend. Je suis assez vieux, donc j’aime le format album, même si je sais que ce n’est pas ainsi que la musique est généralement présentée de nos jours. Quand on écoute l’album – et un nombre non négligeable de fans le feront malgré tout – je pense que c’est important d’y trouver cette sorte de voyage. Si quelque chose est trop calme ou léger, il faut peut-être le faire suivre par autre chose qui se débarrasse de ce sentiment. La seule chanson que nous savions, depuis presque le début, devoir être le dernier morceau était « My Name Is Night », car c’est un très bon final.

A propos de la chanson « My Name Is Night » :

Tomi Koivusaari (guitare) : « My Name Is Night » est à l’origine une chanson qui était prévue pour Under The Red Cloud et qui n’avait pas été retenue par Jens. J’ai retenté ma chance et cette fois elle a été retenue ! C’est parce que j’ai écouté la trentaine de chansons et que je me suis dit qu’il manquait ce genre de chanson, donc j’ai décidé de la ressortir.

Tomi Joutsen (chant) : C’est une chanson très émotionnelle. Ça pourrait bien être notre « Still Loving You » [rires]. Elle est très puissante et, à la fois, très musicale. Les accords sont assez bizarres dans le refrain et, d’une certaine façon, ça me rappelle un peu certaines chansons de rock finlandais des années 70, je ne sais pas pourquoi. C’est peut-être le temps fort de l’album, car les paroles et les mélodies fonctionnent vraiment bien ensemble, et cette chanson suscite des images dans ma tête. C’est une chanson très triste et sentimentale. C’est sympa qu’il y ait une chanteuse qui chante à propos d’être un genre de guerrière. J’aime beaucoup cette idée : le héros ne doit pas forcément toujours être un homme.

A propos de la longueur des chansons :

Tomi K. : Si ça ne dépendait que de nous, toutes les chansons feraient dix minutes…

Jens : De nombreuses chansons qu’Amorphis écrit ont plusieurs chansons en elles, pas forcément parce que c’est bien mais parce que ça se fait tout seul. C’est dur de tuer ses chéris. Mais je suppose qu’ils composent ainsi en sachant que tout ce qui est dans la chanson ne sera pas forcément encore là à la fin. C’est une manière de présenter différentes parties. C’est une chose sur laquelle je travaille une fois la sélection faite, je fais des tests en réorganisant parfois les chansons. Par exemple, le riff principal de « The Wolf » n’était au départ qu’un riff de transition que j’ai trouvé tellement cool que j’ai dit aux gars de l’utiliser comme riff principal. D’un autre côté, la courbe dramaturgique d’une chanson d’Amorphis ne rentre généralement pas en trois minutes, il faut un peu plus de temps pour développer une histoire, en tout cas musicalement parlant. Et puis une chanson peut faire dix minutes aussi. Avec les groupes avec lesquels je travaille, il n’y a pas de dogme qui impose que la chanson soit la plus courte possible. La chanson est aussi longue qu’elle a besoin d’être pour que le message passe.

A propos des invités et des arrangements :

Jens : Nous avons collaboré avec quelques personnes importantes pour nous. Par exemple, la fille qui chante sur la dernière chanson, « My Name Is Night », s’appelle Petronella Nettermalm. C’est une artiste suédoise qui chante dans Paatos – le suédois, car il en existe aussi un grec, je crois. Si vous ne connaissez pas, vous devriez jeter une oreille sur un album qui s’appelle Timeloss, un très bon album – ça vous donnera une idée de ce dont Petronella est capable, en dehors de ce qu’elle a fait pour nous cette fois-ci. C’est une idée que j’ai eue très tôt lorsque j’ai entendu la chanson. Je me suis dit que ça allait être super avec Petronella, car je suis fan de sa voix depuis que je suis jeune. C’était donc un peu un rêve d’adolescent pour moi qu’elle soit dans l’album. Il y a d’autres voix féminines sur l’album, fournies par Noa Gruman de Scardust – une chanteuse israélienne très talentueuse avec qui j’ai pas mal travaillé aussi. Nous utilisons le chant féminin là où ça a du sens émotionnellement et ça peut être bien pour créer un contraste – on en revient à cette idée. Le contraste est un outil très important dans la production pour moi aussi. Tomi a l’un des grunts les plus couillus de l’industrie et c’est bien qu’un chant féminin arrive pour briser cette surface super dure. Il y a aussi des arrangements orchestraux, en plus de ce que Sandre fait aux claviers. Il s’agit de Francesco Ferrini qui m’aide généralement avec ces choses. On retrouve également Joost van den Broek qui nous a aidés avec des arrangements de chœurs. Pour certaines intros et effets, nous avons fait appel à un gars qui s’appelle Jesse Zuretti, avec qui j’ai collaboré et qui fait des choses pour l’industrie du cinéma, en travaillant pour Marvel par exemple sur des compositions cinématographiques. Je n’étais pas impliqué là-dedans, mais nous avions aussi des percussions orchestrales sur cet album, chose que nous n’avions jamais faite avant. Je ne connais pas le nom du gars. Jan, tu peux nous dire ?

Jan Rechberger (batterie) : Oui, j’ai embauché ce gars qui s’appelle Oskari Auramo et qui est un très bon percussionniste. Nous avons fait des choses avec des percussions orchestrales, comme des timbales, des grosses caisses, des carillons tubulaires, etc. Il travaille avec la fanfare de l’armée. Nous avons enregistré tout ça chez lui dans une belle salle de concert. C’était par moments assez exubérant [rires], donc tout ne s’est pas retrouvé sur l’album, mais on peut entendre une belle sélection de ce que nous avons fait.

Jens : C’était un peu un « mute fest » pour moi au final, quand j’ai reçu tout ça [rires], mais c’étaient des ajouts vraiment sympas. De façon générale, j’adore quand les choses sont un petit peu différentes, quand je ne sors pas un nouvel album d’un groupe et que tout a déjà été entendu avant. Evidemment, c’est impossible – et ce n’est même pas désirable – d’essayer de ne faire que de nouvelles choses. J’ai évidemment mes préférences musicales et le groupe a les siennes, et nous essayons de trouver un juste milieu. Parfois, une mélodie a été écrite à la guitare et peut-être qu’il existe une façon plus intéressante de la présenter que sur une guitare. Souvent la guitare est un instrument idéal, parce qu’on peut mettre énormément de feeling sur la main gauche, contrairement à un clavier par exemple – désolé Sandre ! Malgré tout, essayer de peut-être utiliser d’autres éléments pour laisser parler la musique et créer une texture qui caractérise l’album, c’est quelque chose d’important, en tout cas pour moi et mon appréciation de la musique quand j’écoute l’album. Par exemple, les sitars électriques que nous avons utilisés, c’est quelque chose qu’on peut entendre dans d’autres productions que j’ai faites, avec Sepultura par exemple. Ce n’est pas super unique mais je suppose qu’on n’entend pas ça tout le temps.

A propos de la dimension immersive et « magique » de la musique d’Amorphis :

Jens : Je ne devrais pas être trop prétentieux mais je pense le son de manière visuelle. Je suppose qu’on le fait tous, dans une certaine mesure.

Tomi J. : J’ai écouté cet album hier dans un super studio avec un amplificateur de grande qualité, et tout le monde était assis là en silence. J’ai fermé mes yeux et j’ai écouté tout l’album. Plein d’images ou de petits films me sont venus en tête. C’était un moment magique. J’avais le même sentiment avec l’album précédent. J’étais tellement fier d’Amorphis à cet instant. C’est étrange que l’on puisse créer quelque chose qui soit vraiment puissant et beau, alors que les gars sont là à déambuler en jeans, peut-être à se mettre le doigt dans le nez ou à péter [rire]. Ce sont des mecs moyens et pourtant nous sommes capables de créer quelque chose de monumental et magnifique qui touche le cœur des gens. Evidemment, plein de gens pensent qu’Esa Holopainen est un génie et un maître du metal, mais je le connais et ce n’est qu’un mec sympa originaire de Finlande. Mais lorsque nous sommes réunis tous les six, nous pouvons créer quelque chose de spécial et c’est la magie de la musique. Ça me surprend toujours. Nous passons beaucoup de temps ensemble et, évidemment, nous connaissons nos meilleurs et nos pires côtés, et parfois un gars nous tape sur le système, ce qui est typique quand on est en tournée, mais à la fois, nous pouvons faire de super concerts et être de super musiciens. Je trouve ça magique.

Jens : Parmi les groupes avec lesquels j’ai travaillé, Amorphis est dans le top trois de ceux avec qui je me sens vraiment connecté à la musique. Il semblerait que nous soyons sur la même longueur d’onde, ce qui fait qu’il est très facile de travailler ensemble. Leurs compositions sont propices à différents types de possibilités avec la production. On pourrait faire la production de plein de façons différentes. On pourrait juste faire jouer le groupe mais il y a des chansons qui sont ouvertes à toutes sortes d’interprétations et directions. J’ai une approche de la musique qui est assez cinématographique, j’adore ajouter des fioritures auxquelles on ne pense pas forcément, mais qu’on remarque si on les retire. Et puis le groupe a toujours été assez progressif en termes de modulation et, en particulier, Sandre a un excellent cerveau musical – je ne devrais pas le dire parce qu’il devient très imbu lui-même. Il a un très bon sens musical scolaire qui manque à la plupart des groupes. Les structures harmoniques et mélodiques les plus intelligentes viennent de lui.

A propos du chant :

Tomi J. : Avec cet album, quand j’ai commencé à penser aux lignes mélodiques, je me suis dit que je voulais avoir de nouvelles inspirations. Généralement, je me contente de fermer les yeux et d’essayer de fredonner les mélodies, ou lorsque nous sommes en salle de répétition, j’essaye juste de suivre mon instinct et de créer de belles lignes mélodiques dans ma tête, mais cette fois, j’ai voulu faire autre chose. J’ai commencé à composer des lignes mélodiques très simples sur mon clavier. Je pense que c’est une très bonne chose à faire, car c’était nouveau pour moi, et j’ai trouvé de nouvelles lignes et idées. Notamment, j’aime beaucoup la chanson qui s’appelle « The Wolf » et qui est vraiment heavy, elle me rappelle un peu le vieux Metallica, et en particulier je suis très satisfait du chant sur le pont. Je dois admettre que, pour cette partie, je me suis inspiré de Life Of Agony. J’ai essayé de retrouver le feeling qu’ils avaient dans leurs chansons dans les années 90. Je dois aussi remercier Jens car il me disait tout le temps que je devrais utiliser davantage de growl. J’avais prévu davantage de mélodies pour cet album, mais nous avons fait du growl à la place. Quand j’écoute l’album maintenant, sur le plan du chant, il est un peu plus heavy que le précédent. Cet album sonne aussi plus orienté guitare, donc ces deux éléments réunis font peut-être qu’il sonne plus heavy. Mais je suis très satisfait des mélodies que nous avons faites en studio. Quand j’ai commencé à enregistrer le chant, ça faisait je ne sais pas combien de semaines ou de mois que nous n’avions pas joué. J’étais un peu choqué, parce que c’était très dur de démarrer. J’étais très stressé, je me demandais si j’avais encore le truc. Le début était très difficile, mais nous avons travaillé avec le producteur vocal, Jonas Olsson, et après quelques jours, ça a commencé a bien marcher. J’ai travaillé environ trente jours sur cet album, c’était énorme pour moi.

Jens : Ta voix a mûri avec les années. Tu as de plus en plus l’habitude d’utiliser la voix claire et de réfléchir aux lignes de chant. A chaque album que tu fais, à travailler avec moi et Jonas, à recevoir des conseils sur la manière de faire le chant clair, ta voix ne cesse de s’améliorer. Cette fois, je trouve que tu as chanté plus facilement que par le passé.

Tomi J. : Merci pour ces gentilles paroles. Quand je travaille au studio, il y a tellement de choses sur lesquelles je dois me concentrer. Par exemple, nous avons des motifs rythmiques très difficiles dans l’album, et puis j’utilise l’anglais qui n’est pas ma langue principale, donc je dois bien me concentrer sur la prononciation des mots. Parfois, c’est très dur de trouver des émotions, or je suppose que j’ai de la chance de pouvoir trouver facilement mes émotions en studio. Je ne sais pas comment ça se fait, mais j’imagine que c’est un genre de don. Mais en tant que chanteur, c’est un grand défi à chaque fois que je vais en studio parce que je ne suis pas formé au chant, je n’ai pas ce genre de background musical. Je suis plus un metalleux qui fait du growl et qui essaye de faire du chant clair parce qu’il le faut [rires].

A propos des thèmes et du titre de l’album :

Tomi J. : Nous avons retravaillé avec Pekka [Kainulainen], qui a travaillé sur les précédents albums d’Amorphis, et c’était une nouvelle fois fantastique ! Il a écrit de vieilles histoires. Elles ne proviennent pas directement du Kalevala, mais les scènes et les paroles sont une nouvelle fois plus ou moins inspirées de vieux mythes. Ce n’est pas purement un concept album, mais ça raconte l’histoire de gens qui voyagent, arrivent à un nouvel endroit et commencent à y vivre. C’est dur de résumer tout l’album, car il y a des histoires et des scènes différentes, mais Pekka cherche toujours à puiser dans le passé mais aussi dans l’époque à laquelle on vit aujourd’hui. Concernant le titre de l’album, nous avions quelques idées et je pense que Halo était le plus global. Nous voulions que ça reste court. Je trouve que ça colle bien à l’album, mais il n’a pas de sens plus profond que ça. Ceci dit, l’inspiration pour la chanson éponyme est venue à Pekka de fans russes qui ont voyagé jusqu’en Finlande pour le rencontrer. Les fans lui ont offert des cadeaux en provenance de Russie, comme un couteau en os par exemple. Pekka était très content de ces présents et c’est ce qui l’a inspiré pour écrire l’histoire de cette chanson.

A propos de l’artwork :

Valnoir (illustration) : J’ai travaillé sur les trois derniers albums d’Amorphis, en plus de quelques albums live et éditions spéciales. J’ai vu le groupe en live en 1996, je crois, et ça fait sept ans que je travaille avec eux. Il s’agit donc de réexporter leurs thèmes habituels qui se concentrent sur la légende du Kalevala. Ensuite, je m’inspire des paroles et des thématiques. C’est généralement ainsi que ça se passe. L’idée n’est pas de réinventer la roue à chaque fois, mais d’explorer une autre facette du même prisme, c’est-à-dire d’Amorphis. La plupart du temps, j’échange avec le groupe sur le message de l’album : « Quel est ou quel pourrait être le titre ? Quelle histoire voulez-vous raconter ? » La plupart du temps, je me sers de ça. C’est ce qui est important, car la pochette est supposée illustrer le titre de l’album ; quand on voit ce dernier dans les bacs, c’est toujours bien que les deux éléments communiquent de façon fluide.

Nous avons commencé à travailler sur ce nouvel album il y a quelques mois. Je dois dire que ça n’a pas été la collaboration la plus facile que j’ai connue avec le groupe, à cause de certaines indécisions et hésitations. Au départ, le groupe avait du mal à clarifier auprès de moi quelle histoire ils racontaient au travers de cet album. J’étais donc un peu confus et perdu par rapport à ce qui serait le chemin optimal à explorer. Nous avons dû explorer un peu, et nous avons cherché et essayé différentes options avant de trouver une solution satisfaisante pour tout le monde. Au final, nous avons opté pour quelque chose d’un peu plus ornemental et neutre qui pourrait être interprété de plein de façons différentes. Ce n’est pas quelque chose de trop littéral cette fois, mais ça nous a demandé un peu de temps, à explorer et bavarder, pour enfin aboutir à la bonne voie à suivre.

En gros, l’idée derrière l’illustration est que, tout en restant dans le vocabulaire visuel habituel d’Amorphis, nous avons essayé de nous servir du principe de dualité – le bien et le mal, la lumière et l’obscurité, etc. toutes ces choses qui s’opposent dans la vie et qui sont extrêmement présentes dans la constellation d’Amorphis. C’est ce sur quoi nous avons travaillé et ce que nous avons essayé d’illustrer, tout en le plantant dans un décor qui colle à la mythologie d’Amorphis. L’un des éléments qu’ils m’ont donnés durant le premier briefing et le premier échange est qu’ils voulaient quelque chose de nordique, et ils ont un peu plus insisté là-dessus que sur les albums précédents – pour Queen Of Time, c’était dès le début les abeilles, donc il n’y avait pas d’élément nordique. Le premier morceau de l’album, « Northward », est assez éloquent à cet égard. J’ai donc voulu jouer avec ces éléments, comme les aurores boréales. C’était d’ailleurs un peu délicat de jouer là-dessus, car les aurores boréales ne sont pas très définies ; ça a l’air défini quand on regarde des photos, mais dans la vraie vie ce n’est pas aussi clair et dessiné, donc il faut toujours un peu interpréter. C’était assez difficile mais je suis très content du travail que nous avons réalisé et du résultat que nous sommes parvenus à obtenir. Je dois dire que ça a été une belle réussite. Je peux rajouter que je suis actuellement en train de travailler sur un clip vidéo pour le groupe. Ce n’est pas exactement un clip dans le sens traditionnel. C’est entre une lyric vidéo et un clip. Ça sortira dans quelque temps.

Propos recueillis le 6 novembre 2021.



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