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Interview   

Amorphis au service de sa majesté


Si on avait pu, malgré la qualité constante de ses albums, reprocher à Amorphis de jouer la carte de la sécurité par rapport à une époque pré-2006 (avant l’arrivée du chanteur Tomi Joutsen) nous ayant habitué aux surprises à chaque sortie, mine de rien depuis quelques albums, les Finlandais semblent avoir progressivement repris goût à la nouveauté et au challenge. On se doutait avec Under The Red Cloud que le producteur Jens Bogren n’y était pas étranger, on a désormais la confirmation avec Queen Of Time où celui-ci a joué un rôle déterminant dans la nouvelle dimension qu’a gagnée la musique d’Amorphis. Queen Of Time est un album opulent, majestueux, foisonnant d’invités, aux arrangements d’une richesse inégalée dans la carrière du combo, mais pas moins équilibré.

Ainsi nous avons échangé avec Tomi Joutsen et les deux compositeurs principaux, le guitariste Esa Holopainen et le claviériste Santeri Kallio, afin de mieux comprendre la genèse d’un album qui pourrait bien marquer le début d’une nouvelle ère et le rôle de Jens Bogren dans celle-ci. Mais pas seulement, puisque Queen Of Time inaugure le retour du bassiste originel et compositeur Olli-Pekka Laine, et comme c’est le cas maintenant depuis quelques années, Pekka Kainulainen a été reconduit dans le rôle de parolier, et même un peu plus. Deux sujets qui méritaient bien quelques échanges.

« J’étais un peu surpris quand j’ai ouvert mes emails et j’ai vu : ‘Ok, voilà un nouveau mix ou une nouvelle version de la chanson.’ Et j’étais là : ‘Quoi ? Qu’est-ce qu’il se passe ? C’est quoi ce groupe ?' »

Radio Metal : Vous avez démarré les répétitions pour le nouvel album deux jours après le dernier concert de la tournée d’Under The Red Cloud. Comment ce rapide enchaînement a impacté votre approche de ce nouvel album ?

Tomi Joutsen (chant) : Lorsque tu as beaucoup tourné et donné beaucoup de concerts, tu as un peu envie de faire autre chose [rires]. Je ne dis pas que tu t’ennuies, mais c’est bien d’avoir différentes périodes dans ta vie. Et après la sortie d’Under The Red Cloud, nous avons donné plus de deux cents concerts partout dans le monde, et là c’était amusant et super de commencer enfin à faire autre chose que juste voyager et rester assis dans des avions. Et lorsque nous avons commencé à nous pencher sur le nouvel album, nous avions dix-sept ou dix-huit chansons, toutes en démo, donc ça faisait un sacré paquet de matière. Nous savions que ça allait être difficile de répéter toutes les chansons et les arranger, mais il fallait commencer quelque part et tous les groupes ont toujours besoin d’une deadline pour leurs projets, et nous savions qu’il fallait que nous commencions immédiatement afin de ne pas nous retrouver dans la précipitation plus tard. Lorsque nous avons commencé, nous avons réalisé que nous avions des chansons avec beaucoup de potentiel, et c’était amusant de se remettre à travailler ensemble, après une longue tournée.

Under The Red Cloud était votre premier album avec le producteur Jens Bogren, et vous vous étiez surpassé avec lui ; j’imagine que c’est la raison pour laquelle vous avez choisi de poursuivre avec lui. Pensez-vous qu’en tant que producteur, il fait ressortir de vous des choses que vous ne pourriez pas faire ressortir seuls ou avec un autre producteur ?

Esa Holopainen (guitare) : C’est sûr. J’imagine que chaque producteur a sa façon de travailler. Avec l’album Circles, nous avons pour la première fois travaillé avec un véritable producteur – Peter Tägtgren a produit l’album – mais c’était plus le groupe collaborant avec Peter. Alors que Jens est plus à prendre les devants. Nous avons besoin de ce genre d’autorité, car nous sommes six dans le groupe, et oui, bien sûr, nous aurions pu faire un album d’Amorphis de bonne qualité, mais si nous voulons nous développer, amener ce son plus loin, la seule façon de faire est avec un bon producteur qui connait aussi la musique. Autrement, on se retrouve à faire des compromis au sein du groupe et c’est quelque chose que nous ne voulons pas faire. Il ne fera pas forcément que des choses qui plairont à tout le monde tout le temps, mais il est le gars qui a une bonne idée et une vue d’ensemble de ce que nous faisons. En ce sens, il est normal qu’il prenne certaines décisions sur ce qu’on met dans les chansons, ce qu’on met dans l’album et les instruments additionnels, comme l’orchestre, par exemple, sur cet album.

Tomi : Ouais, je pense qu’il nous a poussés un peu plus loin en tant que musiciens et a pompé tout ce que le groupe avait en réserve, mais il a aussi apporté des couches ou éléments supplémentaires à l’album. Il est certain que ça sonne différent par rapport à si nous étions allés en studios seuls et avions tout fait nous-mêmes, ensemble. Ça aurait été possible de faire ça, car nous avons deux gars dans le groupe qui sont aussi des ingénieurs du son professionnels, et ils ont leur studio, donc nous aurions pu y aller et travailler en tant que groupe, seuls. Mais c’est bien d’avoir une opinion extérieure et un gars extérieur qui a un peu de recul par rapport au groupe, qui entend les chansons autrement. Si tu fais toujours les choses avec la même équipe, album après album, tu finis par faire le même album encore et encore. Donc c’est bien d’avoir des idées et directions fraîches venant d’autres personnes aussi.

Santeri Kallio (claviers) : Il agit principalement comme une personne objective qui prend la responsabilité de faire en sorte que les chansons aillent ensemble et que tout ce passe bien, mais n’a pas participé au processus de composition. Sur Queen Of Time, il avait une vision un peu plus forte qu’avec Under The Red Cloud. Donc ouais, sur cet album, il est en très grande partie responsable des gros chœurs, des arrangements ethniques et de ces musiciens invités. A ce niveau, nous lui avons donné beaucoup de liberté. Mais je ne dirais pas… Nous avons également eu beaucoup d’idées, plein de chansons contenaient déjà des orchestrations, des flûtes et ce genre de choses, mais Jens s’est occupé de trouvé les bonnes personnes pour les concrétiser.

Vous avez déclaré que cet album « s’est avéré être une énorme surprise pour tous » parce que « durant les répétitions et la pré-production [vous] n’avi[ez] aucune idée que Jens avait ce grand tableau dans sa tête dépeignant le paysage de l’album. » Avez-vous facilement accepté que Jens prenne le contrôle de l’album et impose sa propre vision de votre album ?

Esa : Ouais, comme je l’ai dit, nous nous sommes mis d’accord pour qu’il soit le producteur de l’album, et c’est pour faire ça que nous le payons [rires], pour produire un bon album ! C’est sûr que c’était une belle surprise pour nous qu’il ait arrangé tous les instruments orchestraux et les chœurs. Ça donne une bonne saveur et rend le son globalement plus massif et grandiloquent.

« J’ai un peu mal vécu, disons, la transition de Elegy à Tuonela à Am Universum. Déconner avec le son du groupe comme nous l’avons fait était assez dingue, certains fans ont dû se demander ce qui était arrivé à ce groupe ! Mais je ne dirais pas que ces dernières années nous avons eu peur ou étions intimidés de changer notre musique, c’est juste que ce n’était pas l’idée. »

Santeri : Ceci dit, c’est peut-être exagéré de dire que Jens avait une énorme vision et que tout a énormément changé. J’admets qu’il a apporté une énorme chorale et des éléments nouveaux et intéressants aux chansons ; il disait : « sur cette chanson, j’entends des chœurs ici » et « là-dedans, on peut caler un saxophone, » etc. Mais la composition globale des chansons était grosso-modo la même et sonnait déjà très intéressante, mais oui, Jens avait effectivement une bonne vision ; comme il le dit dans un de nos trailers pour le nouvel album, il explique qu’il voulait essayer quelque chose de nouveau par rapport à ce qu’il avait fait avec Under The Red Cloud, afin de ne pas faire quelque chose qui sonnerait trop convenu. C’est comme ça qu’il a eu l’idée d’utiliser une chorale israélienne – ce n’est pas sur toutes les chansons mais c’est là – et un véritable orchestre de cordes turque, ce genre de choses. Dans le passé, nous avons eu nous-mêmes des idées similaires parfois mais nous ne les avons jamais concrétisées parce que nous ne connaissons pas les gens pour le faire. Mais il y a aussi beaucoup de nos idées, comme dans « The Bee », ce chanteur de gorge russe et plein d’idées de percussions. Donc je dirais qu’il n’y a pas que Jens, que sa vision. Evidemment, nous étions un peu surpris lorsqu’il parlait de grande chorale avec des paroles en latin et tout, car nous n’arrivions pas à nous représenter ce qu’il voulait dire, car nous n’avions rien entendu de tout ça. Il nous a donné des références, genre « allez écouter ci et ça, » mais je crois qu’aucun de nous n’a vraiment été sur YouTube pour aller écouter [petits rires], nous lui faisions complètement confiance pour nous amener quelque chose de neuf et frais dans les chansons. C’était vraiment une très bonne surprise d’entendre à quel point les chœurs collaient avec notre musique.

Tomi : Ouais, j’étais un peu surpris quand j’ai ouvert mes emails et j’ai vu : « Ok, voilà un nouveau mix ou une nouvelle version de la chanson. » Et j’étais là : « Quoi ? Qu’est-ce qu’il se passe ? C’est quoi ce groupe ? » Tout d’un coup, il y avait des chœurs et d’énormes orchestrations. Mais à la fois, c’est très sympa quand la musique te surprend. Je trouve que c’est plus facile de devenir un fan de ton propre groupe quand il y a de nouvelles approches dans ta musique. C’est un dingue qui a plein de super idées.

Santeri : Et nous sommes très ouverts aux idées. Tous ces musiciens invités, avec des arrangements rafraîchissants ajoutés à notre musique, c’est toujours très intéressant et ça donne une autre dimension aux chansons, surtout quand c’est entre de bonnes mains [petits rires].

Généralement, le travail d’arrangement est la responsabilité du claviériste. Du coup, Santeri, comment as-tu travaillé avec Jens là-dessus ?

Je n’ai pas été en Suède, j’ai joué tous les claviers moi-même en Finlande, et parfois il disait : « Pour ce morceau, je veux une piste midi afin de pouvoir l’envoyer au gars qui fait les arrangements de cordes et les orchestrations, » comme nous avons fait aussi pour Under The Red Cloud. Parfois il me demandait tout un tas de choses pour envoyer les premières idées à l’orchestrateur. Il faut du temps pour que quelqu’un d’extérieur comprenne comment sont censées être les mélodies et préparer les arrangements de base, et alors il peut voir et entendre comment ça se passe et construire ses propres arrangements par-dessus. C’était un processus assez facile mais il y avait beaucoup à faire ! [Petits rires] Car Jens est un producteur exigeant, il m’envoyait tout le temps des messages, comme : « Oh, j’ai besoin de ça sur ce morceau pour l’orchestrateur ! » et ainsi de suite.

Vous étiez connus durant vos premières années pour vos changements réguliers dans votre son. Diriez-vous que par rapport à ces années-là et ce que vous avez fait sur ce nouvel album, vous avez été un peu timides à un moment donné, disons de Eclipse à Circles, pour ce qui était d’apporter de nouvelles saveurs à votre musique ?

Esa : Je crois que nous n’avons jamais éprouvé de nous-mêmes de véritable besoin d’ajouter des instruments orchestraux, car nous avons un claviériste. Donc nous utilisions toutes les flûtes, cordes ou je-ne-sais-quel son via les claviers et procéder ainsi a très bien fonctionné pour nous. Nous restons un groupe de metal, nous n’avons pas besoin de devenir théâtraux ou faire de l’opéra metal. Ça n’a pas été une nécessité pour nous. Nous avons toujours fait appel à des musiciens invités, comme des saxophonistes ou des voix féminines sur nos précédents albums aussi, mais pour que l’ensemble sonne un peu plus massif, Jens voulait apporter de vraies orchestrations sur cet album.

Santeri : Je crois que ça n’a jamais été une intention dans le passé de changer la direction de la musique. Ces gars étaient très jeunes lorsqu’ils ont fait The Karelian Isthmus et Tales, et probablement qu’à partir de là leur niveau en tant que musiciens a commencé à se développer. Lorsque tu signes un contrat avec une maison de disques quand tu as dix-huit ans et que tout d’un coup tu te retrouves à vingt-sept ans, tes goûts musicaux changent et tu veux essayer autre chose. Le groupe a eu un joli succès assez vite, donc ça a ouvert beaucoup de possibilités pour dire « hey, faisons ce genre d’album, et ce genre d’album. » Personnellement, j’ai un peu mal vécu, disons, la transition de Elegy à Tuonela à Am Universum. Déconner avec le son du groupe comme nous l’avons fait était assez dingue, certains fans ont dû se demander ce qui était arrivé à ce groupe ! Mais je ne dirais pas que ces dernières années nous avons eu peur ou étions intimidés de changer notre musique, c’est juste que ce n’était pas l’idée.

Tomi : Et en fait, nous avons fait Eclipse, Silent Waters et Skyforger avec la même équipe. Nous avons enregistré ces albums dans le même studio. Je pense que c’est pour ça que ces albums sonnent un peu similaires.

« Si la chanson est mauvaise, on ne peut pas la sauver en utilisant des violons ou ce genre de choses. Donc, si on retire tout, toute la crème, des chansons, on retrouve toujours le fil rouge, l’idée de base de la chanson, et c’est ce qu’il y a de plus important. »

Santeri : Oui, et quand Tomi a rejoint le groupe, nous avons trouvé la meilleure manière qui soit de présenter notre musique avec ce line-up, et nous étions vraiment occupés avec les tournées, donc ça n’avait pas trop de sens d’opérer des changements radicaux dans la musique. Nous pensions juste que nous allions faire cette bonne musique que tout le monde aimait et que nos fans aimaient aussi, d’après ce qu’ils nous montraient. Peut-être que lorsque nous avons fait les sessions de Circle avec Peter Tägtgren, nous avons pensé que nous pourrions essayer des choses plus extrêmes et prendre une direction un peu plus heavy. Et lorsque Jens est arrivé sur les sessions d’Under The Red Cloud, nous pensions vraiment que nous pourrions ajouter plus de maestria musicale et d’arrangements complexes.

Tomi : A ce stade, nous voulions avoir une nouvelle approche des choses, et ce travail avec Jens était une bonne manière de repousser les limites, rendre notre musique peut-être un petit peu plus intéressante. Et c’est super de dire, par exemple lors des interviews, qu’il y a quelque chose de différent par rapport aux albums précédents [rires].

Santeri : En plus, nous avons essayé d’apporter de nouvelles dimensions, en donnant des concerts spéciaux avec des éléments acoustiques, avec des invités spéciaux, etc. Je pense que c’est suffisant pour nous. Si tu écoutes Queen Of Times et ensuite tu écoutes Eclipse, il y a une grosse différence, mais ça s’est fait progressivement, pas tout d’un coup.

Vous avez déclaré que « ça faisait des années que [vous] recherchi[ez] secrètement cette métamorphose. » Et la dernière fois qu’on t’a parlé, Tomi, tu nous as dit que « lorsque tu travailles pendant plusieurs années d’affilée, tu finis par un peu trop bien connaître ta formule. » Du coup, aviez-vous malgré tout besoin de quelqu’un pour vous pousser à casser cette formule un peu ?

Tomi : S’il y a un producteur extérieur au groupe, il voit et entend la musique différemment, et il peut y avoir de petits détails qu’il remarque et veut mettre davantage en avant, ou même les mettre au-dessus du reste. C’est ce qu’il y a de bien avec un producteur : il peut sélectionner quelque chose de très intéressant que nous, en tant que groupe, de prime abord, ne trouvons pas si intéressant. Car faire de l’art prend beaucoup de temps, de talent et tout, mais à la fois, c’est comme un jeu, il faut que ce soit amusant et qu’il y ait toujours de la bonne humeur. Et parfois tu trouves quelque chose de différent à partir de différents points de vue sur une chanson.

L’album fait donc appel à un orchestre, des chœurs et de nombreux invités, tels que Chrigel Glanzemann aux instruments à vent, le chanteur laryngien Albert Kuvezin, le saxophoniste Jørgen Munkeby, ainsi que des voix féminines, dont Anneke Van Giersbergen sur la chanson « Amongst Stars ». Comment êtes-vous parvenus à conserver intacte l’essence d’Amorphis et ne pas la perdre parmi tous ces éléments ?

Esa : La plupart de ces éléments sont ce que Jens a ajouté, et nous n’avons pas tellement réfléchi à… Nous savions qu’il allait impliquer des invités ici et là. Nous avions fini toutes les chansons, elles étaient prêtes et répétées lorsque nous sommes allés en studio, et ces saveurs que Jens a ajouté par-dessus, elles servent avant tout les chansons, les lignes mélodiques plutôt que d’être des instruments solos à part entière. A l’exception d’Anneke, bien sûr, qui fait un duo avec Tomi. Sa présence dans cette chanson est bien plus importante que celle de n’importe quel autre invité.

Tomi : Je pense que l’idée de base est toujours là dans la chanson, et on ne peut pas la cacher sous une énorme production [petits rires]. Si la chanson est mauvaise, on ne peut pas la sauver en utilisant des violons ou ce genre de choses. Donc, si on retire tout, toute la crème, des chansons, on retrouve toujours le fil rouge, l’idée de base de la chanson, et c’est ce qu’il y a de plus important.

Santeri : Et puis la majorité des éléments qu’on retrouve dans nos albums passés sont toujours présents dans ces chansons.

Le Saxophone de Jorgen Munkeby apparaît sur la chanson « Daughter Of Hate », et puis on peut entendre un côté progressif voire presque psychédélique (« The Golden Elk ») plus appuyé. Tout ceci peut rappeler les albums Tuonela et Am Universum. Voyez-vous des similarités entre ces époques ?

Un peu, évidement, car à l’époque d’Am Universum… Bon, la musique est un peu différente, nous n’avions pas des arrangements aussi complexes, les harmonies de base des chansons étaient assez simples, donc à l’époque, nous pensions que ce serait sympas d’avoir des sortes d’éléments ethniques et nous avons même tenté un style un peu plus jammé. Mais ouais, bien sûr, il y a des similarités, et nous avions également invité des musiciens en plus de tout ça, afin de construire certaines atmosphères ou apporter, disons, de la folie dans les chansons, au lieu de tout faire au clavier ou à la guitare.

Esa : Par exemple, sur l’album Tuonela, nous avons commencé à utiliser davantage de sons ambients et de guitares avec un effet de délai. Ces éléments sont également mis en avant sur certaines chansons de cet album, donc en ce sens, effectivement. D’autres gens ont mentionné ça, ce qui est sympa. Ouais, un jour nous avons tous pris du LSD et avons décidé d’essayer des choses, donc… [Rires] Au final, le résultat est super !

« Ce qui est évident est que plein de gens aujourd’hui ont perdu le lien avec la nature. […] Et j’imagine que c’est comme ça qu’on se dirige vers une époque apocalyptique où il est trop tard pour appuyer sur la pédale de frein. »

Queen Of Time marque le retour dans le groupe du bassiste Olli-Pekka Laine après dix-sept ans. Comment étaient les retrouvailles ?

Santeri : C’était génial ! D’abord, il était juste censé venir travailler en tant que bassiste temporaire pour jouer tous les concerts qu’il nous restait, et ensuite il serait retourné à son propre travail. Mais durant l’été, nous avons commencé la saison des festivals et à l’inciter un peu, genre « pourquoi tu ne reviendrais pas dans le groupe ? Allez mec ! C’est une opportunité unique, tu es un membre original et tout se passe bien de nos jours, on a plein de concerts, il y a une super ambiance dans le groupe. » Ensuite, quelque part au milieu de l’été, il a enfin dit qu’il était d’accord, qu’il reviendrait dans le groupe, qu’il avait quelques chansons et qu’il était vraiment enthousiaste. Ça a vraiment fait du bien quand il est revenu parce qu’avec Niclas [Etelävuori], il y avait beaucoup de stress par rapport à son départ, il était toujours un peu tendu en disant “je vais quitter le groupe…” Donc après qu’Olli soit revenu, c’était très confortable ! C’est vraiment sympa qu’il soit là. C’est un mec vraiment terre-à-terre et il est totalement professionnel. Il a plein d’autres groupes mais je pense qu’il attendait une occasion de pouvoir vivre de ça et jouer partout dans le monde. Je pense qu’il est heureux et c’est très relax dans le groupe depuis qu’il est revenu.

D’ailleurs, que s’est-il passé avec Niclas ?

Il avait des soucis personnels avec nos partenaires de business, les managers et autre ; c’était juste des trucs personnels. Nous ne l’avons pas viré, c’est juste qu’il ne voulait pas rester dans un groupe qui ne prenait pas les décisions qu’il voulait au niveau business. Il a dit qu’il devait partir parce qu’il ne pouvait plus le supporter. C’était triste mais j’espère qu’il est heureux maintenant. Je crois qu’il l’est. Je l’ai vu quelques fois, il souriait et ça faisait longtemps que ça n’était pas arrivé [petits rires].

Sur la première période où il était dans le groupe, Olli-Pekka a pas mal participé à la composition, ce que Niclas n’as jamais trop fait durant son passage. Du coup, est-ce que ça ajouté un compositeur de plus pour l’album ? Est-ce que Olli-Pekka a contribué comme à l’époque ?

Effectivement, il a fait beaucoup de chansons à l’époque, surtout sur Elegy et Tuonela. Il a aussi fait quelques chansons pour ce nouvel album, dont une a été prise dans le processus par Jens Bogren, et elle s’est retrouvée en titre bonus – je crois que c’est sur la version vinyle et/ou digipack -, elle s’appelle « As Mountains Crumble ». C’est une super chanson. J’espère que nous pourrons entendre d’autres de ses chansons. Mais je crois qu’il n’a pas eu suffisamment de temps cette fois pour se concentrer à faire des chansons. Il a aussi dit que c’était trop rapide, que les idées étaient trop grossières, car nous avons dû commencer à répéter pour les nouvelles chansons seulement deux mois après son retour pour les concerts et festivals. Donc peut-être que la prochaine fois il aura plus de temps pour préparer les chansons. Mais il avait déjà pas mal de bons trucs, dont une chanson qui est dans le digipack. C’est un super compositeur – comme il le démontre dans son groupe Barren Earth, qui est du metal très progressif – et nous avons beaucoup de chance qu’un bon compositeur, un bon ami, un bon performeur et un membre original soit de retour dans le groupe. Nous sommes aux anges !

Ça fait un petit moment maintenant que Pekka Kainulainen travaille régulièrement avec le groupe pour les paroles, et Jens a évidemment eu un rôle très important sur les deux derniers albums. Diriez-vous que c’est comme s’ils étaient tous les deux des membres à part entière du groupe ?

Esa : Jens a un rôle très important, c’est certain, tout comme notre parolier Pekka Kainulainen, donc oui, ces gars, avec le boulot qu’ils font, sont devenus au moins des membres fantômes d’Amorphis. Sans eux, je pense que le résultat ne serait pas le même. Et comme on en a parlé avant, la musique et les chansons est ce qui compte. Mais, bien sûr, les paroles sont très, très importantes pour nous, au même niveau que la musique, donc il nous faut toujours… pas quelque chose à dire, mais avoir des paroles qui ont du sens. Car nous ne sommes pas un groupe politisé, nous n’avons pas des déclarations directes à faire sur les gens, sur ce qu’ils doivent faire et ne pas faire. Les paroles de Pekka sont, je trouve, vraiment super à cet égard, car elles sont multidimensionnelles et permettent aux gens de réfléchir. Ce qu’il écrit dans ses paroles est une pensée universelle. En un sens, ça colle parfaitement à notre musique.

Tomi, tu nous as dit que l’idée de Pekka derrière Under The Red Cloud était que « quelque chose finira et peut-être autre chose de nouveau commencera. » Et cette fois, le thème de Queen Of Time est « la naissance et la chute des civilisations. » Y a-t-il une continuité directe entre ces deux albums par rapport à ses réflexions ?

Tomi : Je ne crois pas qu’il y ait un grand thème commun réunissant ces deux albums mais maintenant, de la façon dont tu le dis, ça donne l’impression d’une histoire qui se poursuit. Je pense qu’il est très inquiet de la direction que prend le monde aujourd’hui. Ca se reflète dans les paroles, car il essaye évidemment de mettre ses propres émotions dans les paroles, et il s’inspire aussi beaucoup des gens qui l’entourent, ainsi que d’anciennes croyances et ce genre de choses. Dans cet album, je pense que les thèmes sont vraiment globaux, et Pekka s’intéresse beaucoup aux mêmes croyances que les Indiens il y a de ça des années. Je pense que quelqu’un vivant au Mexique, par exemple, peut tout autant tirer quelque chose de cet album, ce n’est pas seulement destiné aux Finlandais.

Tu as déclaré que « les paroles sur cet album sont des échos lointains des anciens peuples vivants dans la forêt, d’une époque où le sens était proportionné aux forces cosmiques qui régissent la naissance et la mort. » Diriez-vous qu’une de nos erreurs dans nos civilisations occidentales actuelles a été de perdre ce lien aux forces cosmiques ?

[Réfléchit] Il y a plein de gens qui sont très religieux, bien sûr, et des gens qui ont des croyances différentes, etc. Mais d’un autre côté, la triste vision du futur est que les robots nous anéantirons, nous les humains, et régneront sur le monde, ou alors des super-humains, ou quelque chose comme ça. Et là, ce serait la fin de notre civilisation. Je ne sais pas.

« Acheter des choses, suivre ses applis sur son téléphone, passer tout son temps sur internet… C’est un peu devenu une religion [petits rires]. Et ce n’est pas bon pour l’être humain. En fait, ces gens ont perdu leur humanité. »

Esa : Ce qui est évident est que plein de gens aujourd’hui ont perdu le lien avec la nature. Nous, les Finlandais, nous intéressons toujours beaucoup à la nature, c’est une source d’inspiration et c’est très important pour nous. Donc c’est un peu triste quand des gens perdent totalement ce lien à la nature et laissent la technologie prendre le dessus sur tout. Et j’imagine que c’est comme ça qu’on se dirige vers une époque apocalyptique où il est trop tard pour appuyer sur la pédale de frein, quand tout est détruit et qu’il ne reste plus rien.

Tomi : Je ne suis pas quelqu’un de spirituel mais lorsque tu vas dans les bois en Finlande, c’est plein d’arbres, surtout l’été, on entend plein de voix et d’oiseaux chanter, on voit d’énormes rochers, etc. et ça te fait te sentir tout petit, et c’est très facile d’imaginer comment les gens dans des temps anciens ont pu croire en différents dieux, car la nature est à la fois grande et effrayante. La nature, en Finlande, est partout. Ça fait partie de notre culture et de notre vie quotidienne, d’une certaine façon.

Pensez-vous, comme beaucoup de gens semblent le penser, que notre civilisation occidentale est sur le déclin ?

Esa : C’est sûr qu’avec nos actes, nous sommes en train de détruire tout l’écosystème, et c’est très malheureux. Et la cause de ça, c’est bien sûr, pour une grande part, notre monde occidental et nos besoins ; on a besoin de plus de fast food ou de vêtements bons marchés, et les gens essaient juste d’acheter tout un tas de merdes sur internet, manufacturés en Chine et dans tous ces pays où les coûts de production sont bas. C’est comme ça que l’on détruit tout l’écosystème. C’est assez horrible, il faut vitre réagir, dans un avenir proche, pour que tout ça s’arrête. Je ne sais pas… Bien sûr, tout le monde peut faire quelque chose contre ça et penser un peu à ce qu’ils achètent, ce qu’ils mangent, mais il faudrait des changements majeurs dans le monde pour renverser la tendance.

Tomi : Acheter des choses, suivre ses applis sur son téléphone, passer tout son temps sur internet… C’est un peu devenu une religion [petits rires]. Et ce n’est pas bon pour l’être humain. En fait, ces gens ont perdu leur humanité, d’une certaine façon. Car les réseaux sociaux, ce n’est pas le vrai monde : ça n’existe pas du tout ! [Petits rires] Ce n’est que dans nos têtes. Donc il est facile de se perdre là-dedans, dans ce monde, et oublier le vrai monde.

Qui est la reine du temps (Queen Of Time) ?

Le titre vient des paroles. Lorsque nous essayions de voir quel titre conviendrait le mieux pour l’album, celui-ci était le plus puissant. C’est un vrai symbole, et c’est ce que nous voulons. Nous ne voulons pas de titres trop longs. Et ça fonctionne assez bien avec l’illustration, cette reine des abeilles. C’est aussi notre hommage à toutes les femmes dans le monde [rires], pour ainsi dire.

La voix de Pekka apparaît pour la toute première fois sur un album d’Amorphis en tant que narrateur dans la chanson « Daughter Of Hate ». Pensez-vous qu’il était temps que les gens l’entendent enfin ?

Esa : Je trouve ça super que la voix de Pekka soit là. Ça a commencé avec une idée durant la pré-production. Il y avait une idée de discours pour cette partie particulière dans la chanson. Il me semble que Tomi ne se sentait pas très à l’aise pour faire une narration en anglais, et je pense que c’était très naturel de demander à Pekka de le faire en finlandais. C’est vraiment une partie touchante, au moins pour nous, parce que c’est une personne très importante pour le groupe, donc c’était un grand moment de le faire apparaître dans cette chanson, et je pense que ça confère une autre dimension à la chanson.

Tomi : C’est très difficile d’imaginer de quoi la partie de Pekka peut avoir l’air pour les gens qui ne comprennent pas ce qu’il dit [rires] car c’est en finlandais, mais évidemment, pour nous, quand on comprend de quoi il parle, c’est super, il y a beaucoup d’émotion. Quand il a enregistré cette partie à Helsinki, il y a vraiment mis de l’émotion, il a voulu la refaire plusieurs fois, et c’était amusant. Je crois que c’est la première fois qu’il travaillait dans un vrai studio. Il a fait pas mal de choses dans sa vie, mais c’était principalement avec des caméras et ce genre de choses, donc c’était aussi une belle expérience pour lui.

Avant cet album, Tomi, tu as fait l’album d’Hallatar. C’était la première fois que tu faisais un autre projet en dehors d’Amorphis depuis que tu as intégré le groupe. Et cet album d’Hallatar est très spécial, très profond, et tu y a mis beaucoup d’émotion avec ta voix, comme jamais auparavant. Quel impact cette expérience a eue sur toi ?

Il est possible que ça ait eu un impact sur cet album d’Amorphis, car j’ai utilisé pas mal de cris façon black metal et j’ai trouvé de nouvelles voix dans mon corps [petit rires], plus ou moins. Mais évidemment, ces deux groupes sont très différents, et Hallatar est plus comme un projet, alors qu’Amorphis est le véritable groupe. Mais c’est super de travailler avec d’autres gens aussi, ça te fait évoluer en tant que musicien et ça d’inspire à faire d’autres choses. Faire l’album d’Hallatar était un grand honneur, et il y avait un sens profond derrière cet album. Je suis donc très fier de faire partie du groupe. Mais on verra ! Je pense que les autres gars ont aussi fait des… pas le même genre de chose, mais tout le monde a des projets, ou travaillent en studio, et je pense que c’est sain de sortir du « vrai » groupe ou du groupe « numéro un » [rires], pour ainsi dire.

« Tales From The Thousand Lakes représente très bien l’atmosphère et l’époque en 1994. Essayer de copier cet album ou même essayer de faire ce genre d’album serait vraiment foireux. »

La bio promotionnelle suggère plusieurs fois que Queen Of Time représente l’avènement d’une nouvelle ère pour Amorphis. Pensez-vous que c’est comparable à quand le groupe a fait son classique Tales From The Thousand Lakes, qui était une étape majeure pour le groupe ?

Esa : Je ne sais pas. Les maisons de disques emploient des superlatifs et grands mots pour leurs communiqués de presse. Ce serait stupide de ne serait-ce que le comparer à Tales From The Thousand Lakes, car nous vivions une époque complètement différente, la façon d’enregistrer les albums n’avait rien à voir. Ce serait dingue de notre part de vouloir nous rapprocher de Tales From The Thousand Lakes. Les choses sont à un niveau différent, d’un point de vue enregistrement et tout. Et Tales From The Thousand Lakes représente très bien l’atmosphère et l’époque en 1994. Essayer de copier cet album ou même essayer de faire ce genre d’album serait vraiment foireux. Notre mission, notre but et ambition ont toujours été de créer quelque chose de nouveau et aller de l’avant ; nous ne regardons pas dans le rétroviseur, nous regardons devant nous et essayons de créer quelque chose de positif et neuf. Mais bien sûr, quelqu’un peut écouter Queen Of Time et ensuite écouter Tales From The Thousand Lakes et dire : « Hey, cet album est presque aussi bon que celui-là ! » [Rires] Mais c’est très dur de comparer, car je pense que ces deux albums n’ont rien à voir l’un avec l’autre.

Tomi : Ouais, rien. Ce n’est pas un sport. La musique n’est pas une compétition. Chacun a son opinion, c’est tout.

Esa : Mais c’est un bon argument marketing de mettre « un album à la Tales Of The Thousand Lakes » dessus [rires]. « Souvenez-vous de ce groupe qui a fait un bon album il y a des années ! »

Santeri : Ceci étant dit, je me plais à croire que cet album nous permettra de passer encore un palier, mais ça ne dépend pas vraiment de nous. Ca dépend des fans, s’ils l’aiment ou s’il y a quelque chose dedans qui leur donne envie de venir à nos concerts. Ce n’est pas entre nos mains mais il est certain que nous avons essayé de faire de notre mieux cette fois, tout comme la dernière fois. Croisons les doigts. Aujourd’hui, dans l’industrie musicale, ça devient à chaque fois plus compliqué et il faut travailler dur année après année après année, mais seul le temps le dira ! Jusqu’ici, ça semble bien parti. Nous sommes plutôt contents depuis qu’Eclipse est sorti. Nous profitons d’un joli succès en Finlande, après toutes ces années, tous les albums ont gagné en intérêt, et aussi en Allemagne ça se passe de mieux en mieux. Donc je ne vois pas pourquoi Queen Of Time prendrait une autre direction que vers le haut. Espérons qu’il nous apporte plus d’occasions de jouer à travers le monde, dans de nouveaux endroits… Tout est possible !

Avec tous les éléments et invités que contiennent les chansons, ce ne sera pas trop compliqué de les reproduire en concert ? Vous allez utiliser des samples ?

Tomi : Ouais, c’est certain qu’il y aura des samples.

Esa : Il y a pas mal de choses que Santeri peut faire avec ses claviers, car généralement, les lignes orchestrales sont déjà plus ou moins là pour tous les thèmes de base ou lignes mélodiques.

Santeri : Nous allons probablement devoir utiliser des bandes préenregistrés pour les chœurs et certaines orchestrations, mais les éléments de base, c’est-à-dire deux guitares, claviers, chant, batterie et basse, pour moi c’est le principal. Je me souviens encore quand nous avons répété l’album avant qu’on ne rajoute la contribution de musiciens invités et autre, les chansons sonnaient vraiment bien. Aujourd’hui, en studio, on fait de gros albums avec plein de choses et lorsque tu vas voir le groupe live, tu trouves de nouvelles dimensions. Je ne pense pas que nous mettrons tout. Normalement, nous n’utilisons pas de… Nous utilisons seulement ce qui est nécessaire. Nous essayons de jouer tout en live mais, bien sûr, nous ne pouvons pas reproduire en live la chorale israélienne avec six Finlandais [rires]. Donc je pense que nous allons devoir utiliser des bandes mais de toute façon, nous en utilisions déjà.

Tomi : Et, bien sûr, ça dépend du gars au son. D’ailleurs, nous sommes en train de changer notre ingé son maintenant, et tout dépend comment il voit le son d’Amorphis maintenant, car c’est évidemment lui qui fait le mix final en live. On verra quel sera son avis au sujet de la musique.

Santeri : Et puis nous avons aussi la possibilité parfois, à l’occasion d’un concert spécial, d’utiliser un vrai chœur. Pour le moment, je ne pense pas que ce sera possible durant les festivals d’été, car c’est trop frénétique, mais on verra.

Et peut-être aurez-vous l’occasion de faire venir des invités, comme Jørgen ou Anneke.

Absolument. Mais nous allons tourner deux ou trois ans pour cet album, donc d’abord il faut répéter les chansons et faire en sorte qu’elles soient comme il faut.

Tomi : Nous n’avons même pas encore répété ! [Rires]

Santeri : Mais ouais, c’est clairement une bonne idée si nous sommes quelque part avec le groupe d’Anneke dans un festival, ce serait une bonne occasion de lui demander de se joindre à nous, car c’est déjà arrivé il y a deux ans à Helsinki lors d’un concert spécial d’Under The Red Cloud. Elle assure toujours ! [Petits rires]

Interview réalisée en face à face et par téléphone les 20 mars et 11 avril 2018 par Claire Vienne & Nicolas Gricourt.
Introduction : Nicolas Gricourt.
Transcription : Claire Vienne & Nicolas Gricourt.
Traduction : Nicolas Gricourt.

Site officiel d’Amorphis : www.amorphis.net.

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