Depuis We’re Here Because We’re Here, Anathema s’est offert une seconde jeunesse – troisième, voire quatrième serait même plus juste étant donné l’évolution du groupe et les différentes périodes qu’il a traversé. Là où l’album de 2010 avait montré le visage qu’Anathema avait choisi de prendre après une rupture de sept ans, le nouvel album, Weather Systems, confirme la direction entreprise. Un album plus immédiatement adopté par le public et les médias que son frère aîné, sans doute parce que ce dernier lui avait préparé le terrain. La conséquence : un groupe qui bénéficie ces derniers temps d’une notoriété en hausse.
Pourtant, surpris sommes-nous de voir Anathema se produire à Lyon dans le Trans-Club, la petite salle du Transbordeur. Anathema qui en février de l’année dernière se voyait remplir le Ninkasi Kao, avec, à vue de nez, ses deux cents places supplémentaires. Difficile de comprendre comment les Anglais ne parviennent pas désormais à attirer assez de spectateurs pour justifier un Transbordeur ; pire encore, comment ils se retrouvent aujourd’hui sur une scène de dimension moindre seulement un an après, malgré un gain significatif en popularité. Un défaut de communication ? Trop de concerts alors que, pourtant, le public provincial ne cesse de se plaindre que tout se passe à Paris ? Il y a là de véritables incohérences à déplorer…
Artistes : Anathema – Astra
Date : 29 octobre 2012
Salle : Trans-Club
Lieu : Villeurbanne
Pour l’heure, c’est Astra, groupe découvert par Lee Dorrian, leader de Cathedral, via son label Rise Above Records, qui ouvre la soirée. Ces Anglais embarquent l’audience dans un voyage à travers l’univers des musiques psychotropiques. En un sens, ils s’inscrivent dans la tendance actuelle qui voit de nombreux groupes épouser l’univers rétro des années 70, jusqu’au son de leurs enregistrements, à l’instar de Rival Sons ou Graveyard. Sauf qu’Astra a choisi le chemin du psychédélisme et des musiques progressives. Des morceaux longs, le chant tardera d’ailleurs à s’introduire avec un début de concert instrumental et des sons gavés d’effets pour un résultat très « trippy », propulsant l’auditeur dans le cosmos. Malheureusement, l’audience semble peu réceptive et regarde respectueusement le groupe se produire soit dans la pénombre, soit noyé dans des lumières très colorées. Alors certes, nul ne se serait attendu à voir une foule sauter sur la musique d’Astra, en revanche celle-ci est propice à un certain état de transe qui ne se sera que peu manifesté sur les visages. Peut-être n’y avait-il pas assez de bédos en circulation dans la salle pour catalyser la transe…
Par ailleurs, le groupe paraissait relativement timide, ayant trop conscience de ne pas jouer devant son public et une ville dans laquelle il n’a jamais mis les pieds, comme le confirmera le claviériste de la bande. Un claviériste qui paraît s’imposer comme le leader de la troupe en prenant brièvement la parole entre les longs morceaux. De toute manière, Astra n’est pas là pour les discours. Il est avant tout venu pour s’exprimer à travers sa musique. C’est ce qu’atteste en tout cas l’implication des musiciens dans leur jeu. Surtout le guitariste Brian Ellis qui semble vivre les notes qu’il joue, lesquelles s’en ressentent grandement. Mais la palme du musicien le plus impliqué est à décerner au batteur avec sa simili-coupe afro, proposant un très bon groove, à la gestuelle très visuelle et au sourire communicatif.
Dommage en revanche qu’Astra se soit retrouvé aussi serré sur scène : le matériel d’Anathema était en partie déjà en place et, en conséquence, étant donné la petite taille de la scène, les musiciens ont dû se serrer en ligne sur le devant, y compris le batteur ! Autant dire qu’il n’est pas évident pour des musiciens de profiter au mieux du show dans de telles conditions. Une petite pensée notamment pour le bassiste perdu dans la pénombre à l’extrême droite de la scène et que peu de monde n’a véritablement dû remarquer…
On déblaie la scène et on prépare le matériel. Puis, un bon coup d’aspirateur passé sous les applaudissements de la foule et quelques coups de scotch pour cacher les câbles disgracieux. De toute évidence, la scène doit être impeccable pour accueillir Anathema ! Le groupe peut désormais entrer en scène enchaînant les deux parties de « Untouchable » qui ouvrent Weather Systems. Par rapport à l’année dernière, le groupe n’a pas joué son nouvel album dans son intégralité, c’est donc un « Thin Air » toujours aussi lumineux qui fait suite.
Brisons le suspense tout de suite : Anathema fait du Anathema, deux heures de concert débordant d’émotion. Il est compréhensible que certains puissent déplorer certaines longueurs en trop, simplement en raison de la longueur du set et de la musique du groupe qui est, surtout depuis A Natural Disaster, très calme et contemplative. La musique d’Anathema requiert une certaine attention, un certain investissement émotionnel et pour peu que l’on ait une journée fatigante dans les jambes, l’attention peut, à certains moments, facilement vaciller. Il est par ailleurs intéressant de constater la différence de sentiments engendrés par les périodes du groupe : là où les plus vieux titres ont comme une sensibilité crépusculaires en eux, les plus récents font d’avantage entrevoir la lueur de l’aube et se montreraient parfaits pour un concert matinal pour ensuite aborder la journée remonté à bloc ! Un tel concert montre bien à quel point Anathema est aujourd’hui en recherche de beauté, souvent lumineuse d’ailleurs, au sens le plus pur, là où, passé un temps, cette beauté passait presque obligatoirement par une certaine forme de tristesse ou de mélancolie.
Sur scène, Anathema reste un groupe très naturel et très proche du public avec lequel il aime définitivement jouer : que ce soit les regards complices de Vincent Cavanagh ou les incitations au chahut de Danny Cavanagh qui n’hésite pas à aller au contact. Le public est très réceptif à ces attentions. Qui plus est, cette scène, du fait de sa petite taille, a l’avantage de réduire au maximum les distances entre le groupe et son auditoire. Ce dernier est non seulement quasi accoudé aux planches mais également pas plus d’un mètre plus bas que le groupe. Une proximité, presque une forme d’égalité, qui finalement sied bien à un groupe comme Anathema, cherchant avant tout le partage.
Danny Cavanagh complimentera le public présent ce soir en affirmant être le meilleur. Une déclaration quelque peu téléphonée aux premiers abords mais le groupe prouvera sa sincérité en gratifiant le public lyonnais d’un titre supplémentaire par rapport à la grande majorité des autres dates. Ce titre est l’émouvant « One Last Goodbye » que Vincent Cavanagh introduit par les mots suivant : « Maintenant nous allons vous jouer un titre que nous réservons aux soirs spéciaux et ce soir est clairement un soir spécial. » Pour enfoncer le clou, le chanteur rendra une nouvelle fois hommage au public : « On se donne à fond chaque soir mais la vérité est que nous nous nourrissons de l’audience », semble-t-il dire pour justifier avec humilité la qualité de sa propre prestation.
Pour le reste, le dernier album a, sans surprise, été mis à l’honneur et de nombreux moments de grâce ont émerveillé le Trans-Club. C’est le cas, par exemple, du duo « Emotional Winter »/ »Wings Of God » très floydiens dans leurs interprétations et suintant l’émotion. « Flying » met le public à contribution sur son final, terminant a capella. Pour finir, parce qu’on ne peut tout citer, « Fragile Dreams » précédé de son intro « Shroud Of False » reste le grand moment des concerts d’Anathema. Ce titre, relégué en clôture de concert, se présente comme le plus énergique des setlists actuelles, poussant l’audience, instinctivement, à sauter à son amorce. Frissons garantis. A la fin du titre, Danny Cavanagh ne semble pas vouloir raccrocher et relance le public pour lui faire à nouveau chanter le refrain sur une boucle de guitare. Une initiative qui semble légèrement surprendre le reste du groupe qui avait déjà déposé les armes.
Setlist :
Untouchable, Part 1
Untouchable, Part 2
Thin Air
Dreaming Light
Everything
Deep
Emotional Winter
Wings Of God
A Simple Mistake
Lightning Song
The Storm Before The Calm
The Beginning And The End
Universal
Closer
A Natural Disaster
Flying
Rappels :
Internal Landscapes
One Last Goodbye
Fragile Dreams
Photos : Nicolas « Spaceman » Gricourt
A voir également :
Galerie photos du set d’Astra
Galerie photos du set d’Anathema
Pas vu cette année et pour cause : je trouve que le groupe ne se renouvelle pas assez dans ses sets et ses interprétations live. Entre le Hellfest, l’Olympia, l’Élysée Montmartre ces dernières années où je les ai vus, je me lasse un peu de leurs concerts. Et pourtant dieu sait si j’aime ce groupe!
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Vu à Rennes aussi pour ma part, c’était M-A-G-N-I-F-I-Q-U-E, très bon concert, le groupe est proche du public, un très bon moment, mais j’aurai bien voulu avoir One Last Goodbye aussi…
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Vu à Rennes également, magnifique concert, tout en beauté et émotion, moments forts avec « The Storm Before the Calm » et « Thin Air » (sublime)
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Merci pour ce compte-rendu.
Je les ai vu il y a peu à Rennes, dans une toute petite salle que je ne connaissais que de nom (l’Antipode). Cela dit : concert extra, atmosphère incroyable… et tout ça en étant très proche du groupe.
La petite salle a ses avantages.
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Superbe compte rendu, très « émotionnelle »
Vu pour la troisième fois à Strasbourg, et que dire frissons, classe et encore frissons… Ce dernier album sur scène est tout simplement ÉNORME, que d’émotions ( particulièrement Untouchable,part 2 ). Un peu déçu de ne pas avoir eu le droit à un morceau de « a Fine day to Exit » ….
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Vu à bordeaux il y a deux semaines et concert absolument fantastique avec une set list plus longue encore il me semble.
Une grosse claque avec Astra qui ma personnellement bien transcendé avant de jouir du concert atmosphérique des frangins Cavanagh et leur bande.
Ah et ps, on a aussi eu droit à la version instrumentale de one last goodbye 😉
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