Après une série de quatre dates au mois de mars où le groupe s’est produit dans les plus majestueuses cathédrales du Royaume-Uni – Winchester, Liverpool, Exeter et Leeds -, Anathema enchaîne presque immédiatement avec la tournée baptisée Resonance, dont un passage le 13 avril au Trianon de Paris. Une tournée elle aussi très spéciale, puisque le groupe anglais célébrera sa carrière en bonne et due forme avec un show de trois heures, en trois parties, parcourant chaque pan de son histoire avec en invité Duncan Patterson, l’ancien bassiste et compositeur de parmi les plus grands classiques du groupe, et Darren White, le premier chanteur de la formation.
Voilà le prétexte idéal pour nous-même de parcourir l’histoire d’Anathema, ce que nous avons fait avec le frontman – qui n’a pas toujours apprécié de l’être – Vincent Cavanagh. Album par album nous égrainons ensemble le passé du combo, des prémisses de ce groupe à l’évolution atypique et de son premier album Serenades, alors qu’ils jouaient ce qu’on appellera plus tard du doom death metal, jusqu’au rock alternatif teinté d’électronique, délicat et émotionnellement puissant du tout récent Distant Satellites. Vincent Cavanagh nous livre ainsi le contexte dans lequel ces albums ont été réalisés, son sentiment, ses confessions, des anecdotes, etc. Un long et passionnant échange que nous vous proposons de découvrir ci-après.
« Nous nous exprimions comme nous le souhaitions et plus tard c’est devenu un genre. Et dès que les gens ont commencé à appeler ça un genre, nous nous en étions déjà écartés ! »
Radio Metal : Tout d’abord, le groupe a été fondé en 1990 en tant que…
Vincent Cavanagh (chant & guitare) : Bon, bon, bon, bon… Machine arrière ! En 1990 nous étions une bande de gosses, n’est-ce pas ? Et la toute première chose que nous ayons faite ensemble, c’était des chansons façon blagues à la Monty Python. Nous n’avions strictement aucun instrument. Nous avons enregistré quelques cassettes ; notre meilleure chanson s’appelait « Psychedelic Sheep Dip » (NDT : « baignade de moutons psychédéliques ») [petit rires]. C’était drôle ; on se marrait pour se divertir et nous n’avons jamais fait écouter la cassette à qui que ce soit ! Après, c’est amusant parce que les gens disent : « Oh, vous avez démarré le groupe en 1990 ! » Mais c’est ça que nous faisions en 1990 ! Je ne pourrais jamais vraiment appeler ça « le début du groupe », si tu vois ce que je veux dire [rires]. Appeler ça les débuts du groupe ce serait comme s’auto-glorifier [rires]. Nous tapions avec des baguettes de batterie sur le canapé pour faire un rythme ! Tu vois ce que je veux dire ? C’est… [Rires] Bref, nous avons obtenu un contrat avec une maison de disque très rapidement et seulement quelques années plus tard nous partions en tournée, c’est complètement dingue !
Apparemment, tout a commencé par ton amitié avec John Douglas…
Ouais, c’est juste. Ça aurait pu se passer autrement. Si mes parents avaient choisi de m’envoyer à l’école avec Danny, alors je n’aurais jamais rencontré John Douglas et nous ne serions pas en train d’avoir cette conversation là tout de suite ! Est-ce que tu peux le croire ? Mais je suis allé à l’école avec Jamie à la place et le premier jour à l’école, j’ai rencontré John Douglas. Je me suis assis à côté de lui, selon l’ordre alphabétique, dans la salle de classe – tu sais, Cavanagh / Douglas – et nous sommes devenus amis. Après ça, je suis allé chez lui, j’ai rencontré sa famille, j’ai rencontré ses chiens, nous jouions au foot, nous écoutions des albums… Quel type de musique est-ce qu’il aimait à l’époque ? Je crois qu’il aimait Peter Gabriel ! Et je crois que moi j’aimais U2 et des trucs électro. Cette amitié, c’était le début de tout.
L’un des premiers noms que vous avez eu c’était Pagan Angel…
Oh, bon Dieu ! Pourquoi est-ce que tu me ressors ça ? [Rires] Tu vois ce que je veux dire ? C’est comme si quelqu’un te ramenais cette vieille photo d’école lorsque tu avais une sale coupe de cheveux, n’est-ce pas ? Et quelqu’un dirait : « Eh ! Regarde-moi ça ! Regarde-toi ! » [Eclate de rire] Nous nous sommes appelés Pagan Angel pendant environ cinq minutes… Ça n’a pas beaucoup d’importance, tu sais. Nous étions juste des gosses !
Mais comment le nom d’Anathema est-il apparu ?
Darren, notre ancien chanteur, y a pensé. Je pense que nous aimions l’allure que ça avait sur une feuille avec les deux « A » sur les côtés, esthétiquement c’était sympa. Nous nous foutions un peu de ce que ça signifiait à ce moment-là. D’ailleurs, nous nous foutons toujours aujourd’hui de ce que ça signifie. C’est surtout que nous aimions comment ça sonnait, le côté graphique. C’était plus une question d’esthétique.
« L’ancien chanteur [de Cannibal Corpse] Chris Barnes était un gros, gros camé, il fumait des tonnes d’herbe et nous avions nous aussi l’habitude de fumer pas mal d’herbe à cette époque, donc nous nous entendions bien [rires]. »
En 1992 et 1993 le groupe a sorti l’EP The Crestfallen et l’album Serenades qui tous les deux proviennent plus ou moins d’une même session d’enregistrement. Comment était cette toute première exfinepérience ?
Tout d’abord, je trouve que The Crestfallen était trop lent, mais ça faisait plaisir d’aller dans un vrai grand studio pour la première fois. Très peu de temps après ça nous avons aussi fait l’album. Nous logions dans… Tu sais, Les Smith, le claviériste qui a rejoint le groupe plus tard ? Il avait ce groupe qui s’appelait Ship Of Fools qui était un genre de groupe psychédélique instrumental, un genre de mélange entre Pink Floyd, Ozric Tentacles et tous ces trucs. Ils vivaient dans une ferme qui n’avait pas d’électricité [rires]. Je ne sais même pas comment ils arrivaient à vivre là-dedans… C’était un énorme manoir mais sans électricité [rires]. C’était marrant !
Vous avez commencé en tant que groupe de doom death à l’époque, qui est l’un des styles de musique les plus sombres qui soit. Qu’est-ce qui vous a poussé à vous exprimer dans ce genre musical ?
Eh bien, nous ne nous sommes jamais exprimés « dans ce genre musical ». Nous nous exprimions comme nous le souhaitions et plus tard c’est devenu un genre. Et dès que les gens ont commencé à appeler ça un genre, nous nous en étions déjà écartés ! Je suppose que ça fait un peu partie du péché d’être adolescent, vraiment. Lorsque tu n’es encore qu’un gosse, tu recherches ce côté extrême. Mais je ne sais pas si c’est vraiment extrême. Je considère que certaines parties de The Wall de Pink Floyd sont extrêmes, d’une manière différente, parce que ce dont tu parles vraiment, c’est de quelqu’un qui se débarrasse de toute les fioritures musicales pour aller droit au cœur de ce qu’il essaie de dire et exprimer. Et ça, tu peux le faire avec une voix, de bonnes paroles et une guitare ou un piano. Tu n’as même rien besoin d’autre. Parfois, tu n’as même pas besoin de parole. Mais c’est… [Il réfléchit] Je ne sais pas. Nous vivions une enfance un peu difficile. C’était des temps très durs à Liverpool, et ça a certainement contribué.
Vers cette époque Anathema s’est vu tourner avec des groupes comme Cannibal Corpse…
Oh putain… Va te faire foutre ! Tu as dû lire une putain de biographie sur internet ! [Rires] Sais-tu quand ça a été mentionné ? Cette histoire a été publiée pour la première fois vers 1992 ou 1993, peu après que nous ayons obtenu un contrat avec une maison de disque, nous avons tourné avec Cannibal Corpse, nous avons fait cinq putain de concerts avec Cannibal Corpse ! Et maintenant tout le monde ramène ça sur le tapis parce que c’était dans un communiqué de presse en 1993 ! C’est des conneries ! [Rires]
En fait ça parait tellement inconcevable aujourd’hui…
Eh bien, tu sais, je… [Rires] Je ne sais pas. Je veux dire que pas du tout… C’était des mecs sympas à l’époque, je me souviens. Surtout Chris, l’ancien chanteur Chris Barnes, il n’est plus dans le groupe, c’était un gros, gros camé, il fumait des tonnes d’herbe et nous avions nous aussi l’habitude de fumer pas mal d’herbe à cette époque, donc nous nous entendions bien [rires].
« Malheureusement, Darren devait partir. C’est regrettable mais nous devions faire ce qui était le mieux à l’époque. »
En 1994, vous êtes retournés à The Academy pour enregistrer l’EP Pentecost III…
The Academy était le seul studio que nous connaissions à ce moment-là. Ca paraissait aussi bien d’aller là-bas que n’importe où ailleurs. Nous avons commencé à changer un peu notre son et notre style de composition aussi. Il y avait un peu d’expérimentation, des chansons assez longues, et des passages différents. Deux chansons duraient dix minutes sur ce disque. Nous essayions clairement des choses d’un point de vue composition. C’est de ça dont il est vraiment question avec Anathema. Ca a plus à voir avec l’art de faire des chansons que le fait d’enregistrer des albums. La composition doit venir en premier, ça doit être la priorité.
C’était les dernières chansons avec Darren White au chant, puisqu’il a été évincé du groupe après cet EP. Qu’est-ce qu’il s’est passé avec lui ?
Nous avons fait cet autre EP et Darren était encore dans le groupe pendant un an après ça. Nous avons fait l’EP et ensuite sommes partis en tournée – nous avons beaucoup tourné vers 1994 -, et ensuite, en 95, nous sommes entrés en studio en Angleterre pour enregistrer The Silent Enigma mais, en fait, nous n’avions aucune chanson ou musique. Désolé si j’embraye un peu vite sur The Silent Enigma, mais c’est important de parler de Darren. Ce qu’il s’est passé, c’était que nous sommes arrivés au studio sans aucune musique et nous avons improvisé pendant à peu près dix jours. Nous avons enregistré la musique en jammant en live. Donc Darren n’a absolument pas eu le temps de préparer des paroles ou des lignes de chant ou quoi que ce soit, ce n’était donc pas juste envers lui, vraiment. Mais, de toute façon, il est devenu vite évident que ce qu’il avait essayé en studio n’allait pas fonctionner et que nous allions sûrement chercher à changer de direction vis-à-vis du style de chant. Donc, malheureusement, Darren devait partir. C’est regrettable mais nous devions faire ce qui était le mieux à l’époque, vraiment.
« Je ne voulais pas être ce ‘gars’ sur le devant de la scène que tout le monde regarde. Je ne voulais pas être le centre d’attention [rires]. Je m’y suis habitué désormais mais les premières années, j’ai vraiment détesté ça. »
The Silent Enigma en 1995 était le premier album pour toi en tant que chanteur. Pourquoi as-tu choisi de prendre en charge le chant toi-même plutôt que d’essayer de trouver quelqu’un pour remplacer Darren ?
Je n’ai pas choisi ! Ça a été choisi pour moi, je n’avais pas le choix ! Si j’avais eu le choix, j’aurais dit : « Trouvez quelqu’un d’autre pour le faire ! » [Rires] Je ne voulais pas du tout être un chanteur, mec ! Bon, pas que je ne voulais pas être un chanteur ; je ne voulais pas être un frontman. Je ne voulais pas être ce « gars » sur le devant de la scène que tout le monde regarde. Je ne voulais pas être le centre d’attention [rires]. Je m’y suis habitué désormais mais les premières années, j’ai vraiment détesté ça. En fait, après que ça n’ait pas marché avec Darren, nous étions encore en studio, je me souviens, pour enregistrer The Silent Enigma. C’était donc genre : « Oh merde ! Maintenant on n’a plus de chanteur ! Qu’est-ce qu’on fait ? Ok, Vincent, tu seras le chanteur ! » « Non, je ne le serais pas… » « Si, tu le seras… » « Laisse-moi te dire que non ! » « Eh bien, si ! » Et c’était tout. « Nous n’avons pas le choix Vincent, c’est toi. Nous croyons tous que tu peux le faire. Nous pensons tous que tu es assez bon. Donc, ait un peu confiance en toi. » Et j’ai dit : « Ok alors. Je vais essayer. » Mais ça m’a pris quelques années avant d’être à l’aise avec ce rôle.
Mais pourquoi toi et pas ton frère Danny qui peut aussi chanter ?
Parce que je suis meilleur que lui [rires]. Ouais, tu vois, la rivalité entre frères est toujours là !
Le fait que tu avais une tessiture vocale plus large, moins gutturale, était-il le point de départ de l’évolution de la musique du groupe vers quelque chose d’encore plus émotionnel ?
Eh bien, si tu as quelqu’un qui peut… Je ne savais pas jusqu’à quel point je pouvais chanter à ce stade, tu sais. Je pense que c’est plusieurs années après que j’ai vraiment découvert comment chanter et même que je pouvais chanter, mais j’essayais. J’étais encore très, très jeune et j’essayais juste des trucs. Mais au final j’ai découvert comment faire et que je pouvais le faire. Donc pour ce qui est de l’évolution de la musique, la musique était déjà sur le point d’évoluer mais, certainement, elle réclamait quelqu’un possédant une palette vocale plus large. Mais je ne crois pas que nous en avions déjà vraiment conscience. Même en 1995 il était difficile de prédire jusqu’où notre musique finirait par aller, même dans seulement quelques années. Je ne crois pas qu’à quelque moment que ce soit nous ayons regardé plus loin que, disons, les quelques chansons que nous avions à notre disposition. Tu vois ce que je veux dire ? Mais nous voyons l’évolution avec plus de précision que n’importe qui parce que ça se fait au jour le jour avec nous. Un jour tu feras volte-face et tu écriras une chanson qui va tout changer pour toi. « Ok, Je suis dans cette pièce là tout de suite. Bon Dieu, ok. Merde, ok mais qu’est-ce qu’il y a derrière cette porte ? » Et ensuite tu te retrouves dans un endroit complètement nouveau avec ta musique. Tu ne peux pas prédire ça, tu sais. C’est impossible. Ça se fait, c’est tout.
« Toutes les chansons ont été écrites comme si elles étaient cinq notes plus hautes mais, d’une certaine manière, nous avons oublié d’accorder les putains de guitares ! [Rires] »
Eternity (1996) est le premier des albums les plus populaires auprès des fans les plus anciens et c’est sans doute le vrai début dans le changement du son et du style du groupe…
Eternity aurait dû être joué avec un ton naturel. Ça aurait été de loin un meilleur album s’il avait été enregistré cinq notes au-dessus. Vraiment meilleur ! Toutes les chansons ont été écrites comme si elles étaient cinq notes plus hautes mais, d’une certaine manière, nous avons oublié d’accorder les putains de guitares ! [Rires] C’est juste que nous avions l’habitude des guitares accordées en Si pendant si longtemps que nous les avons laissées comme ça mais nous nous sommes rendus compte après Eternity que ça ne nous allait pas.
Et avez-vous déjà envisagé de le réenregistrer avec le bon accordage ?
Nah, pourquoi ? Pourquoi ? Beaucoup de gens aiment cet album tel qu’il est. Pourquoi ferions-nous ça ? Si tu fais ça, tu admets que tu as commis un genre d’erreur. Je ne dirais pas que c’était une erreur. C’était ce que c’était, c’est bien pour l’époque et c’est un instantané de là où nous en étions à l’époque, et je n’en ai certainement pas honte. Je ne peux pas vraiment l’écouter parce que je n’aime pas tellement ma voix dessus mais je trouve que certaines des chansons sont putain de bonnes ! Comme « Suicide Veil », superbe morceau ! « Eternity, Part III », « Radiance »… Toutes de très bonnes chansons. Donc ouais, j’en suis fier, tu sais, alors laissons le tel quel, ça va bien.
Cet album a vraiment amené la musique d’Anathema à de nouvelles hauteurs émotionnelles…
Ouais. Voilà, tu vois, nous avons toujours estimé que notre musique était émotionnelle dès le début mais je pense que, d’une certaine façon, l’émotion peut être dissimulée derrière toutes ces énormes pistes de guitares heavy et tout. Si tu parles du terme « lourd » d’un point de vu émotionnel, alors tu n’as pas besoin d’avoir des guitares heavy. Tu sais, tu peux écouter l’Adagio d’Albinoni, c’est l’un des morceaux de musique les plus tristes et déchirants qui a jamais été composé. Ou tu peux écouter quelque chose de Roger Waters durant ses années sombres… Pour être lourd émotionnellement, tu as en fait besoin d’aller directement dans le vif de ce que tu essaies de dire. Tu dois te débarrasser des vestiges de l’adolescence, des illusions de la jeunesse, et finalement comprendre que l’essence-même de ce que tu veux dire est précisément ce qui le rend plus « lourd », en un sens. Donc ouais, tu peux te concentrer sur ce genre de choses et te débarrasser des surcouches. Ceci dit, cependant, je pense qu’Eternity a sans doute trop de pistes – pas des chansons mais des pistes individuelles, genre des instruments et tout. Je pense que nous étions encore dans l’état d’esprit d’accumuler les pistes. Mais certainement, je pense, il y avait quelque chose dans les mélodies qui était différent.
« Encore aujourd’hui, la différence entre Eternity et Alternative 4 représente le plus grand pas en avant que nous ayons fait. »
Ensuite est venu Alternative 4 (1998] et c’est sur celui-ci que vous êtes revenus à un ton naturel. Pourquoi avoir voulu faire ça ?
Nous nous sommes rendus compte de beaucoup de choses en faisant Eternity. Je pense que, à l’époque, en réécoutant Eternity, nous nous sommes dit qu’il y avait trop de choses dans le mix, trop d’éléments, trop d’instruments et il était évident qu’il avait été enregistré sur des tempos lents. Et nous avons pensé : « Ok, il faut que nous revenions en arrière, il faut que nous utilisions une tonalité naturelle, faisons de la musique ainsi et voyons si ça colle avec la tessiture de Vincent. » Et ils avaient exactement raison : ma tessiture est là-haut, dans la tonalité naturelle. Ça a tout changé. C’était à l’époque de l’album Alternative 4 aussi, je crois, que j’ai découvert que je pouvais chanter. J’ai pris quelques cours pendant environ une semaine, juste cinq leçons, quelque chose comme ça, et ce gars m’a expliqué comment respirer et contrôler le son, les notes et le vibrato, ce genre de choses. Je me disais alors : « Ok, ok, ça a du sens maintenant. » Et ça a fonctionné. Cet album a été un moment très déterminant pour le groupe parce que ce n’était pas qu’un changement de tonalité, c’était aussi une épuration au niveau des pistes, en disant : « Ok, n’ayons pas plus de quatre choses à la fois. Le plus important reste la voix. Tu as la ligne mélodique au-dessus, donc la musique c’est soit une piste de piano, soit une piste de guitare. Essayons comme ça. Et ensuite, tu as besoin d’une ligne de basse et d’un rythme, et c’est tout. » Avant, nous avions une tonne de pistes de clavier par-dessus une tonne de piste de guitares heavy, et là nous commencions à utiliser les claviers différemment. Nous avons commencé à écrire de la musique au piano pour ensuite combiner ça avec la batterie, la basse et le chant. C’était un album énorme pour nous. Evidemment, un grand mérite revient à Duncan Patterson aussi, parce qu’il a écrit environ soixante pourcent de cet album. Il était en train de changer à ce stade aussi, il évoluait. Nous étions tous en train d’évoluer. C’était le plus grand écart, je pense, sur la manière de sonner que nous ayons fait. Encore aujourd’hui, la différence entre Eternity et Alternative 4 représente le plus grand pas en avant que nous ayons fait.
Il contient ce qui est sans doute votre grand classique, « Fragile Dreams », avec lequel vous terminez aujourd’hui tous vos concerts…
Ouais, il se peut qu’on arrête de le faire. Je pense que ces concerts qui arrivent, ce sera la dernière fois que vous entendrez « Fragile Dreams » pour un moment. Nous ne le jouerons pas après ça.
Vous ne le jouerez plus du tout ?
Non, plus du tout.
N’avez-vous pas peur de la réaction des fans ?
Non. Pas du tout ! Il se peut qu’on le ressorte pour une occasion particulière de temps en temps. Par exemple, nous jouerons en Arménie durant l’été et nous n’avons jamais joué là-bas, donc ok, nous jouerons « Fragile Dreams » à ce concert, mais si nous revenons jouer à Paris sur la tournée du prochain album, nous ne jouerons pas « Fragile Dreams ». Vous voilà donc prévenus ! [Rires]
Vous en avez marre de cette chanson ?
Ouais ! C’est juste que nous l’avons trop souvent jouée. C’est une bonne chanson, c’est un morceau pas mal, elle fait toujours bouger les gens et elle est bien pour terminer un concert mais nous avons désormais dix albums, avec le prochain ça fera onze, alors comment fais-tu un set de deux heures ? Il faut bien à un moment donné retirer des chansons et « Fragile Dreams » est la prochaine sur la liste, avec « Deep » et ce genre de morceaux.
Duncan Patterson a quitté le groupe après cet album. Peux-tu nous rappeler pourquoi ?
C’était une mauvaise période. C’était une période extrêmement difficile. On devenait tous presque complètement maboules. Le groupe a failli splitter. Duncan est parti. John est revenu. Fin de l’histoire, nous avons été de l’avant.
« Tu sais quoi ? Nous sommes des putains de survivants ! Nous avons traversé assez de merdes pour séparer à peu près vingt groupes différents ! Mais nous sommes toujours là ! Incroyable ! In-putain-de-croyable ! »
Duncan était le compositeur principal sur les albums Eternity et Alternative 4. Etiez-vous inquiets en vous replongeant dans le processus de composition, sans lui, pour l’album Judgement ?
Non, pas du tout. Pourquoi l’aurions-nous été ? Nous avons toujours été confiants. Si nous avions été inquiets, devine ce que nous aurions fait ? Nous aurions essayé de copier Alternative 4. Si nous avions été inquiets de ce que nous avions, si nous avions été inquiets de ne pas avoir de chansons aussi bonnes que les siennes, alors nous aurions essayé de copier ce qu’il faisait. Mais le fait est que nous pensions êtres meilleurs, alors nous avons été de l’avant.
Mais, au moins, est-ce que vous aviez le sentiment de relever un défi ?
Ouais mais il faut se souvenir que, à ce stade de notre histoire, il y avait… John n’était plus dans le groupe depuis un an parce qu’il n’était plus vraiment présent dans le groupe, et Duncan et Danny ne se parlaient plus depuis à peu près un an. Toutes sortes de choses démentielles et horribles se produisaient dans nos vies. Notre mère est morte. Ce sont les pires moments de ma vie, c’est pourquoi je ne veux plus en parler. La pire putain de période que j’ai traversé dans toute ma vie. Et ça ne vaut pas que pour moi mais aussi pour Duncan et Danny et John et tous ceux concernés. Nous étions en pleine putain de dépression. Nous venions de faire le meilleur album de notre carrière et pourtant nous nous sentions misérables. Nous étions donc au point mort. Alors, tout d’un coup, essayer de redémarrer avec John… John qui revenait, c’était la meilleure chose qui se soit passée à ce stade. S’il n’était pas revenu, s’il n’avait pas été prêt, nous nous serions séparés. Ça ne fait aucun doute. Nous avions besoin que John revienne dans le groupe pour en quelque sorte compléter le tableau, pour que ça fasse un tout à nouveau, juste pour pouvoir vivre et continuer. Et on n’avait rien contre Shaun Steels, notre précédent batteur, le gars qui a joué sur Alternative 4. Un chouette type, grand professionnel. Il a joué comme un dingue et a vraiment essayé de donner le meilleur de lui-même dans tout. Mais nous avions besoin que John soit de retour dans le groupe pour poursuivre. Nous n’aurions pas été capables de continuer sans lui. Nous n’aurions pas eu la motivation de le faire sans John. Nous avons été à la salle de répétition et avons commencé à écrire ces chansons, et tout d’un coup, nous avions à nouveau le sentiment d’être un groupe. Parce qu’avant ça, je crois que les gens écrivaient chacun de leur côté, nous ne répétions presque pas. Nous nous sommes donc retrouvés et avons écrit quelques chansons ensemble. Ça donnait à nouveau la sensation d’un groupe. C’était vraiment important, l’album Judgement ; comment te remets-tu de tout ça, vraiment ? Pour être franc avec toi, que Duncan quitte le groupe était le cadet de mes soucis à l’époque. Je veux dire que j’essayais, avec un peu d’espoir, de reconstruire ma relation avec Danny, mon frère. J’avais besoin de régler ça parce que cette relation avait fait son temps. Tu sais, notre mère venait de mourir et toutes ces merdes venaient de se produire. Oh, c’était atroce mec ! [Rires] Tu sais quoi ? Nous sommes des putains de survivants ! Nous avons traversé assez de merdes pour séparer à peu près vingt groupes différents ! Mais nous sommes toujours là ! Incroyable ! In-putain-de-croyable !
La musique n’a-t-elle pas aidé à traverser ces moments douloureux ?
Ouais, ça ne fait aucun doute ! Mais il est important de garder en tête que la musique vient après l’amitié. L’amitié et la fraternité sont prioritaires. Donc si on se maintient comme un groupe de frangins, alors la musique en ressortira toujours. Mais, effectivement, ça aide, évidemment. Ça donne un sens plus grand à nos vies, tu sais, au pourquoi nous sommes tous ensemble à faire ce truc. Mais c’est en premier lieu une relation très intense.
« Pendant des années, j’ai voulu changer le nom du groupe, mais j’ai fini par me faire à l’idée que j’étais coincé avec, donc je rationalise [petits rires]. »
Ensuite est paru A Fine Day To Exit (2001) qui avait un côté rock alternatif plus moderne. Comment vois-tu cet album désormais ?
Cet album est probablement un peu négligé, je ne sais pas pourquoi. Je suppose que… Je ne sais pas… Une partie de l’album est vraiment très, très bonne. Il y a quelques chansons là-dedans qu’on ne joue pas très souvent en concert et que j’aimerais ressortir. J’aimerais faire « Barriers », nous ne l’avons jamais jouée ne live. Nous ne jouons jamais « A Fine Day To Exit », la chanson titre, je trouve que c’est vraiment une bonne chanson. Et la meilleure partie de tout l’album c’est la première moitié de « Looking Outside Inside » mais je trouve que la seconde moitié est à jeter [rires], c’est pour ça qu’on ne la joue jamais. Mais il faut qu’on corrige ça. Nous ne faisons pas ça habituellement mais s’il y a une chose que je changerais, ce serait la seconde moitié de cette chanson parce que la première est sacrément bonne alors que la seconde craint [petits rires]. Ce n’est pas si mal, la chanson est correcte mais ouais, je corrigerais ça. Mais tu sais, l’album a été ressorti par Music For Nations dans le cadre de ce coffret de rééditions qui va sortir et il aura une tracklist différente, avec l’intro que nous avions abandonnée à l’époque, on l’a remise, et c’est remasterisé. C’est plutôt un bon album.
En gros, le thème d’A Fine Day To Exit, c’est l’idée de complètement abandonner sa vie pour en commencer une nouvelle. Est-ce quelque chose qui vous a déjà traversé l’esprit, particulièrement avec ces moments difficiles que vous avez traversé avant cet album ?
Ouais mais, comme je l’ai dit, ce qui importait était que les frangins soient réunis. Je pense que nous étions prêts à rester ensemble en tant que groupe. Avec ce dont tu parles, ce qui se serait passé, ça aurait impliqué de quitter tout le monde et ce n’est pas quelque chose que nous pouvions nous résoudre à faire. Je ne pouvais pas simplement laisser tomber tout le monde. Tu vois ce que je veux dire ? [Il réfléchit] Faire quelque chose de complètement différent… Je ne sais pas, mec. C’est comme lorsque les gens disent : « Pourquoi ne changez-vous pas de nom ? » Quel intérêt, putain ? C’est toujours le même groupe ! Nous faisons toujours la musique que nous voulions faire, nous voudrons toujours jouer les anciennes chansons que nous avons écrites. Alors quel intérêt ? J’ai fini par m’y faire. En fait, pendant des années, j’ai voulu changer le nom du groupe, mais j’ai fini par me faire à l’idée que j’étais coincé avec, donc je rationalise [petits rires].
Il semblerait que John Douglas a eu un rôle important sur cet album, dans la mesure où il a écrit la quasi moitié des chansons… Dirais-tu qu’il s’est révélé en tant que compositeur avec cet album ?
Ouais, sur Judgement également il a écrit quelques chansons. Il est un peu sorti de sa coquille en tant que compositeur et il a écrit beaucoup de poésie aussi mais très souvent il ne la montre à personne. Il a des carnets noirs de mots dans sa chambre que personne ne voit jamais [rires]. John est un gars intéressant, il est très, très profond. Si tu ne le connais pas, tu crois qu’il est réservé parce qu’il ne parle pas beaucoup, mais il est très, très profond. Et c’est aussi la personne la plus drôle que j’ai rencontré dans ma vie ! [Rires] Il est putain d’hilarant !
Le bassiste Dave Pybus a quitté le groupe pour rejoindre Cradle Of Filth, qui est une musique totalement différente. Est-ce que ça t’as surpris ?
Un peu, j’imagine. Je veux dire que c’est ce qu’il voulait faire. Il était et est toujours porté sur ce genre de truc. C’est un fan de metal. C’est le genre de chose qu’il voulait faire. Il n’avait pas aimé A Fine Day To Exit, l’album. Il a joué sur une partie mais il est parti avant même que nous donnions un concert, il me semble, parce qu’il voulait rejoindre Cradle. Et, bien sûr, Cradle était un gros groupe à l’époque, donc il allait sans doute se faire plus d’argent. Alors nous avons simplement dit : « Ouais, ok, bonne chance à toi ! Si c’est ce que tu veux faire, très bien. Pas de problème. »
Il y a aussi eu une courte période de temps où ton frère Daniel a quitté le groupe, pour revenir seulement quelques mois plus tard. Qu’est-ce qu’il s’était passé ?
Quelqu’un a dû me le rappeler récemment, j’avais complètement oublié ça. Je ne me souvenais même pas qu’il était parti ! [Rires] Je n’avais pas vraiment le sentiment qu’il était très différent mais il traversait toutes sortes de choses dans sa vie. Je crois que parfois, lorsque tu as des moments difficiles dans ta vie, et ça valait aussi pour moi à l’époque, tu réagis contre les gens qui te sont le plus proches. Je pense donc qu’au final, Danny et moi devions nous rabibocher, vraiment, parce que nous avions toujours quelques problèmes. Lui et moi devions résoudre ces différends. Ca a pris le temps d’un autre album mais, au bout du compte, nous y sommes parvenus – je parle d’après A Natural Disaster.
« [Danny et moi] nous sommes rendus compte que nous avions plus en commun que nous le pensions et que nous étions le moteur du groupe et l’avons toujours été, particulièrement lorsque Duncan est parti. »
Et d’ailleurs, parlons d’A Natural Disaster (2003) maintenant, un album qui sonne peut-être plus paisible…
Peut-être en partie, ouais. Il y a quelques expérimentations sur cet album, avec le chant, les parties de synthé, le piano électrique, le genre de rythme en 4/4… Nous avons toujours été fans de musique électronique et nous avons commencé à en inclure quelques éléments dans notre musique. Il y a de la musique expérimentale avec des trucs qui font plus genre musique de film, comme la chanson « Violence » ; son titre complet était « Beauty, Violence, Longing » et il aurait dû rester comme ça, en fait, mais Danny l’a changé à la dernière minute pour juste « Violence ». C’est donc un morceau intéressant. « Pulled Under At 2000 Meters A Second » est grosso-modo une version rock de « Sheep » de Pink Floyd, n’est-ce pas ? Chanson intéressante. Mais, pour moi, les temps forts de l’album, ce sont « Closer » et « A Natural Disaster », la chanson titre. Danny avait traversé cette importante partie de sa vie et il voulait écrire à ce sujet. Il s’est rendu compte qu’à ce stade, ce dont il avait besoin c’était d’écrire de la musique avec ses frères, avec moi et John, et il avait besoin de nous pour ça. C’était en fait un bon album à réaliser.
Et ensuite, peu après la sortie de cet album, Danny et moi avons commencé à donner quelques concerts acoustiques. Nous sommes partis en tournée juste tous les deux en tant que duo acoustique. Nous n’avions jamais fait ça auparavant. Je crois que nous venions tous les deux de redevenir célibataires, donc nous étions libres de faire tout ce que nous voulions et nous avons simplement dit : « Ok, allons en Pologne ! » Et nous nous sommes tellement amusés ! C’était hilarant ! C’était juste moi et lui, nous n’avions pas d’équipe, personne d’autre avec nous, et nous sommes partis en tournée et c’était super ! C’est là où nous nous sommes rendus compte que nous avions plus en commun que nous le pensions et que nous étions le moteur du groupe et l’avons toujours été, particulièrement lorsque Duncan est parti. Donc lui et moi avions besoin d’être en phase et de tirer dans la même direction. C’est ce que nous avons fait. Ça a été cool depuis lors, vraiment. Danny et moi sommes très, très proches, tu sais. Extrêmement proches.
Ton frère jumeau Jamie Cavanagh a d’ailleurs pris la basse dans le groupe à partir de cet album…
Ouais ! C’était une décision de Danny, vraiment. Il voulait prendre une décision qui serait en rapport avec l’idée de famille. Nous aurions pu dire : « Okay, qui est le putain de meilleur bassiste en Angleterre dans notre domaine en ce moment ? Prenons-le. Essayons de nous trouver quelqu’un comme ça, un pro de chez pro, le top du top des bassistes. » Mais ce n’est pas ce que nous voulions. Ce n’est certainement pas ce que Danny voulait. Danny voulait que son frère soit dans le groupe. Lee était déjà avec nous à ce stade également, donc tu avais John et sa sœur. Ça tombait alors sous le sens. Il faut aussi que tu mentionnes que Les Smith nous avait rejoints à cette même période, il était déjà dans le groupe depuis quelques années. Là, ça donnait vraiment le sentiment d’une énorme famille et c’est resté ainsi depuis lors.
D’ailleurs, Jamie était là au tout début du groupe mais l’a quitté avant le premier album. Pourquoi ne l’aviez-vous pas appelé plus tôt, avant A Natural Disaster, lorsque Duncan Patterson était parti ?
Sûrement qu’il n’était pas prêt. C’était cette période de nos vies qui était difficile et je pense que Jamie avait déménagé aux Pays-Bas parce qu’il voulait commencer une toute nouvelle vie. Tu sais, il en avait marre de Liverpool. Il a eu une relation quelques années plus tôt avec une hollandaise et a dit : « J’emmerde ça, je déménage en Hollande ! » Alors nous avons dit : « Ok Jamie, bonne chance ! Nous viendrons te rendre visite. » Et ensuite, quelques années plus tard, il était prêt.
Je me souviens d’un concert pendant la tournée d’A Fine Day To Exit, et Jamie n’était pas encore dans le groupe mais il s’occupait du merch…
Ouais, il était toujours dans la périphérie du groupe. Il avait l’habitude de s’occuper des lumières au début aussi. Non seulement ça mais il était aussi technicien de scène et il gérait le merch. Il traînait toujours dans les coulisses. C’est un technicien de scène, technicien guitare, basse et batterie, un coordinateur de scène, un ingénieur de retours, un ingénieur de façade, un vendeur de merch, un technicien lumière… Il a eu tous les rôles possibles et imaginables en tournée ! [Rires] Il a tout fait ! Et il est très, très bon dans ce qu’il fait. Il met toujours à profit ses compétences aujourd’hui, par exemple en aidant à mettre en place les concerts. Si tu viens à un concert d’Anathema aujourd’hui dans l’après-midi et assiste à la mise en place, tu verras Jamie s’occuper du matériel, parce que c’est ce qu’il aime faire [rires].
Comme tu l’as mentionné plus tôt, tu es très proche de Danny. Est-ce que tu l’es tout autant de Jamie ?
Oh ouais. Mais c’est une relation complètement différente. Avec Danny, c’est un truc professionnel et créatif bien plus intense que l’on entretient. Nous sommes évidemment aussi frères. Avec Jamie, j’oublie souvent que je suis dans un groupe avec lui. Tu vois ce que je veux dire ? Jamie et moi, nous allons juste nous appeler pour parler de tout et n’importe quoi. Nous avons ce genre de relation où nous n’avons pas vraiment à parler du groupe, nous parlons d’autres choses. Alors que Danny et moi parlons presque toujours du groupe parce que c’est lui et moi qui faisons tourner la boutique, en gros. Ce sont donc deux relations différentes, vraiment. Mais je suis aussi proche de l’un que de l’autre.
Comme tu l’as mentionné, Les Smith est arrivé en tant que claviériste à cette époque mais il est aussi devenu le manageur du groupe. Pourquoi ?
Il était un peu manageur d’office parce que nous n’en avions pas. Il était plus âgé de quelques années que nous et avait plus d’expérience dans ce domaine, et il en savait un peu plus que nous sur l’industrie. Il était vital pour cette stabilité aussi. Je ne pourrais jamais dire assez de bien de Les. C’est un gars unique en son genre, tu sais. Il n’y en a pas deux comme lui sur terre. Il est hilarant. Il te raconte histoire après histoire après histoire sur ce qu’il a fait dans sa vie. Tu ne le croirais pas. Tu ne croirais pas la moitié de ce qu’il te raconte mais il est putain d’hilarant ! Bon sang ! Ca a toujours été marrant d’être dans ce groupe, c’est amusant, mais lui ? Bordel… [Rires]
« Je me fous de savoir combien de mauvaises chroniques nous obtenons, il n’y a personne qui soit pire que nous lorsqu’il s’agit de critiquer notre propre musique ! »
Après ça il a We’re Here Because We’re Here (2010, lire l’interview avec Daniel Cavanagh de l’époque) qui a pris un temps fou à se faire, vous aviez même mis en ligne des chansons sur internet des années avant la sortie de l’album…
Ouais, ouais, ouais, ouais… Nous avons sorti deux DVDs et nous avons fait Hindsight en 2009 mais en dehors de ça, nous avons beaucoup tourné. John a eu une blessure à la jambe qui l’a en quelque sorte immobilisé pendant environ un an. Les mettait en place un studio dans sa ville de résidence et nous avons souvent été là-bas et avons enregistré des choses. Nous aurions sorti ça vers 2006 mais je crois que c’est un peu après ça que John s’est blessé. Je ne sais pas mec. Nous n’aurions pas dû prendre tant de temps mais c’était ce que c’était et ça a fini par aboutir et devenir We’re Here Because We’re Here. Je suis content, d’une certaine manière, parce que We’re Here Because We’re Here est un putain d’album en béton ! Donc, parfois ça vaut le coup de prendre son temps. Et tu peux voir que, depuis lors, ce n’est pas devenu un cycle récurrent. Le groupe a sorti quelque chose tous les ans depuis 2009. Ce sera pareil cette année et l’année prochaine… Donc, c’est super, nous avons trouvé un rythme maintenant. Nous nous étions effectivement un peu égaré à l’époque [rires].
En 2012, tu nous a dit que « c’était la première fois que [vous] sorti[ez] un album dont [vous] éti[ez] vraiment fiers, vraiment satisfaits, à 100 % », dirais-tu que c’est parce que vous aviez vraiment eu le temps de le perfectionner ?
Ouais, probablement. Certainement, ouais ! Je veux dire que si tu n’es pas content d’une chanson en particulier parce que, d’accord, ce n’est peut-être pas la meilleure chanson ou la plus cool que nous ayons écrite, au moins elle est ce qu’elle était prévue d’être, elle n’a rien qui cloche. Genre une chanson comme « Summernight Horizon », je n’aime pas trop cette chanson aujourd’hui mais à l’époque, elle était parfaite pour ce qu’elle devait être. C’est ça le truc : tu atteins ce stade dans le processus créatif où tu te demandes : « Ok, est-ce qu’il y a quelque chose à changer ? » Et si tu te retrouves dans la situation où il n’y a rien que tu changerais dans l’album et tu dis : « C’est terminé ! », alors c’est tout ce que tu peux espérer. Alors tu peux dire : « Ok, bien, maintenant je suis satisfait de cet album parce que j’estime qu’il est terminé. » Simplement ça : « Putain, c’est terminé ! » Et c’était la première fois de notre carrière que nous vivions ça. Nous n’avons jamais vraiment eu ce sentiment auparavant. Peut-être avec Serenades mais rien après ça, vraiment.
Et à cette époque tu nous avais aussi dit que « les règles du jeu ont changé. Anathema a soudain pris conscience de son potentiel. » Qu’est-ce qui a déclenché ça ?
La composition s’est très nettement améliorée. C’était un tout autre niveau de composition par rapport aux albums précédents. Je le trouve aussi plus cohérent. Dans le passé, certains albums avaient genre deux ou trois titres qui ressortaient alors qu’avec celui-ci tout était au top. Nous avons donc établi un nouveau niveau de référence pour nous-mêmes. Enfin, tu sais, il faut avoir en tête que c’est notre opinion. Tu peux très bien avoir une opinion différente, penser ce que tu veux, mais pour notre part, nous estimions que toutes les chansons étaient à la hauteur. Aujourd’hui, c’est un album que je placerais aux côtés de certaines choses que j’écouterais, voilà à quel point il est bon. Il mériterait presque de trouver sa place avec certains albums de ma discothèque. Tu sais quoi ? Putain, il n’y a personne qui soit plus sévère que nous avec notre musique ! [Rires] Je me fous de savoir combien de mauvaises chroniques nous obtenons, il n’y a personne qui soit pire que nous lorsqu’il s’agit de critiquer notre propre musique ! Ouais, nous la critiquons très durement…
Mais qu’est-ce qui a changé avec cet album, à ton avis, pour que la composition progresse ainsi ?
Je pense qu’en réalisant l’album nous-mêmes, nous avons appris énormément. J’ai énormément appris en studio sur comment faire un album et comment produire les albums, tu sais, le côté ingénierie, l’utilisation du matériel, du studio, des logiciels. J’avais l’habitude de travailler dans un studio d’enregistrement lorsque j’avais dix-sept ans et après ça j’ai fait des albums mais je ne suis pas tellement resté en contact avec le côté studio des choses, et j’ai énormément appris en faisant cet album. Ça a certainement aidé. Une chanson comme « Dreaming Light », qui est arrivée assez tard dans le processus, a aussi eu un effet parce que dès lors où tu commences à créer une chanson d’un tout autre calibre, tout le reste doit aussi être de ce calibre. Du coup, tu mets la barre toujours plus haute avec toutes tes chansons, et certaines chansons finissent au placard, en disant : « Il n’y a pas moyen, cette chanson est loin d’être aussi bonne que ‘Dreaming Light’ ou que ‘Thin Air’. Bon, ok, on ne la sortira pas. Bye bye. » Nous avons énormément de chansons de cette période, de 2003 à 2009 ou 2010, un parquet de morceaux qui ne verront jamais la lumière du jour, qui ne sortiront jamais parce qu’ils ont traîné trop longtemps et que de nouvelles chansons sont venues et ont prises leur place.
Mais ne reviens-tu jamais sur ces chansons parfois ?
Il y a pas mal… Je veux dire, il doit y avoir l’équivalent de plusieurs albums… Mais je dirais qu’il y a environ quatre de ces chansons que j’aimerais faire mais pas pour un album. Parce que tes albums, ce sont des déclarations fortes, si tu vois ce que je veux dire. C’est ce qu’ils doivent être. Mais je les ferai pour un EP ou quelque chose comme ça, genre : « Ok, voilà quelques trucs que nous avons fait à cette époque et qui n’ont jamais été sortis auparavant mais nous les faisons maintenant sur cet EP juste pour vous montrer ce que nous faisions à ce moment-là. » Et le faire avec la bonne attitude et le bon esprit. C’est juste une hypothèse. C’est quelque chose dont nous avons parlé mais nous n’avons rien prévu de faire parce que nous sommes toujours concentrés sur de nouvelles choses.
C’est aussi l’album avec lequel la chanteuse Lee Douglas a été officiellement intégrée au groupe…
Ouais, ça faisait des années que nous lui demandions de nous rejoindre. Elle avait des boulots à Liverpool et nous disions : « Allez Lee ! Allez ! Rejoint le groupe ! » Et elle était là : « Je ne sais pas vraiment… Je ne sais pas si c’est ce que je veux faire… » [Rires] « Oh, allez Lee ! T’es mortelle ! T’es géniale, allez ! Rejoint le groupe ! » Et nous avons fini par la convaincre. Je pense que nous l’avons harcelée pour y parvenir ! [Rires] Non, non, non, je rigole ! Mais, ouais, c’était super. L’avoir avec nous aussi, c’est merveilleux pour apporter différentes couleurs à notre palette. Elle est très drôle, détendue et elle est très dynamique aussi. Elle est super, c’est génial de l’avoir avec nous.
Crois-tu que votre musique réclamait cette sensibilité féminine ?
Eh bien, ouais. Regarde « A Natural Disaster », ça répond à toutes tes questions ! Tu vois ce que je veux dire ? Regarde cette chanson ! Anathema n’a pas à être un groupe exclusivement masculin. Avoir ce côté féminin en plus du côté masculin est important je trouve. Mais ouais, je pense clairement qu’elle a étendu ce que nous pouvons faire musicalement, donc c’est super.
Et c’était le dernier album avec Les Smith…
Ouais, c’est dommage. C’était pour une question musicale mais il est merveilleux, je l’adore.
« [‘The Lost Child’] était une autre de ces chansons qui ont élevé le niveau, genre : ‘Ok, tu as fait ça. Maintenant tu ne peux pas faire moins bien pour ta prochaine chanson.’ […] Et c’est difficile ! Parce que ce genre de chose n’arrive pas tous les jours. »
Comment mesures-tu Weather Systems (2012, lire l’interview avec Vincent Cavanagh de l’époque) par rapport à la perfection que tu as ressenti avec son prédécesseur ?
Encore une fois, Weather Systems est un autre de ces albums avec lequel nous étions contents. Je trouve que c’est un album encore meilleur que We’re Here Because We’re Here. Nous avions déjà quelques morceaux… Laisse-moi réfléchir, ouais, il y avait une série de chansons qui était… Comment elles s’appelaient ? Je ne me souviens plus des noms… Oh, « The Gathering Of The Clouds » ! Je me souviens plus des titres de travail que des vrais noms ! [Rires] Parce que les titres de travail étaient là plus longtemps. Bref, donc « The Gathering Of The Clouds », « Lightning Song », « The Storm Before The Calm » et « Sunlight », je crois, ces quatre chansons étaient déjà là et nous savions qu’elles formeraient le squelette, disons, du prochain album, ce qui explique pourquoi nous l’avons appelé Weather Systems, parce qu’il contenait cette petite série de chansons qui étaient toutes inspirés par ce thème [de la météo]. Nous avons donc enchaîné très rapidement après We’re Here Because We’re Here avec ça. Nous avons écrit les quelques chansons supplémentaires. Je crois « The Lost Child », « The Beginning And The End » et les deux « Untouchable », elles sont arrivées plus tard. Je trouve que « The Lost Child » est souvent négligée. Cette chanson pourrait bien être la meilleure chanson au piano que nous ayons écrite, mais pour certaines raisons elle est un peu négligée. Je ne sais pas pourquoi. Je l’aurais bien sorti en tant que single, voilà à quel point je la trouve bonne. C’était une autre de ces chansons qui ont élevé le niveau, genre : « Ok, tu as fait ça. Maintenant tu ne peux pas faire moins bien pour ta prochaine chanson. » Tu vois ce que je veux dire ? [Petits rires] Et c’est difficile ! Parce que ce genre de chose n’arrive pas tous les jours. Tu vois la chanson dont je parle, « The Lost Child » ?
Ouais, bien sûr ! Mais pourquoi ne l’avez-vous pas effectivement sorti en single si tu pensais qu’elle était si bonne et qu’elle pouvait faire un bon single ?
Parce que la maison de disque voulait prendre le gros tube bien accrocheur qu’était « Untouchable Part 1 ». Et tu sais quoi ? Je comprends pourquoi : « Untouchable » est une chanson bien plus accrocheuse. De toute façon nous ne faisons jamais vraiment de singles, n’est-ce pas ? Nous ne faisons pas vraiment de vidéos… Par contre, à un moment donné, nous ramènerons cette chanson dans le set pour lui rendre justice parce que je trouve que cette chanson en particulier est incroyable.
« Nous sommes entrés en studio sans paroles et sans ligne de chant, rien. Ça a donc tout été écrit en studio et je ne veux plus jamais avoir à faire ça, jamais ! [Rires] »
Distant Satellites est sorti il n’y a pas très longtemps et nous en avons déjà parlé ensemble de long en large la fois dernière mais, avec un peu de recul, quel est ton sentiment par rapport à cet album aujourd’hui ?
C’était un album difficile, vraiment. Je ne veux pas trop en dire, tu sais. Voilà ce que je dirais : en faisant cet album, j’ai beaucoup appris sur ce qu’il ne fallait pas faire, et j’emporterais beaucoup de leçons avec moi en studio pour la prochaine fois. Nous le ferons de manière différente la prochaine fois à cause de ce que nous avons traversé avec Distant Satellites. C’était un album difficile à faire pour plein de raisons différentes et je ne ferai pas un autre album aussi difficile, je ferai en sorte de faciliter les choses pour moi et pour le reste du groupe. C’est vraiment plus en rapport avec le processus et la manière de faire. Par exemple, nous sommes entrés en studio sans parole et sans ligne de chant, rien. Ca a donc tout été écrit en studio et je ne veux plus jamais avoir à faire ça, jamais ! [Rires] J’ai donc dit aux autres : « Ecoutez, pour le prochain album, nous irons en studio en ayant tout terminé, autrement, je n’irai pas en studio parce que, putain, je ne referai pas ça ! » [Rires] Mais nous verrons, ce n’est pas encore pour tout de suite. Mais j’ai sacrément appris en faisant cet album.
Crois-tu qu’il vous a ouvert de nouveaux horizons musicaux avec les importants éléments électroniques que contiennent certaines chansons ?
Ouais ! Nous avons toujours écouté de la musique électronique, nous avons toujours été très, très portés là-dessus. Nous l’avons toujours un peu fait en douce mais là, nous l’avons élevé à un niveau tel que ça valait la peine d’être sorti. La chanson « Distance Satellites » est une bonne preuve de ça aujourd’hui. Je pense que l’électronique fera partie du son à l’avenir mais ça ne prendra jamais le dessus. Rien n’aura la priorité sur quoi que ce soit d’autre mais ça fera partie du son, ouais.
Jamie n’a pas joué de la basse sur cet album, n’est-ce pas ?
Non il était occupé – qu’est-ce qu’il faisait ? Mais je crois qu’il était quand même en tournée avec nous… Parce qu’il faisait un paquet de choses différentes, à tourner avec d’autres groupes, à faire du management de tournée et toute sorte de choses. Il était juste occupé, donc nous avons dit : « Ok, ne t’inquiète pas. Nous nous en occuperons. » Et nous l’avons fait.
Vous avez aussi accueilli Daniel Cardoso, pour des percussions et claviers additionnels, qui a offert une polyvalence supplémentaire au groupe…
Ouais, Cardoso tournait autour du groupe depuis quelques années en fait, en jouant quelques parties de clavier, et il avait l’habitude d’investir le poste de batteur lorsque John n’était pas disponible pour les concerts à cause d’engagement familiaux ou autre. Nous avons même joué par intermittence avec Daniel pendant quelque chose comme cinq ans et là, pour Distant Satellites, il nous a vraiment rejoints. Tu peux tout de suite entendre les répercussions sur les parties de batterie. C’est un musicien incroyable. C’est vraiment un très bon batteur, l’un des meilleurs du circuit. Ça a à nouveau magnifié la musique, ça a rehaussé et étendu les possibilités de ce que nous pouvions accomplir. Nous avons donc maintenant le meilleur des deux mondes. Nous avons deux batteurs et Cardoso aussi joue du clavier en concert, donc nous pouvons changer et intervertir John et Cardoso. C’est cool mec !
Les chansons ont donc aussi bénéficié de sa présence en concert ?
Ouais, absolument ! C’est un batteur qui possède un style moderne, technique, polyrythmique, très contrôlé, très dynamique, très studieux par rapport à la batterie… C’est aussi un bon producteur, donc il aide aussi de ce point de vue-là, la production live. En fait, il est putain de génial ! C’est un musicien brillant et très complet. Il joue très bien de la guitare, il joue très bien du piano, il peut jouer de la basse, il peut chanter, il peut tout faire… Et c’est un mec très, très sympa aussi. Putain de cool ! Jamais rien de ne le dérange. Il n’a jamais aucun problème avec quiconque. Il ne se plaint jamais. Toujours cool et ça fait plaisir de travailler avec lui. C’est donc le genre de personne dont on a besoin dans une équipe.
Crois-tu que le fait de l’avoir à vos côtés vous permettra d’ouvrir encore plus votre musique aux expérimentations ?
Ouais, absolument. Nous pourrions tout faire avec lui derrière le kit de batterie sur certaines chansons. John jouera aussi de la batterie sur des chansons parce que certaines correspondent mieux au style de John que celui de Cardoso. Mais Daniel Cardoso apportera clairement beaucoup de possibilités supplémentaires. Je veux dire, écoute « The Lost Song, Part 1 » qui ouvre le nouvel album et tu comprendras. C’est un batteur phénoménal.
« Il n’y a jamais vraiment de destination, tu sais. Tu n’arrives jamais vraiment quelque part avec ça, tu es constamment en train de bouger. »
Au cours de votre carrière vous avez aussi sorti des versions réarrangées de vos chansons avec des albums comme Hindsight, Falling Deeper et l’album live Universal. Est-ce que revisiter vos chansons est quelque chose que vous aimez particulièrement faire ? Est-ce ainsi que vous voyez votre musique, comme quelque chose qui n’est pas figé et peut toujours être remodelé et réarrangé ?
Ouais. Pourquoi pas ? Une chose qu’il est important de garder en tête, c’est que ça ne signifie pas que tu es mécontent des versions originales, ça veut juste dire que les chansons peuvent avoir plus d’une vie. C’est comme maintenant, lorsque nous faisons les sets acoustiques, les chansons sont ré-imaginées et jouées différemment parce qu’elles doivent coller à ce que nous faisons. Une chanson peut donc avoir plus d’une existence. C’est une chose qui est un peu difficile à comprendre pour certaines personnes. Certains sont vraiment très attachés à un album et sont là : « Pourquoi avez-vous fait ceci ? » « Eh bien, parce que ça peut exister sous plus d’une seule forme ! C’est possible en musique ! » Et c’est cool, mec. Surtout Falling Deeper, je suis tellement fier de cet album ! Encore une fois, je pense qu’il est parfois un peu négligé mais cet album est magnifique ! Il est énorme ! La manière dont l’orchestre sonne sur cet album… Incroyable ! C’est presque un album de musique classique, ce que j’adore, car nous en avons fait un album qui sonne orchestral et classique. J’ai toujours adoré cette musique, c’était donc un peu une ambition que j’avais. Tu sais ce que c’est ? De la musique de film ! C’est putain de parfait pour un film !
Chacun de vos albums sont différents et ont, en quelque sorte, représentés une progression. Est-ce que cette progression reflète la vôtre en tant qu’êtres humains ?
Ouais, absolument. Tu as tapé dans le mille ! En tant qu’artiste, tu peux choisir de tourner le miroir vers le monde extérieur et de le dépeindre tel que tu le vois, ou de le tourner vers toi. Si tu choisis la seconde solution, à mesure que tu étends ton rayon d’influence et gagnes davantage d’expérience dans la vie, ta création va refléter ça. C’est simplement naturel, je suppose. Ca peut vraiment se faire au jour le jour. Il se peut que tu traverses une période où six mois passent et rien ne change, et tout d’un coup, en deux semaines, tu changes totalement de perspective sur tout et particulièrement sur ta musique et tes œuvres. Donc ouais, c’est fascinant. Parce qu’il n’y a jamais vraiment de destination, tu sais. Tu n’arrives jamais vraiment quelque part avec ça, tu es constamment en train de bouger. Ca fait du bien d’être comme ça en tant qu’artiste, en tout cas, pour moi, à titre personnel. Ce n’est pas une règle, tu sais. Ce n’est pas obligatoire d’être comme ça en étant artiste. Tu peux fournir du divertissement, et donc juste t’attacher à faire une seule et même chose et faire ce que tu veux ou ce que les autres veulent, si c’est ce que tu souhaites. Mais pour notre part, notre état naturel c’est de constamment bouger. C’est bien et j’aime vraiment cette sensation. Je m’ennuis trop vite ! Tu vois ce que je veux dire ? Si nous commencions à nous répéter, je m’ennuierais trop rapidement ! Je ne pourrais pas le faire…
J’imagine donc qu’il n’y a aucune chance de vous voir revenir à votre style plus metal et sombre de vos débuts, un peu comme Paradise Lost a pu le faire ces dernières années, car il est important pour vous de toujours avancer…
Ouais mais ils offrent aux fans ce qu’ils veulent. Nous ne faisons pas vraiment ça. Je veux dire que nous ne l’avons jamais fait. Nous avons toujours fait de la musique pour nous-mêmes. Donc le simple fait que quelqu’un d’autre l’apprécie, même un tout petit peu, c’est du putain de bonus pour nous ! [Rires] Car nous sommes égoïstes. Mais nous avons toujours été ainsi, nous avons toujours été égoïstes avec notre musique, avec ce que nous faisons. Nous ne le faisons que pour nous-mêmes et ensuite nous le sortons et voyons si quelqu’un l’aime. C’est comme ça et ça a toujours été comme ça. Ceci étant dit, nous faisons la tournée Resonance qui arrive bientôt, mais je ne pense pas que nous reviendrons un jour en arrière sur un album, avec notre musique. Pourquoi le ferions-nous ? Pourquoi ? C’est un concept tellement étrange… [Rires]
Et lorsque tu penses à vos premiers albums, te dis-tu que c’était un groupe complètement différent ou bien est-ce que tu en ressorts des dénominateurs communs artistiquement ?
Je pense que nous avons été environ six ou sept voire huit groupes différents depuis ! Je ne sais pas, mec. J’aime vraiment comment c’était, j’ai apprécié cette époque et je suis fier de ce que nous avons fait mais la vie continue et tu vas de l’avant.
« Se montrer reconnaissant envers Darren et Duncan, je crois, était le facteur motivant le plus important [pour organiser la tournée Resonance]. »
Comme tu l’as dit, vous allez faire la tournée Resonance en avril avec laquelle vous allez célébrer l’histoire du groupe. Pourquoi faire ceci maintenant, en fait ?
Il était temps je pense. Se montrer reconnaissant envers Darren et Duncan, je crois, était le facteur motivant le plus important. Le fait de remercier ces mecs, qui étaient très, très important dans nos années formatives lorsque nous commencions… Ce sont tous les deux des visionnaires, tous les deux des compositeurs, tous les deux de supers gars… C’était simplement important de dire : « Ecoutez tout le monde, ces deux gars là ont été aussi important durant nos jeunes années que n’importe qui d’autre dans le groupe. » Et aussi pour nous en tant que personnes, c’est une bonne façon de nous unir et célébrer quelque chose que nous avons faite ensemble et de… Je ne sais pas. Nous avons toujours été amis mais maintenant, faire en plus ça, ça donne un sens un peu plus profond. C’est donc vraiment important pour nous en tant qu’amis. Nous nous sommes tellement amusés durant nos premières années, je ne te raconte même pas ! Surtout lorsque Darren était dans le groupe, les toutes premières années. C’était hilarant et nous avons de sacrées histoires ! C’était fantastique ! J’ai donc hâte d’y être pour ce côté des choses, simplement partir en tournée avec eux dans le bus. Ca sera putain de marrant ! [Rires] Oh mec ! J’ai vraiment hâte !
Le concert en soit dure environ trois heures. C’est le concert le plus long de notre carrière. On va découper ça en trois parties. Nous ferons ça par ordre chronologique inverse. Ça commencera donc avec Distant Satellites, nous remonterons jusqu’à Judgement et ensuite le premier set sera terminé. Nous ferons le deuxième set avec Duncan à la basse et nous ferons tout d’Alternative 4 à The Silent Enigma. Et ensuite le troisième set, nous ferons Pentecost III, The Crestfallen et Serenades avec Darren et Duncan, et à ce moment j’aurai la chance d’être à nouveau sur les côtés de la scène et être le guitariste rythmique, donc j’ai hâte [rires]. Ca sera bien, mec, ça sera vraiment, vraiment bien. Il se pourrait bien que ce soit la dernière fois que nous faisons ça. Je n’en suis pas encore sûr là tout de suite, mais il se pourrait que ce soit la dernière fois que vous entendiez ces chansons en concert. Donc, vous voyez, si vous aimez les vieux trucs, vous devriez vraiment venir assister à ça ! Parce qu’il se peut que ce soit la dernière chance qui se présente à vous !
Et comment te sens-tu par rapport au fait de jouer ces très vieilles chansons que vous n’avez pas joué depuis des lustres ?
Je ne les ai pas encore joués, tu sais ! Je les ai écoutés pour ça mais je ne les ai pas encore joué, donc je ne sais pas. Je pense que ce sera bien. J’ai hâte ! J’étais d’ailleurs justement en train d’y penser juste avant, car il va falloir que je prenne ma guitare à un moment donné et dise : « Ok, de combien de ces chansons est-ce que je me souviens ? » [Rires] Je suis sûr que je me souviendrais de toutes mais c’est intéressant. Nous commençons les répétitions dans environ une semaine. C’est donc vraiment, vraiment cool. Ca m’intéresse vraiment de savoir comment ça va se passer ! Je te tiendrai au courant ! Ca sera bien mec ! Ca sera super amusant ! C’est tellement spécial, genre ultra spécial. Parce que maintenant, nous sommes devenus ce gros groupe et il y a beaucoup de gens qui ne connaîtrons pas ce que nous étions, donc c’est genre : « Hey, devinez quoi ? Nous avons fait ça ! C’est bien n’est-ce pas ? » [Rires] Parce que c’est bien ! Ce sont toutes de bonnes chansons, mec ! Nous allons jouer des trucs que nous n’avons pas joué depuis des lustres, comme « A Dying Wish », « Crestfallen »… De putain de super morceaux ! Donc, ouais… [Rires]
Et allez-vous enregistrer l’un de ces concerts en vue d’un album live ?
Peut-être. Daniel et moi en avons parlé. J’espère ! Le concert de Paris, peut-être que nous ferons quelque chose avec ça. Il y a le Roadburn Festival en Hollande, peut-être que nous ferons quelque chose avec ça. Nous avons de grosses dates à Londres, une autre à Dublin… Je ne sais pas, mec. Ce sont tous des concerts importants ! Je ne sais pas vraiment lequel nous choisirons… Ou bien nous pourrions simplement tous les enregistrer ! Attendons de voir ce qu’il se passe…
J’ai aussi vu que vous aviez fait une série de concerts dans des cathédrales en mars. Peux-tu nous en dire plus à ce propos ?
Oh, c’était fabuleux ! Nous avons été dans quelques-unes des plus grosses et plus belles cathédrales du pays : Winchester, Liverpool, Exeter, Leeds… Nous avons fait Gloucester l’année dernière et c’était un peu le point de départ de tout ça, vraiment. Et cette année, c’était juste incroyable de se retrouver à jouer dans quelque chose qui ressemble à Erebor dans Le Seigneur Des Anneaux, ou la Moria, si tu vois ce que je veux dire. Monumental ! Si tu as un jour été à la cathédrale de Liverpool, tu sauras de quoi je parle mais… Ah ! Je n’ai jamais joué dans quoi que ce soit de comparable auparavant ! C’est un énorme honneur ! Nous allons en faire un DVD, donc attend de voir ça ! C’est juste in-croy-able.
Interview réalisée par téléphone le 21 mars 2015 par Nicolas Gricourt.
Retranscription et traduction : Nicolas Gricourt.
Site officiel d’Anathema : www.anathema.ws.