Helloween a beau, ces dernières années, avoir montré un visage un peu plus moderne, voire agressif, et même si le groupe est reconnu pour une certaine ouverture, il y a sans doute certaines limites qu’il n’est pas prêt à dépasser. On se souvient de l’album The Dark Ride, à demi-mot renié par Michael Weikath pour la composante trop sombre de certaines de ses chansons. Pourtant Andi Deris, le chanteur de la bande, a, à maintes reprises, démontré à quel point le registre plus sombre et agressif lui sied, lui qui sait si bien manier le cynisme et la sournoiserie dans ses lignes de chant.
Et réaliser un album solo – son troisième – est une manière pour lui d’exploiter plus largement ce registre. Million Dollar Haircuts On Ten Cents Head : rien qu’avec ce titre, on retrouve bien là le sens acerbe de la moquerie et de la critique du chanteur. Un album très terre-à-terre, où Deris pointe du doigt notre société, nos politiques, le diktat de l’argent, etc. La musique suit ce côté direct dès l’amorce de « Cock », chanson d’ouverture de l’album, avec son riff sous-accordé testostéroné. C’est lourd, c’est moderne, avec une sensibilité grungy, voire neo metal (« Banker’s Delight (DOA) »). Même lorsque Deris propose des passages posés comme dans « Will We Ever Change », « Blind » ou « Who Am I », l’ambiance n’est pas à la fête et se fait pesante, et puis les grosses guitares sont toujours là, quelque part, à l’affût, à l’exception de l’acoustique qui clôture l’opus de manière plus légère.
Indéniablement cet album solo marque ses distances avec les citrouilles – c’est bien là l’intérêt même de l’exercice – mais comme souvent avec les chanteurs à l’empreinte vocale et la personnalité forte, on ne peut s’empêcher d’y dénicher des points de rapprochements. Le piano de « Will We Ever change » par exemple, mais aussi des mélodies ici et là qui démontrent à quel point la patte de Deris a marqué le style Helloween tel qu’on le connaît aujourd’hui. A cet égard, « Don’t Listen To The Radio », avec son ton humoristique, son riff rock’n’roll et son refrain entêtant, fait figure de jonction tant il aurait facilement pu s’intégrer aux derniers albums des Allemands. Million Dollar Haircuts… est donc un album a prendre comme un simple changement d’air. Sans prétention, ni même grand bouleversement, Deris s’illustre simplement, sincèrement et avec le talent de composition qui est le sien, sous une facette de sa personnalité habituellement moins visible à l’ombre des cucurbitacée.
Ci-dessous le clip de « Don’t Listen To The Radio » :
Album Million Dollar Haircuts On Ten Cents Head, sortie le 22 novembre 2013 chez earMUSIC