La « bataille » fait rage en ce moment entre les membres du Big 4 pour la reconquête du trône du thrash américain. Slayer a dégainé le premier son Repentless rassurant, suivi de Megadeth qui s’est trouvé une nouvelle jeunesse avec Dystopia et puis maintenant Anthrax ; il n’y a bien que Metallica pour rester hors-jeu. Dans ce Big 4, Anthrax est celui qu’on place toujours dernier. L’outsider de la East-Coast, celui qui remplit les plus petites salles et, pourtant, celui qui s’est sans doute le mieux renouvelé avec les années, malgré les changements de line-up, les décisions dont on n’a toujours rien compris, les mots de trop qu’il a fallu ravaler… Et le combo le prouve une fois de plus avec son nouvel opus For All Kings qui, avec son titre et sa pochette, joue encore sur l’idée de galvaniser les fans, créant comme une trilogie thématique avec les deux opus précédents, We’ve Come For You All (2003) et Worship Music (2011).
Après un « Impaled » d’introduction dont le thème de violoncelle rappellera immédiatement le générique de Game Of Thrones dont Scott Ian, notamment, est très friand (il avait même, fut un temps, envisagé enregistrer la batterie dans la salle du trône de la série sur le plateau de Belfast), Anthrax rassemble ses fidèles : « You Gotta Believe » (« Vous devez croire »). La messe commence. Anthrax montre qu’il a toujours les arguments dès qu’il s’agit de prêcher le power-thrash. Corrosif, mais somme toute classique, sur « Evil Twin » ou « Zero Tolerance », jouant plutôt sur la lourdeur de riffs incisifs sur « Defend Avenge » (le genre de chanson qui donne envie de froncer les sourcils et se donner un air méchant), breaké sur « Monster At The End », etc. La mélodie reste cependant un élément essentiel pour Anthrax, que ce soit au niveau des leads de guitare sur lesquels le dernier venu Jonathan Donais apporte un généreux vent de fraîcheur ou des refrains entêtants (« Monster At The End », « For All Kings », « Suzerain ») que la voix mûrie de Joey Belladonna incarne avec aisance – quoi que les ultra-aiguës de « For All Kings » risquent d’en irriter certains. Si bien que le rapport mélodie/agressivité offre à For All Kings une très large plage de dynamique qu’Anthrax n’hésite pas à exploiter au maximum, effleurant même le royaume du progressif.
A cet égard For All Kings réserve des surprises. A commencer par « You Gotta Believe » qui nous prend en traître : qui aurait pu s’attendre au beau milieu de cette bombe thrash à un long aparté atmosphérique, portée par une basse hypnotique pas très éloignée de Tool, une mélodie de guitare orientalisante et une batterie tribale ? Classieux et original. Quelques plages plus loin, « Breathing Lightning » et sa prolongation « Breathing Out » mélange riffs à faire pâlir Metallica – et autant dire que, globalement, cet album en regorge – et un basse/batterie groovy que n’auraient pas boudé les Canadiens de Rush, dans une composition riche et lumineuse (les chœurs pendant le pont que l’on retrouve sur l’outro acoustique, les vocalises de Belladonna sur la fin, etc.). Puis arrive « Blood Eagle Wings », un autre morceau de bravoure, avoisinant les huit minutes, lourd, lancinant et orageux comme peut l’être Alice In Chains, qui monte en puissance sur sa partie centrale et se termine tout en délicatesse et mélancolie.
Anthrax, fort d’une stabilité retrouvée et non content d’offrir une performance en béton – on pourrait encore parler du sacré coup de médiator de Scott Ian ou du jeu de batterie tout aussi efficient que parfois inventif de Charlie Benante, flatté par la production signée Jay Ruston – s’est également vu pousser des ailes pour tenter de sortir des conventions. Et c’est tant mieux car ce sont justement les chansons les moins conventionnelles qui s’avèrent également les plus abouties. Certes, l’un des plus grands atouts de For All Kings est aussi son défaut majeur : ses longueurs. Autant ce sont elles qui permettent au groupe de prendre le temps de s’adonner à des développements chiadés, autant c’est aussi ce qui fait que l’album accuse de la redondance dans des titres (trop) répétitifs comme « Suzerain » ou « All Of Them Thieves ». Relevons également que la large dynamique du disque risque de laisser sur leur fin les accros à la vitesse et la violence qui trouveront sa mélodicité et les tempos davantage heavy que vraiment rapides castrateurs en terme d’énergie (parler d’album « plus rapide, plus brutal », comme a pu le faire Ian, est vraiment trompeur). Tout dépend si l’on préfère son metal avec les voyants au rouge ou bien nuancé. Dans tous les cas, For All Kings possède son lot de riffs bien sentis, avec un sens de la composition plutôt fin et de belles surprises. Surtout, Anthrax démontre qu’après plus de trente ans de carrière il n’est pas groupe à se reposer sur ses lauriers.
Ecouter « Evil Twin » et « Breathing Lightning » :
Album For All Kings, sortie le 26 février 2016 via Nuclear Blast Records.
Les titres forts de cet album sont vraiment mémorables et entraînant mais l’ensemble est, à mon goût, moins cohérent, moins solide que son prédécesseur.
Peut être qu’il faudra plus de temps pour bien le digérer, oublier les attentes qu’on avait, mais je trouve vraiment que la moitié de l’album s’empâte un peu, à l’instar de la critique :s
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