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Chronique   

Apocalyptica – Shadowmaker


Apocalyptica - ShadowmakerAu fil des années, Apocalyptica a assez vite compris que se contenter de reprises de metal au violoncelle était un exercice à l’intérêt limité, passé la curiosité initiale ou l’effet « live », et sans doute pas forcément épanouissant en tant qu’artiste. Aujourd’hui le trio à cordes plus un batteur a aussi compris que se reposer sur une cohorte d’invités pour faire ce qu’ils ne pouvaient pas faire eux-mêmes, à savoir, essentiellement, le chant, nuisait à l’homogénéité de leurs œuvres, tout en leur faisant, en partie, passer à côté de la force d’une vraie cohésion de groupe. Passons outre l’aspect déstabilisant, en concert, de voir un autre visage et entendre une autre voix que celui et celle attendus, car c’est avant tout la musique de ce nouvel opus Shadowmaker qui nous intéresse aujourd’hui. En bref, Apocalyptica a compris qu’il avait tout à gagner à intégrer la pièce manquante de son puzzle, après avoir intégré le batteur Mikko Sirén, en se donnant une voix attitrée. C’est chose faite avec l’arrivée du chanteur Franky Perez, même si le temps dira si ce poste sera pourvu à titre permanent.

En tout cas, Apocalyptica l’a jouée fine avec son choix puisqu’il gagne en cohérence, tout en conservant, presque, la variété vocale qu’il pouvait avoir en faisant appel à des invités. Perez est un chanteur flexible, autant capable de sensibilité (la belle ballade « Sea Song (You Waded Out) ») que d’une certaine rage en saturant sa voix façon thrash ou neo metal (« House Of Chains »). Même son timbre prend des teintes sensiblement différentes au fil des chansons, se rapprochant tantôt de celui nasillard d’un Chris Jericho (Fozzy, sur « Shadowmaker »), celui clair et délicat d’un David Fremberg (Andromeda, sur « Slow Burn ») ou celui un peu plus rocailleux d’un Russell Allen (Symphony X, sur « House Of Chains »). Le risque étant, toutefois, pour l’auditeur de ne pas tout de suite parvenir à cerner la personnalité du chanteur lorsqu’il le découvre pour la première fois.

L’autre remise en question qui ressort de ce Shadowmaker se rapporte à la philosophie même du groupe, c’est-à-dire de remplacer guitares et basse par des violoncelles, et au son de cet instrument. A trop vouloir se rapprocher des guitares à coup de distorsion et grosse production, Apocalyptica avait fini sur 7th Symphony (2010) par dénaturer l’essence même du violoncelle, au point de ne plus ou prou reconnaître l’instrument. Quelle raison d’être alors pour cette particularité qui tendait à de moins en moins transparaître à l’oreille, hormis pour les arrangements acoustiques ? Apocalyptica répond aujourd’hui à l’interrogation par une sorte de mea-culpa, en abandonnant, en partie, le mimétisme avec les guitares pour remettre les qualités du violoncelle au centre de sa musique. Même dans ses riffs les plus heavy (celui de « Come Back Down », par exemple, qui montre qu’Apocalyptica n’est pas prêt de se défaire de l’influence de Metallica), l’on peut discerner ce son caractéristique du frottement de l’archet sur les cordes et ses articulations, peut-être moins franches et puissantes qu’une guitare électrique (encore que tout dépend de la production, et en ça Apocalyptica n’est pas lésé) mais aussi plus organiques, redonnant son cachet et son originalité première au groupe.

Mais qu’en est-il, intrinsèquement, des chansons ? Si elles bénéficient de la virtuosité des musiciens et d’un certain soin et d’une certaine richesse d’arrangement que permet le jeu à trois violoncelles, Apocalyptica tombe encore dans un de ses – pour ainsi dire – travers, à savoir une musique pop rock/metal dans l’air du temps, parfois assez convenue – un comble pour un groupe qui, justement, dans son format sort des conventions -, parfois plutôt efficace, voire les deux à la fois comme sur « Cold Blood » qui pourra rappeler Sixx : A.M. ou « House Of Chains » dont le refrain fait fortement écho à celui du « Getting Away With Murder » de Papa Roach. Mais, un peu paradoxalement (étant donné qu’il s’agit du premier opus du combo avec un chanteur attitré), c’est encore dans les élans instrumentaux qu’Apocalyptica déploie ses ailes et se montre le plus créatif et intéressant, au sein de certaines chansons comme la partie centrale de « Shadowmaker » qui envoie l’auditeur dans de folles montagnes russes, mais surtout avec les trois longues pistes instrumentales de l’album – le sombre « Reign Of Fear » qui sonnerait presque comme une extension de l’intro d’album « I III V Seed Of Chaos », « Riot Lights » au jeu de batterie « électro » et les envolées progressives de « Till Death Do Us Part ». Des chansons qui feraient regretter ce que l’album aurait pu devenir si le combo s’était autant libéré avec les morceaux chantés. Mais prenons ce Shadowmaker pour un début qui ouvre une nouvelle ère pour Apocalyptica. Eicca Toppinen reconnaît d’ailleurs lui-même qu’ils sont capables de faire mieux : « Je vois déjà que nous pouvons en faire un autre qui serait encore un cran au dessus », nous a-t-il avoué, alors que l’album n’est même pas encore dans les bacs…

Ecouter les morceaux « Till Death Do Us Part », « Shadowmaker » et regarder le clip de « Cold Blood » :

Album Shadowmaker, sortie le 17 avril 2015 chez Odyssey Music/Caroline.



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