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Interview   

Armored Saint ne doit rien à personne


Armored Saint n’a qu’une mission : faire de la bonne musique. Trivial, vous dites ? Peut-être pas tant que ça, à en croire l’expérience de Joey Vera, son bassiste et principal compositeur, qui se souvient des pressions directes et indirectes qui, d’une manière ou d’une autre, ont pu influer sur le groupe. Mais tout ceci est révolu depuis au moins dix ans : Armored Saint est un groupe libre, qui n’a de comptes à rendre à personne ; il ne veut même pas se sentir obligé de faire de la musique. La musique est une affaire d’expression sincère, presque impulsive tant elle a tendance, pour lui, à s’écrire toute seule par effet boule de neige.

C’est ce que nous raconte Joey Vera dans l’entretien qui suit à l’occasion de la sortie du nouvel album Punching The Sky, avec lequel il s’est lancé le défi de réduire les longueurs sans perdre en éloquence. Il nous invite parfois à rentrer dans ses mécanismes de composition, jamais les mêmes, aboutissant à une variété de chansons ayant toutes, peu importe la forme, pour objectif de sonner épique et de mettre en valeur la voix de son acolyte John Bush.

Le bassiste, qu’on retrouve en sus sur le nouvel album de Fates Warning (avec un beau solo jazzy en prime !) et qui a été appelé en renfort pour la reformation de Mercyful Fate (sans avoir encore eu l’occasion de jouer avec le groupe à cause de la crise sanitaire), revient également sur deux albums qui fêtent respectivement leurs vingt et dix ans, Revelation et La Raza, et sur la notion toute relative du succès.

« Nous laissons la boule de neige se former, et ensuite nous poussons la boule de neige pour qu’elle dégringole la colline, jusqu’à ce qu’elle vive sa propre vie et roule toute seule, grossisse, et gagne en puissance et en vitesse. C’est comme ça que nous essayons de diriger notre processus de composition. »

Radio Metal : Tu as déclaré : « Le but est d’écrire de la très bonne musique. Je sais que j’enfonce une porte ouverte en disant ça mais nos intentions ne vont pas plus loin que ça. » As-tu parfois l’impression que les groupes ont des arrière-pensées que les détournent de cet objectif évident ?

Joey Vera (basse) : Peut-être, je ne sais pas. Je ne peux pas forcément parler pour d’autres groupes, et il est clair qu’en aucun cas je montrerais quiconque du doigt, mais je pense vraiment que parfois – et ça vient de ma propre expérience – on se retrouve absorbé à devoir… Disons que quand on est signé sur un label, on t’impose un planning : « On veut qu’un album sorte en janvier, donc assurez-vous d’écrire un album maintenant et de nous le livrer d’ici le 1er novembre. Ensuite, vous partirez en tournée pendant douze mois et après ça, nous voulons que vous commenciez l’écriture de l’album suivant. » On se retrouve pris dans ce cycle. Je pense que beaucoup de groupes sont pris dans ce cycle, car j’ai moi-même été dans cette position, ainsi qu’Armored Saint, et quand c’est le cas, parfois ça empêche la musique de sortir naturellement, d’être véritablement inspiré par ce qui se passe dans sa vie à ce moment-là ou d’être ouvert à de nouvelles idées, et on a l’impression de faire un travail d’usine. Ca inhibe cette partie de notre cerveau qui permet d’avoir une liberté totale.

C’est très important pour nous de maintenir cette « liberté ». Nous voulons que le résultat final soit vraiment de la super musique qui nous est venue sans avoir été forcée. Il faut vraiment que ça vienne très naturellement et de manière organique. Le résultat doit être éloquent et authentique. Donc nos intentions, au départ, doivent également être authentiques. Elles doivent venir avec une certaine ouverture d’esprit et c’est vraiment ainsi que nous commençons la composition : John et moi ne discutons pas du tout de la direction que nous voulons prendre, du genre de chansons que nous voulons écrire, des instruments que nous devrions utiliser, de l’atmosphère qui doit s’en dégager, etc. Nous n’en parlons pas du tout en ces termes. Nous n’avons pas de conversation à ce sujet, car nous avons l’impression que si nous commençons à en parler, alors ça commence à brider cette partie de notre cerveau qui nous permet d’avoir la liberté de laisser les choses venir à nous, et on commence à penser de manière trop logique aux choses, or nous ne voulons pas de ça dans notre processus. Donc de base, nous laissons la boule de neige se former, et ensuite nous poussons la boule de neige pour qu’elle dégringole la colline, jusqu’à ce qu’elle vive sa propre vie et roule toute seule, grossisse, et gagne en puissance et en vitesse. C’est comme ça que nous essayons de diriger notre processus de composition.

Donc ce n’est pas à prendre au sens littéral. Quand je dis que j’enfonce une porte ouverte, c’est genre : « Sans blague, qu’est-ce qu’on va faire d’autre ? On va chercher à composer de la mauvaise musique ? » [Rires] Mais vraiment, la raison pour laquelle je dis ça, c’est que les gens demandent : « Quel est votre processus d’écriture ? Qu’est-ce que vous essayez de faire quand vous composez ? Vous avez fini de composer Win Hands Down, comment allez-vous faire suite à ça ? Quel est votre mécanisme de pensée ? » Je pense qu’ils veulent une réponse du genre : « Eh bien, j’ai ressenti une grosse pression quand Win Hands Down a été encensé, comment vais-je le surpasser ? Je ne sais pas, il faut que je trouve un moyen de faire mieux que Win Hands Down ! Comment vais-je y arriver ? » Mais honnêtement, je ne peux pas penser en ces termes, je ne peux vraiment pas y réfléchir de cette manière. Je dois y penser en faisant table rase, je ne veux pas de ce genre de pression ou d’obligation. Je n’ai même pas envie de me sentir obligé de faire de la musique ! [Rires] Je veux faire les choses à ma façon. Quand John et moi avons commencé à composer de la musique pour Punching The Sky, si quelqu’un était entré dans la pièce en me disant : « Les gars, qu’est-ce que vous faites maintenant ? Quel est votre objectif ? », ce serait ma réponse : « J’ai juste envie d’écrire de la bonne musique. » Tels sont les principes fondamentaux et le cœur de ce groupe.

Il y a eu des fois – et j’en ai parlé par le passé… Je vais te donner un exemple. C’était en 1986 ou 1987, nous étions en train de composer de la musique et nous étions encore chez Chrysalis Records. Le heavy metal en tant que style avait commencé à voler en éclats, on commençait à voir apparaître le mouvement thrash d’un côté et le mouvement hair/glam metal de l’autre. Les deux étaient très différents et on ne pouvait pas faire partie des deux. Il fallait soit être dans l’un, soit être dans l’autre. Nous, nous n’étions pas dans cette idée d’appartenir à quelque chose : « Quelle est notre place ? Quelle importance ça a ? » Mais d’une certaine manière, ça avait une importance. La maison de disques a commencé à nous mettre la pression pour écrire de la musique plus commerciale. Pendant l’écriture de Raising Fear, ils ont embauché un compositeur pour nous aider à écrire les chansons et c’était horrible pour nous, nous étions là : « On emmerde ce truc ! On n’a pas envie de faire ça, ça ne nous ressemble pas » et nous avons fini par virer ce mec [rires]. Mais mentalement, à l’époque, c’était un petit peu déroutant. Nous avons commencé à un petit peu douter de nous-mêmes et ça nous a poussés à suranalyser le processus. Peut-être que, d’une certaine façon, nous essayions trop d’être impressionnants et de composer des chansons qui allaient être « difficiles à comprendre », difficiles à jouer. Pourquoi penserait-on ainsi ? Qui en a quelque chose à faire ? Mais nous étions dans cet état d’esprit à ce moment-là. C’est ce que je veux dire, je parle d’après mon expérience : nous avons connu des situations comme ça, où des influences extérieures ont joué un rôle et nous ont fait douter de ce que nous étions en train de faire. Ça fait longtemps que nous n’avons pas connu ça. Je crois que la première fois où nous n’avons vraiment plus eu cette impression, c’était probablement quand nous avons composé pour La Raza en 2008 et 2009.

« Je n’ai pas l’impression de devoir être à la hauteur de quoi que ce soit et je ne dois rien à personne. »

Estimes-tu que la musique de Raising Fear en a souffert ?

Certaines chansons, oui, pas toutes. Mais je ne regrette rien, je n’y repense pas en me disant : « Je regrette avoir fait ça. Je ne le referais pas. » Il y a peut-être des choses dans cet album que j’aurais faites différemment, mais c’est comme ça qu’on apprend. C’est marrant, parce que pour plein de fans, Raising Fear était l’album qui leur a fait connaître Armored Saint et c’est leur album préféré ! [Rires] Je ne suis pas gêné par Raising Fear. Il y a plein de super trucs sur cet album. Il y a des choses dedans que, je pense, nous aurions pu mieux faire, mais c’est comme ça qu’on apprend. Je vois toujours nos albums ainsi, et je dirais que je ne regrette pas et je ne les changerais pas, parce qu’autrement, ça voudrait dire que je n’ai pas appris mes leçons. Je préfère avoir fait ces erreurs, de façon à ce que plus tard, sur mes futurs albums, j’essaye d’éviter de faire ces mêmes erreurs ou, au moins, ce que je perçois comme étant une erreur. C’est comme ça qu’on évolue et devient meilleur. On tire des leçons de ses erreurs, on n’apprend pas sans ça. C’est important, je m’en rends compte. Je ne cherche pas à dénigrer Raising Fear ou dire qu’il y a quoi que ce soit qui ne va pas dedans, parce que ça fait partie du processus de développement. Je l’embrasse tout comme j’embrasse aussi ce que je considère être un succès.

On dirait que le groupe est dans une situation assez confortable maintenant. D’un autre côté, de nombreux groupes se sortent délibérément de leur zone de confort pour stimuler leur créativité. N’avez-vous jamais ressenti ce besoin ? Est-ce une idée fausse de dire que zone de confort égale musique confortable ?

Ça dépend. Ça peut certainement être vrai pour certaines choses. On peut se retrouver dans une situation où le confort se transforme en suffisance. C’est quelque chose dont il faut être conscient, c’est sûr. Il y a un certain niveau d’adversité, une certaine quantité de choses qui constituent des défis durant le processus de création d’albums et qui seront toujours là. Faire cet album n’a pas fait exception. Sur cet album, il y a peut-être eu des défis différents. John et moi avons galéré avec quelques chansons que ne nous n’avons pas mises sur l’album, et occasionnellement, nous n’étions pas d’accord sur des choses. Ca fait suffisamment longtemps que nous travaillons ensemble pour savoir nous respecter et régler nos désaccords, mais quand même. Quand on parle de zone de confort, c’est dans le sens d’être dans une situation où on est libre et qui permet justement de prendre des risques et d’étendre ses horizons, de pousser un peu le bouchon, de relever des défis en tant que compositeur – c’est ça que j’entends par « zone de confort ». Je n’ai pas l’impression de devoir être à la hauteur de quoi que ce soit et je ne dois rien à personne, et c’est cool d’en être là. Je pense avoir gagné cette position, ce n’est pas une évidence, et je dois la respecter aussi. Cette liberté n’est pas quelque chose que je prends pour acquis, c’est quelque chose pour lequel je dois avoir du respect.

Je respecte entièrement, à cent pour cent, la marque Armored Saint et ce que notre histoire signifie non seulement pour les membres du groupe mais aussi pour tous les fans. Je dois respecter le fait que ce qu’ils connaissent de nous est quelque chose qui a une signification différente pour presque tout le monde, et je ne veux jamais ternir ça. J’ai toujours un œil tourné vers le passé, notre histoire et ce pour quoi nous sommes connus, mais j’ai aussi un autre œil qui regarde dans une autre direction, vers l’avenir, vers le fait de grandir, de se développer, de prendre des risques, de se donner des défis en tant que compositeur… et le fait de donner aussi des défis à nos auditeurs ! J’ai parfois envie de défier nos auditeurs. Je pense avoir essayé de faire les deux avec le plus grand respect afin que ça paraisse authentique. J’utilise encore ce mot, mais il faut que ça ait l’air vrai et je ne veux rien imposer à qui que ce soit, y compris à moi-même [rires]. Je pense que c’est un équilibre difficile à trouver, mais je pense que nous avons fait du bon boulot avec ça, mais encore une fois, ce n’est pas à moi d’en décider, c’est aux éditeurs d’en décider. La conception d’un album, c’est un processus intéressant.

C’est clair que trouver l’équilibre entre le passé et l’avenir, et rester fidèles à vos influences premières et ce que vous avez construit tout en innovant ne doit pas être évident…

Tout à fait ! C’est peut-être pourquoi nos albums sont plutôt variés. Peut-être que ça joue, je n’ai pas analysé la chose jusque-là. J’essaye de ne pas trop analyser, mais il faut que j’en sois conscient parce que, comme je l’ai dit, je garde un œil sur notre lignée et un autre œil sur le fait d’essayer de nous donner des défis. Je suis influencé par des choses modernes aussi, j’aime la musique moderne ; je suis parfois influencé par les Foo Fighters ou des groupes plus récents. La difficulté, c’est de mélanger les deux pour que ça sonne quand même comme Armored Saint, tout ayant un côté rafraîchissant, sans que ça donne l’impression que nous ayons réécrit Raising Fear ou March Of The Saint ; j’essaye de ne pas tomber dans la resucée de quelque chose qui a déjà été fait il y a trente ou quarante ans. C’est ça qui est dur.

« J’ai toujours un œil tourné vers le passé, notre histoire et ce pour quoi nous sommes connus, mais j’ai aussi un autre œil qui regarde dans une autre direction, vers l’avenir, vers le fait de grandir, de se développer, de prendre des risques, de se donner des défis en tant que compositeur… et le fait de donner aussi des défis à nos auditeurs ! »

Je vais te donner un exemple tiré de notre nouvel album : le riff principal de la chanson « Never The Fret », la dernière chanson de l’album. J’ai écrit ce riff, il avait un certain feeling… Quand je l’ai réécouté, je me suis aperçu : « C’est un riff dans le style de Dave Prichard, c’est quelque chose qu’il aurait pu écrire dans les années 80. » Il y avait ce feeling. Je me suis donc dit que c’était cool, parce que déjà, Dave Prichard a écrit beaucoup de musiques pour lesquelles nous sommes connus – les gens nous associent à certaines chansons et Dave Prichard est responsable de pas mal d’entre elles, donc je n’ai jamais envie qu’on perde de vue l’influence de Dave sur ce groupe. Après avoir ressenti ça, je l’ai assumé et j’ai dit : « Je dois embrasser ça. J’ai l’impression que Dave est en train de me regarder de là-haut, et je vais continuer sur cette lancée pour finir cette chanson, et je vais lui donner certaines choses qui sont un peu plus proéminentes et modernes, et donnent le sentiment d’être plus ‘actuelles’ en l’occurrence. » Il y a même une partie au milieu de la section solo pour laquelle j’ai été influencé par le Pat Travers Band – je suis un énorme fan du Pat Travers Band – et je me suis dit : « Oh, c’est un riff presque funky et bluesy, ça colle parfaitement à cette chanson et c’est assez proche de cet autre riff… » Je te fais rentrer dans les rouages du fonctionnement de mon cerveau ! [Petits rires] Le résultat final est une chanson qui, quand les gens l’écouteront, donnera une impression de familiarité, elle leur rappellera autre chose ou peut-être qu’elle leur procurera un léger sentiment de nostalgie, et c’est à cause de ça, c’est parce que c’est un riff que, je trouvais, Dave Prichard aurait pu avoir écrit et je l’ai laissé s’épanouir et se développer. Le résultat final est une chanson qui ne sonne pas comme une chanson de Raising fear, elle sonne comme une nouvelle chanson, mais elle a quand même cette résonnance.

J’ai choisi trois chansons tirées de cet album qui représentent bien la diversité des atmosphères et structures dont Armored Saint est capable : « Do Wrong To None » avec son riffing et son jeu dans la veine de Metallica, « Bark, No Bite » avec ce côté fusion, et « Unfair » avec sa progression et montée en puissance régulières. Peux-tu nous parler de la conception de ces chansons très différentes ?

En effet, ce sont des chansons très différentes. « Do Wrong To None » était la toute dernière chanson que nous ayons écrite. Le noyau de cette chanson a commencé avec quelque chose qui m’avait été donné par Phil et Gonzo [Sandoval]. Ils m’avaient envoyé ce brouillon de concept, ce n’était même pas vraiment une chanson, mais c’était un point de départ. Ils avaient ce motif rythmique, qui était très similaire à quelque chose que j’avais écrit en 2006 ; ce n’était pas une chanson mais juste une partie que j’avais écrite, et il s’avère que c’est maintenant l’intro de la chanson. Ça sonnait très similaire à ce qu’ils m’avaient donné. J’ai pris ça, je l’ai réécrit et j’ai rajouté des notes qui étaient à peu près dans la même tonalité que ce qu’ils avaient fait. Voilà comment ça a commencé. Le reste de la chanson a découlé de ce motif rythmique et j’ai réécrit ce qu’ils m’avaient donné pour le transformer et c’est devenu la chanson. En cours de route, quand j’ai réécouté… Je n’ai pas posé directement la question à Phil, mais je sais que c’est un grand fan de Pantera, et j’avais presque l’impression qu’il avait canalisé son amour pour Pantera. Nous adorons tous Pantera, ça ne me pose aucun problème d’honorer ce groupe ou [Dimebag] Darrell et de le faire d’une manière respectueuse et digne. Nous le faisions en hommage, sans essayer de les plagier ou de réécrire quoi que ce soit. Mais de façon globale, il y a ce feeling, et donc c’était la partie qui a servi de rampe de lancement, et ensuite la chanson s’est quasiment écrite toute seule. Je vais souvent te dire ça, parce que j’ai l’impression qu’une fois leur écriture initiée, les chansons me viennent généralement assez rapidement, car elles s’écrivent un peu toutes seules. Il faut juste que je les aide à s’écrire. Je fais de mon mieux pour faciliter ça, mais une fois que la chanson commence, elle se déroule, et elle me vient généralement assez vite. Cette chanson était un de ces exemples et je voulais que ce feeling dicte la chanson.

L’autre chanson que tu as mentionnée était « Bark, No Bite ». Elle est passée par quelques transformations. C’était probablement la première ou seconde chanson que j’ai composée. Je pense que la raison pour laquelle j’ai commencé à l’écrire était que je m’amusais à jouer en Do dièse, car Armored Saint avait fait une reprise de la chanson de Robin Trower « Day Of The Eagle » – je crois qu’elle est sur Nod To The Old School – et j’ai toujours trouvé que chanter dans cette tonalité était super pour la voix de John ; c’est assez bas et ça fait ressortir un côté très rauque. Je me suis dit que je voulais écrire une chanson dans cette tonalité de Do dièse. Il se trouve qu’au final, trois chansons dans l’album sont en Do dièse ! [Rires] Je suppose que je me suis un peu lâché avec ça. « Bark, No Bite » en est le résultat, après être passé par plusieurs changements. Une autre chose qui a façonné le noyau de cette chanson, crois-le ou non, était qu’au moment où j’ai commencé à écrire le nouvel album d’Armored Saint, j’écoutais de la musique, simplement pour m’évader de la tournée et décompresser un peu. Je me suis pris de passion pour le groupe Chicago, j’ai écouté tous leurs vieux albums. Quel excellent groupe ! J’adore Chicago, ce groupe est tellement intéressant. J’ai commencé à penser à leur manière d’arranger la musique et notamment les intros des chansons. J’adore leur manière de composer les chansons – je ne parle pas des morceaux pop radiophoniques qu’ils ont faits plus tard, mais les vieilles musiques des années 70, c’est tellement bon, c’est souvent très progressif. C’est à ce moment-là que j’ai trouvé l’intro de « Bark, No Bite » et c’est purement influencé par Chicago.

« J’adore ce sentiment quand une chanson fait vibrer ta corde sensible, t’impressionne, t’émerveille, etc. Ça peut être une courte chanson pop ou une chanson prog de quinze minutes, ça n’a pas d’importance, mais ce sentiment d’être soulevé quand tu écoutes la musique, c’est ça que je vise dès le départ. »

Dans mon esprit, toute cette section du début aurait dû être jouée aux cuivres : trombone, saxophone, trompette… Elle contient une harmonie en trois ou quatre parties et ça a été écrit pour des cuivres, mais évidemment je ne voulais pas aller aussi loin ! [Rires] John était probablement celui qui insistait : « Mec ! Tu dois utiliser des cuivres ! » « Je ne sais pas, c’est too much… » J’ai donc réécrit la partie et je l’ai faite à la guitare, et le reste de la chanson a suivi tout seul après ça. Je trouvais le contraste sympa. Initialement, c’était une chanson beaucoup plus énergique d’un bout à l’autre, de haut en bas, mais j’aimais l’idée qu’elle soit plus dynamique dans les couplets. J’ai donc retiré toutes les guitares dans les couplets et j’ai laissé principalement la batterie et la basse. Elle s’est retrouvée avec un côté presque à la Faith No More, j’ai beaucoup aimé. Ensuite, le refrain est plus dans la veine d’un Black Sabbath et je trouvais que ça créait un super contraste aussi. Encore une fois, j’ai mis tout ça en commun et fait un méli-mélo. La toute dernière chose que j’ai faite avec cette chanson était que j’ai rajouté la partie mélodique de guitare au tout début, la double harmonie qui commence et termine la chanson – ça englobe joliment le morceau. Mon amour pour Thin Lizzy est assez évident, je pense, et je lui ai donné une tout autre saveur. C’était très amusant aussi de composer cette chanson. John a écrit de super paroles. Sans être trop spécifique, c’était certainement influencé par ce que nous avons vécu aux Etats-Unis durant les quatre dernières années, mais je ne vais pas en dire plus [rires].

Ensuite, « Unfair » m’a été inspiré par quelque chose que j’ai vu dans un film ou peut-être une série télé… C’était juste un extrait que j’ai vu, et ça m’a donné envie de prendre ma guitare et j’ai commencé à gratouiller, et c’est comme ça que j’ai trouvé cette partie. C’était juste la première partie. Puis la seconde partie m’est venue plus tard. La beauté de cette chanson pour moi est qu’elle ne possède que deux parties et elles se répètent sans arrêt. Je me suis demandé : « Est-ce que je peux écrire une chanson qui n’a que deux parties ? Voyons jusqu’où on peut aller avec ça. » Donc à ce moment-là, je n’étais pas sûr si la chanson était terminée, mais j’ai fait une démo avec seulement ces deux parties. J’ai voulu que ça commence de manière super calme et que ça monte subtilement en puissance jusqu’à la toute fin, que ça fasse un crescendo jusqu’à ce gros final. J’ai fait cette démo, je l’ai envoyée à John et j’ai dit : « Je ne suis pas trop sûr de celle-ci. Ca sort un peu de nos sentiers battus. Il n’y a que deux parties qui se répètent. Je ne sais pas si ce n’est pas trop ennuyeux, s’il faut un pont… Il n’y a pas de partie solo… Vois ce que t’en penses. » Il l’a écoutée et il était là : « Oh mon Dieu, c’est génial ! » J’ai dit : « Je me demandais si on ne pourrait pas l’approcher comme un morceau de Radiohead ? Qu’est-ce que Radiohead ferait ? Voyons si on peut s’appuyer sur ces deux petites parties et en faire quelque chose. » C’est donc l’approche que nous avons eue. C’était très amusant à faire en tant que compositeur. Chaque chose que je fais est comme une grande expérience et je regarde ça toujours avec objectivité : « Qu’est-ce qui se passe si je fais ci ? Qu’est-ce qui se passe si je fais ça ? Eh bien, ça ne fonctionne pas, ok je vire. Qu’est-ce qui se passe si je fais ça ? » et je vois où ça me mène.

Encore une fois, celle-ci, essentiellement, s’est écrite toute seule, parce qu’il n’y a que deux parties. J’ai juste aidé à définir l’instrumentation et cherché à comprendre comment travailler la dynamique – les hauts et les bas, les montées en puissance et les accalmies – en apportant différents instruments, des overdubs, et ensuite John et moi avons travaillé ensemble sur les arrangements de voix. C’était une chanson très gratifiante à composer. Il s’avère aussi que c’est devenu une chanson très personnelle, surtout pour John, parce que pile au même moment où nous composions la chanson, avant même qu’il ne commence à écrire les paroles, quelque chose de tragique est arrivé à une de ses connaissances, à l’école de sa fille. Sa fille avait une amie de même âge qui est sortie avec ses parents et son petit frère, et ils se sont fait rentrer dedans par un conducteur ivre, et les deux enfants sont morts à l’impact. Les parents ont survécu, le conducteur ivre aussi, mais les deux enfants sont morts dans l’accident – l’un avait douze ans et l’autre huit, une fille et un garçon. C’était une histoire vraiment horrible et tragique. John connaissait les parents et la famille. Ca a vraiment bouleversé John et cette chanson lui est tombée dessus au moment idéal pour lui permettre d’exprimer ses sentiments sur ce qui s’était passé. La chanson parle donc de ces deux enfants qui ont perdu la vie, et des deux parents qui ont perdu leurs enfants. C’est une chanson très profonde, très dure à chanter, mais pour toutes les raisons que je viens d’expliquer, elle était très gratifiante.

« John est la star, c’est un chanteur extraordinaire. J’ai de la chance qu’il soit mon partenaire et qu’il soit dans notre groupe. Je n’ai pas envie de foutre ça en l’air en composant de la musique hyper compliquée, ésotérique et dissonante ! [Rires] »

Le premier single que vous avez sorti, « End Of The Attention Span », est clairement un commentaire ou une critique concernant la faible capacité de concentration des gens aujourd’hui. D’un autre côté, les chansons dans Punshing The Sky sont plus courtes et paraissent aller davantage droit au but – excepté peut-être la première chanson « Standing On The Shoulders Of Giants ». Etait-ce une décision conscience de vous adapter à la faible capacité de concentration des gens ?

[Rires] Non, je ne dirais pas ça, mais c’était une décision consciente… Ça n’a rien à voir avec la capacité de concentration des gens parce que, comme je l’ai dit avant, en premier lieu, nous composons vraiment pour notre propre satisfaction ! Je ne ressens donc aucune obligation d’écrire pour qui que ce soit d’autre, et encore moins pour une raison particulière comme celle-là. Ceci étant dit, tu fais une bonne remarque. Mon seul objectif est que chaque chanson soit grande, massive et épique. J’adore ce sentiment quand une chanson fait vibrer ta corde sensible, t’impressionne, t’émerveille, etc. Ça peut être une courte chanson pop ou une chanson prog de quinze minutes, ça n’a pas d’importance, mais ce sentiment d’être soulevé quand tu écoutes la musique, c’est ça que je vise dès le départ. Donc quand j’ai écrit Win Hands Down, c’était aussi mon intention, mais une grande partie des chansons était plutôt longue. Je ne le regrette pas, je trouve que Win Hands Down est un super album pour toutes ces raisons, mais quand j’étais en train de composer pour cet album, je me suis dit : « Peux-tu faire la même chose mais avec moins de longueur et moins de notes ? Peux-tu quand même arriver à ce résultat avec une chanson plus courte ? Peux-tu le faire avec plus de simplicité ? » C’est vraiment un défi que je me suis donné. C’était un effort conscient de ma part ; c’était mon défi personnel. C’était ma motivation : « Est-ce que je peux rendre ça exaltant ? Est-ce que je peux lui donner le même impact en faisant moins et de manière plus simple ? » La réponse était oui : les chansons sont plus courtes que sur Win Hands Down. Ce ne sont pas forcément des chansons courtes, à proprement parler. Certaines le sont – certaines tournent autour des quatre minutes – mais la plupart restent dans le « standard » d’Armored Saint, soit cinq minutes et plus [rires].

« Standing On The Shoulders Of Giants » était la chanson longue de l’album et probablement la seconde ou troisième chanson que j’ai composée, donc c’était assez tôt dans le processus. Telle qu’elle est aujourd’hui, elle est longue, elle approche les sept minutes, et à un moment donné, j’ai dit à John : « Et c’est reparti, je suis de nouveau en train de composer de longues chansons ! C’est ce que j’ai fait sur Win Hands Down. » Il a dit : « Ça n’a pas d’importance, mec, ça reste une super chanson. » « Je ne sais pas, je vais essayer quelque chose. » J’ai modifié la chanson : « Cette partie centrale n’a rien à faire là… Elle n’a pas besoin de pont… Allons droit au but, le refrain est super. » J’ai probablement fait quatre versions différentes de « Standing On The Shoulders Of Giants », mais John n’arrêtait pas de revenir vers moi en me disant : « Mec, l’atmosphère n’est pas là, tu dois faire machine arrière. » Alors j’ai dit : « Tu sais quoi ? Peut-être que tu as raison. » Donc j’ai remis la chanson comme elle était initialement et j’ai dit : « Je t’accorde ça. Je vais travailler sur la base de cet arrangement, mais ce break central doit être réécrit. Je n’aime pas ce que j’ai composé. » Le break central était différent de ce qu’on entend maintenant dans l’album. Il avait un côté à la Soundgarden et je me disais : « Ça ne colle pas ! Ça n’a pas sa place dans la chanson ! Ça tue l’énergie. Je vais le réécrire. » J’ai donc réécrit ce break et ensuite c’était : « Oh putain ! Là ça a du sens. » John s’est remis sur la chanson, il a réécrit quelques mots. Elle fait encore sept minutes [petits rires] mais maintenant la chanson sonne finie. A la suite de ça, je me suis dit : « Ne compte pas sur toutes ces parties supplémentaires pour donner à la chanson l’air d’être grandiose et épique. Vois si tu peux faire la même chose mais avec moins de mots, moins de parties. » Je trouve qu’il y a quelque chose de puissant dans le fait d’être capable de faire ça. Il est clair que c’était un gros défi pour moi. Je ne dirais pas que c’était facile. Et malgré ça, je pense que j’ai réussi à maintenir suffisamment de diversité, d’intérêt, d’instrumentation, de qualités de production, etc. dans ces chansons plus courtes pour nous exalter.

Toujours sur le thème d’« End Of The Attention Span », tu as déclaré que vous vous êtes intéressés à « la fascination actuelle de la société pour les appareils électroniques et la déconnexion insidieuse que ça crée ». Mais il se trouve que vous utilisez vous-mêmes beaucoup les appareils électroniques pour travailler sur les morceaux à distance et partager ce que vous trouvez via des partages de fichiers. Est-ce que ça ne crée pas aussi une « déconnexion insidieuse » au sein du groupe ?

Oh oui. Nous sommes les premiers à le dire, et John serait aussi la première personne à le dire, parce que nous avons écrit ces paroles, mais nous n’avons jamais été le genre de groupe à se mettre derrière une tribune de fortune pour dire aux gens quoi penser, comment penser, ou voici ce qu’on pense et vous devriez être d’accord avec nous parce qu’on le dit. Nous n’avons jamais écrit dans cet état d’esprit. John a toujours écrit plutôt d’une manière qui laisse l’interprétation ouverte à la discussion et l’auditeur peut se faire son propre avis sur le sens de la chanson ou s’y identifier à sa façon. John fait toujours ça. Concernant cette chanson en particulier, nous serons les premiers à vous dire que nous faisons aussi partie du problème ! [Rires] Je regarde beaucoup trop mon téléphone. Nous le faisons tous, nos enfants le font, ma femme le fait, John le fait… John est presque pire que moi – bon, je ne suis pas mal non plus. Il n’a même pas de compte e-mail et n’est pas sur les réseaux sociaux, et pourtant il est constamment en train de regarder son téléphone ! Je suis là : « Tu n’es pas sur les réseaux sociaux, tu ne regardes pas tes e-mails sur ton téléphone… Mais qu’est-ce que tu fais sur ton téléphone ?! » [Rires] Il regarde les scores du basketball, les scores de hockey, les infos… Je ne sais pas ce qu’il regarde !

Il a toujours écrit des textes qui nous incluent : nous faisons également partie du problème ; nous faisons les mêmes choses que tout le monde. Mais il aime soulever les sujets et en le faisant, il rajoute de l’ironie, car nous sommes concernés et c’est ironique que la chanson vienne de nous, mais ça aide aussi à nous en moquer. Ce que nous disons n’est pas si sérieux que ça, genre : « Oh mon Dieu, c’est une crise sanitaire ! » Peut-être que ça l’est à un certain niveau, pour un petit pourcentage de la population du monde. Mais en général, nous essayons de nous en moquer un peu parce que nous faisons partie du problème. Nous essayons de nous en moquer pour lancer une discussion, ce qui rend la chose ironique et nous fait réaliser : « On va prendre un café, on va s’asseoir et pendant les dix premières minutes, on va être assis l’un en face de l’autre sans prononcer un seul mot. Chacun va regarder son téléphone » [rires]. Je ris parce que c’est juste ridicule, mais c’est la vérité ! C’est ce que font les gens, moi y compris. C’est un rappel : essayez de ne pas le faire, essayez de poser votre téléphone, et personnellement, j’essaye de sortir mon chien plus souvent, j’essaye de m’impliquer davantage, j’essaye d’être autant que possible dans l’instant présent… Peut-être que c’est un rappel pour que tout le monde essaye de faire la même chose, c’est tout.

« J’ai découvert que le succès est ce qu’on en fait, c’est une question de point de vue et de ce qui est important pour nous – c’est ça le succès. »

En tant que groupe, l’approche physique consistant à vous rassembler dans une salle de répétition pour travailler sur les chansons ne vous manque pas, plutôt que de faire ça par le biais d’appareils électroniques ?

Pour le processus de travail, j’ai toujours dit que je travaillais mieux isolé. Je peux travailler en collaboration par petites doses, mais quand c’est une situation comme la nôtre, où il y a un responsable consacré à la musique – c’est-à-dire moi –, j’ai tendance à travailler isolé. Quand on travaille ensemble dans une pièce, ça prend cinq à dix fois plus longtemps pour obtenir un résultat final que si je travaille isolé. C’est donc, pour moi, une manière pragmatique de travailler. J’ai l’impression de pouvoir travailler avec bien plus de clarté et ça va bien plus vite. Comme je l’ai dit, j’ai l’impression que les chansons s’écrivent toutes seules, et c’est le cas quand je suis seul avec elles. Quand tu as cinq personnes dans une pièce, quand tu as cinq antennes qui captent toutes différents signaux, la chanson ne s’écrit plus – tout d’un coup, il y a cinq gars qui bataillent pour écrire une chanson. Il y a de nombreux avantages à cette manière old school de composer, c’est-à-dire avec tout le monde dans la même pièce, mais ça marche mieux dans certaines circonstances, avec certaines alchimies… Ça a marché pour nous au tout début de notre carrière, mais plus le temps passait, plus je me rendais compte de ce que nous nous sommes tous rendu compte : ça devenait de plus en plus dur à faire. Les trucs qui étaient composés plus tard, c’est-à-dire une fois que nous nous sommes procuré un quatre-pistes – avant que nous ayons des ordinateurs et des e-mails, nous avions un enregistreur quatre-pistes sur cassette –, tout d’un coup les gens ont commencé à composer seuls chez eux et le résultat devenait bien meilleur. La leçon que j’en ai tirée était que la composition en isolement est plus efficace pour moi.

Nous avons fait les trois derniers albums de cette manière. Nous avons la possibilité de faire des démos durant le processus de composition, et les démos que je fais sont très élaborées : elles sonnent comme des albums finis. Elles ont de la batterie programmée qui sonne humaine, elles ont des leads de guitare, elles ont des overdubs, elles ont toutes les fioritures. Je le fais pour une raison : je veux voir de la manière la plus claire possible comment ça va rendre à la fin. Ça représente ce que je veux obtenir avec le résultat final. Quand nous commençons à enregistrer l’album, nous utilisons la démo comme un patron et ensuite nous commençons à rogner progressivement et remplacer les éléments par les prestations de chacun des membres, chaque élément humain, le batteur Gonzo, Phil et Jeff [Duncan] pour les guitares, et John rechante parfois certaines parties. Certaines parties de chant qu’on entend sur l’album sont des premières prises issues des sessions démo que nous avons faites, et nous les avons laissées là parce que le feeling était vraiment super, genre : « Ne fais pas le con avec ça, c’est super. On corrigera les autres parties mais celle-là est très bien comme elle est. » Donc certaines de ces parties sont des premières prises faites à dix heures du matin chez moi. C’est cette magie que nous essayons de capturer dans notre musique et nos albums. Notre manière de faire n’est pas très orthodoxe si on compare à la manière dont c’était fait dans le temps : tout le monde se retrouve en répétition cinq jours par semaine… C’est de l’histoire ancienne, nous ne faisons plus ça. Chacun a encore l’occasion de mettre sa personnalité dans l’album. La forme globale de la chanson a été prédéterminée, mais on peut y mettre la patte de chacun des membres et ça élève la chanson et l’emmène encore plus loin.

J’ai aussi l’occasion de me faire aux chansons plus longtemps et de voir leur évolution. La plupart du temps, je n’y touche pas ; quand elles sont terminées, elles sont terminées. Il y a deux ou trois chansons dont nous avons notamment parlé, comme par exemple « Bark, No Bite », qui sont passées par plusieurs révisions. Je dois écouter mes tripes, et mes tripes me disaient depuis le début : « Je ne sais pas concernant ‘Bark, No Bite’, qu’est-ce qu’on peut faire pour la rendre plus unique ? » Je l’ai écoutée plusieurs mois plus tard et j’étais là : « Tu sais quoi ? Et puis merde, je vais la réviser et je vais voir ce qui se passe. » Parfois ça marche, parfois ça ne marche pas, mais c’est l’avantage quand on peut vivre plus longtemps avec la chanson.

Cette année marque respectivement les vingt et dix ans des albums Revelation et La Raza, et il est intéressant de noter que ces deux albums ont chacun vu le groupe revenir d’un long hiatus. Quel est ton sentiment sur ces albums et ces moments particuliers dans l’histoire d’Armored Saint ?

Revelation était le premier album quand nous sommes revenus de hiatus. C’était une époque vraiment excitante pour nous, parce que ça faisait longtemps que nous étions séparés. John avait démarré une nouvelle vie ailleurs, ça faisait cinq ou six ans que j’étais dans Fates Warning à ce moment-là, donc j’avais moi aussi fait d’autres choses… Pendant tout ce temps, j’avais écrit de la musique pour moi. Quand John a eu un peu de temps mort avec Anthrax – il était encore dans Anthrax à l’époque –, il est venu me voir en tant qu’ami et a dit : « Eh, je m’ennuie ! Charlie [Benante] et Scott [Ian] font S.O.D., je n’ai rien à faire pendant deux ans ! Tu me manques. On devrait écrire de la musique. » J’ai dit : « Il se trouve justement que j’ai quelques riffs. Laisse-moi t’envoyer quelques trucs… » Il a adoré et est venu chez moi, nous avons fait des démos de quelques chansons. Je crois que les premières étaient « Tension » et « Control Issues », possiblement. Nous nous sommes regardés, genre : « Ouah, c’est génial, qu’est-ce qu’on fait ?! Continuons à composer. » Puis nous avons eu d’autres conversations. Le sujet d’Armored Saint n’avait pas encore été soulevé, c’était juste pour s’amuser à composer. A un moment donné, nous nous sommes dit : « D’accord, il va falloir faire quelque chose avec ça », et nous nous sommes mis d’accord pour essayer de faire un album d’Armored Saint.

« Je ne dirais jamais à quelqu’un : ‘Tu sais quoi ? Ce n’est qu’une illusion, oublie ça. Retourne à l’école, apprends à creuser des fossés, à retourner des hamburgers ou autre chose.’ La vie a besoin de rêves. »

Nous nous sommes également mis d’accord pour dire : « Ecoute, tu ne vas pas quitter Anthrax, je ne vais pas quitter Fates Warning. On va traiter ça – je n’ai pas de meilleur mot – comme un projet parallèle. On va remettre Armored Saint sur pied et faire un album. Si on peut obtenir des dates, très bien, cool, pas de problème. Mais on ne va pas mettre notre sang, notre sueur et nos larmes là-dedans, à essayer de retrouver une carrière que nous avions le sentiment d’avoir laissée derrière nous en 1992. On ne va pas essayer de vendre un million d’albums, de jouer dans des arènes et tout. On va faire ça parce qu’on adore composer et jouer de la musique ensemble. » Nous nous sommes retrouvés avec les autres gars du groupe, nous nous sommes mis d’accord avec eux aussi, nous avons rigolé ensemble parce que nous ne nous étions pas vus depuis huit ans ou quelque chose comme ça. Nous avons repris là où nous nous étions arrêtés en 92, à nous raconter de vieilles histoires, à rire, à plaisanter, à nous taquiner… C’était vraiment marrant, c’était un super moment pour faire ça. Je pense que c’était important parce que ça a préparé le terrain pour les vingt années qui ont suivi. Nous nous rappelons constamment les uns les autres : « Ne vous excitez pas trop ! On n’est là que pour la musique ! [Rires] Oubliez les hit-parades, oubliez le succès que vous pensiez avoir. Souvenez-vous, on fait ça parce qu’on adore la musique. On va garder une démarche authentique. » Ça a été notre credo depuis lors.

Au fil des années qui ont suivi, il est de notoriété publique qu’Anthrax a fait revenir Joey [Belladonna] dans le groupe et a fait une tournée de reformation avec lui, et ça a été fait de manière discutable, ça aurait pu être mieux géré aux yeux de John, je pense, mais après la tournée, Anthrax a essayé de se reformer avec John, mais John n’était pas vraiment intéressé. Il était en train de fonder une famille à l’époque et ça ne l’intéressait pas vraiment de partir en tournée pendant deux ans. Il ne voulait pas être loin de chez lui, car avec sa femme ils venaient d’avoir leur premier enfant et ils en attendaient un second, il était là : « Ça ne m’intéresse pas pour l’instant. » C’est là, en gros, qu’il a quitté Anthrax, vers 2006 ou 2007 peut-être. A ce moment-là, Armored Saint n’avait pas fait grand-chose, presque dix ans s’étaient écoulés depuis Revelation. J’avais composé quelques trucs. Je ne me souviens plus quelle a été la première chose pour La Raza… Mais c’était un autre de ces coups de fil que j’ai reçus de John : « Eh, je m’ennuie ! [Rires] Qu’est-ce que t’as en réserve ? » Je lui ai dit : « Il se trouve que j’ai deux ou trois trucs ! » C’était le même processus, je lui ai envoyé quelques trucs. Nous avions une page blanche à l’époque parce que nous n’avions aucune musique d’avance. Pour Revelation, nous avions quelques chansons que nous étions en train d’écrire en 1990 avec Phil et Jeff, et quelques-unes de ces chansons se sont retrouvées sur Revelation ; le reste a été écrit par John et moi. Mais pour La Raza, nous avions une page blanche, nous n’avions rien d’autre que la musique que j’étais en train d’écrire à ce moment-là.

C’est intéressant quand on repense à cette période parce que, pour la première fois, je repensais à notre carrière – au moment où nous étions en train de composer La Raza – et j’ai réalisé que nous étions sur cette île bien à nous, c’était notre propre île : nous n’entrons dans aucune case, nous ne sommes pas un groupe de thrash, nous ne sommes pas un groupe de power metal, nous ne sommes pas un groupe de hair metal, nous ne sommes pas un groupe de nu-metal, nous ne sommes pas un groupe de rap metal – Dieu merci ! Nous faisons notre propre truc. C’est tout ce que nous avons jamais voulu à l’origine. Y compris dans le temps, nous avons toujours eu des musiques avec de la diversité, ce dès March Of The Saint ; chaque album contenait une ou deux chansons qui apportaient de la diversité, des choses différentes : que ce soit un riff blues, une partie mélancolique ou autre. A côté du power metal rapide et thrashy auquel peut-être certaines personnes nous associaient, il y avait des choses qui essayaient d’être artistiques, disons. Etant gamins, nous étions toujours influencés par les groupes de ce type, comme Thin Lizzy qui sortait toujours des albums variés. UFO : très varié. Queen : très varié. Tous ces groupes ont eu un énorme impact sur nous quand nous étions en train de grandir dans les années 70. Nous avons toujours été inspirés par ces groupes. Depuis que Symbol Of Salvation est sorti, nous avons toujours essayé de nous donner des défis : « Que peut-on faire en tant que compositeurs ? Peut-on injecter du blues là-dedans ? Peut-on injecter du funk là-dedans ? Un truc groovy, un peu de R&B ? » Nous essayons toujours de faire ça et de nous donner des défis, mais je pense que souvent par le passé, surtout au début de notre carrière, nous nous sommes souciés de rentrer dans une case, de savoir quelle était notre place, et je pense que ça a vraiment gêné notre composition en particulier. Quand est venu le moment de faire La Raza, quand j’ai réalisé ça, j’ai dit : « Tu sais quoi ? Je vais embrasser cet état d’esprit à cent pour cent. On va faire notre propre truc. On ne doit rien à personne, on ne doit pas aux thrasheurs un morceau thrash, on ne doit pas aux fans de hair metal une ballade. On ne doit rien à personne ! Nous allons juste – pour revenir à cette phrase stupide – écrire de la super musique ! » [Rires] C’est ce que nous avons fait avec La Raza !

« Il faut vraiment aimer ce qu’on fait, par-dessus tout. Il faut vraiment aimer ça au point où ça nous torture, et quand ça nous torture, on doit quand même aimer ça, autrement on ne survit pas. »

Plus que pour tout autre album, avec La Raza j’étais probablement en train de puiser de nombreuses influences dans la musique avec laquelle j’ai grandi dans les années 70. Je pense qu’il y a beaucoup de riffs rock bluesy sur cet album, probablement plus que dans n’importe quel autre album. C’était sans doute une décision consciente et un choix que j’ai fait d’embrasser ces influences, pour voir ce que je pouvais faire avec et offrir à John une tribune. Je pense qu’au moment où La Raza est sorti, John en était à un stade dans sa vie personnelle… Au début des années 2000, il a commencé à apprendre à prendre soin de sa voix et de son corps, et ça a eu un gros impact sur sa voix. Je trouve qu’encore aujourd’hui, il ne cesse de s’améliorer, et sa voix sonne mieux que jamais ! Quand j’étais en train de composer pour La Raza, je me suis dit : « Je dois créer une tribune pour vraiment faire briller ce mec. J’ai envie de montrer ce dont il est vraiment capable. » John a toujours été un chanteur qui s’appuie sur le blues, depuis le premier jour. Il te dira que certains des artistes qui l’ont le plus influencé viennent du blues : Robert Plant, Bon Scott, des gens comme ça, et il adore le R&B. J’étais donc là : « Je vais écrire de la musique qui va vraiment mettre en valeur John Bush. » C’est ce que j’ai toujours fait, et c’est ce que je fais encore aujourd’hui. Dès que je compose de la musique, je pense : « Je dois m’assurer que c’est quelque chose sur lequel John peut facilement chanter. » John est la star, c’est un chanteur extraordinaire. J’ai de la chance qu’il soit mon partenaire et qu’il soit dans notre groupe. Je n’ai pas envie de foutre ça en l’air en composant de la musique hyper compliquée, ésotérique et dissonante ! [Rires] Il faut que je crée une tribune qui mette vraiment John en valeur. La Raza était aussi vraiment le point de départ de cette liberté dont je parlais plus tôt, c’est là que ça a commencé, vers 2008/2009.

La dernière fois qu’on s’est parlé, John nous a dit que vous vouliez « tous avoir le succès de Metallica, et puis [vous vous êtes] rendu compte que seul Metallica allait avoir ce succès ». Du coup, qu’est-ce que le jeune Joey Vera, qui avait tous ces rêves de succès, penserait de votre position aujourd’hui, presque quarante ans plus tard, avec Armored Saint ? Penses-tu qu’il serait déçu ? Penses-tu qu’il serait découragé si on lui avait dit que tous ses rêves n’étaient qu’illusion ?

Peut-être, si quelqu’un du futur revenait dans le passé et disait : « Ecoute mec, ce n’est réel, ça ne va pas arriver… Laisse tomber. » Mais tu réécris la définition d’un rêve [petits rires]. La définition d’un rêve c’est justement le fait d’essayer d’accomplir l’impossible. Même si tu me disais ça, j’ai toujours été quelqu’un de têtu, je ne m’écouterais pas ! [Rires] J’aurais dit : « C’est ça, cause toujours vieux chnoque ! Je vais quand même le faire. » Nous avons commencé jeunes, nous avions ce rêve de devenir Led Zeppelin, comme tout le monde. Tu ne sais pas comment y arriver, tu ne sais pas quoi faire, tu ne sais pas qu’il y a certains aspects du business dont il faut avoir conscience et qu’il faut connaître, mais tu en apprends tous les jours, tu vis et tu comprends les choses par toi-même. Certaines personnes n’apprennent jamais ces choses, mais elles se trouvent au bon endroit au bon moment, elles se font signer, elles trouvent un management, elles se retrouvent à jouer devant des millions de personnes et à vendre des millions d’albums, mais elles restent tout autant ignorantes qu’elles l’étaient avant. Après, si elles sont intelligentes, elles apprennent rapidement comment gérer et conserver ce succès. Si elles ne sont pas intelligentes, elles vivent trop dans l’instant présent et en perdent le contrôle. Certains perdent leur carrière à cause de ça, d’autres perdent leur vie à cause de ça. Rien n’est jamais acquis, c’est ça que je veux dire. J’ai découvert que le succès est ce qu’on en fait, c’est une question de point de vue et de ce qui est important pour nous – c’est ça le succès.

Je ne suis pas déçu ou désabusé par quoi que ce soit qui s’est passé dans ma vie. J’ai été – et je suis toujours – très content de tout ce que j’ai fait, y compris Armored Saint, tout ce que j’ai fait en dehors, mon travail pour Fates Warning, tous les super musiciens dont j’ai croisé la route, toutes les opportunités que j’ai eues grâce à mon implication dans Armored Saint, le fait d’avoir tourné avec Anthrax, le fait d’avoir joué avec des batteurs extraordinaires dans Fates Warning et avec tous les musiciens qui sont passés dans ce groupe… Tous les groupes avec qui j’ai joué, les différents styles de musique que j’ai pu jouer… J’ai énormément appris, ça a fait de moi un meilleur musicien, un meilleur compositeur, une meilleure personne, etc. Je n’échangerais ma carrière pour rien au monde. Le fait que je suis encore assis là à te parler à cinquante-sept ans et que ça fait quarante ans que je fais ça… Je veux dire que c’est vraiment tout ce que j’ai voulu ! D’accord, je ne joue pas en tête d’affiche de grands stades, mais j’ai été tête d’affiche dans des salles de centaines de places. Il y a des fans qui ont encore envie d’entendre de la musique de notre part. Il y a des milliers et des milliers de musiciens qui ne peuvent pas en dire autant. Je me sens chanceux et privilégié de pouvoir faire ça à mon âge, et pendant aussi longtemps. Ce n’est pas une vie facile, il y a toujours des hauts et des bas, rien n’est jamais acquis. Toutes ces choses que je te dis sont vraies et tu le sais ; je n’ai pas besoin de te le dire. Il n’y a donc pas grand-chose que je dirais à mon jeune moi, si ce n’est : « Accroche ta putain de ceinture ! » [Rires]

Certainement que sur un plan pratique, je reviendrais dans le temps et je dirais : « Ecoute, si tu veux poursuivre ton rêve, au moins fais ces choses : renseigne-toi sur l’industrie musicale, renseigne-toi sur l’argent, apprends à te manager toi-même… J’ai une longue liste de choses que tu devrais faire. Si tu en tiens compte, alors tu t’en sortiras déjà mieux que moi ! » Mais le jeune moi trierait ce qu’il a envie d’entendre et ignorerait le reste ! [Rires] C’est comme les gens qui me demandent : « Quel conseil donnerais-tu aux jeunes musiciens ? » Je ne leur dirais jamais de ne pas suivre leur rêve. Jamais je ne me permettrais. Je ne dirais jamais à quelqu’un : « Tu sais quoi ? Ce n’est qu’une illusion, oublie ça. Retourne à l’école, apprends à creuser des fossés, à retourner des hamburgers ou autre chose. » La vie a besoin de rêves. Il faut faire nos propres choix et suivre ce qui nous rend heureux. Il faut être heureux, donc jamais je ne dirais ça à quelqu’un. La seule chose que je dis aux gens et c’est quelque chose que j’ai très vite appris, peut-être inconsciemment, c’est qu’il faut vraiment aimer ce qu’on fait, par-dessus tout. Il faut vraiment aimer ça au point où ça nous torture, et quand ça nous torture, on doit quand même aimer ça, autrement on ne survit pas. Si on n’adore pas ce qu’on fait et si on veut suivre son rêve pour des raisons pécuniaires, ou pour une question d’ego, ou parce qu’on veut une vie confortable, il est possible qu’on n’atteigne pas cet objectif – c’est même très possible – parce qu’il n’y a que quelques élus qui comprennent et savent comment faire, et y arrivent. C’est en partie de la chance et en partie de l’intelligence, et rien n’est garanti. Tant que vous aimez ce que vous faites, si c’est ce que vous voulez faire et que vous êtes à l’aise avec le fait d’avoir cinquante-sept ans et de parfois jouer devant cinquante personnes – ce qui m’arrive –, si ça ne vous pose pas de problème, foncez. En revanche, si ça vous pose problème, vous devriez peut-être revoir vos rêves ! [Rires]

« Tant que vous aimez ce que vous faites, si c’est ce que vous voulez faire et que vous êtes à l’aise avec le fait d’avoir cinquante-sept ans et de parfois jouer devant cinquante personnes – ce qui m’arrive –, si ça ne vous pose pas de problème, foncez. En revanche, si ça vous pose problème, vous devriez peut-être revoir vos rêves ! [Rires] »

Vous êtes de ces groupes qui semblent se renforcer avec l’âge – ce qui n’est clairement pas une règle générale pour les groupes dont les meilleurs albums sont souvent très tôt dans leur carrière. Comment expliquer ça ?

Je ne sais vraiment pas, si ce n’est par rapport à ce dont on a déjà parlé. Nous avons aujourd’hui la liberté de nous exprimer comme nous voulons. Nous avons la chance d’avoir un label qui nous permet de faire ça à notre propre rythme, et nous avons aussi beaucoup de chance d’avoir des fans qui nous suivent et tolèrent que nous sortions un album tous les cinq ans – parfois dix ! Tout le monde semble apprécier de nous suivre. Tant que nous pouvons maintenir l’authenticité de la musique, qu’elle nous vient du cœur, chaque album représentera qui nous sommes à un instant T, au moment de sa sortie. Ceci est nous aujourd’hui. C’est authentique. Nous n’essayons pas de faire une resucée de quoi que ce soit de notre passé et nous n’essayons pas de faire croire aux gens que nous sommes toujours pertinents. Nous essayons juste d’être parfaitement honnêtes. On dirait que cet état d’esprit parle aux gens. Il faut probablement aussi mentionner que nous avons beaucoup tourné ; nous avons peut-être plus tourné, surtout en Europe, durant les dix dernières années que dans toute notre carrière. Je pense que ça joue un rôle important, le fait que les gens nous voient jouer en concert. Les gens ont toujours entendu dire que nous étions un super groupe live, mais ils ne le savent pas vraiment tant qu’ils ne nous ont pas vus. Cela participe à la popularité ou au soutien dont nous bénéficions. Nous sortons non seulement de la musique que les gens veulent écouter, mais nous la jouons aussi en live, et les gens apprécient ça. Pour ce qui est des albums que nous faisons et pourquoi ils sont perçus comme étant nos meilleurs, j’en suis très reconnaissant, mais nous n’avons pas de recette miracle pour ça ; nous ne savons pas comment faire ! [Rires] La seule chose que nous savons faire, c’est être honnêtes et écrire de la musique qui vient sincèrement du cœur. Donc je pense que ça s’entend quand on écoute les albums.

Non seulement tu reviens avec un nouvel album d’Armored Saint, mais quelques jours plus tard, tu sors aussi un nouvel album avec Fates Warning. Ça n’a pas été difficile de t’impliquer dans la réalisation de deux albums à la même période ?

J’ai eu la chance qu’ils ne se chevauchent pas totalement. Toute mon énergie était sur Armored Saint à partir de décembre, et l’album est parti au mixage en mars, juste après le confinement à Los Angeles. Dès que j’ai apporté les disques durs à Jay Ruston, je suis revenu chez moi et deux jours plus tard, Jim Matheos m’envoyait par e-mail les premiers morceaux du nouvel album de Fates Warning. J’étais là : « D’accord, au suivant ! » Nous travaillons à distance parce que nous vivons tous dans différentes parties du monde. J’ai dit à Jim : « Je suis occupé avec Armored Saint. Fais passer tout le monde en premier et envoie-moi les sessions de basse en dernier. » Ça a bien fonctionné comme ça, heureusement. Dès que je suis rentré chez moi après avoir apporté les fichiers pour le mix, j’ai commencé à travailler sur Fates Warning ! J’ai la possibilité de travailler à mon rythme chez moi. J’ai un studio chez moi et j’ai le luxe de pouvoir m’enregistrer moi-même. Je ne suis pas obligé d’apprendre douze chansons de Fates Warning et ensuite de jouer l’intégralité des douze chansons d’affilée. J’ai le luxe de pouvoir prendre une chanson à la fois et je peux apprendre juste quelques parties de la chanson à la fois. Je peux apprendre la moitié de la chanson et enregistrer cette moitié, et ensuite appendre l’autre moitié de la chanson et l’enregistrer. Je peux aller à mon rythme. Je peux travailler en pyjama. Je n’ai pas un gros stress. J’étais occupé à alterner entre la validation des mix pour Armored Saint et l’enregistrement de mes parties de basse pour Fates, mais au moins, j’avais la chance d’avoir quelque chose à faire durant le confinement. J’ai travaillé jusqu’à la mi-mai, je crois, c’est là que j’ai terminé la dernière chanson de Fates Warning. Ce n’était pas très difficile, j’avais un emploi du temps chargé, mais encore une fois, j’avais la chance d’être occupé. C’est mieux que de rester assis à ne rien faire !

Tu as un joli solo de basse jazzy sur la chanson « The Longuest Shadow Of The Day »…

Oui, ça aussi c’était inattendu. C’était il y a environ un an, je n’avais jamais entendu la chanson… Jim m’a envoyé un morceau de trois minutes en disant : « Je ne sais pas encore quoi faire avec ça. Je me dis qu’on pourrait peut-être faire un échange de solo, genre je ferais un petit solo de guitare jazzy et toi un petit solo de basse. Qu’est-ce que tu en penses ? » « Je ne sais pas. Oui, si tu veux. » « Vois ce que tu peux faire. » Je n’avais aucune idée de ce qu’il recherchait… Je lui demandé : « Qu’est-ce que tu veux dire ?! Quel genre de solo ? » Il a dit : « Juste joue un truc. » Je n’ai donc eu strictement aucune instruction de sa part [rires]. J’ai donc fait ce truc, c’était un court morceau et j’ai joué dessus. J’ai tout improvisé, je n’ai rien écrit. J’ai juste balancé quelques parties et je lui ai renvoyé le résultat. Il a dit : « D’accord, c’est super ! Merci ! » Ensuite, je n’ai plus entendu parler de lui ! Rien, il ne m’a rien dit ! Arrive le mois d’avril et je reçois la chanson complète, et je suis là : « Bordel de merde ! C’est une chanson de dix-sept minutes ! » ou peu importe de quelle longueur elle est – elle ne fait pas dix-sept minutes mais genre une dizaine de minutes, c’est une longue chanson. Je n’avais aucune idée pourquoi c’était, je ne savais même pas s’il avait conservé ce que j’avais enregistré… Je ne savais rien. Il m’a tout renvoyé en disant : « On va utiliser ton truc à la basse ! » Je lui réponds : « Ouais, mais j’ai enregistré ça comme ça, sans réfléchir, je n’ai même pas essayé de m’appliquer ! » Il me dit : « Non, j’aime bien ! » Je lui dis : « Bon, c’est cool, mais je pense que je peux mieux le jouer. Laisse-moi essayer. » J’ai donc rejoué la partie. J’ai essayé de l’apprendre note à note, mais ça s’est avéré assez difficile parce que c’était totalement improvisé. Mais j’ai trouvé que je m’en étais pas mal rapproché et j’étais davantage content du résultat, parce que je trouvais que le phrasé était plus complet. Je trouvais que dans l’original que je lui avais envoyé il y avait quelques passages qui donnaient l’impression que je n’étais pas très sûr de moi. Pour faire court, je l’ai rejoué. Mais c’était très amusant ! Je n’avais jamais fait quelque chose comme ça avant. J’étais assez surpris en fait qu’il ait conservé toute la section. Je ne pensais pas qu’il le ferait.

Interview réalisée par téléphone le 24 septembre 2020 par Nicolas Gricourt.
Retranscription : Foucauld Escaillet.
Traduction : Nicolas Gricourt.
Photos : Stephanie Cabral (1, 3, 7, 9) & Travis Shinn (2, 4, 6, 8, 10).

Site officiel de Fates Warning : www.armoredsaint.com

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