Tous ceux qui connaissent Armored Saint s’accordent à dire que ce groupe n’a jamais eu le succès ou la reconnaissance qu’il mérite. Et pourtant que ce soit le bassiste Joey Vera ou le chanteur John Bush, tous les deux leaders et compositeurs principaux du combo, aujourd’hui ne s’en soucient gèrent. Au contraire, ils savourent la chance qui est la leur, plus de trente ans après leurs débuts, d’avoir des fans, de pouvoir encore sortir des albums et de le faire avec une liberté totale de création. Et à l’écoute du nouvel album du combo, Win Hands Down, on ne peut qu’acquiescer et applaudir la réussite complète qu’il représente. C’est donc, comme le nom de l’opus le suggère, victorieux qu’ils reviennent, cinq ans après un La Raza lui aussi applaudi par la critique.
Nous avons rencontré les deux musiciens pour en parler de long en large. Et comme les sorties d’Armored Saint se font plutôt rares, nous avons voulu marquer le coup avec l’entretien fleuve qui suit où, en plus de l’album, on revient sur l’état d’esprit du groupe quant à sa carrière et à ses méthodes de travail mais aussi sur Anthrax, chez qui John Bush a officié treize ans durant, Fates Warning, l’autre groupe principal de Joey Vera qui, de son propre aveu, lui a permis de passer un cap dans les années 90 en tant que musicien et compositeur, ainsi que Motor Sister, le nouveau groupe de Scott Ian (Anthrax) dans lequel le bassiste officie également.
« A la base de tout, la seule chose qui importe vraiment pour moi c’est : ‘Est-ce une bonne chanson ?' »
Radio Metal : Pas moins de cinq ans séparent votre nouvel album Win Hands Down de votre précédent La Raza. Avec John libéré d’Anthrax, on aurait pu croire qu’Armored Saint allait accélérer ses sorties. Comment donc expliquer cette longue attente ?
John Bush (chant) : [Rires] J’imagine que c’est simplement notre manière de travailler qui est un peu plus lente, peut-être un peu plus méticuleuse. Nous devons aussi incorporer ça à toutes les choses qui se passent dans nos vies. Parfois j’allais chez Joey [Vera] après avoir conduit mes enfants à l’école et nous travaillions sur quelque chose à partir de, je dirais, neuf heures ou neuf heures trente du matin, et ensuite je devais aller à mon travail, donc il fallait caser une heure de travail et essayer d’accomplir autant de choses que possible dans cette fenêtre de temps parce que c’était le seul temps que j’avais. Parce qu’il se trouve que j’ai un autre moyen de gagner ma vie et c’est comme ça, donc il fallait que je me dépêche pour faire les choses et ensuite aller au travail. Nous ne restons pas assis là à nous la couler douce sur la Côte d’Azur pendant quinze ans, nous avons d’autres choses qui se passent dans nos vies. Le temps, c’est le temps et on n’en a pas beaucoup pour la musique. Mais nous étions productifs. Ça semble effectivement faire longtemps mais nous avons trouvé que nous avons accompli beaucoup de choses ces quelques dernières années [petits rires].
Joey Vera (basse) : Plusieurs raisons. Déjà, de façon générale, nous ne nous imposons pas de date butoir dans notre travail. Nous avons beaucoup de chance d’avoir une maison de disques, Metal Blade Records, qui nous permet grosso-modo d’agencer notre emploi du temps comme on peut en fonction de ce qu’on a d’autre dans notre vie quotidienne. Lorsque nous nous sommes regroupés en 2000 pour faire Revelation, en l’occurrence, nous avons dit que nous n’allions pas refaire comme c’était avant où nous travaillions dans le cadre normal d’un emploi du temps de groupe et d’un cycle où tu sors un album, ensuite tu pars en tournée pendant deux ans et ensuite tu reviens en studio et fais un autre album aussi vite que possible, et tu sors l’album à nouveau et repars en tournée… Nous n’avons pas besoin de raviver notre carrière de cette manière. Nous avons déjà traversé tout ça pendant les années 80 et au début des années 90. Nous avons passé onze ou douze ans dans le groupe à faire ce cycle habituel. Ça peut paraître confus pour certaines personnes mais nous avons décidé que nous allions en quelque sorte faire Armored Saint selon nos propres termes. Et c’est pourquoi ça prend un peu plus de temps. Lorsque La Raza est sorti, nous avons passé à peu près un an, peut-être un an et demi, à ne pas vraiment tourner, parce que nous ne faisions pas vraiment de grosses tournées, mais à faire quelques dates pour l’album, nous avons fait quelques courtes tournées aux US et en Europe, et ensuite quelques dates par-ci par-là sur la côté Est aux US et des choses comme ça. Et je dirais que ce n’était pas avant il y a environ un an et demi – donc on parle de 2013, soit trois ans après la sortie de l’album – que nous avons commencé à écrire. John et moi avons en gros décidé de commencer à composer. Pourquoi ça prend un an et demi à écrire et faire un album ? [Petits rires] Pour les mêmes raisons, vraiment. Je veux dire qu’on travaille en fonction de notre emploi du temps, nous avons tous des familles et des enfants, certains ont un boulot quotidien normal et ce genre de choses. Sans parler du fait que je suis toujours impliqué dans Fates Warning ; j’ai été encore occupé sur cette période avec ce groupe, nous avons sorti un nouvel album et j’ai fait des tournées avec eux. Je suis donc aussi assez occupé avec d’autres choses. Donc nous travaillons selon notre emploi du temps, lorsqu’il se libère. Nous essayons de ne pas trop nous mettre la pression pour faire ça et nous travaillons à notre rythme. Ca explique les cinq ans d’absence [petits rires].
Est-ce que ça veut dire que vous avez une approche instinctive de votre groupe, dans le sens où vous faites un album lorsque vous en ressentez l’envie artistique et pas parce que vous en seriez obligés ?
Ouais, l’écriture ne démarre pas tant que nous ne ressentons pas l’inspiration venir de quelque part. Comme je l’ai dit, ce n’est pas une question de planification. Ça vient simplement lorsque nous en ressentons le besoin et lorsque nous avons quelque chose d’autre à dire. C’est une façon de travailler plutôt organique et j’espère que ça restera ainsi. Je détesterais avoir l’impression d’avoir une obligation [petits rires].
John, tu as déclaré que « lorsque [vous] av[ez] commencé à travailler sur cet album, [vous] av[ez] dit ‘faisons comme si nous étions un très gros groupe et que nous pouvons faire ce que nous voulons.’ » Mais justement, n’est-ce pas précisément parce que vous n’êtes pas un très gros groupe que vous pouvez faire ce que vous voulez, étant donné les importantes contraintes que les plus gros groupes ont généralement vis-à-vis de leur maison de disques et tout le staff qui les entourent ?
John : Ouais, sans doute. C’était plus un état d’esprit d’un point de vue artistique, juste s’assurer que nous avions le sentiment de pouvoir faire tout ce que nous voulions à notre niveau, c’est sûrement plus à ça dont je faisais référence. Nous avons la chance d’avoir le soutien de Metal Blade Records, Brian Slagel et son équipe. Il nous a donné beaucoup de liberté pour faire notre propre truc. Mais ouais, je pense que notre but était de faire du mieux que nous pouvions et faire de la musique aux mieux de nos capacités, et aborder ça comme si nous étions un gros groupe et que nous pouvions faire ce que nous voulions. Je pense que c’était un peu l’état d’esprit, et je pense que c’est ce que nous avons fait, nous avons réussi ça. Nous ne sommes pas le groupe le plus populaire au monde mais nous pensons pouvoir prétendre faire certaines choses que tu fais lorsque tu joues [dans de plus grand groupes], en incorporant tous ces instruments, etc. Peut-être qu’en ayant un plus gros budget tu peux faire bien plus de choses que ce que tu peux faire lorsque tu es un plus petit groupe. Tu ne peux pas amener un orchestre en studio ou quelque chose comme ça, mais le monde de la technologie te permet un peu de faire ces choses. Et je pense que c’était ça tout l’esprit, de simplement dire : « Ecoute, on veut avoir un orgue ? Est-ce qu’on a un organiste ? Non, tant pis, mais Joey peut s’en charger ! » Je pense que ça a ouvert la palette d’Armored Saint.
La musique sur Win Hands Down est très dense, avec des compositions complexes et des structures inhabituelles, incluant certaines sections surprenantes (un passage jazzy sur « Win Hands Down », de la sitar sur « Mess », etc.). Il y a des riffs de guitare de partout et Gonzo Sandoval sonne plus énergique que jamais derrière sa batterie. Est-ce que vous avez cherché à vous stimuler musicalement mais aussi à stimuler l’auditeur ? Est-ce important de ne pas tomber dans une routine de composition ?
Ouais, bien sûr. Je pense que c’est exactement ça. Je ne veux pas expédier le travail, pour ainsi dire. Je crois que pour nous, le fait de faire un album du genre : « Tu sais, c’est ce que les gens attendent d’un groupe comme Armored Saint, alors donnons-leur ce qu’ils attendent et restons en terrain sûr ou selon les règles d’Armored Saint… » Je ne veux pas faire ça ! Ce n’est pas épanouissant de faire ça ! Je veux faire quelque chose qui pousse un peu plus mes propres capacités, en tant que parolier et chanteur. Je veux essayer de faire des choses qu’on n’a jamais faites, de toujours évoluer ! Ecoute, je suis certain que la plupart des groupes disent ça. Je crois que personne se met à faire un album en disant : « Faisons encore et encore la même chose ! C’est ce que veulent nos fans. Voilà les mêmes riffs, ça marchera… » Je veux dire qu’il y a certains groupes qui ont une formule et ils suivent ces règles, ils font leur truc et c’est efficace. AC/DC en est un parfait exemple. Je ne vais certainement jamais dire quoi que ce soit de négatif à leur sujet, jamais. Mais tu sais, ils ont leur style, ils ont leur formule et ils jouent en fonction. Pour ma part, ce n’est pas ce que je veux faire. J’ai besoin d’avoir l’impression que nous pouvons faire tout ce que nous voulons et je crois que c’était un bon état d’esprit à avoir. Simplement, ça embellit la créativité. En faisant ça, tu prends parfois un risque parce qu’il se peut que les fans soient là : « Mais qu’est-ce qu’ils font ? Je ne sais pas si j’aime ça ! » La blague que je dis toujours c’est : ce n’est pas comme si nous faisions l’album trip-hop/bluegrass d’Armored Saint ! C’est un album de hard rock/heavy metal ! Nous essayons de faire des choses différentes selon ces paramètres. Peut-être voulons-nous faire une chanson de huit minutes, alors nous la ferons ! Nous voulons incorporer du piano, nous le ferons ! Nous voulions une voix féminine, en l’occurrence Pearl [Aday], sur une chanson, nous l’avons fait ! Je ne veux pas avoir trop de restrictions sur ce que nous faisons.
« Je trouve que nous avons l’un des meilleurs chanteurs du genre [petits rires]. Donc il faut que je lui fasse une belle mise en lumière [rires]. »
Joey : Ouais. Je ne sais pas si c’était intentionnel de stimuler l’auditeur – je ne crois que ce soit une intention – mais c’était une intention de nous pousser nous-mêmes, ça c’est sûr ! C’était un effort très conscient de ma part d’essayer de stimuler notre groupe en tant que compositeurs et par rapport à ce dont nous sommes capables de faire, et aussi essayer de capitaliser sur certaines choses que je pense nous faisons bien mais aussi pousser ça plus loin. Etant le compositeur principal et une sorte de directeur artistique, je poussais aussi les autres gars, Gonzo, en l’occurrence, et les deux guitaristes, simplement pour qu’ils aillent aussi loin que possible. Ça, c’était certainement l’intention. Lorsque j’ai commencé à composer cet album, je me suis dit et j’ai dit à John : « Je veux vraiment en faire un truc énorme et épique ! » [Petits rires] Je veux dire que je ne vais pas essayer de faire quelque chose qui ne nous permettra pas de nous en tirer en toute impunité [petits rires] ou que nous ne serions incapables de faire. Mais dans les limites de ce que je pense nous sommes capables, j’ai voulu le rendre aussi gros et stimulant que possible. Ce qui inclut également, d’un point de vue production, d’essayer de rendre ça inhabituel et intéressant. Je ne veux pas avoir peur de tenter ma chance et d’ajouter différents instruments, et construire ces genres de paysages sonores. J’écoute plein de musiques différentes et j’ai parfois envie d’incorporer certaines de ces choses que j’aime écouter. C’est pourquoi il y a quelques trucs ou instruments qui sonnent différent, comme des influences venant de la world music ou du jazz ou des influences funky, peu importe. Je ne veux pas avoir peur d’incorporer quoi que ce soit de toutes ces choses dans ma musique.
Malgré ce côté technique, les chansons conservent un aspect fun et accrocheur. Est-ce important d’obtenir ce genre d’équilibre, et s’assurer que la musique ait toujours une accroche ?
John : Tu sais, c’est marrant. Si on revient aux premiers jours d’Armored Saint, le gars qui nous a signés sur Chrysalis Records s’appelle Ron Fair, c’est un musicien vraiment talentueux, il travaille pour Christina Aguilera aujourd’hui et ce genre de personnes. C’était un pianiste qui avait beaucoup de talent, il jouait toujours « March Of The Saint » au piano et c’était du pur génie ! Il le jouait et ça sonnait de manière incroyable ! Mais il nous disait tout le temps, même à l’époque, de toujours nous pousser en tant que compositeurs et de toujours avoir de bonnes accroches. Tu sais, je pense que ça vient juste naturellement maintenant, après toutes ces années. Tu veux écrire un riff qui sonne d’enfer et dont les gens vont se souvenir. Tu veux chanter une mélodie de chant qui rentre dans la tête des gens et qui y reste. Ca fait partie du boulot de compositeur et, ouais, c’est sûr que tu veux continuer à faire ça.
Joey : Ouais, je pense que c’est important. Aux fondements de tout ça, à la base de tout, la seule chose qui importe vraiment pour moi c’est : « Est-ce une bonne chanson ? » Donc mon but premier, c’est juste d’écrire de la bonne musique et en faire un bon véhicule pour la voix de John Bush, parce qu’il a une super voix ! C’est un très bon chanteur et il a de super mélodies. Il faut donc que je j’en fasse une bonne plateforme sur laquelle chanter. Tout le reste vient après, comme le fait de vouloir sonner épique et imposant. Tous les arrangements et les sons spéciaux, c’est un peu comme la cerise sur le gâteau. A la base de tout, la composition est ce qui importe le plus. J’ai toujours pensé que c’était important. Je veux entendre une super chanson et un super chant. Je trouve que nous avons l’un des meilleurs chanteurs du genre [petits rires]. Donc il faut que je lui fasse une belle mise en lumière [rires].
John, tu as mentionné le duo que tu fais avec Pearl Aday, l’épouse de Scott Ian, sur la chanson « With A Head Full Of Steam ». Comment était-ce ? En fait, ça sonne presque comme une bagarre entre vous deux, c’est très rock n’ roll !
John : C’est marrant ! J’aimais l’idée de faire une chanson avec une chanteuse, c’est juste quelque chose que nous n’avons jamais fait et je trouvais que ce serait cool. J’aime l’idée de chanter avec d’autres gens. Joey a aussi fait quelques parties de chant et il chante super bien ! Le fait d’incorporer ces différents types de voix, je trouve que ça embellit l’ensemble. Mais je voulais un chant de femme sur une chanson, j’avais plusieurs noms en tête mais Pearl était la personne parfaite pour ça et elle a chanté incroyablement bien ! Il y a des moments où elle fait ressortir un grain bluesy de sa voix et ensuite envoie super bien du rock, et elle bottait des culs ! C’est marrant que tu dises que ça sonne comme une petite bagarre, c’est bon ! C’est une bonne chose. Je n’ai encore entendu personne dire ça et c’est classe !
Pour la première fois vous avez une chanson basée sur du piano, il s’agit de « Dive » et elle sonne très émotionnelle, avec un chœur et un orchestre sur la fin. Pouvez-vous nous en dire plus sur cette chanson qui semble être un peu spéciale ?
Joey : Lorsque nous avons fait La Raza, John et moi parlions d’écrire une chanson qui serait basée sur du piano mais ça n’a jamais été concrétisé sur cet album et nous avons remis ça sur le tapis cette fois-ci. J’ai toujours voulu faire ça et John aussi. Encore une fois, c’est quelque chose qui peut mettre en avant une autre facette des capacités vocales de John. On n’a pas beaucoup d’occasions, surtout dans Armored Saint, d’écrire une musique qui soit un peu plus tempérée, un peu douce. Nous avons bien écrit quelques ballades par le passé, « Another Day, en l’occurrence, sur Symbol Of Salvation, mais nous ne voulions pas écrire une « ballade », tu sais, [petits rires] nous ne voulions pas que ce soit juste une « ballade » avec un piano, ensuite la batterie entre et une grande fin avec de grosses guitares et tout… J’ai donc abordé ça différemment et nous avons essayé quelques trucs… Ce qui a fini par se passer, c’était que j’avais ce morceau de musique qui était en fait écrit sur une guitare et qui était super morose, et je me suis dit que peut-être je pouvais transposer ça au piano. Je l’ai donc fait et c’est grosso-modo devenu les couplets de la chanson. A partir de là, j’ai écrit le reste de la chanson au piano. Une fois arrivé là, j’ai décidé que je voulais garder ce côté sombre et troublant. Sûrement que je faisais ressortir mes influences de Pink Floyd. J’adore Pink Floyd et donc je voulais en faire plus une chanson dans la veine de ce groupe qu’un genre de « ballade années 80 », tu vois [petits rires]. A partir de là, nous l’avons fait décoller et je voulais qu’elle soit très éparse. J’ai demandé à un ami à moi, Eric Ragno, qui est un excellent claviériste ici à Los Angeles, de m’aider. J’ai des compétences très limitées au piano, donc je lui ai demandé de jouer les parties de l’album et il a aussi écrit les arrangements pour nous. En résumé, c’est comme ça que la chanson est née. Et John est arrivé avec des paroles et un refrain très sombres, et j’ai trouvé que ça collait à merveille. Je trouve que ça change mais ça fonctionne aussi très bien avec le reste de l’album.
Est-ce que tu réfléchis toujours beaucoup comme ça à tes chansons ?
Je pense que ça dépend de la chanson mais pour la plupart elles s’écrivent toutes seules, vraiment. Dès que j’écris une partie, la partie suivante vient naturellement et tout se met en place. Généralement, j’écris les chansons assez rapidement. Elles se font littéralement en une heure ou deux. Lorsque je suis lancé sur quelque chose, ça se fait en général très vite. L’arrangement de la chanson est parfois peut-être quelque chose qui me vient après coup. Encore une fois, lorsque j’ai commencé à composer, je voulais vraiment me défier par rapport aux arrangements. Donc j’ai pris un peu de temps et je jouais avec les arrangements, faisais des essais pour laisser la musique décider par elle-même et se dérouler. Mon but était d’avoir plus de sections musicales dans cet album plutôt que d’avoir un couplet chanté puis un pré-refrain chanté puis un refrain chanté puis un solo de guitare puis de retour au couplet… Mon intention était d’expérimenter davantage avec les ponts. Il y a beaucoup de chansons qui possèdent des sections avec des ponts sur l’album. Et aussi il y a des sections qui sont purement musicales où je voulais mettre en avant, tu sais, pas seulement la performance du groupe mais aussi quelques interludes musicaux ou peu importe. Donc, oui, j’ai effectivement beaucoup réfléchi à la manière dont j’écris la musique, c’est certain.
« Je ne suis pas toujours la ligne de conduite que j’évoque dans mes textes […]. Je suis clairement un être humain, avec des défauts, ce qui n’est pas un souci, tu sais, ça me permet de garder les pieds sur terre. »
Vous deux êtes les compositeurs principaux du groupe. John, tu te charges des paroles, et Joey, de la musique. Pouvez-vous m’en dire plus sur votre collaboration et votre relation de travail ?
John : C’est une super relation ! Joey et moi avons une très longue amitié, nous sommes les meilleurs amis depuis des années et des années. Ce qui ne veut pas dire que nous partageons toujours le même point de vue, nous avons nos propres petits conflits. Joey est un malade du contrôle, ce qui est une bonne chose pour Armored Saint. Il voit les choses à sa façon. Je peux de temps en temps être antagoniste et nous ne nous accordons pas toujours sur tout, mais ce qui est étrange, c’est que lorsque nous travaillons sur de la musique, nous réglons toujours nos désaccords, ce qui est super, nous avons de la chance ! Je sais qu’il y a des gens qui disent : « Oh, les conflits dans les groupes sont bons pour les groupes ! » Non ce n’est pas bon ! Je ne suis pas d’accord avec ça ! Je n’ai pas besoin de conflits dans un groupe pour faire de super chansons. Ce n’est pas ce que je recherche. Il est clair que tu échanges des idées et points de vue mais je ne crois pas que nous avons besoin d’être à couteaux tirés pour faire des chansons. Je ne trouve pas que ce soit un bon environnement et heureusement nous n’avons pas ça. Joey fait des démos qui sonnent vraiment super bien, c’est ce qu’il a fait sur les quelques derniers albums et c’est toujours amusant de travailler là-dessus. J’ai écrit beaucoup de paroles pour les quelques derniers albums dans ma voiture ! Genre je joue un CD dans ma voiture et je conduis d’un point A à un point B, et je trouve une idée, je me gare, je ne vais pas continuer de conduire pour écrire des choses… Une bonne partie des idées que j’ai trouvées pour les paroles ou les lignes de chant, je les ai trouvées dans ma voiture ! C’est une manière productive de travailler. Nous avons une très bonne camaraderie entre nous deux.
Joey : Il y a une méthode sur la façon dont ça fonctionne. La méthode est généralement que, comme je l’ai dit, je vais écrire la musique assez rapidement. En un jour j’aurais déjà écrit et enregistré une version démo d’une chanson, et ce que je fais, c’est que je crée ces démos très élaborées, complètes, avec des parties de batterie qui sonnent très humaines avec des roulements et de petites subtilités qu’un vrai batteur jouerait, je joue les parties de guitare, tous les overdubs… Arrive le moment où je donne la chanson à John, j’ai passé beaucoup de temps sur ces démos, avec parfois jusqu’à trente-deux pistes voire plus. Donc lorsqu’il reçoit ces démos, elles sonnent comme un album totalement produit ! [Rires] Donc, à ce stade, il les reçoit et grosso-modo se les approprie pendant un petit moment. Et ensuite, il écrit dans sa voiture ! Il conduit sa voiture, amenant ses enfants à l’école, etc. [petits rires]. C’est ainsi, en conduisant, qu’il écrit ses paroles, pense aux mélodies, en fredonnant sur la musique et ensuite il met ça sur un bout de papier. Lorsqu’il revient à la maison, en général il écrit toutes les paroles. A ce stade il n’a encore rien chanté, il a juste écrit toutes les parties, il a les mélodies dans sa tête et peut-être qu’il chante quelques trucs à tue-tête dans sa voiture sur l’autoroute, mais ensuite il vient chez moi, sans avoir chanté une chanson avant, j’installe un micro et ensuite je lui joue les chansons et il chante par-dessus la démo. Il chante la plupart des choses pour la première fois.
Je vais te confier un petit secret : je dirais que quatre-vingt pour cent de ce que tu entends sur l’album, c’est John qui chante par-dessus la version démo, chez moi à dix heures trente du matin ! Souvent il vient, chante ces trucs pour la première fois, nous travaillons pour nous assurer que les mélodies collent à la musique, le timing, la tonalité et tous ces trucs mais une fois que nous arrivons à quelque chose, nous passons à peu près trois heures maximum à chanter une chanson du début à la fin. Donc une fois qu’il est lancé et qu’il est dedans, nous sommes en fait en train d’enregistrer les vraies prises ! Nous ne le savons pas sur le moment parce que c’est une nouvelle chanson, nous ne savons pas où ça terminera, nous ne gravons rien dans le marbre avant parfois six mois plus tard… Nous revenons souvent en arrière et disons : « Est-ce qu’on devrait rechanter ça ? » Mais souvent, la performance que nous avions le tout le premier jour, le feeling dans le son de sa voix et la façon dont il a chanté et dont il l’a exprimé, c’est impossible de faire mieux ! [Rires] Nous avons essayé de refaire mais le feeling était complètement différent et pas aussi bon. La plupart du temps nous avons fini par garder les pistes de chant. Donc ce que tu entends sur l’album provient de la première fois que nous avons enregistré ces pistes de chant ! Ce qui est assez incroyable si tu y réfléchis ! C’est ainsi que nous travaillons.
John et moi avons une super relation. Lui étant le chanteur… Les chanteurs sont très vulnérables et il faut qu’ils soient en bonne forme mentale pour ouvrir leur expression et être émouvants, tu sais. Je le connais depuis que nous avons dix ans et parfois ça peut être un peu… Je l’oublie. Je le connais si bien qu’il faut que je fasse attention de ne pas le blesser [petits rires] ou le pousser trop loin. Mais je crois que nous faisons ça depuis assez longtemps et nous nous connaissons assez pour que je puisse le pousser assez loin sans trop le froisser et il sait ne pas me prendre trop au sérieux. Si je suis un peu sec ou si j’ai un avis arrêté ou si je suis obstiné, il sait que ce n’est pas personnel. Nous en sommes arrivés à ce stade où nous passons d’excellents moments à travailler ensemble ! Littéralement, à chaque fois que nous nous quittons, nous nous embrassons et c’est genre : « Mec, c’était incroyable ! On s’est tellement éclaté ! » C’est une super manière de travailler ! Encore une fois, tout se résume au fait de ne rien planifier et ne pas avoir de date butoir, nous nous retrouvons juste lorsque nous nous sentons super inspirés par rapport à ce que nous faisons. Parfois nous travaillons et nous composons cinq à six chansons sur une période de deux mois, et ensuite nous nous retrouvons avec quatre mois où nous ne faisons rien ! C’est juste comme ça. C’est peut-être inhabituel mais au bout du compte, nous passons de très bons moments à travailler tous les deux.
Comment vous êtes-vous retrouvés à devenir les compositeurs principaux à partir de l’album Revelation en 2000 ? Il semblait y avoir bien plus de contributions des autres avant le split en 1991…
Ouais. Je pense que c’est juste quelque chose qui s’est fait naturellement. Je pense que ça a vraiment commencé à se mettre en place à l’époque de l’album Symbol Of Salvation lorsque la dichotomie au sein du groupe a changé avec le décès de Dave Prichard [d’une leucémie]. Tout d’abord, le truc avec Armored Saint, c’est que nous n’avions jamais eu de leader dans le groupe. Et je dois dire, avec le recul, que c’était un peu frustrant. Ce qui était drôle par rapport à notre groupe, c’était que nous voulions tous être le leader sans être le leader, si ça a un quelconque sens pour toi. Personne ne voulait avoir de responsabilité mais tout le monde voulait être responsable. Pendant notre carrière dans les années 80, ceci a créé beaucoup de confusion et d’inertie, trop souvent nous n’arrivions pas à prendre de décisions, parfois nous prenions les mauvaises décisions, parfois nous ne prenions aucune décision, et je pense que, sur le long terme, ça fait vraiment du mal au groupe. Je pense vraiment que c’est mieux pour les groupes d’avoir une ou deux personnes qui ont une vision claire sur la direction à prendre et qui permettent à tout le monde d’avoir un objectif en vue et aussi de vivre heureux au sein de ce cadre. C’est quelque chose de très difficile à faire. Mais lorsque Dave Prichard nous a quittés… Je dirais que, si l’un d’entre nous avait une quelconque sorte de leadership par rapport à la musique en elle-même, la composition, je pense que ça venait principalement de Dave. Même si j’étais, je dirais, à quarante pour cent un compositeur, Dave l’était à soixante pour cent pendant les premières années de notre carrière, parce que Dave était simplement un meilleur guitariste que je ne l’étais. Il pouvait écrire des choses plus élaborées à l’époque. Mais une fois qu’il est parti et que nous avons fait Revelation, j’étais la personne qui a pour ainsi dire pris cette place et a commencé à prendre des décisions musicales, surtout pendant l’enregistrement de Symbol. J’ai donc travaillé main dans la main avec le producteur Dave Jerden et je me suis retrouvé à co-produire l’album.
Pendant ces années entre le split d’Armored Saint et Revelation, j’ai fait ce périple qui m’a permis d’exceller davantage. J’ai étudié avec des musiciens de jazz pendant un an et demi et j’ai beaucoup appris sur la théorie musicale et l’harmonie. Ça m’a ouvert toute cette partie de la musique dont j’ignorais l’existence. J’ai l’impression que mes qualités d’écriture se sont améliorées et que je suis devenu un meilleur musicien. Je me suis retrouvé impliqué dans Fates Warning. J’ai fait un album avec Kevin Moore. J’ai le sentiment que mes capacités en tant que musicien ont commencé à exceller au cours des années 90. Et lorsque est venu le moment de faire Revelation, lorsque nous nous sommes retrouvés, il était en quelque sorte convenu que John et moi allions être les principaux compositeurs dans le groupe. Nous acceptons toujours les contributions du groupe mais les décisions qui allaient être prises et les directions qui allaient être décidées viendraient d’une ou deux personnes et ce serait John et moi. C’est doucement devenu ainsi. Il y avait quelques autres contributions sur Revelation, nous travaillions un peu plus en groupe mais encore une fois, les décisions, au final, étaient prises par John et moi. Lorsque nous faisions La Raza, en l’occurrence, encore, John et moi avons commencé à écrire et nous nous sommes retrouvés à écrire beaucoup de musique ensemble, et ensuite nous demandions aux gars des contributions mais souvent la musique qui nous était proposée ne collait pas avec ce que John et moi étions en train d’écrire. C’était un peu trop hors cadre par rapport à ce que nous faisions. Donc, à ce stade, c’était convenu et les gars se sont mis un peu en retrait, disant : « Ok, vous deux vous prenez cette direction, alors continuez ! Ne vous inquiétez pas pour nos contributions… » La même chose s’est produite pour cet album, même s’il y a une chanson, « With A Head Full Of Steam », qui initialement provient d’une idée de Phil Sandoval. La musique était totalement différente de ce que l’on entend sur l’album mais il y avait quelque chose là-dedans que j’ai trouvé intéressant, j’ai donc poursuivi cette idée et je l’ai séparée en morceaux, je l’ai réassemblée, et ensuite Jeff Duncan avait cette petite section qui irait bien ici également, donc je l’ai intégrée, ensuite j’avais d’autres parties que j’avais écrites, donc je les ai intégrées aussi, Gonzo avait une petite partie de batterie et je l’ai ajoutée… Ca a fini par devenir une collaboration de groupe. Ce n’est pas comme si c’était un diktat ou quoi que ce soit de ce genre mais ça aide effectivement le groupe, je pense, à être plus concentré lorsqu’une personne ou deux dans le combo agissent comme des meneurs, tout du moins pour la direction à prendre et dire : « Hey, prenons cette voie-là les gars ! » Et ensuite, avec un peu de chance, tout le monde est de la partie et on peut tous contribuer à avancer vers cet objectif.
« Lorsque nous avons commencé, je pense que nous voulions tous avoir le succès de Metallica, et puis nous nous sommes rendus compte que seul Metallica allait avoir ce succès [rires]. »
Dirais-tu qu’en tant que bassiste tu as une approche particulière ou différente de la composition par rapport aux guitaristes ?
Je ne sais pas pour ça. Je veux dire que je joue de la guitare depuis très longtemps aussi. Je suis un plutôt bon guitariste. Je ne suis pas un super guitariste soliste mais je suis un plutôt bon guitariste à côté de ça. Et d’ailleurs, j’écris tout sur la guitare. Je n’écris rien sur la basse. Je pense ceci dit qu’être bassiste, pour ce qui est d’écrire une partie de section rythmique, ça m’aide énormément parce que j’ai mon propre style ou mes propres préférences par rapport à la façon dont j’entends les parties rythmiques. La manière dont je joue mes parties de basse avec Gonzo et ses parties de grosse caisse et ses parties de batterie, je suis très soucieux de ça, je l’ai toujours été depuis le premier jour. J’essaie donc de vraiment capitaliser là-dessus, avec Gonzo, et j’essaie de faire en sorte que certaines parties musicales sonnent comme… Je ne sais pas, la manière que je pense qu’elles devraient être ! [Rires] Et je crois qu’être bassiste m’aide clairement à accomplir ceci.
John, tu as déclaré qu’ « une bonne partie de ce que [tu] écris [te] rappelle comment vivre. » Peux-tu développer ce que tu veux dire ? Est-ce qu’écrire tes sentiments est un moyen pour toi de voir plus clairement ce qui est important dans ta vie ou même dans la vie de façon générale ?
John : Je crois que parfois il y a des sujets particuliers de chansons où je me dis comment j’aimerais gérer ma vie et mes pensées. Par exemple, « Muscle Memory » ou « Mess », tu vois, cette chanson parle de l’environnement, du monde, la quantité de déchets que nous accumulons en tant qu’êtres humains est invraisemblable, mais tu sais, je vais jeter moi-même quelque chose que je n’aurais pas mangé, et je me dis : « Bon sang ! » Donc tu vois, je ne suis pas parfait ! Je ne suis pas toujours la ligne de conduite que j’évoque dans mes textes et parfois ma femme me le fait remarquer, genre : « Hé ! » Je suis clairement un être humain, avec des défauts, ce qui n’est pas un souci, tu sais, ça me permet de garder les pieds sur terre. Mais il y a des choses que j’écris dans les paroles qui me rappellent comment je veux vivre ma vie, et j’aime ça. C’est marrant, c’est parfois juste un rappel.
Tu as aussi dit que tu faisais tout ton possible pour être un bon être humain et que, comme tu viens de le dire, c’était un rappel. Est-ce que ça veut dire que parfois tu oublies d’être un bon être humain ou que sans l’écriture tu l’oublierais ?
Je fais des erreurs chaque jour que Dieu fait ! J’essaie chaque jour de garder mon sang-froid par rapport à… Tu sais, je suis italien, alors je peux parfois crier. Parfois lorsque je parle j’aboie parce que peut-être que c’est dans mon ADN. Mais tu sais, j’essaie d’être un type sympa et d’avoir bon cœur. Parfois, lorsque je leur parle, mes enfants croient que je leur crie dessus, mais ce n’est pas mon intention… Mais tu sais, j’essaie d’être motivé dans tous les aspects de ma vie. Et parfois j’ai une tendance agressive dans ma manière d’être, mais avec un sourire sur le visage [petits rires].
Joey : John est quelqu’un de très émotif, il ne cache pas son expression. Il ne cache pas ce qu’il ressent. C’est un gars très passionné pour beaucoup de choses et il te le fait savoir [rires]. Et ce n’est pas quelque chose de négatif. Ce n’est pas comme s’il avait déjà été malveillant ou quoi que ce soit. Ce n’est pas du tout une personne malveillante ! En fait, c’est tout l’opposé ! Mais tu sais, [comme il le dit] il a du sang italien en lui. Il a aussi un peu de sang allemand en lui. Donc lorsqu’il est passionné par quelque chose, il a de la voix. Je crois que c’est pour ça qu’il est devenu chanteur ! Et c’est pour ça qu’il a une voix qui sonne aussi bien. Il sait comment envoyer à travers ses cordes vocales ce qu’il a sur le cœur, que ce soit en parlant ou en chantant !
La chanson « Muscle Memory » est une réflexion sur l’héritage et le fait de laisser quelque chose de bon derrière nous. Est-ce une inquiétude que tu as pour toi-même ?
John : Ce n’est pas vraiment une inquiétude mais je veux que ma vie compte. Lorsque je ne serai plus là et que peut-être ma famille repensera à moi, j’aimerais juste avoir le sentiment d’avoir établi une connexion avec les gens. J’étais avec quelques amis l’autre soir, Joey était l’un d’eux ainsi que quelques autres avec lesquels nous avons grandi depuis nos dix ans, et nous sommes allés voir Mad Max, mais avant ça nous sommes allés boire des coups et nous avons rigolé de tout un tas de choses que nous avons faites dans nos vies, nous étions en quelque sorte connectés. Les connections humaines sont impératives pour moi. Ma maman est décédée l’année dernière et c’était étrange, je n’ai même pas vraiment été endeuillé après sa disparition parce que je pense que je me sentais à l’aise avec la relation que nous entretenions. La fête des mères a eu lieu la semaine dernière ici aux Etats-Unis et ça m’a vraiment fait l’effet d’un gros coup dans les roustons et ça m’a fait repenser à ma maman, et j’ai passé un moment vraiment mélancolique. Ce genre de choses te donne le sentiment d’avoir une connexion avec les gens, tes enfants, ta femme, tes amis, les groupes, peu importe, je veux que ça paraisse réel. Ce n’est pas que ça m’inquiète, je pense juste, encore une fois, que c’est un rappel sur la manière dont je veux vivre ma vie et que ces choses-là sont [ce qui m’importe]. Donc j’écris à ce sujet. C’est cool.
Il y a quelques chansons qui abordent des thèmes sociétaux, comme peut-être « An Exercise In Debauchery » qui parle de la fascination des gens pour la pornographie. Est-ce que tu aimes observer la société ?
Bien sûr, je lis toujours, tout le temps, les informations, qu’elles soient bonnes ou mauvaises. Je prends ça comme un devoir. En mettant des enfants au monde, on ne peut oublier ce qu’il se passe dans le monde et je pense que c’est extrêmement important. En plus, j’aime ça. Il y a des choses qui sont portées à ma connaissance, que ce soit quelque chose que j’ai lu ou une conversation que j’ai eue avec quelqu’un, et je les utilise comme un catalyseur pour écrire sur ces sujets si je le veux. Pour cette chanson en particulier, j’ai vu le film Shame et il m’a fait un effet, je ne sais même pas encore aujourd’hui si je l’ai aimé mais c’était perturbant. Il y a une obsession avec le porno dans le monde, et c’est genre : « Mon Dieu, mec ! » Ne me fais pas dire ce que je n’ai pas dit, ça fait partie de notre… Nous sommes des êtres humains et je suis différent de personne. Mais parfois, les personnalités obsessives des gens me font flipper et c’est une chose à propos de laquelle j’ai envie d’écrire. Je ne regarde pas nécessairement les gens de haut, je ne les juge pas, ce n’est pas ce que j’essaie de faire. J’essaie juste de faire des observations. C’est mon regard sur le sujet. Les gens n’ont pas à être d’accord avec ce que je dis. Ce qu’il y a de beau dans le fait d’être chanteur dans un groupe, c’est que j’ai cette petite tribune de fortune qui me permet d’en parler [petits rires].
Est-ce que ce titre d’album Win Hands Down (NDT : « gagne haut la main ») pourrait être une métaphore pour le groupe, dans le sens où vous auriez tapé dans le mille musicalement avec cet album, que vous considérez comme un vrai succès artistique compte tenu de ce que vous aviez en tête en le réalisant ?
Il y a un peu de ça. C’est un peu une façon de se rassurer les uns les autres. Nous avons traversé beaucoup d’épreuves dans notre carrière et nous sommes toujours là, à botter des culs ! C’est donc genre : « Nous sommes là ! Vous ne pouvez pas nous abattre ! Nous gagnons haut la main et offrons quelque chose de positif et puissant. » Donc ouais, je suis certain qu’il y a un peu de ça dans le titre de l’album et c’est pourquoi ça sonnait comme un bon titre. Cette chanson était un peu inspirée par la musique. Je reviens un peu à mes jeunes années lorsque j’étais un gosse ou qu’Armored Saint débutait et à tous ces groupes qui ont eu un impact sur nous. Thin Lizzy, UFO, Judas Priest ont eu un fort impact pour façonner notre style de musique et notre amour pour la musique, même aujourd’hui lorsque je vois un groupe comme Queens Of The Stone Age, je veux être inspiré par ces groupes… J’en reviens toujours à la musique.
D’ailleurs il y a quelques trucs sur Win Hands Down, plus particulièrement des intros de chansons, qui peuvent aussi rappeler un peu Queensrÿche ou Rush…
Joey : Je n’ai jamais peur de dire par qui je suis influencé. Je veux dire que je suis certainement influencé par Queensrÿche et Rush. Je suis aussi influencé par Mastodon, Tool, Porcupine Tree, Opeth… Tous ces groupes ont beaucoup d’influence sur moi. Je suis influencé de toutes parts ! [Petits rires] Je suis influencé par Miles Davis et John Coltrane… Motörhead ! Plein de musiques différentes ! Thin Lizzy, je veux dire, allô ?! Il y a du Thin Lizzy partout dans cet album ! [Rires] Je n’ai pas peur de dire ça.
« Nous n’étions jamais au bon endroit au bon moment. Il a donc simplement fallu que nous acceptions ceci, que ce n’était pas pour nous, que ça ne faisait pas partie de notre destinée. »
Armored Saint n’a jamais rencontré le succès qu’il méritait. D’un autre côté, la carrière du groupe semble avoir été un peu chaotique dans son ensemble, avec au moins deux périodes d’interruptions et des sorties espacées. Pensez-vous que c’est le manque de plus grand succès qui génère cet aspect chaotique ou bien est-ce complètement l’inverse ?
John : Je n’y pense pas trop. Tu sais, j’ai rejoint Anthrax, et j’ai été dans ce groupe pendant longtemps, tout juste 13 ans et durant cette période nous avons quand même fait un album d’Armored Saint. J’ai quitté Anthrax et ensuite je ne pense pas que j’étais prêt à revenir tout de suite avec Armored Saint, je pense que ça aurait été une erreur. Voilà donc pourquoi il y a un écart de temps sur cette période. Ensuite nous avons fini par faire La Raza et aujourd’hui nous sommes là avec celui-ci. Lorsque nous avons commencé, je pense que nous voulions tous avoir le succès de Metallica, et puis nous nous sommes rendus compte que seul Metallica allait avoir ce succès [rires]. Lorsque je regarde avec le recul ma carrière musicale, je pense que tout ce que je voulais, c’était avoir de la longévité, disant : « Je veux faire de la musique pendant très longtemps ! » Eh bien, trente ans plus tard, nous voilà ! Nous l’avons donc fait. Donc, oui, nous n’avons certainement jamais eu le succès massif que beaucoup de groupes ont, mais c’est la vie, mec. Très peu de groupes [récoltent ce succès], tu vois ce que je veux dire ? Si tu pense à tous les groupes qui existent… Je me souviens lorsque nous étions allés dans les locaux de notre maison de disques Chrysalis, ou même chez Elektra lorsque j’étais dans Anthrax, tu fouilles dans le placard où il y a les dossiers de tous les autres groupes du label, et je dirais que tu n’as jamais entendu parler de 80 pour cent d’entre eux ! Et tu peux très bien tomber sur de la super musique mais ça montre simplement le nombre de groupes qui font des albums, et ensuite parmi tous ces groupes qui ont la chance de faire un album, signer un contrat avec un maison de disques et tout ça, combien trouvent le succès ?! Il y a donc un très faible pourcentage… Je veux dire qu’il y a de super musiciens que je connais qui n’ont même jamais eu la chance de ne serait-ce qu’approcher ce qu’Armored Saint a pu faire ! Je me sens chanceux et reconnaissant. Ce n’était pas la poule aux œufs d’or que nous espérions mais, hey, c’est comme ça, mec ! C’est la vie ! Tu peux regarder ça de deux manières : tu peux le voir de manière négative avec de l’animosité, genre : « Je n’ai jamais réussi à percer ! » Et j’ai entendu plein de gens comme ça, ou tu peux dire : « Mec, regarde tous les albums que j’ai faits ! J’ai de la chance ! » J’ai choisi de le voir sous cet angle parce que je ne veux pas être un type aigri.
Joey, tu as déclaré : « Lorsque nous nous sommes remis ensemble pour la première fois et que nous avons décidé de faire Revelation en ’99, nous n’avons pas remonté le groupe pour conquérir le monde. C’était le plan A, et le plan A n’a pas marché. Maintenant, nous faisons ça pour les mêmes raisons que lorsque nous avons commencé à faire de la musique au tout début – les bonnes raisons. » Est-ce que tu penses que conquérir le monde n’est pas une bonne raison pour faire de la musique ?
Joey : [Rires] Non. L’idée c’est que lorsque nous avons débuté lorsque nous étions gosses, tu sais, tu te dis juste : « Je veux réussir ! Je veux être gros et je veux être dans un groupe ! Je veux être comme mes groupes préférés ! Je veux être comme Queen et Led Zeppelin ! » Mais tu sais, la dure réalité c’est que tout le monde n’as pas la chance d’être ça [petits rires]. Seulement quelques groupes y parviennent. Tu sais, il y a différents niveaux de succès, comme on le sait tous, mais ce dont nous nous sommes rendus compte, c’est que nous n’étions jamais au bon endroit au bon moment. Il a donc simplement fallu que nous acceptions ceci, que ce n’était pas pour nous, que ça ne faisait pas partie de notre destinée. Donc, lorsque nous nous sommes regroupés, nous nous sommes rappelés : « Ecoutez, ne prenons pas ça trop au sérieux. » Parce que lorsqu’effectivement tu prends ça trop au sérieux… Et crois-moi, je le sais d’expérience parce qu’il y a eu quelques moments au cours de notre carrière où nous trouvions que nous prenions ça trop au sérieux, ça avait trop d’importance ! Genre « ces ventes d’albums n’ont pas atteint ce chiffre » ou « nous n’avons pas obtenu cette tournée » ou « les spots publicitaires à la radio n’ont pas été diffusés sur la bonne station »… Lorsque toutes ces choses prennent trop d’importance, tu te mets vraiment en position pour être déçu et tu finis par te sentir très confus, frustré et malheureux. Soudainement tu perds ce pourquoi tu as commencé à faire ça. Et c’est certainement difficile d’y parvenir maintenant. Nous sommes tellement plus vieux, nous sommes au début de notre cinquantaine aujourd’hui et nous avons beaucoup fait. Nous ne voulons plus être dans cette situation où tout avait tant d’importance, genre : « Nous allons faire ça comme des acharnés, peu importe ce qu’il en coûtera pour réussir, pour raviver notre carrière ! » Nous avons déjà fait ça. Nous n’avons pas à repasser par là. Il faut vraiment qu’on se rappelle que : « Regarde comme nous sommes de sacrés veinards ! » Ca fait trente et quelques années que nous faisons ça ! Nous y sommes donc parvenus et nous continuons à le faire ! Nous sommes encore en train de faire des albums après tant de temps et je suis encore au téléphone avec toi, en train de donner une interview et tu te soucies vraiment de la musique et tu me poses des questions sur ce que nous faisons trente ans après ! Je veux dire qu’il y a beaucoup de gens et de musiciens dans le monde qui n’auront jamais cette chance de faire ça ! Nous nous sentons donc sacrément chanceux d’avoir une énorme communauté de fans qui se préoccupent de ce que nous faisons trente ans après. Et nous avons un bon label, Metal Blade Records, qui nous laisse faire de la musique et travailler comme nous le voulons, qui soutient notre groupe et permet à notre musique d’être disponible dans le monde entier. Il se trouve que l’album sort aujourd’hui, et là tout de suite nous sommes numéro un dans les classements metal/rock d’iTunes ! Je veux dire que nous n’avons absolument pas à nous plaindre ! Nous sommes super chanceux. Nous sommes heureux de pouvoir encore avoir un sourire sur notre visage tout en faisant effectivement de la musique ! [Rires]
D’un autre côté, le line-up du groupe n’a pratiquement pas changé. Qu’est-ce qui vous a maintenus ensemble à travers les années ?
John : Sûrement parce que nous sommes amis. Joey et moi-même, Gonzo, et évidemment Gonzo et Phil sont frères… Je veux dire que nous nous connaissons depuis que nous avons neuf ou huit ans. Donc même avant Armored Saint nous avions une amitié solide et ensuite ça a perduré dans le groupe. Même Jeff qui a rejoint le groupe officiellement en 1989, c’était il y a vingt-cinq ans ! Et nous connaissions Jeff parce que [son ancien groupe] Odin ouvrait pour Armored Saint au Troubadour[, à West Hollywood], en 1983. Ca fait donc trente ans que je connais Jeff. Evidemment, David est mort, c’était horrible et dommage, et il est clair qu’il nous manque constamment, mais je pense que c’est un bon atout que nous soyons les mêmes gars dans Armored Saint. Je mets toujours l’accent là-dessus, c’est quelque chose qui me plaît beaucoup en fait.
Joey : Nous sommes tous des amis d’enfance, au moins John, Gonzo, Phil et moi-même. Nous étions juste un groupe d’amis qui se connaissent depuis l’école, c’est donc selon ces termes que le groupe a été créé et c’est resté ainsi. Phil a quitté le groupe pour des raisons personnelles après March Of The Saint mais le noyau dur du groupe est resté grosso-modo le même jusqu’en 1991 lorsque Dave est décédé et il a fallu que nous nous regroupions pour faire Symbol Of Salvation, c’est là que Phil est revenu dans le groupe et que nous avons intégré Jeff. Mais ça a toujours été important pour nous d’avoir les mêmes membres dans le groupe. Nous avons l’impression qu’il y a un truc par rapport à nous, dans notre manière d’être, en tant que musiciens, dans nos personnalités, qui nous est très cher et nous voulons faire tout ce qu’il sera nécessaire pour que ça reste ainsi. Nous ne voulions pas nous retrouver dans une situation où seulement un ou deux gars auraient été des membres d’origine, je crois que ça n’aurait pas du tout été pareil. Je pense que même les fans apprécient vraiment que nous sommes les mêmes membres depuis vingt ans [petits rires].
John, quelle est ta relation avec Anthrax aujourd’hui ?
John : Tu sais, elle est plutôt bonne. Pour la majeure partie, tout va plutôt bien. Je parle à Scott assez souvent. Il y a eu une réception il n’y a pas très longtemps où il organisait une fête d’anniversaire pour Pearl, sa femme, et il a mis en place des jams avec tous ces différents musiciens et j’ai joué avec eux, c’était cool. Je le vois plus souvent. Je n’ai pas vraiment vu les autres gars. Je repense toujours de manière positive à mon temps dans Anthrax. Je trouve que nous avons fait de supers albums, qui sont peut-être un peu passés inaperçus. Je veux dire que peut-être qu’ils ne collaient pas au point de vue du metalleux ou même du fan d’Anthrax typique, mais j’ai toujours un très bon sentiment par rapport à la musique que nous avons faite, j’ai trouvé que nous avons vraiment fait de supers albums, et de supers chansons par la même… Tu sais, c’est comme ça !
« [Lorsque tu prends ça trop au sérieux,] tu te mets vraiment en position pour être déçu et tu finis par te sentir très confus, frustré et malheureux. Soudainement tu perds ce pourquoi tu as commencé à faire ça. »
Joey, tu as mentionné le fait que vous aviez « l’un des meilleurs chanteurs du genre. » Penses-tu qu’Anthrax ont été fous de l’avoir laissé partir ? D’ailleurs, fut un temps, juste avant que Joey Belladonna ne revienne pour de bon, Scott lui-même a déclaré ouvertement qu’il préférait la voix de John…
Joey : Eh bien, tu sais… [Rires] Ils ont fait ce qu’ils avaient à faire et ils pensent avoir été dans une situation où ils avaient besoin de faire un changement dans leur carrière. J’imagine qu’ils ont fait le bon. Ils paraissent contents et heureux avec leur carrière qu’ils ont ravivée. Je suis ami avec eux et je ne leur souhaite que du bien. Je pense qu’ils ont pris la bonne décision pour ce cas particulier à ce moment précis. Je veux dire que je n’étais pas très ravi de la manière dont ça s’est passé mais de l’eau a coulé sous les ponts, ça n’a plus d’importance. Mais tu sais… [Petits rires] Je suis content que ça se soit passé ainsi parce que maintenant John est revenu dans Armored Saint et nous avons depuis pu travailler ensemble sur deux supers albums. Je suis fier des deux albums que nous avons faits. Nous passons de supers moments à travailler ensemble, c’est super fun ! Tout va bien. John et Scott ont une bonne relation désormais aussi. D’ailleurs, tous les trois nous vivons en Californie, pas très loin les uns des autres. Nous passons souvent du temps ensemble. Ce n’est donc plus si mal.
John : Je pense que tout était supposé être comme c’est aujourd’hui. Joey [Belladonna] est une part importante d’Anthrax, je pense que sa voix est synonyme de ce groupe et que c’est censé être ainsi aujourd’hui, et je suis censé être là où je suis. Je dis toujours aux gens que l’on peut aimer les deux époques du groupe, tu sais, personne n’a à choisir entre l’une ou l’autre, on peut être fan des deux ! Même si parfois on dirait que les gens se sentent obligés de prêter allégeance à l’un ou l’autre, ce qui est drôle parce que j’aime Ozzy avec Sabbath et j’aime aussi les albums de Dio avec Sabbath ! Peut-être qu’à l’époque Scott avait une préférence pour moi dans le groupe et faisait preuve de loyauté à mon égard, j’en suis heureux mais je pense que le temps montre qu’il est fidèle à Joey, et Joey est la bonne personne pour Anthrax aujourd’hui. Tout devait être ainsi. C’est comme ça que je le vois. Je ne le vois pas autrement que : « Voici où nous en sommes aujourd’hui et voilà comment c’est censé être ! »
Qu’est-ce qu’il faudrait pour que tu reviennes dans Anthrax ? Ou alors est-ce que les portes sont définitivement fermées ?
Qui sait si quelque chose est définitivement fermé ? Mais il est certain que ce n’est pas, à mon avis, quelque chose de prévu pour l’instant. Je viens tout juste de faire un album avec Armored Saint, Anthrax est en train de faire un nouvel album. Ils se sont ré-établis avec ce line-up. N’importe quoi d’autre ne serait rien qu’un drôle de sabotage, tu sais, je ne vois pas ça se produire… Je veux dire que j’adore les chansons que nous avons faites avec Anthrax et il semblerait qu’ils ne les jouent pas, et je le comprends parce qu’ils ont assez de matière avec Joey et ils font de la nouvelle musique. Je pense qu’ils pourraient jouer des chansons à moi, ça ne me poserait vraiment aucun problème s’ils faisaient ça. En fait, j’apprécierais s’ils le faisaient ! Mais s’ils ne le font pas, je comprends pourquoi. Un jour ce serait sympa de chanter ces chansons. Je n’y pense pas aujourd’hui. Je ne pense pas mettre en place quelque chose pour faire ça, mais je suis fier de beaucoup de chansons que nous avons faites avec Anthrax et ce serait cool de les chanter un jour, mais je ne sais pas sous quelles circonstances. Je ne sais pas, ce n’est pas comme si j’allais monter un groupe pour partir en tournée ou quoi que ce soit de ce genre. Ce n’est pas ma mentalité.
A propos de l’offre que t’avais faite Metallica pour les rejoindre il y a bien longtemps, tu as récemment dit : « Ce n’était tout simplement pas mon destin d’être dans Metallica. Ça aurait changé la face du heavy metal, et je n’ai pas besoin de cette pression. » Est-ce que tu as en fait des difficultés à gérer la pression ?
[Rires] Ma femme est ici et peut-être que tu devrais lui poser cette question ! En fait, c’est elle qui vit avec beaucoup de pression ! Elle a beaucoup de responsabilités dans sa vie ! Moi, je tends à me laisser porter avec le temps… Ce n’est pas comme si je me sentais submergé par la pression. Je trouve que j’ai une vie plutôt sympa [petits rires] et je me le rappelle en permanence ! Je ne suis pas différent de qui que ce soit vivant dans le monde moderne, qui a des enfants, qui essaie toujours de réussir [sa vie]… Je pense que c’est vrai pour tout le monde ! Tu as certainement toi-même des problèmes, Nicolas. On est tous pareil. Ce n’est pas comme si j’avais plus de pression que qui que ce soit, en aucun cas. En fait je me remémore en permanence comme j’ai une chouette vie ! Donc, crois-moi, je ne l’oublie pas. Je blaguais sur ce truc avec Metallica, je veux dire… Metallica ! Le plus grand groupe au monde ! Je ne peux pas imaginer un autre chanteur que James dans ce groupe ! Donc si j’avais été ce gars et que j’avais fini par devenir le chanteur, ça aurait été : « Wow ! » Ça aurait tout changé ! Donc, je blague un peu, mais pas vraiment. En toute franchise, je ne peux pas m’imaginer être le chanteur de Metallica. Ça n’a jamais été mon destin.
Joey, Fates Warning est ton autre groupe. Jim Matheos est évidemment le cerveau du groupe. Mais comment décrirais-tu ta relation de travail mais aussi émotionnelle avec ce groupe par rapport à Armored Saint ?
Joey : Eh bien, c’est évidemment un peu différent. Ca fait maintenant dix-sept ans que je suis dans Fates Warning, j’ai donc une place toute spéciale dans mon cœur pour Fates. C’est un groupe de gars que je connais depuis très longtemps. Nous passons de très bons moments ensemble. Nous nous entendons super bien. Nos personnalités sont très semblables et je m’amuse beaucoup en étant simplement avec ces mecs. Sans parler du fait d’être stimulé par la musique. La musique que nous faisons est super gratifiante, en ce sens également. Ma position dans le groupe est un peu différente évidemment. C’est la chose de Jim, de la même façon que, d’une certaine manière, Armored Saint est ma chose. Donc ma position dans ce groupe est bien plus facile à vivre parce que je n’ai pas autant de choses en jeu, à prendre le genre de décisions que Jim doit prendre. Je prends les mêmes décisions avec Armored Saint, c’est donc plus proche de moi d’un point de vue émotionnel et je compose beaucoup plus. Disons que mon implication émotionnelle dans Fates Warning est un peu moins intense. Mon boulot c’est juste d’être un bon joueur en équipe et aussi d’être, en ce sens, un contributeur. Ça ne tourne pas tout autour de moi. Jim prend les décisions et Jim me demande assez souvent mon opinion sur plein de choses différentes, pas seulement la musique mais aussi plein d’autres choses, parfois sur des décisions liées au business, à l’argent, et j’apprécie ça et je suis reconnaissant qu’il prenne mon avis en considération. Mais au final, c’est lui qui prend les décisions. Donc mon rôle est très différent, je suis un équipier et je fais ma part, mais au bout du compte, je me mets en retrait et je dis : « Okay ». C’est la limite de mon implication. Parfois c’est un peu plus facile et parfois c’est même plus amusant d’être dans cette situation [rires] parce que je me tiens à l’écart des décisions vraiment, vraiment difficiles ! Alors que lorsque je suis dans Armored Saint, c’est plus intense et plus lourd à porter, et il y a un peu plus d’enjeux d’un point de vue émotionnel. C’est un peu plus difficile, en ce sens, d’être dans cette position. Je récolte énormément de satisfaction à être dans les deux situations. Je n’échangerais ni l’une ni l’autre, pour rien au monde !
« Tu sais… [Petits rires] Je suis content que [John ait quitté Anthrax] parce que maintenant John est revenu dans Armored Saint et nous avons depuis pu travailler ensemble sur deux supers albums. »
Tu as aussi participé à un album d’OSI avec Jim Matheos et aux deux albums d’Arch/Matheos. On dirait bien que lorsque Jim a besoin d’un bassiste, simplement il t’appelle…
Eh bien, je ne sais pas si c’est ça mais je pense que Jim et moi avons une très bonne relation, même simplement en tant qu’amis. Je suis content si je suis la première personne à laquelle il pense. Je suis super honoré et content de ça. Je pense aussi qu’il aime mon jeu. J’adore collaborer avec lui. Je pense que nous avons les mêmes goûts musicaux et les mêmes idées sur la manière dont la musique doit être faite, artistiquement et ce genre de choses. On est sur la même longueur d’onde. J’espère qu’il continuera à m’appeler pour des trucs [rires] !
Est-ce que, en fait, tu as appris des choses particulières en jouant avec Jim, lui étant le cerveau qui crée la musique et toi étant un peu plus en retrait dans ce contexte ?
Oh ouais. Comme je l’ai dit un peu plus tôt, le fait d’avoir été impliqué dans Fates durant les années 90 a fait partie de mon évolution et de mon éveil. Etre auprès de Jim dans le groupe m’a permis d’apprendre des tonnes de choses de lui. Il plongeait dans la musique et expérimentait avec une manière bien plus théorique que moi, donc il m’a montré plein de choses différentes par rapport à la théorie et aussi pour ce qui est de stimuler ton esprit et tes capacités en tant que musicien, même le fait de réfléchir en terme de mesures asymétriques, de contre-mélodies, de contre-rythmes, etc. Le fait d’être dans Fates Warning et de jouer la musique que Jim compose est un grand défi. C’est un méga défi ! Et ça a fait de moi, de loin, un meilleur musicien que ce que je l’aurais été sans être impliqué dans Fates Warning. Et une bonne part de toutes ces choses a déteint sur moi. Je veux dire que j’ai incorporé quelques petits trucs de Fates Warning, même dans le nouvel album d’Armored Saint. Certaines personnes interprètent ça comme étant légèrement progressif. Je ne pense pas que ce soit progressif mais il y a certaines choses, comme quelques mesures asymétriques, qui ont déteint sur moi en étant dans Fates Warning [rires], ça ne fait aucun doute !
Il a fallu neuf ans à Fates Warning pour sortir un nouvel album, Darkness In A Different Light. Penses-tu que l’attente sera plus courte cette fois ? Est-ce que tu as des nouvelles du groupe ?
Je peux t’annoncer de manière officieuse que nous sommes en train d’écrire un nouvel album et que nous avons quelques chansons déjà écrites, et il y a encore quelques trucs qui sont proches d’être terminés. Nous allons faire une pause par rapport à la composition pour faire une courte tournée aux US en octobre et ensuite nous nous remettrons à la composition en novembre. Le but est d’enregistrer avant la fin de l’année, crois-le ou non ! Je pense qu’on peut s’attendre à un album en 2016, je l’espère. Mais je ne peux pas te dire comment ça sonnera, ça, c’est un secret [petits rires].
Tu fais désormais aussi partie du nouveau groupe de Scott Ian, Motor Sister, qui a démarré en faisant des reprises de Mother Superior avec le chanteur de Mother Superior, Jim Wilson. Est-ce que toi aussi tu es fan de ce groupe ?
Ouais, je suis fan de Mother Superior depuis que Scott me l’a fait découvrir vers 2005 lorsque je remplaçais Frank Bello dans Anthrax. C’est là que Scott m’a parlé pour la première fois de Mother Superior. J’ai été les voir jouer dans un petit club à Los Angeles et j’ai été totalement scotché par le groupe. Je suis donc devenu ami avec eux. Ils sont aussi de Los Angeles. Nous avons beaucoup en commun musicalement et j’allais les voir à chaque fois qu’ils jouaient, et ensuite j’ai doucement commencé à travailler avec eux. J’ai mixé quelques chansons sur quelques uns de leurs albums de 2006 à 2008. On a même enregistré tout un album chez moi qui n’est jamais sorti ! J’ai donc un album inédit de chansons de Mother Superior. Et j’ai masterisé quelques trucs pour eux. Du milieu des années 2000 jusqu’à la fin des années 2000, nous sommes devenus des amis proches. Donc lorsque cette opportunité s’est présentée, j’étais comme un dingue, je jouais toutes les chansons que je connaissais déjà ! [Rires]
Penses-tu que cet album qui n’a jamais vu le jour sortira dans le futur ?
Je l’espère parce que je trouve qu’il y a vraiment de très bonnes chansons dessus. Je ne sais pas… Il va falloir que nous réglions ça parce que Jim a eu une séparation avec le bassiste qui n’était pas toujours très amicale. Donc il est possible que ça dépende de soucis légaux. Mais si on pouvait régler tous ces problèmes, j’adorerais que le monde puisse entendre ça parce qu’il y a de super trucs dessus !
Ne pourriez-vous pas utiliser certaines de ces chansons pour votre prochain album avec Motor Sister ?
Eh bien, c’est une bonne remarque. C’est une très, très bonne question. Je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas le faire ! Ouais.
Interviews réalisées par téléphone les 18 mai et 2 juin 2015 par Nicolas Gricourt.
Retranscription et traduction : Nicolas Gricourt.
Photos promo : Stephanie Cabral.
Site officiel d’Armored Saint : www.armoredsaint.com.
La photo autour de la grosse branche, c’est non !
[Reply]