A force d’être utilisée à tort et à travers, l’expression « se prendre la tête » a été détournée de son sens premier. Alors qu’au départ, elle signifiait « s’encombrer l’esprit inutilement », certains l’associent maintenant à « réfléchir ».
Alors oui, Artweg n’a pas réfléchi longtemps à, par exemple, choisir un nom de groupe, comme nous l’explique le chanteur Akonit : « J’étais en train de faire la teuf et mon batteur devait aussi faire la teuf de son côté, et il m’a envoyé un message avec le mot ‘Artweg’. Du coup, comme on cherchait un nom, je lui ai demandé si c’était un nom de groupe, il m’a dit non, je lui ai dit que ça sonnait bien et qu’on n’avait qu’à garder ça. » Et le groupe n’est pas particulièrement militant d’une cause ou défenseur d’une foi. A ce propos, Akonit nous dit que le groupe n’a pas « trop de croyances. » Ce qui ne l’empêche pas d’avoir des choses à dire. Leur choix de chanter en anglais et en français pour mieux diffuser leur message n’est d’ailleurs pas anodin : « On est un groupe français, donc on trouve normal d’écrire en Français ; pour ma part c’est quelque chose qui me tient à cœur. Après, vu qu’on fait quand même passer un message et que le Français n’est pas reconnu partout dans le monde, on chante aussi en anglais pour que ce soit compris par plus de gens qui s’intéressent aux textes. »
En revanche, c’est surtout leur musique et leur énergie scénique que le groupe choisi de mettre au premier plan, à l’image de la chanson « Artweg » qui « correspond à l’état d’esprit du groupe, énergique et puissant. » Un état d’esprit par ailleurs illustré par la thématique du nouvel album Drunk N’High qui dénonce les excès de l’alcool et de la drogue autant qu’il cherche à dédramatiser ce thème : « Drunk N’High ça vient de notre côté festif mais pas seulement. Il y a des gens qui se réfugient dans l’alcool et la défonce et ce n’est carrément pas bon pour eux. Nous notre message c’est justement de dénoncer ça, de dire qu’il ne faut pas faire n’importe quoi avec ça non plus, mais qu’en même temps il faut savoir se détendre un moment, lâcher prise, se laisser aller, boire un coup, passer la soirée avec tes potes et voilà quoi. C’est un double message. »
Le groupe a développé un style personnel, auquel il a même donné le nom Artcore, mais ne prétend pas pour autant avoir une quelconque exclusivité stylistique dessus : « En France, on aime bien classifier les artistes et nous, on se faisait classer comme faisant du hardcore. Mais on ne fait pas réellement de hardcore, on mélange un peu tout ce que l’on aime en essayant de l’intégrer dans notre musique. Du coup, vu qu’on ne fait pas de hardcore et qu’on s’appelle Artweg, on va dire qu’on fait du Artcore. C’est juste un nom comme ça, c’est pour spécifier qu’on ne fait pas réellement du hardcore, c’est juste pour la classification, c’est à prendre ou à laisser, ce n’est pas vraiment important pour nous. […] On n’a rien inventé, on n’est pas les seuls à mélanger différents styles, mais je pense qu’on a un son qui se démarque quand même dans notre interprétation et c’est très difficile de faire ce qu’on fait, même nous on a du mal ! [rires]. On ressemble à plein de groupes et il y a d’autres groupes qui doivent nous ressembler mais je pense que chaque groupe a son identité, c’est surtout ça. »
D’ailleurs, Artweg souligne l’importance de ne pas trop prendre au sérieux les classifications musicales, au risque de diviser les gens, comme en témoigne la tournée qu’a fait le combo avec Orphaned Land, un groupe certes de style éloigné mais qu’il rejoint sous la bannière du metal et même de la musique en général : « C’est vrai qu’il n’y avait que des groupes de metal oriental, il y avait aussi Arkan et Myrath. Et, en fait, cette tournée, c’était un message qu’Orphaned Land voulait faire passer dans toute l’Europe – eux étant juifs, ils voulaient tourner avec des musulmans. Nous, on est arrivé comme des gens qui n’ont pas trop de croyances et le message était clair : il n’y a pas d’embrouille dans la musique, tout le monde s’entend bien et il faudrait que cela se passe comme ça dans la vie et dans le monde entier. On est arrivé un peu comme un cheveu sur la soupe mais au final cela s’est super bien passé. On s’est tous appris des trucs mutuellement. Nous on avait une petite expérience et eux une grosse expérience, ils nous ont appris énormément de choses et nous également. C’était un superbe échange et une superbe aventure avec tous ces groupes-là. La différence musicale on s’en foutait au final car c’était une tournée où l’on voulait dire qu’il n’y a pas de différences, on est tous des hommes et des femmes, on fait tous de la musique, on est tous égaux et il faut arrêter de se faire la guerre… »
Artweg a des choses à dire et cherche à bien le faire, mais n’en fait pas pour autant tout un plat, alors que certains groupes « engagés » auraient tendance à surjouer leur militantisme pour donner plus de poids à leur discours. Artweg représente le véritable état d’esprit de l’expression « sans prise de tête », à savoir faire preuve de spontanéité et de simplicité sans pour autant délaisser l’exigence de qualité ou le message derrière sa musique. Et à ce titre, Artweg prouve qu’il n’est pas besoin de jouer les groupes militants pour défendre une idée et faire passer un message. Artweg le fait de la manière la plus naturelle et la plus efficace qui soit : en faisant de la musique et en la jouant sur scène.
Interview réalisée par téléphone le 22 octobre 2015 par Philippe Sliwa.
Site officiel d’Artweg: artwegofficial.com.