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Interview   

As Lions : Austin Dickinson affute sa griffe


Interviewer le fils d’une légende vivante telle que Bruce Dickinson, et qui plus est lui-même chanteur, c’est avant tout plonger dans les méandres de l’identité. Celle qu’il a voulu se créer avec Rise To Remain, son précédent groupe, en faisant son propre cheminement d’artiste et s’éloignant de fait de la figue paternelle, avant que le groupe ne tombe en ruines et ne revienne sous la forme d’As Lions, dont le premier album Selfish Age a vu le jour en janvier 2017.

Du chapitre Rise To Remain, Austin Dickinson en est sorti avec la volonté farouche de s’affirmer, et de ne plus rien faire qui ne lui correspond pas entièrement. Prendre son temps, faire à son rythme et selon son bon vouloir, voici la devise du leader d’As Lions, comme il nous l’explique dans l’entrevue pleine de bonne humeur qui suit.

« Est-ce que crier fait partie intégrante de mon identité ? Non, je ne crois pas. Est-ce que c’est quelque chose que je ferai encore quand j’aurai cinquante ans ? Oh, je ne pense pas. Alors tu te demandes : est-ce que c’est quelque chose en quoi je crois ? Pas vraiment. Alors pourquoi je le fais ? [Rires] »

Radio Metal : As Lions est né des cendres de Rise To Remain, le groupe s’étant séparé suite aux départs du batteur Adam Lewin et du guitariste Ben Tovey. Pourquoi avez-vous décidé de former un nouveau groupe au lieu de simplement recruter deux nouveaux membres et de conserver le nom de Rise To Remain ?

Austin Dickinson (chant) : Je pense qu’il fallait séparer clairement les deux projets : As Lions est un groupe nouveau, et Rise To Remain c’est Rise To Remain. À mes yeux, ce qui comptait, c’était de respecter ça, pas simplement en séparant les deux groupes, mais en séparant également les deux styles musicaux. Rise To Remain est un groupe de metalcore pur et dur, avec un son lourd… C’était important de séparer les deux projets parce que les deux groupes étaient si différents, et la musique que nous écrivions à l’époque où Rise To Remain s’est séparé, ça n’était tout simplement pas du Rise To Remain. Je pense que nous aurions eu tort de sortir ces morceaux en prétendant toujours être le même groupe. Cela serait revenu, à mon sens, à arnaquer les fans de Rise To Remain et les gens qui suivaient le groupe, ça n’aurait pas été aussi authentique que si nous avions sorti ces morceaux sous un nouveau nom, ce qu’il fallait faire. Pour revenir sur la séparation de Rise To Remain , notre guitariste, Ben, qui était l’un de nos meilleurs amis, a décidé de plaquer complètement la musique, il lui arrivait tout un tas de conneries, et voilà, ça s’est terminé comme ça. Il faut savoir que nous n’avions rien contre ça, comme je l’ai dit, nous avons formé un nouveau groupe, ouvert un nouveau chapitre, et l’idée était de recommencer de zéro, d’être bien plus en phase avec la musique que nous avions envie de jouer à partir de ce moment-là.

Il s’est écoulé deux ans entre la formation d’As Lions et la sortie de Selfish Age, votre premier album, en gardant à l’esprit que vous n’aviez rien sorti avec Rise To Remain depuis City Of Vultures. Vous n’aviez pas de morceaux en stock que vous aviez prévu de sortir sur un deuxième album de Rise To Remain ?

Nous avons sorti un morceau en janvier 2015, puis plus rien pendant un long moment, parce que nous avions commencé à composer. Il y avait un morceau dont nous étions très contents, tout le reste, c’était des démos ; en fait, le premier morceau que nous avons sorti était une démo. Nous avions envie de peaufiner le reste, de faire les choses comme il faut, avant tout. Nous ne sommes pas vraiment pressés, même si beaucoup de gens disent : « Mais si ! Tu veux capitaliser sur les fans de Rise To Remain ! » Et la seule réponse que j’ai à leur donner c’est : « Non, pas du tout. » Je n’ai aucune envie de rabattre des gens sur un projet pour profiter d’eux. Je veux faire une musique qui est, à mes yeux, et aux yeux du reste du groupe, authentique, une musique que nous pouvons défendre, corps et âme, quoi qu’il arrive. Si nous pouvons défendre notre musique, alors nous pouvons l’emmener n’importe où et en faire ce que nous voulons. Ce que nous voulions éviter, c’était de sortir des morceaux qui auraient été à soixante-quinze pour cent de leur potentiel, ou à cinquante pour cent, il fallait qu’ils soient à cent pour cent, qu’ils soient parfaits, que nous puissions dire « ça y est, on le tient », car nous avons eu une opportunité formidable, celle de repartir de zéro. Je pense que les morceaux que nous avons sortis avec As Lions n’ont absolument pas été écrits ni prévus pour Rise To Remain. Tout ce que nous avions écrit pour le deuxième album de Rise To Remain sonnait très Rise To Remain [rires]. Donc oui, c’était important de faire les choses correctement, et de s’assurer que les morceaux sortis sous le nom d’As Lions soient véritablement la musique d’As Lions, et pas d’As Lions qui essaie de sortir quelque chose le plus vite possible [rires]. J’ai vu des groupes faire ça, et ça leur fait plus de mal de que de bien.

Tous les morceaux présents sur l’EP Aftermath sont également présents sur cet album. Est-ce que le but de cet EP était de tâter le terrain avant de sortir un album ?

Tout à fait. Je pense que ce que nous voulions faire, étant donné que l’album n’était pas encore prêt, il fallait encore terminer toute la partie graphique et plein d’autres choses, ainsi que décider de la tracklist finale, et terminer le mixage… Nous n’avons pas vraiment eu le temps de sortir l’album avant de partir sur la tournée américaine, nous étions sur la route, nous avons fait trente-sept dates avec Shinedown, Five Finger Death Punch et Sixx:A.M. Du coup pour cette tournée, comme pour toute tournée en fait, il nous fallait un produit, un point de référence, pour que le public sache à quoi ressemble notre musique. Le but de cet EP était donc de tâter le terrain, de proposer au public un échantillon de notre son avant la sortie de l’album. Et c’est super, ces quatre morceaux, pendant trois mois, avant la sortie de l’album, c’était notre point de référence pour le public. Puis l’album est sorti, et ils étaient là, avec sept autres morceaux.

Vous avez travaillé avec deux producteurs, Dave Bendath et Kane Churko, comment les avez-vous rencontrés et quels ont été leurs rôles respectifs ? Quel genre d’apport ont-ils eu chacun ?

Kane était producteur et Dave coproducteur, et c’était cool, parce que David nous a découvert, pour ainsi dire. Même si nous existions depuis un moment, il est arrivé et il nous a présenté plein de monde et nous a ouvert beaucoup de portes. C’est une histoire de dingue : j’étais sur Twitter un jour, je crois que je venais d’écrire un truc sur un album de Breaking Benjamin, sur le fait que j’adorais à mort cet album, la qualité de sa production, et j’ai mentionné le nom de David, mais je ne l’ai pas tagué, ni quoi que ce soit, parce que je ne savais même pas qu’il était sur Twitter. Et tout à coup, quelques heures plus tard, je reçois une réponse de lui, qui me dit : « J’aime beaucoup ce que tu fais aussi ! » Et là je me suis dit : « Bordel de merde ! C’est complètement dingue ! » Je ne l’avais même pas tagué, il devait avoir recherché son propre nom [rires]. Du coup nous commençons à discuter, nous passons en conversation privée, et il me demande : « Bon, c’est qui ton manager ? » Et il commence à me poser tout un tas de questions un peu étranges. Et il termine en me disant : « Voilà mon adresse e-mail, il faut qu’on compose quelques morceaux, il faut qu’on se voit et qu’on bosse ensemble. » Tout ce que j’arrive à me dire c’est : « C’est une putain de blague ? C’est quoi ce délire ? C’est quoi ce délire ?! » Je suis même allé vérifier si ce n’était pas un faux compte, parce que je n’arrivais pas à le croire. J’ai donc appelé mon manager, puis de fil en aiguille, quelques mois plus tard un label était tout à coup intéressé par notre groupe, et nous proposait beaucoup de choses, de travailler avec plein de gens formidables, dont David, et nous avons foncé.

« On vit une époque très étrange, on est en permanence dans l’autopromotion, dans la représentation, et à combler le moindre moment de calme, de tranquillité, de temps libre en se consacrant à une socialisation totale, ce qui produit toutes sortes de conséquences intéressantes. »

Nous avons composé cinq morceaux avec Dave, puis nous sommes rentrés chez nous, parce que nous voulions en écrire d’autres. Ensuite, nous sommes malheureusement passés à côté d’un créneau pour travailler à nouveau avec David, mais Kane est venu travailler avec nous et s’est jeté dans l’arène. Et ça a été génial pour nous, parce que le quotidien était un peu sombre, nous étions dans le New Jersey en plein hiver avec Dave, donc il faisait toujours super sombre, et il avait une approche unique pour tout : même si nous n’enregistrions pas un jour, il nous disait quand même : « Allez, chante ! », et alors tu chantes, six heures par jour ; même si nous n’enregistrions pas de guitare ou de batterie, il nous disait « Allez, bouge-toi le cul et joue ! » C’était super, il voulait vraiment mettre en lumière notre rapport à la musique, savoir d’où venaient nos goûts musicaux, quels étaient les morceaux qui nous ont motivés à jouer dans un groupe, quel était l’album qui nous a fait adorer la musique… Sa mission était de nous mettre complètement en phase avec tout ça pour pouvoir enregistrer l’album que nous voulions sortir. C’était génial, ça nous a permis de construire des bases solides, et ça nous a permis de ne pas arriver les mains vides en passant en studio avec Kane, nous en avions encore sous le pied, et ça c’était vraiment cool.

Kane, je crois qu’il a trente-et-un ans, nous sommes bien plus proches de lui en termes d’âge. Il a travaillé avec Disturbed, Ozzy, [Five Finger] Death Punch et tous ces groupes, et je crois qu’il voulait travailler avec un groupe plus jeune, qui n’était pas encore connu, un groupe qui débutait. Il se trouve que ça a été nous, et c’était carrément génial, parce qu’avec lui, non seulement nous nous sommes éclatés à faire l’album [petits rires], mais nous avons pu expérimenter toutes sortes de sonorités. Nous avons transcrit des passages composés par exemple à l’origine pour des guitares à des pianos, ou à des cordes, ou à des synthés, à des instruments qui correspondent à différentes parties du spectre musical, et ça nous a permis d’ajouter de la richesse, voire une dynamique à l’album. Tout ça a été incroyable pour nous, il y a eu beaucoup d’expérimentation de notre part en studio. Nous nous sommes vraiment éclatés. Et puis Kane a cette obsession de vouloir toujours capturer la performance. Donc oui, nous avons pris énormément de plaisir à enregistrer avec eux [rires].

L’album Selfish Age a été enregistré au studio Hide Out, un lieu complètement isolé de toute distraction. C’était important pour vous d’être dans ce genre de lieu pour rester concentrés ?

Je suis un tel putain d’hyperactif de toute manière que m’enfermer dans un studio est probablement une très bonne idée, parce que comme ça, ça me force à me concentrer. Car Las Vegas, et le Nevada de manière générale, sauf à être sur le Strip, en plein centre-ville, il n’y a rien [petits rires], c’est juste un bon gros désert, un bon gros trou au milieu du désert, et c’était super cool. Pour être honnête, nous ne vivions et respirions que pour l’album, et c’était pareil dans le New Jersey. Dans le New Jersey, il n’y avait rien aux alentours, le studio de David est – ou plutôt était, il a malheureusement fermé depuis – situé sous une putain d’autoroute, au milieu de nulle part. Je me suis dit : « Ouah, c’est ici que Paramore a enregistré Riot!, c’est ici que Breaking Benjamin a enregistré ses albums. Nom de Dieu ! » C’est comme une sorte de temple dédié à la musique et à l’anonymat, tu vois, c’est si loin de tout, et c’était plutôt cool. Donc oui, nous aimons nous isoler, nous aimons nous réfugier dans un putain de trou paumé pour faire de la musique, c’est marrant [rires].

Lorsque vous avez formé As Lions, vous avez déclaré que « la mission du groupe était de jouer « un hard rock aussi lourd, aussi énervé que possible, à une échelle quasi-cinématographique. » Pouvez-vous développer cette idée ? Comment avez-vous travaillé l’aspect cinématographique de votre musique ?

Je pense que j’ai toujours considéré la musique comme quelque chose de très visuel, et les arts visuels comme très musicaux. Et ça va de pair en quelque sorte, c’est peut-être dû à la manière dont mon cerveau fonctionne. Mais je pense que pour moi, l’idée était de commenter notre manière de composer et comment nous créons notre son. J’adore les dynamiques que nous avons, j’adore développer des dynamiques, parce qu’avec Rise To Remain ou avec beaucoup d’autres groupes, tout est toujours sur dix, et qu’est-ce qui se passe quand on se contente de copier et coller dix ? C’est juste dix, dix, dix, dix, dix, dix, un, zéro, un, zéro, un, zéro, on dirait du binaire sorti d’un ordinateur. Alors que si t’as des cinq et des quatre, ou des six et des sept, tout d’un coup ces dix sonnent comme des putains de vingt, et tu te dis : « Ouah ! Ce son est tellement plus énorme ! » Et ça te transmet des émotions, tu t’investis dans l’histoire, parce qu’il y a comme un battement de cœur, il y a des respirations, et il y a toutes sortes de choses qui t’aident à étoffer les émotions de l’histoire, dans ta tête, quand tu écoutes ça. À mes yeux, il était important que nous ayons cette dynamique, que nous élaborions le son de l’album, qu’il corresponde aux émotions de chaque morceau, que nous sélectionnons des instruments qui reflètent le contenu des paroles, d’une certaine manière. Je suis également sujet à la synesthésie, c’est très bizarre, par exemple je vois des couleurs quand j’écoute de la musique, c’est hyper bizarre. Mais d’un côté, ça reste visuel et ça reste de la musique, donc pour moi, c’est comme si nous avions composé un album de rock n roll qui aurait presque pu être la bande originale d’un film [rires].

« Pour moi c’était mort, j’avais jamais envisagé de chanter, ça faisait vraiment cliché : ‘Sérieux ? Tu vas chanter ?’ Et un jour je me suis dit : ‘Ouais, et je vais essayer, et je vais tout donner, bordel !’ Donc je me suis mis à crier [rires] »

Le dernier album sur lequel tu as travaillé, c’était City Of Vultures, avec Rise To Remain, sorti il y a six ans, ça fait maintenant longtemps. Comment as-tu évolué en tant que chanteur et en tant qu’artiste au cours de cette période ? Par exemple, sur Selfish Age, il n’y a plus de cris…

Je pense que ça s’explique en grande partie par le fait qu’il faut trouver les vérités au fond de soi et être très, très honnête, et ça peut paraître étrange à dire, donc je vais l’expliquer. Ça fait partie de ces choses où quand tu prends du recul, tu regardes ce que tu fais, tu regardes comment tu composes ta musique et produits de l’art de manière générale, et tu te demandes : est-ce que crier fait partie intégrante de mon identité ? Non, je ne crois pas. Est-ce que c’est quelque chose que je ferai encore quand j’aurai cinquante ans ? Oh, je ne pense pas. Alors tu te demandes : est-ce que c’est quelque chose en quoi je crois ? Pas vraiment. Alors pourquoi je le fais ? [Rires] On s’en branle ! Attention, si tu crois en ça, si tu crois que crier fait partie de ton identité, alors fais-le ! Ne t’arrête jamais ! Fais-le aussi longtemps que tu le pourras, parce que c’est ça qui est important, trouver ce point, où tu te dis : « Ouais, en toute honnêteté, je suis à l’aise, c’est authentique, c’est vraiment moi. » C’est important de parvenir à cette conclusion dans la musique, et dans la vie plus généralement je pense. Je pense que mon évolution en tant que compositeur est très liée à ça. J’ai commencé à aborder la musique différemment, je me suis mis à incorporer plus de dynamiques, à explorer davantage ma voix… Une fois que tu adoptes une posture dans laquelle tu es vulnérable… Parce qu’il faut dire qu’il n’y a pas grand-chose de vulnérable dans le fait de crier, à mes yeux. Il y a quelques personnes qui parviennent à transmettre cette espèce de vulnérabilité et à se dévoiler en criant, mais pour beaucoup, c’est plus un bouclier, ça t’écarte du texte, ou du cœur de la chanson, du côté humain de cette personne. C’est comme si tu faisais une chanson [en criant] « heavy, heavy, heavy, heavy, heavy », c’est pas… Ça ne m’atteint pas personnellement de la même manière que le chant clair. Le chant a cette vulnérabilité intrinsèque, et j’adore ça. Je pense que c’est très authentique, et c’est ce qui m’a vraiment poussé à arrêter les cris. C’était une manière d’être à la fois plus honnête et plus intéressant, j’imagine.

Le groupe s’appelle As Lions, qu’est-ce que cet animal, le lion, représente pour vous ?

Je ne sais pas vraiment, je trouvais que ça sonnait plutôt bien [rires]. Quand nous cherchions un nom, nous proposions toutes sortes d’idées, et je pense qu’As Lions… En fait, nous ne voulions pas d’un nom qui soit particulièrement rattaché à un genre musical. Nous ne voulions pas d’un nom du style Death Lions, ou un truc à la con de ce genre. Nous ne voulions pas avoir un nom qui fasse penser à groupe de death metal, ni à un groupe de metalcore, ni à un groupe de rock. Si nous avions été un putain de groupe de rock n roll, nous nous serions probablement appelés The Lions. Nous ne voulions pas d’un nom associé à un genre, nous voulions quelque chose qui puisse convenir à un groupe alternatif, à un groupe de metal, à un groupe de rock, un nom qui puisse convenir à n’importe quel style de musique. Du coup As Lions ça ressemblait à une sorte de formulation étrange et nous nous sommes dit : « C’est cool comme nom, c’est pas courant. » Le lion est un animal qui nous plait, parce qu’il est fier, il est imposant, et il est pompeux. Du coup, nous nous sommes dit : « Allez, vendu » [rires]. Ça nous ressemble de dire ça, donc nous avons choisi ce nom [rires].

L’album s’intitule Selfish Age (l’ère de l’égoïsme, NDT). Penses-tu que notre époque soit caractérisée par l’égoïsme ?

Je ne pense pas, non, et je m’en réjouis. Je pense que l’égoïsme est une fonction de notre société, à un niveau presque basique. Je pense qu’on est encouragés, aujourd’hui plus que jamais, à se soucier des meilleurs et uniquement des meilleurs. On vit une époque très étrange, on est en permanence dans l’autopromotion, dans la représentation, et à combler le moindre moment de calme, de tranquillité, de temps libre en se consacrant à une socialisation totale, ce qui produit toutes sortes de conséquences intéressantes. Mais, je pense qu’il est important d’aborder ces problématiques, ce n’est pas pour rien que de nombreux artistes évoquent ce genre de choses aujourd’hui, c’est parce que c’est particulièrement d’actualité. Beaucoup de gens en parlent, à leur manière, et nous voulions aussi aborder cette thématique, à notre manière. Je ne pense donc pas que l’égoïsme soit la seule caractéristique déterminante de notre société, mais c’est assurément une influence. Dans le même temps, si on arrête de vivre dans le vase clos dans lequel on a tendance à s’enfermer, il se passe tellement de choses dans le monde, qui sont à l’opposé complet de l’égoïsme : on voit beaucoup d’altruisme, et je pense que reconnaître l’un est la clé pour reconnaître l’autre. Il faut avoir à la fois le Yin et le Yang, il faut regarder cette problématique sous ses différents angles. C’est un véritable luxe aujourd’hui d’avoir une vision équitable de deux aspects d’une même problématique. Plus souvent qu’on ne le croit, on pense à quelque chose, et ça se retrouve partout sur les réseaux sociaux, ou… Encore une fois, c’est le vase clos dont je parlais, quand tu commences à rechercher quelque chose, ton ordinateur va te montrer ce que tu aimes, et tu te perds là-dedans et le monde t’apparaît comme tu voudrais qu’il soit. Je pense donc qu’avoir une vision globale des choses, c’est un énorme avantage, et c’est la clé pour être… ouais, ouais, c’est ça. C’est vraiment pas terrible comme conclusion, finir en disant « ouais, ouais, ouais… » [Rires].

De manière plus générale, quelles sont tes inspirations sur le plan de l’écriture des paroles ? On a l’impression que l’état dans lequel le monde se trouve et notre mode de vie moderne sont une inspiration majeure…

Je pense que je voulais écrire sur des thèmes qui me tiennent à cœur, à moi et à beaucoup de personnes que je connais et que j’aime. Sur le plan des paroles, c’est un album qui s’inscrit dans une dynamique de réaction, et non pas dans l’introspection. Parce que je sais que j’ai beaucoup écrit de chansons très introspectives, genre [en geignant] « Qui suis-je ? Quelle est ma place dans ce monde ? » Et je pense que c’est lié à la jeunesse, c’est un peu comme découvrir le monde et se dire : « Bordel, c’est énorme ! Dans quelle direction est-ce que je vais aller ? » Je n’ai que vingt-six ans, mais ça fait partie de ces choses où un jour tu comprends et tu de dis : « Ouah, regarde le monde, » [petits rires] « tu peux aller dans cette direction un instant, regarde ça, et regarde dans quel état se trouve le monde. » Donc ouais, c’est un album très réactif, c’est précisément la raison pour laquelle je voulais écrire sur des thèmes qui nous affectent tous, et tu vois, la musique est idéale pour communiquer, c’est un art qui encourage l’unité, je voulais donc écrire sur des thèmes universels.

« Je n’ai jamais accepté de coup de pouce, je n’ai jamais profité de [mon père] pour ma carrière, c’est une question qui n’a de sens que pour les personnes qui me sont extérieures. »

Le fait d’être catalogué comme « le groupe du fils de Bruce Dickinson », c’est un avantage ou un inconvénient ?

Oh, bordel, j’en n’ai rien à foutre pour être honnête. Ça fait partie de ces choses où… C’est toujours moi qui me suis mis le plus de pression, pour moi, pour me pousser à m’améliorer. Sois toi-même, donne le meilleur de toi avant même d’essayer d’être quelqu’un d’autre. Et si t’as la chance de pouvoir te dire « ouah, c’est pas mal en fait d’être moi-même », alors continue ! Au bout du compte, c’est juste mon père, je ne l’ai jamais vraiment vu que sous cet angle-là. Je n’ai jamais accepté de coup de pouce, je n’ai jamais profité de lui pour ma carrière, c’est une question qui n’a de sens que pour les personnes qui me sont extérieures en fait. Je ne peux pas empêcher les gens de penser ce qu’ils veulent, et je n’ai franchement pas envie de le faire, donc ça fait partie de ces trucs où il faut faire avec [petits rires].

Lorsque les enfants de musiciens célèbres se mettent à faire de la musique, le public à tendance à imaginer une image de « fils à papa », qui n’a pas à faire le moindre effort. Est-ce que tu penses que les gens se font une mauvaise image de ce type de situation ?

La plupart des gens, la plupart du temps, font mal la plupart des choses [rires]. Ça fait partie de ces choses pour lesquelles il faut se dire : « Tu sais quoi ? Les gens font ce qu’ils ont toujours fait. Ça changera pas ce que j’ai envie de faire. » Et je pense que le fait d’être clivant, d’être le sujet de la conversation, que ce soit en bien ou en mal, ça reste une conversation. Tant que tu ne te laisses pas bouffer par tout ça, que tu ne laisses pas tout ça te contrôler, et que tu fais en sorte de rester maître de ton destin, autant que possible, alors tu pourras déplacer des montagnes, et tu pourras créer quelque chose qui t’es véritablement authentique. Ça devient en fait une représentation. Tout à coup, pendant que les gens parlaient, toi tu as construit ce truc, et un jour ils se retournent et se disent : « …Ouah ! Regarde ça ! Nom de dieu ! Pendant qu’on racontait des trucs, il a fait tout ça. On va jeter un œil. » Donc ouais, j’en ai rarement grand-chose à faire de ce que les gens peuvent penser [rires]. Tant que moi, les autres membres du groupe et les fans sommes contents, tout va bien [rires].

Iron Maiden a été et reste l’un des groupes les plus influents au monde. As-tu été influencé d’une manière ou d’une autre par ton père ?

Probablement comme personne d’autre ne l’a été, dans le sens où j’ai la chance d’avoir un père génial. Je suis sûr que beaucoup de gens ont un père génial, complètement unique et étrange et bizarre à leur manière, et le mien est tout aussi unique, étrange et bizarre. Elle est là, en fait, l’influence. Le fait d’être ce musicien célèbre, c’est pour les gens qui ne le connaissent pas en tant que père, et pour moi c’est juste mon père [rires].

Quelles sont tes références musicales, personnellement et dans As Lions ?

Quand j’étais plus jeune, j’ai grandi en écoutant Black Sabbath, Deep Purple, Led Zeppelin, tous ces classiques, les Beatles… Quand j’étais un peu plus âgé, je me suis mis à écouter des groupes comme Killswitch Engage, Linkin Park, Limp Bizkit. Tous ces groupes qui mélangeaient lourdeur et mélodie, je crois que c’était ça que j’aimais : trouver de la beauté dans les passages les plus rudes. Je crois que cette dualité était si puissante et si poignante à mes yeux que c’est ce qui m’a poussé à faire de la musique, c’était ce mélange. Je ne veux pas de quelque chose qui aille à sens unique, c’est jamais ça qui est intéressant, c’est quand les choses se mélangent que ça devient intéressant. Donc ouais, c’était ce genre de groupes. En ce qui concerne les références d’As Lions, je ne saurais pas quoi te dire, parce qu’à chaque fois que je discute avec quelqu’un, on me sort un groupe différent, et c’est super cool ! Comme je le disais plus tôt, tes oreilles n’ont jamais tort, ce sont tes oreilles, elles ne mentent pas. C’est ce que t’entends, c’est vrai. Quelqu’un m’a dit plus tôt aujourd’hui, « Depeche Mode, cette chanson-là, elle a un petit côté Depeche Mode », et puis il m’a dit « Oh, je pense que ça ressemble un peu à du U2 », et j’ai répondu « je trouve que ça sonne un peu comme du Linkin Park ». Les trois à la fois ? Allez, soyons fous ! Donc je ne sais pas vraiment quelles sont nos influences. J’ai écouté énormément de David Bowie quand nous étions en studio, pourtant l’album ne ressemble pas à du David Bowie [rires], donc j’en sais rien. Je ne pourrais pas vraiment dire quelles sont nos influences, parce que j’en n’ai vraiment aucune idée [rires].

Tu as d’ailleurs déclaré dans une interview que tu adorerais faire une tournée avec Linkin Park, et on peut clairement entendre certaines lignes vocales ou certaines mélodies qui rappellent ce groupe sur l’album.

Carrément, je suis un fan inconditionnel de Linkin Park, ça a été un des premiers groupes un peu heavy dont j’ai été vraiment fan, et je les adore. Je pense qu’ils sont absolument géniaux, ils arrivent à mélanger les genres comme personne, et je pense qu’ils sont l’un des piliers de ce que je considère comme l’évolution du rock. Ils ont totalement, complètement changé la donne dans le monde du metal ! Don ouais, c’est clairement une influence pour laquelle j’ai un respect absolu [rires].

« La plupart des gens, la plupart du temps, font mal la plupart des choses [rires]. »

Comment en es-tu arrivé à chanter et à faire du metal à l’origine ?

Pour être honnête, ça s’est fait par tâtonnements [rires]. J’ai commencé la musique en jouant de la batterie, je jouais de la batterie parce que j’adorais foutre le bordel, j’adorais taper sur des trucs et faire plein de bruit, comme la plupart des enfants hyperactifs je pense, j’adorais ça. Ensuite, j’ai fait quelques concerts, des petites scènes locales, quand j’avais quatorze ans, avec mes meilleurs potes, ce genre de choses, on jouait dans des groupes. Et puis j’en ai eu marre d’être assis derrière ma batterie, je me suis dit : « Je veux pas être assis derrière ce putain de truc, c’est énorme, je vois rien, je transpire tout le temps, comme si j’étais venu ici pour transpirer ! » Donc j’ai commencé à jouer de la guitare. Je n’étais pas particulièrement doué, mais ça m’a ouvert de nouveaux horizons, j’ai essayé la basse, j’étais hyper mauvais, et puis j’ai changé d’avis sur le chant, parce qu’au départ, pour moi c’était mort, j’avais jamais envisagé de chanter, ça faisait vraiment cliché : « Sérieux ? Tu vas chanter ? » Et un jour je me suis dit : « Ouais, et je vais essayer, et je vais tout donner, bordel ! » Donc je me suis mis à crier [rires], et de là, j’ai rejoint différents groupes, l’un d’entre eux s’appelait Halide, qui par la suite est devenu Rise To Remain, ça c’était quand j’avais seize ans. J’ai jamais vraiment su ce que j’allais faire pour être honnête, j’ai toujours fait ce que j’aimais, mais je n’avais jamais été confronté à la réalité, et il a fallu se dire : « D’un côté t’as la réalité, de l’autre côté t’as tes rêves, il faut faire un choix ! » Au final c’est ce que j’aimais faire qui a pris le dessus. Et c’était génial, il fallait que je le fasse. Je pense que c’est pareil pour tout le monde dans le groupe, nous faisons ça parce qu’il le faut, nous adorons ça. C’est toute notre vie. Le moment où la musique a pris le dessus, c’est quand j’avais dix-huit, dix-neuf ans, et je me suis dit : « Bon, je ne vais pas retourner à l’école de cinéma », parce que c’était tout aussi difficile dans tous les cas [rires] mais je vais faire de la musique.

Et ton père ne t’a-t-il jamais appris à chanter ou donné des conseils ?

Non, nous discutons plus souvent de films d’horreur que de musique. En fait, nous ne discutons pratiquement jamais de musique. [Il réfléchit] Je ne pense pas que les boulangers parlent de pain en rentrant chez eux [rires]. C’est comme ça, ce n’est pas vraiment un sujet de conversation. Nous sommes malheureusement super chiants et super normaux [petits rires]. Quand nous allons au pub, nous discutons de films et d’autres conneries autour d’une bière ou deux [rires].

Ton père ne faisait plus partie d’Iron Maiden pendant la plus grande partie de ta jeunesse, il n’était donc pas constamment en tournée. Penses-tu que ça a contribué à avoir une vie « normale et équilibrée » d’une certaine manière ?

Ouais. D’ailleurs je ne pense pas que partir en tournée soit forcément mauvais. Je pense que ma relation avec la musique, quand j’étais enfant, et comme tout le monde en fait, s’est construite par l’intermédiaire de mes parents et des autres enfants. C’est quoi la première musique qu’on écoute ? C’est probablement celle que nos parents écoutent [rires], ce que nos parents écoutent à la maison, ou la musique qu’écoutent les autres enfants. J’ai donc découvert la musique au travers de ce qu’ils aimaient écouter. D’un autre côté, mon père était absent pendant de longues périodes pour sa carrière, mais ça n’a jamais vraiment été un problème pour moi. C’était comme s’il partait au travail et quand il rentrait, je continuais à faire ce que j’avais à faire, et lui ce qu’il avait à faire, et il a réintégré Iron Maiden, et je me suis dit « oh, OK, super », et puis il partait en tournée, et je me disais « oh génial, c’est carrément cool. » Comme je le disais, nous sommes super chiants [rires]. Nous sommes vraiment normaux, désolé ! [Petits rires]

Interview réalisée en face à face le 16 février 2017 par Aline Meyer.
Fiche de questions : Nicolas Gricourt & Philippe Sliwa.
Retranscription & traduction : Thomas Pennaneac’h.

Site officiel d’As Lions : aslionsband.com

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