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Interview   

Asking Alexandria : la passion au premier plan


Si la pandémie a mis le monde du spectacle vivant à genoux, elle n’a pas eu que des effets pervers pour les artistes. On a beaucoup parlé depuis un an et demi des bienfaits de cette pause forcée : pouvoir être avec sa famille, prendre plus de temps pour créer ou prendre du recul sur soi-même et son groupe voire procéder à une introspection. Et justement, d’introspection il a été question pour Asking Alexandria qui, après dix années effrénées à toujours être poussé en avant, s’est senti un peu perdu, se rendant compte que la passion avait été reléguée au second plan.

Alors que Like A House On Fire est sorti il y a à peine un an et demi, c’est pour corriger ce constat que le groupe a profité de la pandémie pour retourner en studio afin de donner naissance à un septième disque, See What’s On The inside, mais avec cette fois-ci un objectif : se retrouver tous ensemble pour composer et enregistrer, chose qu’ils n’avaient pas faite depuis leur premier album Stand Up And Scream, tout en renouant avec leurs racines en tant que musiciens. Le guitariste Ben Bruce nous raconte.

« Au bout d’un moment, dans une certaine mesure, le côté amusant se fait aspirer, il s’agit juste de sortir un album, et ensuite il faut tourner, tourner, tourner, tourner. Puis il faut sortir un autre album et continuer à tourner. Il n’y a pas de véritable temps mort. Tu deviens presque un rouage dans une machine. […] Quand on te pousse à continuellement avancer, parfois la passion est mise de côté. »

Radio Metal : Like A House On Fire est sorti en mai 2020, donc en pleine pandémie, ce qui veut dire que vous n’avez pas vraiment eu l’occasion de le promouvoir en live. A quel point était-ce frustrant ?

Ben Bruce (guitare) : C’était très frustrant, mais je pense qu’il y avait de la frustration à foison durant la pandémie. Evidemment, nous n’avons pas pu tourner et c’était agaçant, mais à peu près tout avec cette pandémie était frustrant pour tout le monde à tous les niveaux. Ce n’est pas quelque chose sur lequel nous nous sommes trop appesantis. Quand on nous a dit que nous devions annuler nos tournées, c’était assez bouleversant. J’étais dévasté. Nous avions beaucoup pensé au spectacle que nous avions prévu de faire et nous y avions mis beaucoup d’efforts. Mais quand nous avons nettement pris conscience que ce truc n’allait pas disparaître comme ça, nous en avons profité pour créer de la nouvelle musique et faire un autre album, de façon à ce que tout ne soit pas perdu.

Seulement quelques groupes dans votre situation ont décidé de poursuivre sur la création d’un autre album, tandis que les autres ont préféré attendre de pouvoir reprendre la tournée et la promotion de leur nouvel album, tout en s’occupant avec des live streams et d’autres projets. Tu viens de commencé à en parler, mais comment avez-vous pris la décision de plus ou moins passer outre le cycle de Like A House On Fire et de continuer sur un nouvel album ?

Pour nous, le live show est vraiment une partie intégrante de ce que nous faisons et nous aimons beaucoup être face à notre public. Il y a une connexion et une énergie que les gens partagent et une interaction qui ne peut pas être remplacée ou reproduite ailleurs. Nous ne voulions simplement pas faire un concert virtuel. Ça ne nous intéressait pas de faire un live stream parce que nous n’aurions pas pu obtenir cette connexion avec nos fans, cette interaction et ce partage de l’expérience. Donc nous nous sommes demandé : « Qu’allons-nous faire ? Qu’adorons-nous faire ? » Nous adorons faire de la musique ensemble. Ce n’était pas une décision très difficile à prendre parce qu’évidemment, maintenant que les tournées reviennent, ça veut dire que nous avons deux lots de nouvelles musiques que nous pouvons jouer pour les gens, ce qui rend le concert encore plus plaisant à mon avis. Donc le fait que nous soyons retournés au studio plutôt que de nous tourner les pouces à attendre, c’est du gagnant-gagnant.

Les cinq membres du groupe se sont installés dans une maison à Franklin, dans le Tennessee, pour écrire et enregistrer See What’s On The Inside durant les premiers mois de 2021. C’était la première fois en plus d’une décennie que vous étiez tous ensemble dans le même studio. Quelle différence ça a fait ?

La différence est faramineuse, honnêtement. Quand nous avons commencé ce groupe, j’imagine comme n’importe quel groupe qui débute, nous étions un groupe d’amis qui voulait se retrouver dans une pièce, jouer de la musique et faire de la musique ensemble. Nous n’avions aucune attente. Nous ne savions pas du tout l’ampleur que prendrait le groupe ou quoi que ce soit. Donc quand nous avons commencé le groupe et que nous avons fait Stand Up And Scream, ce n’était rien d’autre que du plaisir. C’était tellement excitant et nous nous concentrions juste sur ce que nous aimions, car il n’y avait rien pour comparer et à réfléchir. C’était juste : « Quelle musique est-ce qu’on aime ? Qu’est-ce qui nous rend heureux ? », et c’est ce que nous avons fait. Puis à un moment donné, au fil des années, à mesure que le groupe prenait de l’ampleur, de plus en plus de mains, de têtes et de gens se sont impliqués. Tu te retrouves poussé dans certaines directions et il y a des attentes auxquelles il faut répondre. Au bout d’un moment, dans une certaine mesure, le côté amusant se fait aspirer, il s’agit juste de sortir un album, et ensuite il faut tourner, tourner, tourner, tourner. Puis il faut sortir un autre album et continuer à tourner. Il n’y a pas de véritable temps mort. Tu deviens presque un rouage dans une machine.

Etant le principal compositeur, c’en est arrivé à un point où c’était plus rapide pour moi de composer l’essentiel de la musique et de l’envoyer aux gars, et ensuite ils allaient dans un studio pour enregistrer leurs parties. C’était ainsi que l’album était fait, ce qui n’est pas rare aujourd’hui avec les avancées technologiques et tout. Mais ça voulait dire que la magie et une partie de l’étincelle qui fait d’Asking Alexandria ce qu’il est étaient retirées de l’équation. Donc le fait de revenir aux fondamentaux avec cet album et d’être tous les cinq ensemble dans une pièce pour la première fois depuis le premier album, ça donnait l’impression de retrouver cette magie. Nous avons retrouvé ces éléments qui peut-être ont manqué dans les albums précédents. Et non seulement ça, mais j’ai l’impression que nous avons renoué des liens simplement en tant qu’amis et individus. Après avoir passé douze ans ensemble, c’est assez spécial de pouvoir faire ça. Le fait de pouvoir se poser dans une pièce et rétablir une connexion, un lien, un amour les uns pour les autres et un respect mutuel est une étape assez importante pour poursuivre l’aventure de ce groupe.

« J’ai découvert Kurt Cobain et Nirvana, et ça a eu l’effet d’un électrochoc sur moi. Ça m’a fait réaliser qu’on n’est pas obligé de jouer à cent à l’heure pour être impressionnant ou pour composer une bonne chanson. Il se contentait de prendre sa guitare et de la laisser parler. Ça m’a fait réaliser que tout ce dont on a besoin, c’est juste de quelques accords, et que ce qui compte, c’est la manière dont on les joue. »

Tu as déclaré qu’avec cet album, vous avez « vraiment voulu rallumer cette flamme et cet amour pour le rock et le metal ». Est-ce que ça veut dire qu’à un moment donné, cette passion s’est atténuée, et que vous avez perdu de vue pourquoi vous aviez fondé ce groupe ?

Oui, je pense que c’est une bonne évaluation. Nous n’avons jamais arrêté d’aimer la musique. Nous n’avons jamais arrêté d’aimer le rock ou le metal, ou de nous aimer les uns les autres ou d’aimer ce que nous faisons. Mais comme je l’ai dit, quand on te pousse à continuellement avancer, parfois la passion est mise de côté. Parfois, l’amour est mis de côté et ça peut devenir frustrant et les choses deviennent calculées. Tu as des gens qui disent : « Le dernier album a marché comme ci, alors le prochain album doit être comme ça » ou « Voilà ce qui est populaire en ce moment, alors assurez-vous que ça colle avec ce qui est populaire en ce moment » car beaucoup de gens dépendent de ce que tu fais et crées. A cet égard, j’ai vraiment le sentiment qu’une grande partie de la passion pure se perd. C’est quelque chose que nous avons voulu retrouver cette fois. Nous nous fichions de tout ça, nous voulions faire un album que nous aimions, dont nous étions fiers, et c’est ce que nous avons fait. Nous sommes revenus à nos racines, c’est-à-dire aux groupes qui nous ont inspirés et influencés quand nous étions gamins et qui m’ont donné envie de faire de la guitare. Pour moi, c’était des groupes comme Metallica, Pantera et Nirvana, et les autres gars avaient leurs propres groupes. Donc nous nous sommes posés et nous avons dit : « Ok, on veut retrouver ça. On veut écrire de la musique qui nous ravit autant et nous rend aussi heureux que la musique que nous écoutions étant gamins. » C’est ce que nous avons cherché à faire et c’est ce que nous avons fait.

Est-ce la pandémie qui vous a poussés à prendre du recul, à réfléchir là-dessus et donc à faire un tel album ?

A cent pour cent. Je pense que la pandémie nous a offert du temps libre pour la toute première fois dans notre carrière. C’en est arrivé à un point où j’ai à la maison des enfants et une épouse que j’aime plus que tout au monde, et je me suis posé, j’étais heureux d’être chez moi et d’être juste un papa. Je ne suis pas Ben Bruce, je suis juste papa. C’était le meilleur moment de ma vie et ça m’a fait réaliser que je ne m’étais pas senti aussi passionné et excité par Asking Alexandria depuis longtemps, ce qui m’a attristé. Le fait d’avoir ce temps libre m’a permis de réfléchir et de me rappeler ce qui m’avait poussé à créer ce groupe au départ. Je voulais vraiment retrouver cette passion et cet amour que nous avions au début du groupe. Sans la pandémie, nous n’aurions jamais eu le temps de nous poser, de repenser à notre aventure ensemble et de comprendre ça.

Par rapport à Like A House On Fire, qui est sorti l’an dernier, See What’s On The Inside est un album très rassurant et confortable. Est-ce aussi une réaction directe à une époque déstabilisante et incertaine ? Penses-tu que vous vous êtes sentis perdus et que lorsqu’on se sent perdu, il est naturel de se tourner vers ses racines ?

Oui, je pense, dans une certaine mesure. Quand j’écoute Like A House On Fire, je pense encore que c’est un recueil de super chansons. J’adore cet album. J’en suis très fier. Ce sont des chansons accrocheuses, mais en l’écoutant je ne ressens pas ou ne vois pas beaucoup de lueurs d’Asking Alexandria. Je n’enlève rien aux chansons en tant que telles, je les trouve toujours fantastiques et nous y avons mis beaucoup d’efforts, mais comme je l’ai dit, je pense que nous étions un petit peu perdus et nous étions sur cette voie où c’était : « On y va, go, go, go ! » Quand on se sent perdu, effectivement, je pense qu’on se tourne vers ses zones de confort et on finit par se rappeler le passé. Je pense que c’est ainsi que nous nous sommes retrouvés là où nous en sommes avec cet album.

A propos du single « Alone Again », tu as déclaré : « A un moment donné dans nos vies, on se sent tous perdus et déboussolés quant à qui on est et qui on veut être, et je pense qu’en ce sens, cette chanson va vraiment tous nous unir. » Savez-vous maintenant qui vous êtes et qui vous voulez être avec Asking Alexandria ?

Il a fallu cette pause, ce temps libre et de la réflexion. En gros, je pense que dès le début, Asking Alexandria a toujours voulu être un énorme groupe de rock, de metal ou peu importe comment on veut appeler ça qui compose des chansons fantastiques. Nous ne faisions pas particulièrement attention aux modes et à ce que les autres groupes faisaient. Puis nous sommes un peu tombés dans ce piège dans lequel, je pense, beaucoup de groupes tombent. En tant que créateur, c’est dur de ne pas être influencé par ce qui se passe autour de soi. Bien sûr, si quelque chose marche bien dans le genre musical dont tu fais partie, tu as envie de l’explorer toi aussi. Mais je pense que nous avons tous pris la décision désormais que ça ne nous correspondait pas en tant que groupe. La raison pour laquelle nous avons commencé ceci, c’est parce que, non seulement nous nous adorons les uns les autres, mais nous adorons aussi le rock et le metal. Selon nous, c’est ce que nous faisons le mieux. Quand nous ne courons pas après ce qui se passe actuellement, quand nous ne courons pas après les modes, et que nous faisons ça uniquement par passion, c’est là que nous produisons nos meilleures œuvres.

« Nous étions des adolescents quand nous avons composé cet album. A ce moment-là de nos vies, nous écoutions ce qui était populaire à l’époque. […] See What’s On The Inside est beaucoup plus proche de ce que nous écoutions tous en grandissant et qui a fait que nous sommes tombés amoureux de ce genre de musique au départ. »

Vu qu’avec cet album, vous considérez être revenus à vos racines en tant que musiciens, peux-tu nous parler de cinq groupes qui représentent vraiment tes racines et de la manière dont ils t’ont influencé sur cet album mais aussi dans tes jeunes années ?

Je pense que les deux plus évidents pour moi – et j’en parle beaucoup –, c’est Metallica et Pantera. Quand j’étais gamin, leurs guitares me parlaient différemment. C’était des groupes très agressifs et qui reposaient beaucoup sur les guitares. Quand j’étais gosse et que je composais de la musique, c’est quelque chose sur lequel je me focalisais beaucoup. C’est aussi quelque chose sur lequel j’ai voulu me focaliser sur ce nouvel album parce que j’ai le sentiment que les guitares étaient un peu en retrait sur Like A House On Fire, au profit des éléments de production modernes et dingues. Sur ce nouvel album, je voulais que les guitares soient vraiment mises en avant, comme l’auraient fait Pantera ou Metallica. C’était une énorme influence pour moi quand j’étais jeune et ça l’est encore aujourd’hui.

Un autre qui est peut-être moins évident, c’est les Beatles. Il y a des parties dans cet album qui rappellent beaucoup les Beatles, mais ce que j’aimais chez les Beatles, c’était surtout qu’ils étaient des compositeurs caméléons. A l’époque, ils pouvaient composer tout ce qu’ils voulaient et c’était toujours bien. Ils pouvaient composer d’énormes hymnes à l’épreuve du temps, comme « Hey Jude » ou « Let It Be », et à l’autre bout du spectre, ils pouvaient composer des chansons comme « Yellow Submarine », qui étaient plus légères. Ecoutez Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club, c’est un genre de trip sous acide. Ce sont des trucs fous et excentriques. Je les ai toujours respectés et admirés pour ça. Ils composaient ce qu’ils voulaient. C’est comme ce dont on discutait tout à l’heure, ils n’ont cessé de faire ça par passion. Peu importe ce qui se passait autour d’eux, dans les classements et tout, ils faisaient ce qu’ils voulaient faire. C’est quelque chose que j’ai toujours adoré dans mon enfance chez ce groupe et qui est aussi mis en pratique dans ce nouvel album.

Un autre artiste que je citerais serait Nirvana ou Kurt Cobain. Pour moi, quand ils sont arrivés, à cette époque de ma vie, j’écoutais beaucoup de groupes comme Metallica et Pantera, mais j’avais plongé aussi dans le monde de Steve Vai, Joe Satriani, Dream Theater et tous ces virtuoses de dingue qui m’obsédaient. Puis, j’ai découvert Kurt Cobain et Nirvana, et ça a eu l’effet d’un électrochoc sur moi. Ça m’a fait réaliser qu’on n’est pas obligé de jouer à cent à l’heure pour être impressionnant ou pour composer une bonne chanson. Il se contentait de prendre sa guitare et de la laisser parler. Ça m’a fait réaliser que tout ce dont on a besoin, c’est juste de quelques accords, et que ce qui compte, c’est la manière dont on les joue. C’est une philosophie que j’ai emmenée avec moi dans tous les albums d’Asking Alexandria. Je n’ai jamais essayé de compliquer les choses juste pour les compliquer et faire que les gens disent : « Oh, c’est extraordinaire ! » Je préfère que la chanson impressionne les gens du début à la fin et qu’elle laisse son empreinte, plutôt que quelqu’un dise : « C’est le solo de guitare le plus cool que j’ai jamais entendu. »

La dernière personne que je choisirais serait probablement Jimmy Page de Led Zeppelin. Je suis un énorme fan de blues. J’ai grandi avec le blues. Mon premier amour en musique était le blues. Mon père m’a fait découvrir B.B. King, Eric Clapton et tout. Pour moi, Jimmy Page a vraiment mélangé à la guitare les deux genres musicaux de façon naturelle. Led Zeppelin est connu comme l’un des plus grands groupes de rock de tous les temps. On n’associe pas forcément Led Zeppelin au blues quand on prononce leur nom, mais si on écoute une grande partie de leur musique, surtout le jeu de Jimmy Page, c’est très inspiré par le blues. C’est là encore quelque chose que j’ai essayé de faire tout au long de notre carrière, au moins en injectant un peu de blues. Que les gens l’entendent ou pas, c’est clairement quelque chose que j’ai essayé de faire au fil des années, y compris sur un album comme Reckless And Relentless, où on retrouve des refrains avec des phrasés blues. Je pense que personne ne le remarque en écoutant cet album, mais c’est quelque chose que j’ai toujours adoré, ça m’a toujours passionné et j’ai toujours essayé de l’inclure dans les chansons que je compose.

D’un autre côté, See What’s On The Inside est un album très différent de Stand Up And Scream. Penses-tu que ce nouvel album est plus proche de ces racines que le premier album d’Asking Alexandria ?

Si on parle de nos racines en tant que musiciens, compositeurs et personnes, complètement. Je pense que les gens s’embrouillent quand je dis : « On est revenus à nos racines sur cet album. » Certaines personnes sont là : « Oh, ça va sonner comme Stand Up And Scream », ça ce n’est pas nos racines en tant que musiciens. Evidemment, sur Stand Up And Scream, nous étions très jeunes. Nous étions des gamins. Nous étions des adolescents quand nous avons composé cet album. A ce moment-là de nos vies, nous écoutions ce qui était populaire à l’époque. Des groupes comme Underoath, The Devil Wears Prada… Ils ont joué un grand rôle pour façonner le son de cet album, simplement parce que c’est ce que nous écoutions à l’époque. Comme je l’ai dit, quand nous avons commencé ce groupe, nous ne savions pas ce qui allait se passer. Nous ne faisions que composer des chansons et les jouer dans la salle de répétition de notre batteur James [Cassells] chez ses parents. C’était les groupes que nous écoutions, donc c’est un peu ainsi que sonnait la musique que nous faisions. Et ensuite, cet album a explosé et on connaît la suite, comme on dit. Mais pour ce qui est de nos racines en tant que personnes et musiciens, cet album aujourd’hui, See What’s On The Inside, est beaucoup plus proche de ce que nous écoutions tous en grandissant et qui a fait que nous sommes tombés amoureux de ce genre de musique au départ.

« Le fait que nous nous soyons perdus dans la drogue et l’alcool pendant tant d’années est vraiment une triste occasion manquée. […] On nous disait : ‘C’est ça le rock n’ roll. C’est comme ça que vous devez être.’ Donc nous avions l’impression que c’était ainsi que nous devions nous comporter. »

J’imagine aussi qu’avec l’expérience, vous comprenez et maîtrisez mieux ces racines…

On peut l’espérer ! Au fil des années, on espère grandir, se développer et s’améliorer en tant que musicien. C’est encore autre chose qui s’est passé sur cet album. Quand tu joues de ton instrument deux cent vingt jours par an sur scène, ça devient quelque chose que tu n’as plus forcément envie de faire chez toi. Pendant un moment, mes guitares ne faisaient que prendre la poussière. Je ne voulais pas les toucher quand j’étais à la maison parce que j’avais passé beaucoup de temps en tournée. Alors qu’avec cet album, je suis retombé amoureux, j’ai retrouvé ma passion pour la guitare en tant que telle. Maintenant, je suis chez moi et je joue de la guitare six ou sept heures par jour. Toute l’expérience de conception de ce nouvel album a été très révélatrice et a changé la donne pour nous.

Ce qui est frappant, c’est à quel point vous avez évolué en tant que compositeurs. Dirais-tu que tes priorités, les éléments sur lesquels tu te focalises dans une composition, ton approche des riffs et ta philosophie globale en matière de créativité ont changé au fil des années ?

Oui, clairement. Je pense que la mentalité est différente maintenant. Quand nous étions en train de faire Stand Up And Scream, il y avait des sections où nous étions là : « D’accord, on veut que les gens partent en vrille sur cette partie », donc nous mettions une partie là. Puis nous disions : « On veut que les gens fassent des checks sur cette partie », donc nous mettions une autre partie là. Nous nous arrangions pour qu’elles aillent ensemble afin de former une chanson pleine de parties que nous trouvions cool. Alors que maintenant, il s’agit plus de créer un voyage avec la chanson ainsi qu’avec l’album. Nous nous concentrons beaucoup sur les émotions que procure la chanson. Quand on a commencé la chanson et qu’on arrive à la fin, comment était le voyage ? Qu’est-ce qu’il a entraîné ? Qu’est-ce qu’il nous a fait ressentir ? Qu’a-t-on retiré de l’écoute complète de cette chanson ? Je pense que ce sont deux manières très différentes de voir les choses.

Le titre de l’album, See What’s On The Inside, sonne comme une invitation. Que voulez-vous que l’auditeur voie à l’intérieur ?

Nous nous sommes énormément concentrés sur la création de cet album et tout ce qu’il y avait dedans. C’est très difficile de résumer un album en un mot ou une petite phrase. Comment résumer le voyage dans lequel nous voulons emmener les gens et l’expérience que nous voulons leur faire vivre avec si peu d’espace ? Aussi longtemps que je me souvienne, nommer les albums a toujours été très difficile pour nous parce que nous ne savons jamais comment les appeler. Mais cette fois, le nom s’est imposé de lui-même. Nous sommes très fiers de tout ce que nous avons mis dans cet album. Plutôt que le résumer en un mot ou deux, nous avons décidé de laisser la musique parler d’elle-même. Nous sommes là : « Ecoutez l’album. C’est tout ce que nous voulons que vous fassiez. » See What’s On The Inside est aussi le titre d’un morceau dans l’album, mais les deux ne s’entrecroisent pas forcément. Je pense qu’ils ont leur propre signification séparée. See What’s On The Inside, l’album, comme tu l’as dit, c’est nous qui invitons l’auditeur à prendre part au voyage que propose l’album, à le déballer, à le mettre sur la platine et à en profiter.

Dans la chanson « If I Could Erase It », Danny chante : « Si je pouvais tout recommencer, il y a tant de choses que je changerais. » C’est évidemment une chanson personnelle pour lui, mais si vous pouviez tout recommencer avec Asking Alexandria, qu’est-ce que tu changerais ?

Je ne suis pas sûr. Je pense que la réponse cliché serait de dire : « Je ne pense pas que je changerais quoi que ce soit parce que ça m’a mené là où je suis aujourd’hui. » Mais il y a clairement des choses que je changerais. Je pense que la première serait qu’il est très facile de se perdre et se faire submerger dans l’industrie musicale, surtout quand on est aussi jeune. Si j’avais su à l’époque ce que je sais aujourd’hui, j’aurais clairement pris des décisions différentes, rien que pour nous les membres du groupe. Le fait que nous nous soyons perdus dans la drogue et l’alcool pendant tant d’années est vraiment une triste occasion manquée. Il y a tant d’occasions manquées dans la vie. Nous sommes passés à côté de plein de moments avec nos parents, notre famille et nos amis parce que nous étions trop déglingués pour fonctionner comme il faut, car on nous disait : « C’est ça le rock n’ roll. C’est comme ça que vous devez être. » Donc nous avions l’impression que c’était ainsi que nous devions nous comporter. Aucun de nous n’avait vraiment grandi en buvant et se droguant. En tout cas, certainement pas moi. C’était vraiment quelque chose qui m’a été inculqué quand ce groupe a commencé à décoller car c’est ce qu’on est censé faire. Il est clair que je retournerais bien en arrière pour dire : « Non. On ne va rien faire de tout ça. On ne va pas laisser ça infiltrer nos vies. »

« Les gens courent après la célébrité dans tous les aspects de leur vie. Ils ne veulent peut-être pas être une rock star ou un acteur, mais ils courent après les likes sur les réseaux sociaux, le statut social à l’école, etc. Je pense que la célébrité paraît séduisante et attirante vue de l’extérieur […]. Personne ne sait ce qu’est la célébrité tant que ça ne lui est pas imposé à un quelconque degré. »

De même, et c’est probablement lié, nous avons appris maintenant à respecter les limites de chacun dans le groupe, alors qu’avant, on nous disait sans arrêt : « Si vous faites une pause, un autre groupe viendra derrière vous et vous prendra la place. Donc vous ne pouvez pas faire de pause. Vous ne pouvez pas être vous-mêmes. Vous devez continuer d’avancer. » Si nous pouvions recommencer, je dirais : « Eh bien, va te faire foutre. On est fatigués. On a besoin d’une pause. » Nous prendrions du temps pour nous en tant qu’individus, parce que ne pas avoir le moindre temps personnel est vraiment ce qui a poussé ce groupe à bout. Certains perdaient des membres de leur famille et ils n’avaient pas le temps de faire leur deuil ; des relations étaient détruites et on n’avait pas le temps de réfléchir sur ces relations, sur ce qui s’était passé ou sur ce qui avait conduit à ces échecs, parce qu’on nous disait : « Vous devez continuer, vous ne pouvez pas arrêter. » Ce sont clairement des choses que je changerais avec le recul.

L’avant-dernière chanson de l’album s’appelle « Fame ». Comment as-tu géré la célébrité dans ta carrière et comment ta relation avec celle-ci a-t-elle évolué ?

C’est une bonne question parce que, particulièrement aujourd’hui, les gens courent après la célébrité dans tous les aspects de leur vie. Ils ne veulent peut-être pas être une rock star ou un acteur, mais ils courent après les likes sur les réseaux sociaux, le statut social à l’école, etc. Je pense que la célébrité paraît séduisante et attirante vue de l’extérieur, donc les gens la veulent. Je pense que la plupart des gens sont comme ça, ils voient des choses et ils se disent : « C’est ce que je veux. Ça a l’air vraiment cool. » Pour ma part, en arrivant là-dedans, je ne savais rien de la célébrité. Personne ne sait ce qu’est la célébrité tant que ça ne lui est pas imposé à un quelconque degré. Evidemment, je ne suis pas Brad Pitt, mais c’est quelque chose qui est difficile à gérer, surtout quand notre vie est exposée sur la place publique. Les gens parlent de nous comme s’ils nous connaissaient et nous comprenaient alors que ce n’est pas le cas.

Quand j’étais plus jeune, les choses avaient tendance à m’atteindre et m’affecter. D’où le fait qu’on m’ait dit : « Tu dois être rock n’ roll. » Donc tu finis par boire et prendre de la drogue sur Sunset Boulevard, même si ce n’est pas toi au fond. C’est quelque chose que j’ai été en mesure de rectifier avec les années. Ma mère m’a beaucoup aidé avec ça. Elle m’a toujours rappelé : « Tu n’es pas Ben Bruce pour moi, tu es toujours juste mon Ben. » C’est quelque chose qui résonne dans ma tête maintenant. Je ne suis pas Ben Bruce. Ben Bruce dans Asking Alexandria n’est pas vraiment qui je suis. Maintenant, j’aime oublier que des gens me connaissent et vivre ma vie. C’est vraiment tout ce sur quoi je me concentre. Le côté célébrité fait juste partie de mon travail.

Après avoir sorti tous vos albums jusqu’à présent chez Sumerian Records, vous avez changé pour sortir See What’s On The Inside chez Better Noise. Qu’est-ce qui vous a poussés à changer après toutes ces années ? Penses-tu que votre relation avec Sumerian était arrivée à un point de stagnation ?

Honnêtement, quand nous avons signé chez Sumerian, nous étions super jeunes. Sumerian était aussi un label super jeune. Ils ont grandi et appris avec nous. Nous avons grandi et appris ensemble, et c’en est arrivé à un point où nous avons voulu en apprendre plus et nous étendre vers différents territoires. Evidemment, Sumerian a déchiré. Ils sont devenus très gros en Amérique du Nord, mais le reste du monde est passé au second plan et ils s’y développaient beaucoup plus lentement qu’en Amérique du Nord. Ce sont des êtres humains, ils ne peuvent pas se concentrer sur tout à la fois, ce genre de chose prend du temps. Mais nous avons gagné une communauté de fans internationale en tournant et en nous rendant dans d’autres pays et continents. C’est quelque chose sur lequel nous voulons beaucoup plus nous concentrer et nous savons que nous avons besoin d’aide. Nous avons besoin d’expertise et des gens qui savent ce qu’ils font dans tous ces pays différents à travers le monde. C’est ce que nous a offert Better Noise. Ils ont des troupes sur le terrain, ils ont des équipes en Europe, ils ont des équipes en Asie, ils ont des équipes en Australie et en Amérique du Nord. Pour nous, c’était plus : « Où peut-on aller pour apprendre à étendre nos horizons sur des marchés hors de l’Amérique du Nord ? » Et Better Noise nous a offert cette opportunité.

Autant l’album sans titre de 2017 était un nouveau départ pour le groupe, autant peut-on voir See What’s On The Inside, avec l’approche que vous avez eue et cette nouvelle collaboration avec Better Noise, comme un autre nouveau départ pour le groupe ?

Absolument. L’album sans titre était le retour de Danny dans le groupe, donc c’était le moment pour nous de tourner la page, de prendre un nouveau départ avec les cinq membres originaux. Le résultat était cet album. L’album suivant, Like A House On Fire, était aussi un nouveau départ pour nous, dans une certaine mesure, parce que nous étions clean. Nous ne prenions plus de drogue, nous ne faisions plus la fête, tout cela ne nous intéressait plus. C’était la première fois qu’un album complet a été écrit en état de sobriété. C’était une étape importante pour nous, le fait de réapprendre à poser nos émotions sans l’aide de produits chimiques dans notre cerveau. Maintenant, nous avons traversé ça et nous voilà, à faire See What’s On The Inside sur un nouveau label. Nous avons un amour, une passion et un respect pour nos racines retrouvées. Nous ne prenons toujours pas de drogue, nous sommes toujours clean, donc nous savons gérer ça maintenant. Donc oui, c’est encore un nouveau départ pour nous. C’est un nouveau chapitre dans le même livre, j’imagine.

Comment votre expérience à écrire See What’s On The Indise ensemble, à retomber amoureux de la musique et à embrasser vos racines va impacter les prochaines étapes du groupe et le live ?

Je pense que c’est quelque chose que nous avons tous décidé après avoir fait ça. Nous ne reviendrons plus jamais en arrière pour créer de la musique autrement. Ceci est Asking Alexandria et tous les cinq sommes une partie intégrante, importante et respectée de ce groupe. Ça se transpose aussi dans le live show. Si on prend l’exemple de Cameron [Liddell], qui est peut-être assez réservé et timide, il a vraiment été poussé sur ce nouvel album à améliorer ses compétences à la guitare. Il a été poussé dans des directions dans lesquelles il n’avait jamais été poussé avant. Pareil avec moi et pareil avec chacun d’entre nous. Donc en live, c’est aussi quelque chose que nous nous poussons mutuellement à faire maintenant. En l’occurrence, nous sommes musiciens depuis longtemps et je ne m’étais jamais posé en coulisses avec une guitare pour m’échauffer jusqu’à présent. J’étais là : « Je vais monter sur scène et jouer le set. C’est cool. Ça va. Je connais les chansons. » Alors que maintenant, je prends ma guitare, je m’échauffe en coulisses et je m’assure d’être en excellente forme pour le moment où je monterai sur scène. C’est quelque chose qui nous est venu en nous reconnectant et en faisant l’album comme nous l’avons fait. Nous voulions retrouver ça dans nos concerts. Donc c’est un groupe très différent à cet égard.

Interview réalisée par téléphone le 24 septembre 2021 par Nicolas Gricourt.
Retranscription : Emilie Bardalou.
Traduction : Nicolas Gricourt.
Photos : Danny Worsnop.

Site officiel de Asking Alexandria : www.askingalexandria.com

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