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Chronique   

At The Gates – At War With Reality


Amusant comme Carcass et At The Gates, deux des patrons fondateurs du death mélodique, se sont retrouvés avec des carrières parallèles : les deux ont enregistré un – alors – dernier album en 1995 avant de se séparer en 1996 et les deux se sont reformés en 2007 pour proposer ensuite, près de vingt ans après, de manière inespérée, un nouvel opus. Et ce que l’on remarque aujourd’hui, c’est qu’At War With Reality des Suédois profite d’une approche comparable au Surgical Steel des Anglais. Voilà deux œuvres où leurs créateurs ont mis sur la table précisément ce qui était espéré d’eux, que ce soit en termes d’orientation musicale, de production réactualisée ou d’imagerie revenant aux fondamentaux du groupe. Et voilà deux œuvres qui ont été pour l’un et sera pour l’autre applaudi sans retenue par la communauté et la critique, trop heureuse de tant de fidélité et de conformité aux attentes.

Pourtant, cette qualité c’est aussi leur principal défaut. Car après près de vingt ans, on en avait presque oublié que ce sont là des groupes qui ont perpétuellement évolué, posant les jalons de l’avenir du genre, et que c’est aussi pour ça qu’on les a tant aimé. Aujourd’hui, At The Gates, comme Carcass quelques mois plus tôt, revient avec un album maîtrisé de A à Z mais remplissant consciencieusement son cahier des charges. At The Gates prend ainsi le risque de fondre sa musique dans la foule de ceux qu’il a, pourtant, autre fois mené et inspiré. En vingt ans, le genre a engendré une multitudes de groupes, saturant la scène. Et si on aurait pu attendre d’At The Gates d’éclabousser la marre stagnante, la réalité est plutôt qu’il s’y beigne sans grand remous. Au travers d’At War With Reality, on retrouve tout, ou presque, ce que tant de plus jeunes formations ont assimilé et se sont appropriés pendant leur absence, sans que l’on ne sache plus vraiment qui a inspiré qui. D’autant plus que ce son si caractéristique (la fameuse pédale de distorsion HM-2), si lié à cette ancienne scène suédoise, tant vecteur de nostalgie, a été abandonné au passé, au profit d’un son plus calibré sur les normes actuelles, enfonçant un peu plus le At The Gates de 2014 dans la masse.

Passé ce constat, on ne peut que reconnaître qu’At The Gates reste un roi – un roi d’âge mûr assis sur ses acquis, mais un roi tout de même – dans le royaume qu’il a largement contribué à bâtir. At War With Reality est un album plus mélancolique que ne l’était le classique du genre, Slaughter Of The Soul, avec lequel ils nous avaient quitté, reposant sur des atmosphères plus sombres et lourdes, saupoudrés de nombreux arpèges (« Heroes And Tombs », l’ambiance crépusculaire d’« Order From Chaos », l’instrumentale « City Of Mirrors », etc.), mais avec la puissance des moyens de productions actuels. At The Gates se réapproprie sans mal son savoir faire, en particulier pour ce qui est de sertir ses riffs de mélodies au cachet typiquement suédois, pendant que Tomas Lindberg aboie ses paroles inspirés du réalisme magique (*), à l’instar de « The Conspiracy Of The Blind », « Book Of Sand » et surtout, ce qui pourrait bien être le « hit » de l’album, « The Circular Ruins ». At The Gates rouvre aujourd’hui grand les portes de son vieux domaine, on attendra désormais qu’il reprenne encore un peu de hauteur sur le paysage voire, pourquoi pas, montre un peu plus d’audace pour la suite.

(*) Thème littéraire d’origine latino-américaine apparu dans les années 60, d’où l’introduction parlée « El Altar Del Dios Desconocido » en espagnol.

Ecouter le titre « At War With Reality » :

Album At War With Reality, sortie le 27 octobre 2014 chez Century Media Records.



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