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Conférence De Presse    Studio Report   

At The Gates partage son cauchemar


« L’avènement d’un nouveau At The Gates ». Tomas Lindberg n’y va pas par quatre chemins pour décrire le nouvel album The Nightmare Of Being. La vérité est qu’At The Gates renoue avec l’ambition de ses premiers albums mais avec l’expérience et l’expertise qui leur permettent aujourd’hui de la concrétiser. Ayant pu écouter l’album en avant-première, on ne peut qu’acquiescer : la puissance de leur précédent album To Drink From The Night Itself se conjugue avec de riches arrangements et des élans progressifs, que ce soit avec l’ambiance lugubre du morceau éponyme, le king crimsonien « Garden Of Cyrus », les parties instrumentales et orchestrales d’un « The Fall into Time » épique ou le krautrock de « Cosmic Pessimism ».

At The Gates a placé la barre plus haut que jamais auparavant. Tomas Lindberg et le plus discret Martin Larsson n’étaient pas peu fiers de présenter leur nouveau méfait aux journalistes lors d’une série de conférences de presse. Nous vous en rapportons ci-après un condensé réarrangé par thèmes pour rentrer dans la conception d’un album qui assurément fera date dans la carrière d’At The Gates et marquera l’année 2021.

« L’idée que le groupe n’a pas de limites est enfin tangible. Je suis convaincu que ce que nous avons essayé de faire avec les anciens albums, quand nous avions vingt ans et étions super inspirés, ambitieux et prétentieux, nous pouvons enfin le concrétiser aujourd’hui. »

À propos de la composition et de la direction musicale :

Notre manière de composer aujourd’hui est confortée par le fait que nous avons assuré après le départ d’Anders [Björler]. Je veux dire que pour To Drink From The Night Itself, nous y avons été et nous l’avons fait un peu comme ça, mais maintenant nous connaissons notre potentiel et nous sommes plus libres. Il y a aussi la programmation que j’ai faite au Roadburn il y a deux ans et notre prestation qui a nécessité beaucoup de logistique et a été une grande aventure artistique. Après ça, nous nous sommes dit : « D’accord, tout est possible. Où sont les limites ? On n’en voit plus aucune. On peut partir dans toutes les directions. » L’idée que le groupe n’a pas de limites est enfin tangible. Je suis convaincu que ce que nous avons essayé de faire avec les anciens albums, quand nous avions vingt ans et étions super inspirés, ambitieux et prétentieux, nous pouvons enfin le concrétiser aujourd’hui, avec les influences progressives, le côté à la King Crimson, etc. Dans la première ligne du premier communiqué de presse que nous avons imprimé en 1990, King Crimson était listé en tant qu’influence. Donc nous y voilà ! Nous avons enfin atteint le niveau de maîtrise musicale et d’arrangement qui nous permet de faire ça. Je ne suis pas en train de dire que les anciens albums sont mauvais, mais nous jouions un peu au-dessus de nos capacités, dans une certaine mesure. On apprend du passé et nous voulons que chaque album d’At The Gates soit un album d’At The Gates complet, avec toutes nos différentes influences afin de créer une expérience complète. Ceci est l’avènement d’un nouveau At The Gates. Je pense que c’est l’album d’un groupe plus confiant.

To Drink From The Night Itself est un super album. Je peux y voir des indices de la direction que nous prenons aujourd’hui, sauf que cette fois, il se passe beaucoup plus de choses que dans n’importe quel autre album d’At The Gates. Il y a énormément de détails et de sons différents. Sur certaines chansons, on a trois sons de grosse caisse différents. Les processus de mixage et de mastering ont été vraiment méticuleux, rien que pour s’assurer que tout ressorte et sonne comme il faut. Nous avons énormément écouté les chansons en travaillant dessus et j’imaginais un album à écouter au casque. Nous voulions que les gens ne se lassent pas des détails, des couches avec les cordes, les cuivres, etc. Pas que nous ayons jeté beaucoup d’idées ou je ne sais quoi, mais nous avons travaillé sur ces idées jusqu’à être à cent pour cent contents d’elles. Je suppose que ça vient aussi de la maturité que le groupe a acquise, c’est-à-dire que nous faisons preuve d’humilité les uns envers les autres. La critique n’est pas une mauvaise chose, ça permet de faire que l’album soit une expérience plus riche pour tout le monde.

À propos du saxophone dans la chanson « Garden Of Cyrus » :

Nous sommes d’énormes fans de King Crimson depuis le premier jour d’At The Gates. Nous avions déjà cette idée pour To Drink From The Night Itself d’ailleurs, le fait d’avoir un saxophone ainsi qu’une trompette sur l’une des chansons, mais nous n’avons jamais trouvé le moyen de le faire, plus pour des raisons logistiques qu’autre chose. Nous avons donc gardé l’idée pour ce nouvel album, nous savions que le solo de saxophone donnerait une autre dimension à la chanson. Anders Gabrielson qui joue le saxophone joue aussi sur l’album solo d’Anders Björler. C’était le lien. Nous pouvions entendre un saxophone à la « Starless » de King Crimson dans nos têtes quand nous composions la chanson, donc nous lui avons dit : « Pars dans cet esprit. » Le gars est diplômé de l’université musicale de Göteborg en free jazz et jazz expérimental. Donc c’était très naturel de l’avoir avec nous au studio. Avec Jonas Björler et Per [Stålberg], le gars qui a enregistré ma voix, nous sautions comme des fous autour de la table de mixage pendant qu’il enregistrait son solo. Nous étions tellement contents. C’était totalement improvisé. Il connaît Coltrane – nous adorons tous John Coltrane – et il connaît King Crimson, c’était le feeling que nous recherchions. Voilà le genre de musiciens avec qui nous avons travaillé sur cet album, carrément trop bien pour nous, car ils sont à un autre niveau de musicalité. Ecrire et jouer de la musique avec ce genre de musiciens dont les capacités dépassent largement les nôtres – je parle aussi des cordes classiques, de la section de cuivres et tout ce que nous avons dans l’album – et faire partie du même projet musical qu’eux, c’est très inspirant.

À propos des parties orchestrales :

Jonas Björler a écrit toutes les parties classiques. Evidemment, nous avons reçu de l’aide pour les transcrire pour les différents instruments, mais Jonas a écrit toutes les parties lui-même. Je suis encore époustouflé par le fait que quelqu’un qui adore encore Autopsy puisse faire ça. Les musiciens qui jouent sont trop nombreux pour être tous cités – nous avons entre douze et quatorze noms sur la liste des musiciens qui ont participé à cet album – mais ce sont tous des gens qui peuvent lire la musique. Dans l’édition deluxe, il y aura un collage avec les photos de toutes les personnes et tout. Tout ce qui est cuivres, flûte, le quatuor à cordes, etc., ce sont de vrais instruments. Il y a d’ailleurs certaines personnes avec qui nous avions déjà travaillé sur To Drink From The Night Itself mais nous voulions que ce soit encore plus gros, donc il y a plus gens impliqués. Certains instruments sonnent beaucoup mieux quand ils sont naturels. Ça va aussi avec ce que nous essayions de faire avec cet album, c’est-à-dire une vraie expérience d’écoute.

« C’est un vrai album, une expérience à écouter au casque. Nous voulions proposer le genre d’album que nous-mêmes voudrions que notre groupe préféré nous propose en pleine pandémie. »

À propos de la production :

Quand nous avons fait At War With Reality, peu de gens le savent, mais nous avons mis en place une sorte de petite compétition. Nous avons enregistré une démo, en faisant du reamping avec les guitares et tout, et nous avons fait mixer ça par huit personnes, et le gagnant allait produire At War With Reality. Je ne vais pas balancer des noms, mais ils sont en tête de liste des producteurs qu’on veut généralement, et Jens [Bogren] nous a impressionnés. Nous avons donc fait appel à lui pour At War With Reality. Quand nous avons commencé à travailler sur To Drink For The Night Itself, nous avions cette idée peut-être fictive qu’At War With Reality était trop propre et précis ; nous l’adorions à l’époque, mais avec To Drink From The Night Itself, nous voulions faire un album de death metal qui sonne sale, un peu en réaction à la propreté du son d’At War With Reality. Nous avons donc consciemment décidé de travailler avec Russ Russell sur To Drink From The Night Itself, car nous trouvons que c’est aussi un super producteur. Sauf qu’à mi-chemin dans le processus de composition de ce nouvel album, nous avons compris qu’il se passait tellement de choses, qu’il y avait tellement de textures différentes et de profondeur musicale et que l’auditeur aurait tellement de choses à assimiler que nous avions besoin d’une autre approche. Il nous fallait quelqu’un capable de saisir tout le concept. Il nous fallait quelqu’un comme Jens pour superviser l’ensemble du projet et avoir une vue complète. Il y a eu de nombreuses discussions entre nous et Jens, nous voulions que ce soit un peu plus sale sur les parties metal et plus heavy qu’At War With Reality, mais tout en gardant la densité des textures et en faisant en sorte que tous les détails soient audibles. Jens avait l’expertise pour ça. La minutie de ses enregistrements est extrême. Ça ne remet pas en cause ce qu’a fait Russ, car nous sommes aussi très fiers de l’album que nous avons fait avec lui.

Nous sommes aussi allés dans différents studios, en travaillant avec différents ingénieurs pour différents instruments et différentes parties de l’enregistrement, mais Jens était impliqué à chaque étape et surveillait tout ce que nous faisions à tout moment. Nous avons travaillé avec Andy La Rocque pour les guitares, par exemple. Andy a écouté les démos de préproduction et il a bien compris ce que nous étions en train d’essayer d’accomplir. Il a facilement su ce qu’il fallait faire pour concrétiser ce que nous entendions dans nos têtes. Il a une très bonne oreille et il connaît tout ce qui se rapporte à la guitare. Evidemment, toutes les parties prog, c’est un style différent de ce qu’At The Gate a l’habitude de jouer, mais c’est le genre de chose que les guitaristes écoutent quotidiennement et avec lequel ils sont familiers. Il s’agissait surtout de trouver le bon son et le bon type d’attaque à la guitare, mais Andy a été un excellent guide pour ça aussi. C’était l’idée de cet album : travailler avec les bonnes personnes pour les différents instruments. Il faut une certaine personne pour obtenir le meilleur de moi, personnellement, en tant que chanteur. Il faut un guitariste génial avec une superbe oreille pour nous aider avec les différents jeux de guitares. Il faut la minutie de Jens pour enregistrer la batterie et les cordes. En fait, la seule chose que Jens a dite au début, c’était : « Je veux être en charge de la batterie. » J’étais là pour l’enregistrement de la batterie et tout ce qu’il faisait était tellement méticuleux, c’était dingue. Je ne sais pas comment Adrian [Erlandsson] a survécu à ça, mais c’est extraordinaire. C’est ce que nous voulions : des professionnels capables de concrétiser notre vision, et je peux vous dire que c’était une assez grande vision.

À propos de la pandémie et de son impact :

Je ne dirais pas que la pandémie a influé sur l’album sur le plan artistique. Au milieu du processus de composition, nous avons réalisé : « D’accord, il se peut qu’on ne puisse pas tourner tout de suite », mais nous étions fermement résolus à sortir quoi qu’il arrive ce produit pour que les gens aient quelque chose à écouter pendant la pandémie. C’est un vrai album, une expérience à écouter au casque. Nous voulions proposer le genre d’album que nous-mêmes voudrions que notre groupe préféré nous propose en pleine pandémie, qu’on peut écouter en s’isolant et qui offre quarante-cinq minutes de plaisir et d’inspiration. Donc nous nous sommes beaucoup plus focalisés là-dessus, afin de donner une autre dimension à l’album. Autrement, Jonas et moi avons écrit cet album comme le précédent. La plupart des gens savent peut-être que la Suède n’a pas connu un confinement aussi strict que d’autres pays. Donc tant que tout le monde était en bonne santé, voyager sur le territoire suédois n’était pas un gros problème. Evidemment, les trains avaient moins de places disponibles, mais si on s’y prenait à l’avance, on pouvait toujours se déplacer en Suède pour faire ce qu’on avait à faire. Le principal problème pour nous, c’était Adrian à Londres. Nous n’avons pas eu beaucoup de temps pour répéter avec lui avant d’enregistrer, mais ça s’est déroulé sans grands accrocs, avec Jens qui était là pour enregistrer la batterie. Heureusement, nous avons aussi trouvé le moyen de le faire venir depuis Londres entre les pics de la pandémie.

C’est dur de savoir ce qui arrivera à un album en le sortant aujourd’hui. Nous avons parlé avec pas mal d’amis qui ont déjà sorti un album pendant la pandémie. Enfin, si on parle de chiffres de ventes, ce n’est pas vraiment notre raison d’être, et puis ce n’est pas non plus un argument car les gens crèvent encore d’envie d’écouter de la musique. Nous préférons sortir l’album tant qu’il est frais et que nous en sommes fiers plutôt qu’attendre indéfiniment. Qui sait ? Peut-être qu’il y aura cent sorties d’albums chaque semaine quand la pandémie sera terminée et qu’on pourra tourner. Nous n’avons pas envie de disparaître au milieu de tout ça.

« On essaye constamment d’éviter de regarder notre propre mortalité en face et d’inventer différentes choses, comme par exemple la religion, pour nous empêcher d’y penser. C’est là tout le paradoxe de l’être humain et aussi le cauchemar de l’existence. »

À propos de la thématique :

The Nightmare Of Being est un album sur la philosophie pessimiste. Je dirais que le point de départ pour moi a été la lecture de The Conspiracy Against The Human Race de Thomas Ligotti. Ça faisait une éternité que Martin [Larsson] me conseillait de lire Ligotti et j’ai finalement trouvé le temps il y a quelques années. Généralement, il écrit de la littérature d’horreur, mais The Conspiracy Against The Human Race est plus une introduction à l’idée du pessimisme en tant que philosophie ou à la mort de la philosophie, comme diraient certains philosophes. Ça a été un tremplin et une porte d’entrée, ça m’a incité à lire plein d’autres philosophes pessimistes. Pas qu’At The Gates soit tout d’un coup devenu pessimiste ou quoi que ce soit, mais le concept était trop bon pour ne pas le creuser en profondeur et lire plus à ce sujet, et puis le pessimisme est un pur concept death metal !

Je comprends que ça donne l’impression d’un album écrit pendant la pandémie, mais tout le thème de l’album a été conçu avant. D’une certaine façon il reflète l’état actuel du monde, mais ce n’était pas intentionnel. C’est plus une réflexion sur l’humanité en tant que telle et sur nos imperfections. Le fait que ça sort à la période la plus horrible qui soit est une – heureuse ou malheureuse – coïncidence. En gros, l’idée autour de laquelle nous avons travaillé était qu’on est la seule race sur Terre à savoir qu’on va mourir. On a conscience de notre propre mortalité. D’une certaine façon, cette évolution de la conscience est ce qui caractérise l’humanité. Pour revenir aux autres philosophes pessimistes, le principal étant Schopenhauer, la volonté est notre moteur et c’est comme si on était guidé par une bête mutante et aveugle. On essaye constamment d’éviter de regarder notre propre mortalité en face et d’inventer différentes choses, comme par exemple la religion, pour nous empêcher d’y penser. C’est là tout le paradoxe de l’être humain et aussi le cauchemar de l’existence, je suppose.

À propos de la chanson « Cosmic Pessimism » :

C’est le jeu de mots parfait. En fait, le titre vient d’Eugene Thacker, un professeur américain et un philosophe pessimiste très actuel avec qui nous avons travaillé. Cosmic Pessimism est l’une de ses œuvres les plus illustres. Nous étions en contact pour travailler avec lui sur cet album et voir comment il pouvait interagir avec nous là-dessus. Au final, nous nous sommes mis d’accord pour utiliser ces paroles pour cette chanson. Ce sont donc ses mots, je ne fais que les représenter. Evidemment, si vous êtes familiers avec le krautrock ou ce qu’on appelait le nouveau rock en Allemagne dans les années 70, c’était dépeint comme étant de la kosmische musik – de la musique cosmique. C’était donc une évidence, ça allait être le titre de cette chanson. C’est un petit jeu de mots pour les geeks. Je suppose que nous voulions faire quelque chose pour nous prouver à nous-mêmes et à tout le monde que d’autres musiques que le pur metal pouvaient être tout aussi exaltantes et repousser les limites. Les gens qui ont entendu des groupes comme Neu!, Faust et Cluster trouveront clairement leurs marques dans cette chanson. C’est une sorte de déclaration. C’est l’une des chansons qui ont nécessité beaucoup de séances de mixage pour faire ressortir tous les détails et avoir la bonne énergie au niveau des guitares. Enfin, sans ces détails, c’est une chanson assez simple, mais il faut ça, car ça propulse la chanson en avant.

À propos du chant :

On essaye toujours de s’améliorer, y compris après une si longue carrière, on essaye toujours de passer des paliers. Je pense que ceux qui ont écouté tous les albums d’At The Gates savent que presque chacun d’entre eux sonne différemment, que ce soit les couinements très aigus de With Fear I Kiss The Burning Darkness ou les trucs vraiment brutaux du premier EP. Mais pour moi, il s’agit plus de répondre au propos de la chanson, à ce dont elle a besoin, au type d’émotions que nous essayons d’illustrer dedans et à la direction que nous voulons lui donner. Bien sûr, vu que, musicalement, cet album part dans tous les sens et qu’il contient plein d’influences différentes, il fallait trouver le bon feeling. J’ai travaillé très étroitement avec le producteur de chant, Per Stålberg, ici aux studios Welfare de Göteborg. Nous essayions d’obtenir le bon feeling, c’est-à-dire voir ce qu’on recherche pour telle chanson, puis essayer d’atteindre cet objectif et laisser la chanson parler pour nous. La chanson exige certaines choses. Avec l’expérience, ça devient plus facile. J’imagine que c’est aussi en partie une question de maturité, mais pour ma part, la seule chose qui soit mature, c’est quand on ne sait pas tout. L’immaturité, c’est dire : « Je sais tout. Je sais quoi faire maintenant. » Aujourd’hui, nous sommes matures. C’est un peu comme l’attitude pessimiste, on ne sait pas tout. En gros, croire tout savoir, c’est le seul défaut de l’humanité.

« Nous gardons espoir et nous sommes en dialogue permanent avec notre tourneur. Si ça se fait, ce sera du bonus. C’est un album sur le pessimisme, donc… C’est ça le truc : si tu ne t’attends à rien, tu seras content si tu obtiens quelque chose. »

À propos de l’artwork :

L’illustration est une œuvre d’Eva Nahon, une artiste hollandaise. J’ai vu pour la première fois son travail au Roadburn en Hollande. Quand j’ai fait la programmation, elle s’est chargée de ce qu’on peut appeler les toiles de fond qu’on voyait entre les groupes. J’ai été épaté par son art. Elle travaille à base de couches. C’est un genre d’artiste qui fait des collages conceptuels, j’imagine qu’on peut appeler ça ainsi. En fait, je ne cherche pas à savoir où elle va chercher les différents éléments. Je la laisse faire là-dessus. En gros, je lui ai donné tous les textes et le concept de l’album, ce que je voulais qu’elle illustre. Je lui ai aussi dit quelles étaient ses œuvres que j’avais aimées et sur quel style je voulais qu’elle parte. Ce que ça décrit, grosso modo, c’est la lutte de l’homme contre lui-même, sa propre mortalité et sa conscience. C’est de ça que je lui ai parlé. Ce n’est donc pas un paysage extérieur qu’on voit. C’est un paysage intérieur que nous avons essayé de dépeindre sur cette illustration.

Ce que les journalistes ont vu là, ce n’est que l’artwork principal. Il y a aussi des illustrations individuelles pour chaque chanson de l’album et même des illustrations additionnelles. L‘artwork arrière est dans un style très similaire, mais dans des tons bleus, donc c’est un peu un clin d’œil aux deux premiers albums, The Red In The Sky Is Ours et With Fear I Kiss The Burning Darkness. Les éditions deluxe seront spectaculaires sur le plan visuel. Nous avons enfin une œuvre complète. Nous voulions quelque chose qui soit beau en grand, sur un vinyle, sur des posters ou autre chose. C’est le genre d’artwork avec lequel j’ai grandi – Powerslave ou Live After Death d’Iron Maiden, on retrouve aussi les couleurs d’Angel Witch, etc. Nous voulions un artwork qu’on peut admirer tout le temps de l’écoute. Century Media a affirmé que pour certains formats numériques, l’artwork serait représenté grand comme un timbre-poste et qu’on ne verrait pas les détails, mais je pense que nos fans savent que nous voulons qu’ils achètent des vinyles pour profiter de l’expérience dans son intégralité. C’est ainsi que nous l’achèterions si nous étions des consommateurs de nos propres produits. Bien sûr, vous avez le droit de l’écouter sur iTunes ou je ne sais où, mais achetez le vinyle pour avoir l’expérience complète !

À propos du séquençage des morceaux :

C’est quelque chose sur lequel on travaille toujours. Je veux dire que nous sommes des metalleux de la vieille école et des fans de musique en général. Nous avons toujours écouté des albums et non des chansons. C’est sur ce principe que nous avons toujours travaillé et construit nos albums. Avec ce genre d’album aventureux, il faut de la dynamique. Plein de choses doivent entrer en ligne de compte dans le séquençage. La seule différence entre le résultat final et notre idée de départ, c’est que la seconde chanson, « The Paradox », nous voulions qu’elle soit en face B, car je crois que c’était l’une des premières chansons que Jonas et moi avions écrite. C’est toujours comme ça quand on n’arrête pas de composer, on est de plus en plus excités par ce qu’on écrit et les anciennes chansons, ça devient : « Ouais, cachons ça sur la face B », mais Jens Bogren et Andy La Rocque ont dit : « Vous êtes fous ! Il faut que ce soit le premier ou second morceau. » Donc nous avons dû revoir notre tracklist pour réagencer ça. C’est le seul changement que nous avons fait, le fait d’avancer ce morceau, et je pense que ça fonctionne bien comme ça. Mais oui, nous travaillons beaucoup sur le séquençage. Quand on écoute une seule chanson de Master Of Puppets et que quelqu’un met autre chose après, on entend dans notre tête la chanson suivante de l’album, en tout cas c’est ainsi que mon esprit fonctionne. Je ne m’intéresse pas aux singles, je m’intéresse aux albums.

À propos de leurs attentes pour cette année :

Tout d’abord, nous sommes très impatients que cet album sorte et d’avoir les retours des gens sur le travail que nous avons abattu. Sur le plan des concerts, le fait de pouvoir interagir avec les gens, nous gardons espoir et nous sommes en dialogue permanent avec notre tourneur. Si ça se fait, ce sera du bonus. C’est un album sur le pessimisme, donc… C’est ça le truc : si tu ne t’attends à rien, tu seras content si tu obtiens quelque chose. Evidemment, il se peut que nous soyons obligés de faire du live-stream, mais ceux qui nous ont vus en live savent que tout est lié à l’interaction avec le public. Nous nous nourrissons de leur énergie et vice-versa. At The Gates est un groupe de live et sans un public, on perd la moitié du truc. Sans l’interaction avec le public, ça me semblera toujours un peu faux et je ne pourrais pas être en mode inspiration maximale. Mais nous avons discuté de différentes solutions. Une idée serait, par exemple, de louer un vrai studio professionnel et de faire une session de questions-réponses dans le studio pour que les auditeurs puissent interagir avec nous, tandis que nous jouons des chansons du nouvel album en live dans un cadre intimiste, avec un son professionnel. Ce serait intelligent de faire ça et de ne pas essayer de jouer sur scène comme un concert normal, car j’ai besoin du public pour me motiver. Il y a aussi le fait que le son live d’un groupe de metal extrême est toujours difficile à capturer numériquement comme ça. La qualité est toujours prioritaire avec At The Gates. Il faudra donc voir comment nous voulons procéder pour ne pas sacrifier la qualité qui, selon nous, est essentielle dans un concert d’At The Gates. Si tout rouvre en août, septembre, octobre, alors nous ne serons peut-être pas obligés de faire quoi que ce soit et nous pourrons profiter de vraies prestations live, c’est ce que nous espérons tous.

Propos recueillis le 18 mars 2021.



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