L’art a une tendance à être polarisé et codifié de manière manichéenne par la presse, le public ou les artistes eux-mêmes et à cultiver les oppositions entre opinions et identités très marquées. Et ce n’est pas une mauvaise chose en soi, au contraire, mais l’art a aussi la capacité de rassembler et de mélanger. Et en l’occurrence, tout le propos d’Attraction Theory est que sa vérité se situe au milieu. Ce projet, né de la collaboration entre Constance Amelane (ex-Whyzdom) et Didier Chesneau (Headline), et auquel se sont greffés Christophe Babin (Headline) et John Macaluso (Ark, TNT, etc.), dédramatise l’idée de contraste.
D’abord sur le plan musical, puisque le groupe ne se pose pas de questions ni de limites sur sa direction sans pour autant se considérer d’emblée comme un groupe « progressif ». Mais ce discours se retrouve dans chaque aspect du projet, les textes, les visuels, le nom du groupe et même plus généralement dans le rapport qu’a Didier vis à vis de la théorie musicale et de l’ingénierie du son, rappelant que la maîtrise de données théoriques et techniques n’est pas incompatible avec la spontanéité d’une idée simple ou folle.
Pour la sortie du premier disque, Principia, découvrez via cette interview du guitariste comment l’alchimie du projet s’est construite.
« Je n’avais pas refait de choses sur un projet où j’étais autant impliqué en tant que compositeur, producteur, depuis Headline. »
Radio Metal : Attraction Theory est né de la collaboration entre toi, Christophe Babin, qui jouiez ensemble dans Headline, et Constance Amelane, qui avait rejoint Headline sur scène récemment. Peux-tu nous parler de cette relation artistique avec Constance ?
Didier Chesneau (guitare) : Quand Constance avait rejoint Headline sur scène, nous nous connaissions déjà. En fait, nous nous étions rencontrés dans un autre contexte, nous avons un ami commun qui est directeur artistique, il s’occupe entre autres des artistes chez Ibanez, qui s’appelle Florent Sliwa, qui avait à l’époque la bonne idée de faire des happy hours, c’est-à-dire qu’au lieu de faire des campagnes de promotion, il invitait une fois par mois des artistes, des gens du métier, etc., à venir dans un bar irlandais près de Pigalle, et du coup, les gens se rencontraient. Un soir, je suis passé à un de ces happy hours, et Constance, que je ne connaissais pas, était là. Elle est venue me voir pour me dire que nous allions bosser ensemble, elle devait travailler avec un groupe que j’étais censé produire à l’époque. Finalement, ce projet-là ne s’est pas fait, mais nous nous sommes rencontrés comme ça. Elle m’a rappelé quelque temps après pour enregistrer des voix pour un duo pour un groupe anglais, et nous nous sommes rencontrés comme ça. Après, l’idée a été de faire des morceaux, parce que forcément, en l’ayant enregistrée, je me suis dit : « Mais elle chante bien cette demoiselle ! » Et le projet est né comme ça. Nous avons commencé à faire des titres sans trop savoir où ça allait nous mener. Nous avons commencé le projet comme ça, et les autres se sont greffés au fur et à mesure. Le propos d’Attraction Theory, c’est que quitte à refaire un projet, je ne voulais pas du tout de contrainte de quoi que ce soit, que ce soit le style, les musiciens… Donc nous nous sommes dits : « On va faire les titres à deux, et on va se laisser inspirer par les gens qui ont envie de participer à cette histoire-là. » Donc forcément, Christophe, avec qui je travaille depuis 20 ans, et puis il y a eu tout un tas de collaborations, certaines sur l’EP, et d’autres qui vont venir sur l’album. Donc voilà comment ça a commencé !
Comment John Macaluso s’est-il intégré à ça ?
Dans le même contexte. J’étais en contact avec John depuis les années NTS puisque j’avais eu la très bonne surprise un jour d’être appelé par la maison de disques via Olivier Garnier, je pensais que c’était pour parler d’Headline mais en fait pas du tout. Il y avait ARK qui était là, et c’était moi qui étais censé produire le successeur de Burn The Sun. En fait, ARK voulait que je produise la suite. Comme beaucoup, c’est un album que j’avais adoré, j’avais adoré la production, j’avais adoré les chansons, et le fait qu’on me confie la suite de cet album-là, j’étais déjà très content. J’avais rencontré John et ARK à ce moment-là, nous avions commencé à travailler sur ce qui devait être le successeur de Burn The Sun, et malheureusement, on connaît la suite, Jorn [Lande] est parti, mais nous sommes restés en contact avec John, nous nous sommes revus deux ou trois fois, je voyais Tore [Østby] aussi assez régulièrement, nous étions en contact. À un moment, il y avait eu un projet d’album solo, sur lequel John devait jouer, les choses n’ont encore une fois pas abouties, mais nous sommes restés en contact. Il a entendu parler du projet et nous nous sommes dit que c’était peut-être le moment pour que nous fassions quelque chose ensemble.
Le Burn The Sun de ARK est un album qui a quand même une résonance assez forte, même si ce n’est pas forcément un projet très connu, mais dans la niche « metal prog », c’est quand même un album un peu considéré comme culte. Donc ça a dû être un sacré ascenseur émotionnel pour toi de te dire que tu allais produire son successeur, et que finalement, ça n’allait pas se faire… Comment as-tu vécu ça ?
Malheureusement, on va dire que dans ce métier, ça arrive. Je ne vais pas dire régulièrement, mais il y a souvent des projets pour lesquels on s’investit sur beaucoup de choses, et malheureusement, les groupes n’aboutissent pas, ou splittent au moment de la promo… Donc je dirais qu’évidemment, c’était décevant, mais cela a été une rencontre humaine cool, et puis c’est aussi le fait que si on te confie la production d’un album comme ça, c’est de toute façon agréable. En plus, cet album-là était mythique pour plein de gens, dont moi, et le fait même qu’on ait voulu me confier la succession de cette histoire-là, c’est déjà une marque de reconnaissance. Après, malheureusement, ça ne s’est pas fait, ça arrive assez régulièrement pour plein de choses, parfois t’es pressenti pour faire telle première partie, pour telle tournée, etc., et les choses font que ça n’aboutit pas. Et c’est aussi pour ça que nous parlons de choses que lorsqu’elles sont faites et ficelées, parce que nous sommes un peu habitués à ce que ça soit très mobile, donc il faut faire avec, et je pense que ça fait un peu partie de ce métier-là ! Forcément, j’aurais aimé. J’ai entendu une partie des chansons qui auraient dû être sur l’album suivant, je me dis mince, c’est dommage ! Mais c’est la vie, je ne peux pas y faire grand-chose !
Penses-tu que ça rende Burn The Sun encore plus culte, vu qu’il est isolé, finalement ?
Oui, de toute façon, c’est un album qui ait un peu arrivé comme un OVNI parce que c’était pas spécialement commercial mais c’était quand même des chansons, ça a regroupé un public assez large, il y a des chansons qui peuvent s’adresser à autre chose qu’un public metal, etc. Donc oui, je pense que cet album-là a quelques chansons qui resteront cultes pour beaucoup de gens, c’est sûr.
Au sein d’Attraction Theory, vous êtes quand même tous des artistes assez prolifiques. Du coup, quelle place va occuper ce projet dans vos agendas respectifs ?
En ce qui nous concerne, ça va occuper une place de premier plan, car le fait est qu’au début, c’était un projet un petit peu comme ça. Mais moi, sur un projet pour lequel j’étais impliqué sur la partie scénique, etc., les dernières choses que j’aie faites dans ce style-là, c’était soit de l’accompagnement d’artiste, soit des remplacements, des dépannages pour des gens qui avaient besoin de guitariste ; mais je n’avais pas refait de choses sur un projet où j’étais autant impliqué, en tant que compositeur, producteur, depuis Headline. Là, la volonté est vraiment de reprendre un peu ce rôle-là, pas uniquement rester cantonné à quelque chose derrière la console et à élaborer le projet, ce n’est pas quelque chose qui est fait pour être temporaire, ce n’est pas un amuse-gueule avant autre chose, ce n’est pas ce projet-là du tout. Pour l’instant, c’est quelque chose qui est destiné à durer, justement parce que nous avons décidé dès le début de ne pas se mettre de contrainte, en se disant que pour l’instant, c’est un véhicule dont nous n’allons pas nous lasser musicalement, en nous disant : « Mince, j’aimerais bien faire ça, mais je peux pas le faire ; ou j’aimerais bien jouer avec tel musicien mais je peux pas. » Donc pour l’instant, c’est censé être : on a repris les concerts, on fait des showcases acoustiques, il y a tout un tas de choses où là, c’est vraiment la partie « musicien de scène » qui ressort, par rapport à quand je passais un peu plus de temps en studio, ou comme session, mais où je n’étais pas autant investi dans la partie compo et naissance du projet.
« Ce que nous aimions bien, c’était cette espèce d’opposition entre un sens complètement philosophique, et l’autre qui est hyper cartésien, ce qui est censé être super opposé. Cela permet de rassembler tout et son contraire. »
Quand on écoute la musique de l’EP d’Attraction Theory, qui est vraiment heavy prog, ce projet a l’air de vraiment correspondre aux parcours et influences de chacun, c’est exactement le style de musique qu’on s’attendrait à entendre de votre part. Au-delà de la rencontre humaine, on imagine qu’il y avait aussi une grosse convergence d’influences qui a donné naissance au projet…
Comme je t’ai expliqué, la base des chansons a vraiment été faite au départ, en tout cas pour certains des titres du futur album et une partie de l’EP, de rencontres. C’est-à-dire qu’à la base, çela a vraiment été Constance et moi, nous avons fait les titres super simplement, parce que paradoxalement, même si je passe ma vie dans un studio avec plein d’équipements, plein de choses, finalement, dès que la part « artiste » revient devant, je n’ai pas envie de me poser trop de questions, de savoir dans quelle tranche de console je vais brancher ma guitare, quel ampli je vais utiliser, quelle guitare, etc. Donc au début, nous avons fait avec Constance des chansons à l’acoustique pour certaines, comme « Attraction Theory » ou « The Eye », sont nées comme ça, et après, on s’est dit qu’on verrait ce qu’il se passerait. Christophe est entré dans le projet, « Silent Signs » a été fait avec Christophe, ça plaisait à Constance, on se disait « tiens, j’aime vraiment bien ces idées-là. Est-ce qu’on peut les utiliser ? » Il y aura dans l’album des morceaux qui ont été aussi écrits avec d’autres gens où forcément soit Constance, soit moi, soit les deux avons collaboré, mais il n’y avait vraiment pas cette volonté de tout contrôler et de tout fermer. C’était vraiment : on ouvre les choses, même si on a envie de jouer avec un musicien de tel horizon, on le fait. Après, fatalement, le passif progressif des uns et des autres est juste commun dans le côté ouverture musicale. Je pense que la plupart des gens étiquetés « prog », même si j’aime pas les étiquettes – je n’ai honnêtement pas l’impression qu’Attraction soit du progressif –, c’est simplement l’ouverture musicale, du genre : « Là, on peut se permettre de faire un morceau où on ne va pas mettre de double-grosse caisse pendant tout le long, ou jouer de grosses guitares en Si, on peut prendre une acoustique, on peut prendre un instrument celtique… » Sans qu’on nous dise : « Mince, vous ne faites plus du metal allemand, vous ne faites pas du symphonique… ». Je suis avant tout un musicien, et ce que j’aime, c’est de pouvoir mettre des choses, explorer différents registres, sans avoir de barrière, et le point commun entre nous tous, c’est effectivement le côté diversité musicale qui d’une manière ou d’une autre se retrouve après, mais je pense que c’est surtout ça qui fait que nous nous comprenons, car nous avons tous une ouverture musicale qui fait que nous n’écoutons pas que du rock ou du metal, et que du coup nous avons aussi envie de jouer des choses un peu différentes.
Vous avez déjà fait quelques premiers concerts. Peux-tu nous en dire plus sur les retours que vous avez eus, et sur ce que ça a provoqué dans le public ?
Le tout premier concert, c’était un peu la présentation du groupe, c’était en début d’année pour le PMFF et l’accueil a été super ! C’était top, t’arrives avec un nouveau projet, de nouvelles chansons… Il y avait à la fois des gens complètement nouveaux dans le public habituel, et quelques-uns qui étaient contents de nous revoir par rapport à nos anciens projets respectifs, donc ça fait toujours plaisir de voir que des gens sont contents de te retrouver. Récemment, au mois de septembre, nous avons fait le Fertois Reckinfest, et nous avons joué avec beaucoup de groupes que nous connaissions, donc c’était très familial, et c’est toujours cool d’être dans ce genre de contexte, donc pour l’instant c’est très bien. Mais c’est vrai que nous avons commencé les acoustiques, nous avons fait Gibert Joseph, avec Constance il y a certains des titres que nous avions déjà rodés avant, mais complètement dans un autre contexte, dans des salons de la musique, nous sommes partis au NAMM aux États-Unis, l’année dernière, nous nous sommes retrouvés à jouer certains de ces titres-là au fin fond du Tennessee, à l’acoustique… Et de voir que la musique que l’on fait intéresse ou interpelle des publics complètement différents, c’est cool, parce que tu te dis que pour l’instant, c’est complètement dans le contexte que je t’ai expliqué, c’est-à-dire que nous avons un projet qui nous permet d’aller au gré de nos envies, et qui semble interpeller des gens venant d’horizons différents, donc ça, c’est assez agréable.
Pour le NAMM Show, y êtes-vous allés en tant qu’Attraction Theory ?
Ce n’était pas encore officiel, nous y sommes allés parce que je travaillais avec les guitares, toujours avec Lâg. Mais avant d’officialiser le projet en tant que tel, nous travaillions déjà avec Constance, nous avions déjà monté une partie des titres, nous en avions déjà joué. Là, c’était un peu l’idée aussi, une partie des titres de l’EP, nous les avions déjà joué sur scène, nous les avions déjà rodés, nous les avions déjà joués dans différents contextes. Mais non, nous ne nous appelions pas encore comme ça, mais notre base était là, et nos chansons aussi [rires].
Le nom Attraction Theory fait référence à une théorie selon laquelle les êtres humains sont attirés les uns par les autres selon des critères précis, qui sont au nombre de quatre. Du coup, quel est votre rapport à cette théorie, et pourquoi en avoir fait l’image du groupe ?
Parce que déjà, ça, c’est un des points de vue de la théorie de l’attraction. Le fondement du choix du groupe, c’est justement ça, c’est-à-dire de faire poser des questions comme t’es en train de me poser, et il y a surtout d’autres sens. C’est qu’en fait, le premier sens, c’est celui-là, qui est un sens assez philosophique ; en fait, la vraie notion philosophique, c’est que tu attires à toi ce que tu es. Mais pour ceux qui sont plus cartésiens, comme moi, la théorie de l’attraction c’est juste : si tu lâches un truc, ça tombe. Du coup, sachant que le projet est né de Constance et moi, je te laisse deviner qui est l’Attraction et qui est la Theory, et justement, ça te permet de t’ouvrir un peu sur ce genre d’univers, de te dire : « Mais le nom, c’est quoi ? Est-ce justement parce qu’il y a un aspect masculin et féminin ? Est-ce que c’est Attraction Theory sous le sens philosophique, donc qu’on attire à soi ce que l’on est ? Est-ce que c’est Attraction Theory version loi de Newton avec la gravité, etc., donc très mathématique et cartésien ? » Et ce que nous aimions bien, c’était cette espèce d’opposition entre un sens complètement philosophique, et l’autre qui est hyper cartésien, ce qui est censé être super opposé. Cela permet de rassembler tout et son contraire, et c’était un peu l’idée, de dire que finalement, les gens, par rapport au titre, la musique et différentes choses, vous pourrez tous vous faire votre opinion, savoir de quoi nous parlons, et si ça symbolise plutôt l’Attraction ou la Theory.
« Les règles sont faites pour être contournées. Je pense que la science, c’est un petit peu ça. Même les scientifiques, les gens qui font des expériences, ils te disent que souvent les plus grandes découvertes se sont faites sur le hasard. »
Quelle est la signification du titre de l’EP, Principia ?
Si tu touches le côté théorique, tu verras que Principia, c’est le nom du recueil mathématique dans lequel Newton a exposé sa théorie. C’est là qu’il a mis toutes ses premières formules mathématiques qui allaient exposer la loi de la gravité. C’était l’annonce de ce qu’allait exposer Newton dans ses travaux. Et là, c’est un EP, c’est le premier projet, c’est la première annonce de ce que va devenir ce groupe, donc c’était marrant de faire un clin d’œil comme ça.
Il y a un peu cette idée reçue selon laquelle les artistes ne sont pas forcément très clients de la science, puisqu’on aurait tendance à penser que ça limite un peu trop les choses. Alors que finalement, la musique repose quand même sur des principes mathématiques et scientifiques très précis, tels que le solfège, ou la manière dont le son est produit qui repose sur des principes physiques. Donc quelle est ta relation à la science ?
Je vais te raconter un truc, lorsque j’étais à l’école d’ingénieurs. L’école d’ingénieurs du son que j’ai faite était assez redoutable parce que pour avoir le diplôme, il ne fallait aucune note en-dessous de la moyenne, pendant deux ans et demi. Il y avait un cours que nous redoutions, c’était l’acoustique physiologique, qui consistait en de l’analyse des sons, l’analyse de tout, et de voir justement ce rapport mathématique. Du coup, nous avons étudié tout. Alors tu imagines, quand tu synthétises avec des équations un son de violoncelle, donc une corde frottée ça produit ça, un son de piano, donc une corde frappée ça produit ça, etc., l’analyse de la dispersion, comment ça se passe, un son percussif, etc. Et le but, pour les futurs ingénieurs du son que nous étions, c’était de dire : « Ok, avec une approche mathématique, vous allez pouvoir placer un micro à un endroit lambda, et obtenir le meilleur son que vous pouvez trouver. » C’est-à-dire que l’on peut calculer l’endroit précis où l’on va mettre le micro et faire en sorte que ça fonctionne. C’est un cours qui a duré pendant un an et demi, qui était un enfer parce que c’était gavé d’équations, de formules mathématiques, etc. Et arrive le dernier cours, et je pense que le prof avait bien préparé son coup parce que nous n’étions pas la première promotion à qui il faisait l’histoire, et il nous a dit : « Ca y est, vous allez enfin savoir ! » Alors que nous, c’était surtout : « Ca y est, ce cours va se terminer ! Enfin on va pouvoir respirer et ne plus trembler à chaque contrôle ! » Et donc arrive ce dernier cours, et il nous dit : « Vous pensez savoir déterminer comment placer un micro à tel endroit, avec des formules mathématiques ? » Et là il fait son grand effet, et nous dit : « En fait, non, il n’y a pas du tout de moyen scientifique de calculer ça, juste un moyen de l’approcher. » C’est-à-dire qu’il y a tellement de variables, par exemple, un son percussif, dans une salle, en fonction de la température, de l’air, de l’endroit, du micro… C’est incalculable. Et là, forcément, on se dit : « Attends, on s’est tapé un an et demi de cours, pour ça ? Merde ! » [Rires] Et en fait, il nous a expliqué que nous avions fait ces cours-là pour pouvoir approcher une zone qui serait parfaite, mais ça n’est que ça. Pour le reste, la meilleure chose, ça va être l’oreille. Donc c’est là que tu vas effectivement avoir des musiciens complètement théoriques, qui peuvent t’écrire une partition, un tube, qui vont dire : « Allez, on va faire un II-V-I, parce que c’est la recette du tube, on va faire ci, on va faire ça. » En attendant, je ne suis pas sûr que les Beatles, ou Hendrix qui était autodidacte, se soient posés ce genre de question, et ils ont quand même fait des tubes. Donc, en tout cas, la science vis-à-vis de la musique, c’est ce qui rend ça très bien, c’est qu’en fait, ça te permet de dire « moi, je connais l’harmonie, je sais que si j’arrange comme ça, si je fais un mouvement parallèle, ce n’est pas bon, si je mets des quintes successives, ce n’est pas bon… » mais en même temps, toutes les règles sont faites pour être contournées. Je pense que la science, c’est un petit peu ça. Même les scientifiques, les gens qui font des expériences, ils te disent que souvent les plus grandes découvertes qui se sont faites sur le hasard. Ils ont beau avoir des protocoles de recherche qui sont très précis, finalement les plus grandes découvertes, comme la pénicilline, se sont faites sur des coups de chance. Donc c’est un peu ma relation à la science, c’est ce côté très théorique, de dire « on va faire ci, on va faire ça », mais en même temps, en se disant qu’il faut rester complètement ouvert, et ne pas se fermer des portes, et surtout rester ouvert aux choses.
Est-ce que le souvenir que tu as de ce fameux cours a changé ? Ne le vois-tu pas de manière beaucoup plus positive, maintenant ?
Je le vois super positif parce qu’effectivement, je pense que cela a été la meilleure leçon qu’a pu me donner ce prof, plutôt que de me dire : « Pour avoir un bon son de caisse claire, tu prends tel micro, tu le places à 45 degrés à tel endroit par rapport à la peau, et à deux centimètres, etc. », donc quelque chose qui serait complètement arithmétique et fermé, de me dire : « En fait ton son de caisse claire, tu peux aussi faire comme Led Zep, et mettre ta batterie dans un escalier, et mettre deux micros de caisse claire si tes oreilles te disent que c’est ça qu’il faut pour le projet. » Donc le cours a été super bénéfique, en t’expliquant pendant un an et demi, où on avait fait des fonctions, des fractions, etc., que bien évidemment ça permet de gagner du temps, l’aspect théorique n’est pas du tout négatif, car c’est sûr que par rapport à quelqu’un qui ne sait pas comment fonctionne une guitare acoustique, tu verras plein de gens qui mettent des micros devant la rosace, alors que c’est l‘endroit où il n’y a pas de son, c’est un endroit où il y a une opposition de phase permanente et là, tu sais par exemple que c’est l’endroit où scientifiquement, il ne faut surtout pas mettre de micro, et tu verras des dizaines de studios ou de trucs live où les gens mettent le micro là. Donc ça te permet de dire que non, là, il faut pas, parce que la physique fait qu’à cet endroit-là, c’est là où toutes les ondes sortent, et c’est en opposition de phase, donc c’est là où il y a le moins de son. Par contre, ça te permet quand même de t’approcher et de dire : « Bon, ok, là il ne faut pas que je mette de micro, par contre à tel et tel endroit, je peux me permettre de mettre le micro à 1,50 mètre devant l’acoustique, ce n’est pas comme ça qu’il faut faire, mais si ça se trouve c’est comme ça que ça va sonner. » Donc bien sûr, ça reste un cours qui forcément, vu la complexité de ce qu’on a fait, fait que quand je place un micro, j’ai à la fois cet aspect technique, de dire « ok, c’est un micro devant un instrument, on sait potentiellement comment approcher cette chose-là, » mais en même temps, je garde les oreilles ouvertes, parce que c’est ça qui compte.
Sur l’artwork, quand on le regarde attentivement, on remarque qu’il y a des formes un peu triangulaires qui se répondent, que ce soit au niveau du nom du groupe lui-même que du symbole que l’on voit au premier plan. Qu’y a-t-il derrière ce symbolisme ?
Le symbolisme du triangle est tout simple : le A de Attraction est un triangle, avec les côtés égaux, il y a le T dedans. Il y avait ce côté symbolique parce que là aussi, c’était « amusant » de faire référence à des symboles, quels qu’ils soient, mais là, ce n’est pas un symbole mathématique, mais nous voulions quelque chose qui soit simple et identifiable, et là, en prenant les initiales du groupe, ça a donné ça. Nous aurions pu l’écrire d’une manière plus enluminée ou quoi, mais c’est aussi pour ça que si tu regardes le logo en lui-même, tu vois le Attraction beaucoup plus enluminé, plus joli, et le Theory est plus théorique, beaucoup plus droit, plus austère. Là encore, le but est vraiment, comme dans un morceau dans cet EP qui s’appelle « Silent Signs », qui traite justement des signes, des choses que tu peux voir partout, dans la nature, de rester ouvert, de rester attentif à ce qui se passe autour de nous.
Interview réalisée par téléphone le 7 novembre 2017 par Philippe Sliwa.
Retranscription : Robin Collas.
Page Facebook officielle d’Attraction Theory : www.facebook.com/AttractionTheory.
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