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Interview   

August Burns Red : le spectre créatif du metalcore


Comme le néo metal, le metalcore est aujourd’hui le style musical dans le giron du metal dont les anciens ne comprennent pas l’engouement chez les jeunes et qu’ils adorent détester. Il faut dire que, comme souvent dans les effets de mode, les déferlantes de suiveurs qui ne font qu’appliquer une formule stéréotypée n’aide pas à séparer le bon grain de l’ivraie. Mais ce serait faire preuve de paresse intellectuelle que de mettre tous les groupes dans le même sac.

S’il y a un groupe de metalcore qui sort du lot pour son inventivité, c’est bien August Burns Red, habitué aux morceaux efficaces, corrosifs mais aussi mélodiques et souvent parsemés de surprises, comme en atteste Phantom Anthem, le nouvel album des Américains. Nous en avons discuté avec John Benjamin « JB » Brubaker, le guitariste soliste et compositeur principal du combo, à quelques heures de monter sur la scène du Petit Bain (Paris). Au programme, outre l’album, le musicien nous parle de ses méthodes de composition, de sa vision du metalcore et des dix ans de l’album Messengers qu’ils ont célébré sur scène.

« Tout est très réfléchi et méticuleusement construit. Ce n’est pas une musique qui nous vient comme ça d’un coup et de ce fait, nous ne pourrions pas improviser une chanson d’August Burns Red. C’est trop complexe, il y a trop de parties. »

Radio Metal : En janvier dernier, Brent a déclaré qu’« à ce moment de [votre] carrière, [vous] voul[ez] sortir de la musique de qualité plutôt que de pondre un album tous les deux ans ». Est-ce que tu penses qu’aujourd’hui vous avez franchi une nouvelle étape dans votre carrière ?

John Benjamin « JB » Brubaker (guitare) : J’ai clairement l’impression que nous avons une discographie suffisamment remplie pour ne pas avoir besoin de sortir des albums aussi rapidement que nous avons pu le faire par le passé. Mais j’imagine que ce nouvel album Phantom Anthem arrivant quasi deux ans après Found In Far Away Places, on peut dire que nous restons presque sur la même cadence, or nous ne nous sommes pas du tout pressés pour finir cet album. Ça s’est passé très naturellement. Et qui sait ce qui arrivera dans les années à venir ? Peut-être que le prochain album ne se fera pas aussi rapidement, et je ne pense pas que ça posera souci. Mais quand nous nous sentons inspirés et que nous avons envie d’écrire, nous nous mettons à écrire. Et si nous avons assez de matière pour sortir un album, alors nous sortons un album. Je ne pense pas que la question du temps soit aussi importante pour nous aujourd’hui qu’elle le fut auparavant.

Dans le communiqué de presse il est spécifié que vous avez “accru et amplifié les caractéristiques de [votre] style dans Phantom Anthem.” Et ça se sent, dans la mesure où il contient toutes vos marques de fabrique mais avec d’autant plus d’intensité. Etait-ce votre objectif initial ?

Ouais, je suppose. Je veux dire que nous voulons vraiment que nos fans apprécient ce que nous faisons mais je ne pense pas que nous composions dans le but de… Je ne pense pas que le but était juste d’écrire un album de plus auquel les gens s’attendent. Nous voulions composer ce que nous estimons être de la super musique. J’ai fait une autre interview aujourd’hui et ils trouvaient que Phantom Anthem sonne comme un retour à notre son, comme si, je suppose, Found In Far Away Places représentait un grand changement, or je ne suis pas forcément d’accord. Je pense que notre son est resté cohérent, avec quelques passages, disons, expérimentaux ici et là, mais je pense qu’essentiellement, notre son est assez homogène sur les derniers albums. Si les gens pensent que Phantom Anthem est un retour à notre époque plus heavy ou peu importe comment qualifier ça, c’est cool. Nous avons juste écrit l’album que nous avions envie d’écrire et nous espérons que les gens l’aimeront.

Une de vos particularités est de casser l’intensité de vos chansons avec des parties plus calmes et surprenantes, et c’est aussi vrai avec ce nouvel album, avec des chansons comme “Dangerous” ou “King Of Sorrow”. Est-ce important pour vous que votre musique ne soit pas unidimensionnelle, qu’elle offre des rebondissements, et qu’elle surprenne l’auditeur ?

Oui. Je pense qu’à ce stade, en tant qu’artiste, c’est vraiment important pour moi. Si nous n’écrivions que des chansons heavy qui vont vite tout le temps, sans aucune dynamique, je ne me sentirais pas satisfaits en tant qu’artiste. Parfois, mes parties préférées dans les chansons sont les parties mélodiques, ou relax, ou en son clair. Ces parties sont vraiment marrantes à composer et à jouer, j’adore la dynamique qu’elles apportent aux chansons. Donc je pense que nous continuerons à faire ce genre de choses. Le but est de jouer une musique très rapide et heavy mais ensuite faire un passage lent, et c’est ce qui rend la partie rapide et heavy encore plus imposante et les breakdowns encore plus percutants. La dynamique est importante aussi pour rendre les chansons intéressantes. Je veux dire qu’il y a certainement des chansons que je trouve géniales et qui n’ont pourtant pas de dynamique, qui sont simples et directes. Mais nous, nous voulons écrire des chansons intéressantes qui emmènent l’auditeur dans une sorte de voyage, et pour ce faire, nous devons incorporer plus que de simples breakdowns et riffs thrash rapides.

Comment construisez-vous vos chansons avec ces genres de structures ? Comment inclure et constituer ces breaks mélodiques ?

Ce qui est marrant, c’est que la plupart du temps, j’arrive d’abord avec une partie de guitare claire et ensuite j’utilise les notes ou les accords de cette partie pour créer un riff metal. Du coup, les deux sont souvent construits autour des mêmes notes, que l’auditeur s’en rende compte ou pas, ils sont liés. C’est facile de prendre un motif de guitare claire joué au médiator, mettre de la distorsion dessus, le jouer complètement différemment et le faire sonner comme un super riff metal. C’est clairement une approche que j’ai quand je compose, entre les partie claires et les trucs plus heavy.

A propos des passages inhabituels qu’on trouve de temps à autres dans vos chansons, comme dans “Internal Cannon” issu de Leveler, Jake a dit : “JB est juste dingue ! Je ne sais pas d’où il sort ça, aucun de nous n’en est responsable !” Alors, d’où ça te viens ?

[Rires] Ouais, c’est une bonne question ! La réponse n’est pas vraiment simple. Quand je compose, je suis le chemin qui se présente à moi. Je n’essaye pas spécifiquement de composer une partie de guitare latine comme dans “Internal Cannon” ou une section western comme dans “Majoring In The Minors”. C’est selon ce qui me vient et si j’ai une idée qui fonctionne, je la développe. Si je trouve que c’est une partie sympa, je trouverais le moyen de l’intégrer à une chanson.

Il a également déclaré que, généralement, quand tu trouves ce genre de partie, il ne sait pas quoi en faire en tant que chanteur. As-tu l’impression, des fois, que les autres ont du mal à suivre tes pulsions créatives ?

Je dirais surtout au niveau du chant. Pour Jake, c’est plus compliqué que pour le reste du groupe. Quand j’écris une chanson, j’écris toute la chanson comme un ensemble cohérent. Quand j’envoie une chanson finie au reste du groupe, pour moi elle sonne bien en tant qu’instrumentale. Les guitares apportent une bonne partie de la mélodie et je trouve que, particulièrement sur les derniers albums, notre musique est déjà agréable à écouter rien qu’instrumentalement, et du coup ça laisse plus de place pour notre style vocal qui est majoritairement crié. Et puis Jake n’a pas à se soucier de porter la mélodie des chansons, dans la mesure où c’est déjà présent dans les parties de guitares. Et je pense que… Désolé, j’ai perdu le fil de ma pensée ! [Rires] Est-ce que ça répond à ta question ? Je ne sais même plus !

« Après avoir composé les chansons, pas mal d’entraînement est nécessaire. Nous nous mettons toujours nous-même à l’épreuve musicalement et techniquement. Là maintenant, je suis seulement capable de jouer deux morceaux de Phantom Anthem en live ! »

N’as-tu jamais essayé de pousser Jake à chanter sur ces parties où il peine à chanter, ou le mettre au défi de le faire ?

Non. Et je préfère que ces parties restent instrumentales. Je trouve que c’est bien de laisser les chansons respirer. Et avec ce style de musique, il y a des sonorités tellement lourdes et rugueuses que c’est bien d’avoir des coupures. Ça offre à l’auditeur une petite pause avant que ça ne reparte.

Mais il pourrait juste chanter une mélodie par-dessus…

Ouais, mais ça ne nous ressemblerait pas. Ce ne serait pas nous, tout simplement.

Selon Brent, vous n’improvisez jamais. Tu penses que votre style n’est pas fait pour ça ?

Non, nous ne sommes pas du tout un groupe d’improvisation. Je pense que nous pouvons jammer sur certaines sections mais tout est très réfléchi et méticuleusement construit. Ce n’est pas une musique qui nous vient comme ça d’un coup et de ce fait, nous ne pourrions pas improviser une chanson d’August Burns Red. Je veux dire que c’est trop complexe, il y a trop de parties. Ce n’est clairement pas une musique fait pour l’impro [petits rires]. Ok, bon, je vais improviser pour faire mes solos de guitare, bien sûr. Mais ce n’est pas quelque chose qui nous vient lorsque nous sommes tous ensemble en tant que groupe. Toute l’écriture se fait individuellement. Nous ne nous réunissons pas pour composer, absolument pas. Ça fait vraiment très longtemps que nous ne l’avons pas fait. Du coup, si je suis en train de composer, par exemple, un lead de guitare, je vais improviser sur une progression d’accord, que je vais faire tourner en boucle, et je vais jouer jusqu’à ce que j’arrive à quelque chose qui me plait et que je trouve les notes concrètes que j’aimerais jouer. Mais ça, encore une fois, ce n’est pas quelque chose que nous faisons ensemble. Je le fais chez moi tout seul. Je compose la guitare entre mes mains mais ensuite, quand je trouve quelque chose de sympa, je l’écris avec un logiciel de tablature appelé Tab It, et c’est un peu comme ça que je constitue mes parties.

Pourquoi utilises-tu un logiciel ? As-tu besoin de visualiser ta musique ?

Tab It est super car je peux montrer au reste du groupe exactement ce que sont les parties, via un logiciel de tablature de guitare, sans avoir à me poser avec eux pour leur apprendre quoi jouer. Ça permet d’économiser beaucoup de temps et de travailler à notre rythme pour apprendre les chansons. Et ça donne une bonne idée de ce que sera la chanson, comment elle va sonner globalement, sans avoir à enregistrer une démo en studio. Nous n’avons pas fait de démos pour un album depuis Messengers. Nous n’enregistrons jamais de démos. Car je créé ces démos digitales en amont. Et souvent, Matt enregistre même la batterie à partir des démos digitales que j’ai créées via Tab It, nous n’enregistrons pas de guitares témoins ou quoi que ce soit de ce genre. Donc ça nous fait gagner du temps. Et tout le monde sait comment les chansons vont sonner rien qu’en écoutant les démos de Tab It, car ça fait très longtemps que nous procédons ainsi. Donc nous pouvons écouter une version informatisée de la chanson et comprendre comment elle sera censée sonner quand nous l’aurons enregistrée pour de vrai en studio.

En procédant de la sorte, ça signifie que vous devez apprendre et répéter les chansons pour maîtriser ce que vous avez composé. Avez-vous parfois du mal à apprendre vos propres chansons afin de pouvoir les jouer ensemble en live ?

Ouais, constamment ! C’est un combat permanent. Après avoir composé les chansons, pas mal d’entraînement est nécessaire. Et c’est le cas pour chacun d’entre nous. Nous nous mettons toujours nous-même à l’épreuve musicalement et techniquement. Là maintenant, je suis seulement capable de jouer deux morceaux de Phantom Anthem en live ; il n’y en a que deux que j’ai appris et mis en place comme il faut pour pouvoir les jouer en live. Evidemment, il y en aura d’autres dans les semaines ou mois à venir mais c’est beaucoup de travail de les apprendre et mémoriser, et en plus de ça, nous jouons aussi beaucoup de vieilles chansons en tournée. Donc je n’ai pas assez de place dans ma tête pour pouvoir apprendre quarante chansons d’August Burns Red et qu’elles soient toutes prêtes d’un seul coup. Il y a trop de parties. C’est juste trop de travail de rester affûté sur toutes ces chansons. Il faut vraiment bien se préparer avant de partir en tournée ou pour apprendre à jouer des chansons du nouvel album en live.

Quelles chansons ont été les plus dures à réapprendre après coup ?

[Réfléchit] C’est une bonne question. Elles semblent toutes compliquées au moment où tu les apprends et que tu te bats avec une partie. Mais ensuite, une fois que tu les maîtrises et que tu es à l’aise pour les jouer en live, tu as tendance à oublier tout le travail et l’effort que tu as dû fournir pour les apprendre. Il y a un passage dans « Martyr », issu de Found In Far Away Places, il y a une partie lead par-dessus un breakdown dans la première minute et demi de la chanson que j’ai eu beaucoup de mal à jouer. Ça m’a pris un moment, pas mal d’entraînement, à jouer au métronome, en commençant doucement puis en accélérant. Mais c’est quelque chose dont j’ai l’habitude et la plupart des gars en ont aussi l’habitude. Ça fait partie de la vie du groupe.

Penses-tu que vous devenez meilleurs en tant que musiciens étant donné les défis que vous vous imposez en procédant ainsi ?

Oh, absolument ! J’ai l’impression de m’améliorer à la guitare après chaque album. Et surtout quand nous sommes en tournée pour un nouvel album, car je dois passer énormément de temps à apprendre les nouvelles musiques que j’écris et les maîtriser pour pouvoir, non seulement les jouer en live, mais aussi les jouer bien. Il est clair que ça me booste en tant que musicien.

« Qualifier August Burns Red de groupe chrétien est un peu trompeur. Nous sommes un groupe qui se veut positif et nous ne voulons pas exercer une influence sombre sur les gens. Pour autant, nous ne prêchons pas la parole de Dieu. »

D’un autre côté, arrivez-vous toujours à trouver une alchimie au sein du groupe quand vous composez sans réelle interaction musicale ?

Je pense que le groupe dans son intégralité me fait confiance en tant que compositeur. J’écris nos chansons depuis… toujours ! [Rires]. Donc c’est un peu notre façon de faire. Nous en avons même discuté en 2010, je crois, quand nous préparions notre album Leveler. Nous avions eu une réunion pour parler de notre approche du processus d’écriture, si nous voulions faire quoi que ce soit différemment. Ce n’est pas moi qui a balancé ça, il a été décidé que nous continuerions sur cette manière de faire, c’est-à-dire que je compose la musique et ensuite nous travaillons sur les paroles tous ensemble, parce que ça fonctionnait bien, et ça fonctionne toujours. C’est juste que si ce n’est pas cassé, pas besoin de réparer. Je pense que l’alchimie est venue au cours de la dernière décennie en jouant tous ensemble en live. Ca fait plus de dix ans maintenant, onze ans, que nous avons ce même line-up. Et c’est une longue période à être ensemble dans un groupe. Nous avons donné bien plus d’un millier de concerts. Donc je pense que l’alchimie est venue naturellement avec le temps. Même si nous ne composons pas ensemble, nous jouons quand même très souvent ensemble.

C’est la quatrième fois de suite que vous travaillez avec les producteurs Carson Slovak et Grant McFarland. A quel point sont-ils devenus importants pour August Burns Red ? Qu’y-a-t-il de si spécial dans cette collaboration ?

Nous adorons travailler avec eux, ce sont des amis proches et nous savons qu’ils font du bon boulot. Ils donnent un son incroyable à nos albums, ils sont très méticuleux et possèdent une meilleure oreille que nous. Grant a démontré qu’il était un grand producteur vocal pour nous. Jake et Grant collaborent beaucoup sur les idées pour le chant et travaillent dur ensemble sur cet aspect de l’album. Ils résident à Lancaster, en Pennsylvanie, la même ville dont nous sommes originaires. Du coup, après une longue tournée, nous ne sommes pas obliger de voyager loin pour enregistrer un album. Nous pouvons venir le faire dans notre propre ville. Nous pouvons donc travailler toute la journée mais quand même rentrer chez nous le soir et passer du temps avec nos amis et nos familles. Avant, quand nous devions voyager pour faire des albums et travailler avec tous les producteurs, nous finissions la tournée pour ensuite s’envoler vers la Floride ou Nashville, dans le Tennessee, ou quelque part dans le genre où nous enregistrions. Et c’était presque comme si nous repartions tournée, même si nous ne donnions pas de concerts, nous enregistrions juste un album. C’est sympa de pouvoir rentrer à la maison après une tournée. Même si tu enregistres un album, tu le fais à la maison, c’est un facteur qui joue beaucoup.

Cet album s’appelle Phantom Anthem. A quoi cela fait-il référence ?

Phantom Anthem est l’idée d’une sorte de mouvement underground. Ce serait le côté « fantôme » du titre. Et si tu regardes la pochette de l’album, il y a la silhouette d’un homme. On ne sait pas qui c’est, c’est une personne quelconque, qu’on a vite fait d’oublier dans la rue. Mais cette personne pourrait faire partie d’un plus grand mouvement, d’une plus grande communauté underground. Je veux dire que tu pourrais même voir ça comme une scène musicale, par exemple. Ça pourrait être n’importe quoi. Mais regarde le metal, par exemple : tout le monde ne s’intéresse pas au metal, c’est une sorte de scène musicale underground. Quand tu marches dans la rue, tu peux croiser un groupe de personnes qui fait partie d’une communauté metal et tu ne t’en rends pas compte, tu penses que ce sont des personnes lambda. Mais quand on se rassemble, on peut créer quelque chose de vraiment cool avec ce mouvement et ce sont tous ces « fantômes » réunis qui créént cet hymne, quelque chose de magnifique. Comme la rose, en l’occurrence, sur la pochette de l’album qui, en gros, représente la chanson de l’underground, l’hymne de toutes ces personnes qui se rassemblent et leur mouvement. Est-ce que ça a du sens ce que je raconte ?

Dirais-tu que toutes ces chansons sur l’album sont en fait des « hymnes fantômes » ?

Je pense que certaines le seront pour certaines personnes et d’autres le seront pour d’autres. Tout dépend de comment tu le sens. Je pense que les musiques sur l’album, au niveau des paroles, couvrent plein de sujets différents. Certaines chansons parleront aux gens de différentes façons. Une bonne partie des paroles est sujet à interprétation. Et nous aimons laisser les choses suffisamment vagues pour que chacun puisse s’y retrouver à sa façon. Il est clair que certaines chansons pourraient bien représenter cela.

En parlant des paroles, généralement dans les groupes c’est le chanteur qui les écrit mais chez vous, c’est collaboratif. Comment ça se passe ?

N’importe qui dans le groupe peut écrire et soumettre ses paroles, c’est un processus très démocratique. Ce que nous faisons, c’est que nous fixons une date lorsque nous sommes en studio, disons que ça fait quelques semaines et nous avons suffisamment de musique mise en boite, alors Jake peut commencer les voix et il a besoin de fixer toutes les paroles. Chacun va soumettre les paroles sur lesquelles il a travaillé et nous allons toutes les lire, nous ne savons pas à qui est telle ou telle chanson, puis nous nous mettons à voter, en notant chaque chanson sur une échelle d’un à quatre, quatre étant la meilleure – si tu penses que c’est une super chanson, tu lui mets quatre étoiles, si tu ne la sens pas du tout, tu lui mets une étoile. Ensuite, en gros, nous faisons le total de tous les votes et voyons quelles chansons sont unanimement considérées comme les meilleures, en se basant sur le décompte des étoiles de chaque chanson. Et nos producteurs donnent également leur point de vue au cours du processus pour avoir un regard extérieur. Ensuite, nous choisissons les dix à quinze meilleures chansons, indépendamment de qui les a écrites, que ce soit Brent ou Matt ou qui que ce soit. Jake et celui qui a écrit les paroles vont ensuite réfléchir et décider quelles chansons correspondent le mieux musicalement. Et parfois, quand nous attribuons ces paroles aux chansons, il restera seulement deux chansons et peut-être que les deux derniers textes ne colleront pas à l’atmosphère musicale de ces chansons. Dans ce cas, nous plongeons un peu plus loin dans la liste de chansons pour en trouver qui colleront à la musique.

Vous êtes connus auprès des gens pour être un groupe chrétien, mais cet aspect chrétien n’apparaît vraiment que de temps en temps dans vos paroles seulement, et vous ne cherchez pas à prêcher ou quoi que ce soit. Du coup, penses-tu que ce soit une idée fausse de qualifier August Burns Red de groupe chrétien ?

Il y a des chrétiens dans le groupe, mais pas tout le monde ne l’est. Mais ouais, je pense que qualifier August Burns Red de groupe chrétien est un peu trompeur. Nous sommes un groupe qui se veut positif et nous ne voulons pas exercer une influence sombre sur les gens. Pour autant, nous ne prêchons pas la parole de Dieu. Nous faisons du divertissement et essayons d’écrire de la bonne musique. Nous n’essayons pas de répandre le gospel, pour ainsi dire.

« Il y a quelques très bons groupes qui font du metalcore et beaucoup de très mauvais groupes qui font du metalcore. C’est probablement dû au fait que je vieillis et que je sature un peu dans ce genre. »

Je ne sais pas si tu fais partie des chrétiens du groupe, mais si c’est le cas, est-ce que ta foi en Dieu influence d’une façon ou d’une autre ton jeu ou ton écriture ? Vois-tu parfois ton inspiration comme une sorte d’intervention divine ?

Pour ma part, non. Je sais que pour certains des gars, surtout pour Matt, il écrit souvent avec des connotations chrétiennes dans certaines de ses paroles. Je ne pense pas qu’il dirait quelque chose du genre « Dieu écrit pour moi ». Je ne crois pas que ce soit aussi dramatique mais ça a certainement une influence dans sa vie et dans sa manière d’écrire, au niveau des paroles. Mais pour ce qui est de la musique, la musique reste de la musique, ce n’est pas de la religion.

Vous êtes probablement un des groupes de metalcore les plus inventifs qui existe, or le metalcore est un style critiqué pour son aspect prévisible et son manque d’inventivité. Quel est ton avis là-dessus ? Comment vois-tu la scène metalcore ?

Je trouve qu’il y a quelques très bons groupes qui font du metalcore et beaucoup de très mauvais groupes qui font du metalcore. C’est probablement dû au fait que je vieillis et que je sature un peu dans ce genre après en avoir été très proche et y avoir tourné depuis de très nombreuses années, mais il y a plein de groupes qui font à peu près tous exactement la même chose et c’est assez ennuyeux. Mais qui suis-je pour dire ce que les gens devraient aimer ou pas ? [Rires]. Si les gens sont à fond dedans, tant mieux pour eux. Chacun est évidemment libre d’écouter la musique qu’il veut et les groupes sont libres d’écrire la musque qu’ils veulent. Et je ne veux pas dire… Si tu es dans un jeune groupe de metalcore et que tu joues un metalcore de style couplet / refrain / couplet / refrain, très bien. Fais ce qui te plais et te rend heureux. Mais dans August Burns Red, nous cherchons à être un peu plus inventifs et intéressants plutôt que de suivre une formule. Nous ne voulons pas être banals.

Est-ce que vous essayez volontairement d’amener le genre plus loin ? Est-ce presque une mission pour vous ?

Je pense un peu, ouais ! Je veux dire que nous n’avons certainement pas inventé le metalcore mais nous étions là au tout début, quand ça a explosé, et ça fait longtemps que nous faisons ça. Nous sommes un peu comme des patriarches et j’adorerais être une bonne influence créative sur de plus jeunes groupes. Si possible, je ne veux pas être un autre groupe qui se contente de débiter la même chose encore et encore. Peut-être que des gens pensent que c’est ce que nous faisons, je ne sais pas. Je ne pense pas que ce soit ce que nous faisons.

Considérez-vous faire totalement partie de ce genre, étant donné la variété des éléments de votre musique ?

J’imagine que oui. Je veux dire que nous jouons avec des groupes de metalcore et nous sommes, par définition, un groupe de metalcore. Donc je suppose. Je ne suis certainement pas aussi actif dans cette scène que j’ai pu l’être. Tu sais, c’est la scène dans laquelle on nous place et pour laquelle nous sommes connus [rires].

Vous avez fêté le dixième anniversaire de l’album Messengers. C’est votre deuxième album. Qu’est-ce qu’il représente pour vous ?

Messengers était un peu comme un album « coming-out ». Il était vraiment important pour nous, je dirais, pour nous apporter la reconnaissance, en tant que groupe. Avec le temps, de plus en plus de gens semblaient considérer cet album comme un album très important pour eux, comme un des premiers albums majeurs dans le metalcore. Et nous pensions que ce serait amusant de faire une tournée pour célébrer ses dix ans, quelque chose de nostalgique pour ceux qui nous suivent depuis longtemps. Et il y a des chansons que nous n’avons jamais jouées en live, nous avons donc pensé que ce serait sympa de pouvoir jouer tout l’album et le mettre en lumière avant de se remettre à faire de la nouvelle musique.

De quoi te souviens-tu de l’époque où vous aviez fait cet album ? Quel était l’état d’esprit du groupe ?

Nous tournions sans arrêt, autant que nous le pouvions, nous étions constamment sur la route, à dormir sur le sol, à bosser sans relâche. Voilà ce dont je me souviens de ce cycle d’album : des tournées qui n’en finissaient pas ! Et notre première fois en Europe, ce genre de chose.

C’était le premier album avec le line-up actuel. Diriez-vous que c’était comme un second départ pour le groupe ?

Ouais, en quelques sortes. Je n’ai pas l’impression que Thrill Seeker représente tellement notre son. J’ai le sentiment que, dans notre évolution, nous avons initié notre son de groupe avec Messengers plutôt qu’avec Thrill Seeker. C’est certainement dû au fait que nous avons encore aujourd’hui le même line-up que sur cet album. Tu sais, deux membres ont changé. Donc Messengers était un peu un second départ, c’est sûr.

Comment c’était de replonger dans cet album ? Y-avait-il des chansons que vous n’aviez pas jouées depuis longtemps qui ont été difficiles à réapprendre ?

Il y en avait certaines que nous n’avions absolument jamais jouées. Mais elles n’étaient pas trop difficiles à réapprendre, étant donné qu’elles avaient été écrites il y a longtemps et que nous nous sommes tous améliorés sur nos instruments depuis. Donc ce n’était pas tant un challenge que ça, à cet égard. Et nous connaissions tous les chansons, c’était juste une question de réapprendre les parties sur nos instruments respectifs. Mais ce n’était pas extrêmement difficile. Au contraire, c’était marrant ! Et nous avons toutes les tablatures, donc… [Rires]

Interview réalisée par téléphone le 28 août 2017 par Nicolas Gricourt.
Retranscription & traduction : Thibaut Guion & Nicolas Gricourt.

Site officiel d’August Burns Red : augustburnsred.com.

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