A chaque sortie d’un nouvel album d’Avatar, on se pose la question : « A quelle sauce va-t-on être mangé cette fois ? » Le fait est que si le style Avatar est désormais bien affirmé et reconnaissable entre mille malgré son gloubi-boulga de genres musicaux – un tour de force en soi –, c’est tout un état d’esprit, une idéologie et parfois un concept qui donnent son identité à chacun de ses opus. On a connu la fable de Feathers & Flesh, le monde avec toute sa mythologie d’Avatar Country, la gravité très terre à terre d’Hunter Gatherer, il est maintenant temps de remuer le popotin avec Satan au son de Dance Devil Dance !
On avait déjà commencé à avoir un aperçu de la thématique « sataniste » via les propos de Johannes Eckerström lors de notre dernière rencontre il y a un an et il la développe désormais, mais l’ambition d’Avatar avec ce nouvel album est surtout de redonner au heavy metal sa capacité à faire bouger et danser et, par la même, de le sauver d’une forme d’engourdissement et de cérébralité. Voilà donc le programme du riche entretien qui suit et qui, à l’image d’Avatar, mêle passion, fun et philosophie.
« Je me sens toujours comme un débutant, j’ai l’impression d’être dans ce groupe depuis à peine deux ans, je n’arrête pas d’apprendre et d’évoluer. J’ai aussi faim qu’au tout début. »
Radio Metal : Hunter Gatherer est sorti en août 2020, en pleine pandémie, puis, afin de compenser l’absence de concerts, vous avez écrit et enregistré cinq chansons que vous avez sorties en 2021, et maintenant vous revenez avec un tout nouvel album. Entre-temps, les salles ont rouvert et vous avez fait beaucoup de concerts depuis septembre 2021. De nombreux musiciens nous ont dit avoir profité de la période pour se reposer chez eux et faire des choses qu’ils n’auraient pas faites autrement, mais on dirait qu’avec Avatar, vous ne vous êtes pas du tout reposés !
Johannes Eckerström (chant) : Nous aimons faire ce que nous faisons, c’est la raison pour laquelle nous le faisons, et nous avons cherché des solutions pour continuer à le faire quand tout est parti de travers. Ceci est ce que nous voulons faire ; nous n’avons pas eu besoin d’une pandémie pour nous arrêter et nous concentrer sur ce que nous voulions faire, car nous le faisions déjà. Ceci étant dit, il y avait aussi du temps pour d’autres choses ! J’ai commencé à faire certaines activités dont la réalisation de Dance Devil Dance a profité, l’une d’entre elles étant que j’ai commencé à régulièrement courir de plus longues distances. Or quand on court suffisamment longtemps, on se retrouve avec une certaine ivresse, et alors de super idées nous viennent, on réalise qu’on est Satan et ça affecte l’ensemble de l’album. Ça me dérangeait un peu lorsque les gens avaient trop tendance à dire : « Profites-en pour ralentir et te faire plaisir en faisant ce que tu as envie faire », car à la fois, il y avait une pandémie. C’était dangereux pour beaucoup de gens, et beaucoup de gens sont morts. Il y avait de bonnes raisons d’être très prudents, ce qui impliquait qu’on limitait les contacts avec les personnes qui nous étaient chères, nos parents, etc. Ma femme et moi vivons en Finlande, je suis suédois et elle est italienne, nous avons donc longtemps été loin de ceux que nous aimons. Je pense que nous nous sommes malgré tout très bien débrouillés pour tirer profit de la situation, nous avons pu tous les deux travailler de chez nous. Avec le groupe, sur une grande partie de cette période, nous avons pu faire autre chose que tourner. D’une certaine façon, c’était super, et nous étions dans une position privilégiée pour ces raisons. Encore une fois, nous adorons être dans ce groupe et nous adorons le rock n’ roll et le heavy metal. Nous adorons notre boulot. Je me sens toujours comme un débutant, j’ai l’impression d’être dans ce groupe depuis à peine deux ans, je n’arrête pas d’apprendre et d’évoluer. J’ai aussi faim qu’au tout début. Si un jour je me disais qu’enfin, c’est le moment de faire autre chose, peut-être que ce serait le signal indiquant qu’il faut que j’arrête.
En décembre 2021, tu nous avais dit que tu avais déjà commencé à travailler sur des chansons pour un nouvel album. Pendant combien de temps Dance Devil Dance a-t-il été en développement ? Avez-vous travaillé sur ces nouvelles chansons en même temps que vous finissiez les singles indépendants ?
Oui, parce que les cinq singles ont été commencés à l’époque d’Hunter Gatherer, en tout cas psychologiquement. D’ailleurs, ça, c’est lié à la pandémie : avec tout ce temps supplémentaire, je me suis dit que j’allais créer dans l’ordinateur un petit dossier qui s’appellerait « Solo ». J’ai commencé à composer et ce n’était pas forcément pour Avatar. Nous venions tout juste de terminer un album, donc je pouvais faire tout ce que je voulais. Ce dossier se remplissait de trucs divers et variés, mais dès que quelque chose commençait enfin à sonner bien, je ressentais le besoin de le montrer aux gars. Je voulais voir si Tim [Öhrström] et Jonas [Jarlsby] pouvaient réenregistrer quelques guitares pour moi. Je leur ai dit : « Eh, j’ai fait des chansons. » Et eux étaient là : « Nous aussi ! » Nous étions bien partis. Ça s’est fait un peu en parallèle. La composition a débuté plus tôt que d’habitude parce que nous ne composons pas vraiment lorsque nous sommes en tournée. On peut avoir une idée par hasard, on se promène un jour à Londres et on note un truc, mais autrement, nous ne composons pas sur la route. Pour cette raison, nous aurions probablement été plus lents à démarrer sur les nouvelles chansons sans la pandémie.
Tu as dit que le dossier sur l’ordinateur s’appelait « Solo ». Avais-tu en tête de faire quelque chose en solo ?
Oui, c’est un faux espoir récurrent ! Quand nous composons la musique d’Avatar, nous restons très ouverts d’esprit et libres aussi longtemps que possible, et à un moment donné, il faut se focaliser : en fait, que sommes-nous en train de faire ? Que gardons-nous ? Que jetons-nous ? Sur quoi allons-nous nous concentrer à partir de là ? Mais au sein de cette ouverture d’esprit, le groupe n’a pas besoin de vingt ballades au piano, or il se peut que j’aie des idées pour vingt ballades au piano, ou le groupe n’a pas besoin de vingt petits passages électroniques, mais il se peut que je les aie. Sur dix chansons de metal, je peux écrire un truc ou deux qui sont différents, et tu finis par les accumuler et en faire une petite pile qui, peut-être, un jour, deviendra quelque chose. Mais les meilleures idées ont tendance à finir par avoir du sens dans Avatar. J’imagine que c’était surtout une sorte de jeu psychologique que je jouais avec moi-même, car encore une fois, mes musiques préférées là-dedans se sont avérées être celles que j’ai tout de suite éprouvé le besoin de montrer aux gars. Avatar est mon projet solo, mais c’est aussi le projet solo de John, le projet solo de Tom, le projet solo de Jonas et le projet solo d’Henrik. C’est un collectif, nous nous unissons là-dedans, c’est ce que nous aimons le plus faire. Nous nous aimons les uns les autres et nous aimons faire ça ensemble.
« Le heavy metal vient du rock n’ roll. Le rock n’ roll, c’est une musique faite pour danser, qui donne envie de se mettre debout, de conduire vite, de s’envoyer en l’air, de tomber enceinte, de se bagarrer ou de soulever quelque chose de lourd. Ça nous fait faire des choses et vivre la vie. »
Dance Devil Dance a été enregistré au milieu de la nature suédoise. Qu’est-ce qui vous a poussés à fuir la grande ville et les studios modernes ?
Hunter Gatherer a été fait à Los Angeles dans un grand studio, extraordinaire et sophistiqué, à Studio City. D’ailleurs, Stevie Wonder l’a acheté après que nous y soyons passés. Tout était super. Los Angeles est le centre de l’univers musical à cause de tous les studios et de toute l’industrie qui s’y trouvent. Là-bas, on a accès à plein de choses géniales, il y a une énorme pièce pour enregistrer la batterie et tous les éléments de batterie qu’on peut imaginer sont accrochés au mur. Il suffit d’un coup de téléphone pour avoir toutes les guitares qu’on peut imaginer et des synthétiseurs vraiment cool. Ils avaient tout, ce qui est super, mais je pense qu’au final, ça nous a poussés vers une manière de faire l’album qui était très léchée. Ça reste un album de metal, mais on retrouve plus ou moins cette énergie à la Toto, cette impression d’un enregistrement élaboré et cher à la manière des années 80, ce qui est super si on compte enregistrer Thriller. Mais nous trouvons que si on loue du matériel, l’installe dans une petite maison et crée du bruit ensemble, en jouant live, on enlève des choix et on est forcé de faire quelque chose de plus brut, et c’est ce que nous voulons. Cet environnement a facilité cette approche. Mentalement, c’était sympa d’être au milieu de cette ville de pros de l’industrie, mais ici, il n’y avait que nous cinq et Jay [Ruston] qui produisait et endossait le rôle d’ingénieur. Nous étions donc un petit gang. Nous nous faisions à manger les uns les autres, nous allions nous promener dans les bois et nous concevions un album. C’était très spécial. Et mentalement, dans un tel environnement, nous avons fini par nous rapprocher, donc c’était encore plus spécial. Evidemment, j’imagine que quand on joue une forme de rock n’ roll, on a envie d’aller au moins une fois à Los Angeles, si on en a la chance. On va à Los Angeles, on porte des lunettes en intérieur, on fait des selfies et on fait un album. Oui, faites-le une fois ! Et c’était génial, les gens avec qui nous avons travaillé étaient extraordinaires, les meilleurs dans le business, y compris Jay qui vit à Los Angeles, mais notre place à nous, c’est dans les bois.
Penses-tu que cet environnement a eu un impact sur votre inspiration, votre humeur ou votre prestation ?
Une bonne partie de l’atmosphère de l’album avait déjà été établie durant la composition et les répétitions, donc ce n’est pas un album très forestier à mes yeux. L’environnement a juste fait que nous étions seuls dans notre petit univers et les retours venaient uniquement de nous, ce qui a créé une expérience très pure. C’est de toute façon quelque chose que nous avons toujours recherché au fil des années, mais je pense que c’est devenu encore plus important aujourd’hui.
A propos de cet album, tu as déclaré avoir l’impression de devoir « sauver le heavy metal ». Qu’est-ce qui te fait dire que le heavy metal a besoin d’être sauvé ?
Evidemment, je ne crois pas que Megadeth ou ce genre de groupe a besoin d’être sauvé ! [Rires]. De grandes choses ont été écrites et il y a plein de super musiques qui sortent aujourd’hui aussi, donc je sais que c’est une déclaration osée, mais quand je vois ce qui se passe avec les nouvelles sorties, la plupart des musiques que je trouve bonnes sont celles qui sont le mieux appréciées quand on se pose et qu’on la ferme pour écouter. C’est un petit peu progressif et élaboré, peut-être parfois assez avant-gardiste ou avec des rebondissements un peu fous, et c’est à la fois vraiment heavy et très intellectuel. Et ce n’est pas un problème, j’aime bien ça, tout comme la plupart des gars dans le groupe, mais il y a aussi du bon dans le putain de heavy metal, une musique qui donne envie de bouger. Le heavy metal vient du rock n’ roll. Le rock n’ roll, c’est une musique faite pour danser, qui donne envie de se mettre debout, de conduire vite, de s’envoyer en l’air, de tomber enceinte, de se bagarrer ou de soulever quelque chose de lourd. Ça nous fait faire des choses et vivre la vie. C’est une musique qu’on écoute pendant qu’on est en train de vivre. Sur ce plan, je trouve que, généralement, ce qui sort actuellement est assez faible.
C’est devenu profilé parce que les gens essayent d’avoir une approche commerciale de ce qu’ils croient être commercial, c’est-à-dire que c’est convenu, ça sonne comme des choses qui ont déjà été faites et ils sont plus paresseux parce qu’ils pensent avoir toutes les réponses et qu’ils ont la technologie à leur disposition, il suffit d’appuyer sur un bouton magique pour que ça sonne bien. Ils remplacent toutes les parties de batteries qu’ils ont enregistrées par des samples d’un plus gros studio, donc ça sonne comme une boîte à rythmes. Ils appliquent un autotune sur la voix du chanteur et la mélodie, car ils n’ont pas envie de déranger ou d’effrayer ceux qui écoutent la radio, donc ils font un travail mélodique hyper bizarre, dégraissé et générique. Je ne pense pas que ce soit suffisant. J’adore le heavy metal. Je dois remercier ce genre musical pour toutes les grandes choses qui me sont arrivées dans la vie, donc je veux que nous fassions mieux que ça. Le metal est très vieux maintenant, donc sortir un album de heavy metal en 2023, c’est comme sortir un album de jazz en 1990. Il faut vraiment se battre pour être pertinent et trouver sa place dans le vaste monde. Je pense que la bonne manière de faire, c’est d’essayer de créer des chansons qu’on n’a pas encore entendues et de faire avancer quelque chose, d’essayer d’apporter quelque chose à la conversation.
« Lorsqu’on va sur Spotify pour écouter de nouveaux albums de metal, généralement, mes chansons préférées sont celles de groupes vraiment extrêmes ou qui existent depuis très longtemps, et parfois les deux. Il manque quelque chose dans le metal contemporain. »
Est-ce une mission que tu t’es donnée dès le début d’Avatar ou bien est-ce une prise de conscience qui s’est faite plus récemment ?
La volonté de faire quelque chose de spécial, au mieux de nos capacités, c’est là depuis le premier jour. Il s’agissait aussi dès le début d’essayer de créer quelque chose qui semblait être dur à faire, de se sentir comme un novice à chaque fois et d’avoir faim de quelque chose. Après, cette description avec cette problématique, ça fait partie de l’état d’esprit et de l’idéologie de cet album en particulier. Ça vient du fait que lorsqu’on va sur Spotify pour écouter de nouveaux albums de metal, généralement, mes chansons préférées sont celles de groupes vraiment extrêmes ou qui existent depuis très longtemps, et parfois les deux. Il manque quelque chose dans le metal contemporain. Ce sentiment est plus récent. Je passe de chanson en chanson et j’ai l’impression que la batterie sonne pareil sur chacune d’entre elles : pourquoi ? On sait pourquoi, c’est parce qu’ils achètent la même banque de sons car les gens ont peur de laisser la batterie sonner humaine. Je trouve que c’est quelque chose qui a perverti les gens, à cause de la radio, de la pop, du son d’autres trucs. Le rock n’ roll sonnait globalement mieux entre 1965 et 1983. Il y a eu des exceptions au fil du temps, bien sûr, des choses extraordinaires sont sorties après ça, il y a eu le death metal notamment, mais dans l’ensemble, c’est devenu de plus en plus générique et convenu, car avant, John Bonham n’avait pas d’autre choix que de sonner comme John Bonham, et ça reste pertinent aujourd’hui.
D’un autre côté, tu as aussi dit que « des gens sont perdus dans le passé ». On retrouve clairement des éléments heavy metal traditionnels dans cet album, surtout le chant haut perché à la Rob Halford dans « Dance Devil Dance ». Du coup, où fixes-tu la limite entre être perdu dans le passé et s’inscrire dans une tradition ?
Ce n’est pas forcément simple de donner une définition claire et nette, c’est quelque chose qu’on ressent, mais j’espère que vous serez d’accord si je dis qu’il y a un tas de falsetto, de solos guitare en shred et d’autres éléments old school qui font partie de la mythologie et des racines du heavy metal traditionnel. Le heavy metal a une histoire, mais à la fois, je ne pense pas qu’on puisse dire que notre album sonne rétro. Je pense que la mode rétro était même pire au début des années 2000 ou 2010, surtout en Suède avec cette vague de revival sleaze, puis la vague de revival thrash, etc. Est-ce que nous avons des influences heavy classiques ? Oui, absolument, mais nous ne voulons pas sonner rétro, c’est ça le truc, je pense.
Tu as dit que vous avez des éléments traditionnels mais sans sonner rétro, et c’est très vrai. Comment parvenez-vous à avoir ce côté traditionnel tout en sonnant quand même moderne ?
Tout d’abord, je te remercie d’être d’accord car c’est une part très importante de ce que nous faisons. Il s’agit notamment de jeter, parmi ce qu’on a écrit, ce qui ne convient pas et d’être dur avec soi-même pour ne pas se contenter de moins. Parfois, ça peut être difficile, quand on a une super idée, mais qui sonne comme du metal de Göteborg en 1995 sans qu’on soit capable de le paraphraser et de l’emmener plus loin. Il faut donc être dur avec soi-même et aussi oser expérimenter. Si tu prends ce truc qui conne comme Göteborg en 1995 et que tu arrives à le mettre dans un contexte qui sonne comme une rave-party d’Europe de l’Est en 2001, je pense que c’est une façon de faire – ça dépend des morceaux. Il s’agit de se stimuler et d’avoir envie de chercher ce type de chanson en soi, tout en étant critique, en retirant certaines choses et en gardant celles qu’on trouve uniques et spéciales. A la fois, avec un peu de chance, ça nous fera quand même ressentir ce sentiment particulier qu’on a peut-être eu en entendant « Freewheel Burning » de Judas Priest. Si c’est le cas, sans que ça sonne pareil, alors c’est qu’on tient quelque chose et qu’il faut continuer à travailler sur cette chanson.
Dirais-tu qu’avec le temps, vous êtes devenus plus durs avec vous-mêmes ? Car si on écoute vos premiers albums, vous aviez un son assez typé Göteborg et vous avez ensuite progressé vers quelque chose ayant davantage une identité propre…
Nous sommes devenus plus durs avec nous-mêmes, mais à la fois, nous sommes aussi devenus meilleurs dans certains domaines. Je pense qu’il y a des aspects dans le fait d’appartenir à un groupe et dans la création musicale qui sont assez abstraits quand on en parle quand on est jeune et qu’on est encore en train d’apprendre à jouer. Quand ces albums sont sortis, nous étions très jeunes, j’avais dix-neuf ans quand nous avons enregistré Thoughts Of No Tomorrow et les chansons ont été écrites les années précédentes quand nous étions encore à l’école. Ce sont des morceaux qui ont été créés pour apprendre à jouer de la musique, donc nous avons fait ce que nous pouvions faire de mieux avec nos connaissances à l’époque. Ensuite, à un moment donné, on passe ce seuil et on arrive à un stade où on a suffisamment appris, composé et travaillé ensemble pour savoir comment communiquer et emmener ça au niveau supérieur. Alors, on ne peut pas s’empêcher d’être dur avec soi-même, genre : « C’est bien, mais ça sonne comme In Flames, ce qui est super si on s’appelle In Flames. Allez, fais autre chose. » Donc, je suppose que nous sommes devenus plus durs avec nous-mêmes à un moment donné parce que nous en avions les moyens, mais maintenant, ça fait longtemps que nous adoptons cette attitude.
« Peu importe le moment, l’époque ou la phase dans laquelle on est, quand on essaye d’accomplir quelque chose, il faut créer son propre cadre, sa propre idéologie. […] Il faut réinventer sa propre vérité, encore et encore. Je pense que c’est ce qui engendre les meilleures œuvres d’art. »
Comme le hard rock et le metal ont désormais une longue histoire, penses-tu que les groupes sont obligés de se questionner, plus qu’Iron Maiden ou Judas Priest devaient le faire à leur époque ?
J’ai l’impression que Judas Priest a fait un effort pour ne pas sonner comme Black Sabbath. Les vieux groupes devaient quand même prendre en compte la musique qui les entourait à l’époque ; Black Sabbath ne sonne pas comme Cream ou les Yardbirds ou Led Zeppelin. Je ne peux pas savoir car je n’étais pas là, mais je sais que c’est ma façon penser. Pantera adorait Judas Priest, mais ils ont essayé de trouver une autre façon de faire de la musique, en intégrant des éléments de hardcore ou peu importe les influences qu’ils ont emmagasinées au fil du temps. C’est quelque chose qui se fait en continu. Parfois on peut être vraiment inspiré par un groupe ou un artiste, parce qu’on aime non seulement sa musique, mais aussi le contexte et la façon dont ça a été fait. J’ai souvent l’impression que les groupes que j’aime le plus sont ceux qui se démarquaient à leur époque. Evidemment, il y avait plein de super disques de heavy metal à l’époque où British Steel est sorti, mais ça restait un album très spécial en soi, ils avaient un train d’avance. J’ai l’impression que nombre de grands artistes adoptaient ce mode de pensée, et c’est en partie la raison pour laquelle nous tenons aussi à penser comme ça.
Tu as déclaré regarder « les maîtres – c’est-à-dire la sagesse de Motörhead, de Judas Priest, de plein de choses », tout en te demandant : « On est aujourd’hui et qu’y a-t-il ensuite ? » Penses-tu qu’il faille savoir d’où on vient pour pouvoir avancer et savoir où on va ?
Il y a plein de façons de monter une montagne. Je pense que c’est ma façon – et notre façon, en tant que groupe – de fonctionner, à cause de ce que nous aimons, d’où nous venons et de la manière dont nous nous sommes intéressés à la musique. Aujourd’hui, on a tous internet, mais quand on est dans une situation où on n’a pas accès à toute la musique du monde mais juste à une portion de celle-ci, et qu’ensuite on apprend à jouer et qu’on est pris de passion pour ça, on peut quand même finir par devenir super original et trouver sa propre voix. Comme j’ai été un fan vraiment passionné de plein de musiques, surtout de metal, pendant longtemps, telles sont mon approche et ma manière de penser, mais je ne crois pas que ce soit la seule vérité. Je crois qu’il n’y pas qu’une seule bonne manière de faire de la musique et qu’un seul bon type de musique à faire. Mais je pense que peu importe le moment, l’époque ou la phase dans laquelle on est, quand on essaye d’accomplir quelque chose, il faut créer son propre cadre, sa propre idéologie.
Cette fois, c’était important que cet album aille droit au but. J’ai lu le livre de Rob Halford, Confess, à la même période, et quand il s’est mis à parler de British Steel, tout faisait écho à ce que j’avais en tête pour notre album. Nous l’avons un peu épuré, d’une certaine façon, et avons fait en sorte qu’il soit plus focalisé et concis, nous voulions être musicalement plus directs. C’est une manière de penser la musique, mais peut-être que la prochaine fois, l’idéologie et le manifeste seront différents. Peut-être que la prochaine fois, nous emmènerons les choses aussi loin que possible, peu importe la direction que ça doit prendre, et que chaque chanson fera vingt minutes. Pourquoi pas ? Ça dépend de nous. Il s’agit de se consacrer entièrement à l’idée et à la création. Ça peut changer et il y a de nombreuses vérités. C’était important pour nous cette fois de faire un album qui ne paraissait pas progressif, mais j’écoute toujours un tas de musiques progressives, donc il y a un lieu et un moment pour ça aussi, et peut-être qu’il y aura un lieu et un moment pour nous à l’avenir où nous irons vers quelque chose de ce genre. Le temps le dira ! C’est une vérité flexible. Il faut réinventer sa propre vérité, encore et encore. Je pense que c’est ce qui engendre les meilleures œuvres d’art.
Tu fais beaucoup référence à Judas Priest. Tu as même comparé cet album à British Steel. Peux-tu nous expliquer un peu plus ce qui fait de Judas Priest une telle référence pour toi ?
J’aime Judas Priest depuis mon adolescence, mais si j’avais dû dresser une liste de mes dix groupes préférés, il serait monté dans cette liste au fil des années. Je n’ai simplement cessé de réaliser à quel point ce groupe était cool et super, et la longévité de sa musique. Quand tu as écrit et enregistré autant de chansons que nous, et qu’ensuite tu écoutes ce que Rob Halford fait, que tu as fait face à tes propres défis, que tu entends le claquant de sa voix, le groove et le caractère entraînant de son chant… Si on prend « Breaking The Law », c’est une chanson tellement simple et minimaliste, mais elle donne l’impression d’être bien plus grâce aux syncopes d’Halford dans les couplets. Ce sont plein de petits éléments qu’il magnifie, au lieu de partir dans tous les sens, de chanter de manière super élaborée, etc., et qui soulignent et racontent l’histoire. J’aime aussi le Priest des années 70. Sad Wings Of Destiny est vraiment génial, pareil pour Killing Machine et tout, mais il y a quelque chose dans le focus qu’on retrouve dans British Steel et quelques autres albums après et qui est réellement intouchable pour moi.
« Pour être bon sur scène, je dois faire du sport à fond presque tous les jours quand nous sommes sur la route, parce qu’ainsi, le concert n’est pas le truc le plus dur que j’ai fait dans la journée, ça devient un peu plus facile. Mais ça veut dire que je brûle probablement quatre mille calories par jour en exercice physique. »
Il y a eu pas mal de conservatisme dans le heavy metal, or Avatar a toujours été un groupe qui allait contre, défiait et secouait le conservatisme. Comment avez-vous géré ça ? Est-ce que ça a parfois été difficile de se faire accepter par une partie de la communauté ?
Peut-être quand nous étions adolescents et que nous jouions dans des genres de MJC, car nous étions tous des gamins qui essayaient de comprendre les choses. Mais au bout du compte, quand British Steel est sorti, c’était vraiment à la pointe et pas du tout conservateur, quand Slayer a commencé à sortir de la musique, c’était très non conservateur comparé à ce que nous écoutions en grandissant, et quand le death metal a commencé à arriver avec Morbid Angel et ce genre de groupe, ça a vraiment tout mis sens dessus dessous… Tous ces trucs géniaux dans chaque époque étaient tout sauf conservateurs. Je pense que ce que l’on croit vouloir, ce que l’on veut vraiment et ce que l’on veut une fois qu’on a entendu ce que ça donne sont des choses différentes. Les gens qui s’intéressent à nous s’intéressent à des groupes qui sont comme nous et ils savent que nous sommes des mecs bizarres. Ils savent que nous faisons ce que nous voulons. Ils savent que nous ne voulons pas faire deux fois la même chanson ou le même album, et que la chose la plus honnête que nous pouvons faire avec notre musique est de la laisser changer avec l’âge et à mesure que notre vie change.
C’est mon exemple préféré : je suis un grand fan de Devin Townsend et j’aime énormément son dernier album Lightwork. Je pense qu’une bonne raison qui explique pourquoi je l’aime tant, c’est parce que Devin a maintenant cinquante ans et ceci est la chose la plus sincère que cet homme de cinquante ans pouvait faire à ce moment précis, au lieu de faire semblant d’avoir encore vingt-deux ans et d’être vraiment en colère comme à l’époque de Strapping Young Lad. J’adore Strapping Young Lad et j’adore le nouvel album, et j’adore tellement de choses entre les deux – la grande majorité – et tout ce qu’il a fait représentait une version authentique, exposée, mise à nu de lui-même à ce moment-là. Je pense que nous, ses fans, l’avons récompensé pour ça, et tels sont les fans qu’il a pu conserver. Nous aspirons à ça et c’est ce qui nous permet de nous sentir bien. Tout à l’heure, j’ai dit que nous n’avons pas voulu faire de pause parce que nous adorons ce que nous faisons, et si notre amour pour ce groupe ne tarit pas et que nous nous en soucions autant, c’est parce que nous nous permettons d’être comme ça. Nous avons la trentaine, ce qui n’est pas vieux, mais en musique, ça peut être très vieux si on a fait la même chose depuis qu’on a dix-huit ans. Mais nous changeons constamment, donc nous sommes toujours jeunes, nous sommes toujours des débutants, nous nous demandons toujours : « Comment fait-on ça ? Qu’est-ce que c’est ? Est-ce que je peux apprendre ça ? » Et ça vaut sur les plans technique et artistique, ainsi que pour la vue d’ensemble.
Dans le titre de l’album, il y a deux idées : celle de danser et celle du satanisme. D’abord, parlons de la partie « danse ». A ce sujet, tu as déclaré que « lorsque les gens se retrouvent à faire du metal qui est le mieux apprécié en restant assis et en se taisant, ils sont à côté de la plaque ». Penses-tu que ce côté dansant ou qui donne envie de bouger sur la musique a été négligé au fil du temps dans le heavy metal ?
Totalement. Je pourrais en parler pendant des jours, mais écoute « Turbo Lover » de Judas Priest, c’est là ! Et il n’y a pas qu’eux. On peut se déhancher et même baiser sur du Led Zeppelin. Il y a plein d’exemples. Je trouve que ça manque, c’est très rigide aujourd’hui, et je m’en suis rendu compte parce que quand on écoute de la soul ou ce genre de musique, on retrouve cette envie de bouger du début à la fin, or c’est rare de ressentir ça avec le metal moderne. Je suis sûr que ça arrive, mais c’est rare, alors que je pense qu’on peut le faire et qu’on devrait le faire. Tout d’abord, cette musique est censée, par définition, avoir de la batterie et de la basse. C’est un style fait pour danser. D’accord, on ne danse pas la Macarena sur du heavy metal, mais il y a quand même un groove et un rythme, on compte constamment quatre temps. Si vous hochez la tête ou pogotez dessus, ça reste une forme de danse en soi, il y a l’énergie d’un mouvement corporel et ça parle d’abord au corps.
Ça peut paraître étrange, mais quand on essaye de faire quelque chose d’extrême, je pense qu’on peut rechercher ça aussi. Quand nous voulons être vraiment extrêmes et que nous puisons dans des influences death metal pour notre musique, nous essayons de garder cette énergie qui donne envie de claquer des doigts en rythme. Cryptopsy reste collectivement notre groupe de death metal favori dans Avatar parce que c’est comme un groupe de jazz, ils sont très organiques. Je crois qu’il n’y a jamais eu de piste de clic sur leurs albums et ce sont simplement d’excellents musiciens qui respirent la musique ensemble. C’est quelque chose qu’on ressent dans la colonne vertébrale, même quand c’est un blast beat super rapide dans un album de Cryptopsy, donc on devrait quoi qu’il arrive viser ça. C’est encore une fois l’essence de la formation que nous avons, en termes d’instruments. Nous n’avons pas deux tubas, une trompette, un tambour et une cornemuse. C’est de la batterie et de la basse, avec en plus de la guitare et du chant. Pourquoi jouons-nous de ça ? Pourquoi revenons-nous à ce genre de rythmes rock n’ roll ? C’est parce que c’est ainsi qu’on obtient un mouvement et un élan. Donc oui, ça manque dans le metal et c’est très important pour moi. C’est pourquoi cette idée est dans le titre Dance Devil Dance, nous essayons de traiter le metal comme une musique faite pour danser et avec ce mode de pensée, nous en sommes arrivés aujourd’hui à cet album.
« Quand tu composes quelque chose, ferme-la et écoute ce que tu as fait, prends une profonde respiration et laisse-le devenir ce qu’il a besoin de devenir. »
Bougiez-vous et dansiez-vous pendant que vous enregistriez ? Est-ce même ainsi que vous obtenez une bonne performance ?
Le musicien s’assoit et joue. J’ai joué dans un big band, je jouais du trombone lors de soirées et je ne dansais pas pendant que je jouais, mais je faisais danser les gens. En composant et en réécoutant ce que nous avions enregistré, quand nous étions en train d’essayer des riffs, de définir les parties de batterie et tout, si ça me donnait envie de bouger, je savais que nous tenions quelque chose, mais nous n’écrivons pas des chorégraphies pour chaque chanson. C’est l’intention qui fait la différence et le fait de ressentir la musique dans son corps. C’est bien de taper du pied en rythme et ce genre de chose. Autrement, il peut y avoir une sorte de rigidité, mais je pense que ce serait aller trop loin de dire qu’il faut littéralement danser en jouant. C’est un peu plus profond que ça. Je suppose que c’est plus un état d’esprit.
Sur scène, tu es toi-même loin d’être statique ; on te voit bouger comme un dingue. A quel point es-tu épuisé après un concert d’Avatar ?
Avec un peu chance, très épuisé si j’ai fait ça comme il faut. Il y a aussi que je fais énormément d’exercice, j’essaye vraiment d’en faire la majeure partie de l’année, même si ça n’équivaut pas exactement à ce qu’on fait sur scène parce que, sur scène, on doit aussi gérer l’adrénaline, le public, etc. Le metal est aussi une musique qu’on doit ressentir avec le corps. C’est un autre problème avec le metal moderne, parce qu’on peut frapper la batterie très doucement et ensuite faire en sorte que ça sonne super heavy grâce aux triggers et ce genre de chose, pareil avec les guitares avec toute la distorsion et les effets, on n’est pas obligé de gratter très fort. Nous, nous aimons défoncer les instruments quand nous jouons et créer ce genre de son. C’était comme ça sur le premier album de Black Sabbath, tout était dans le rouge parce qu’ils jouaient super dur et fort, et ce n’était pas habituel à cette époque. Nous aimons cette approche. Je chante et je joue de façon à le ressentir dans tout mon corps, pour le meilleur et pour le pire. Je pense que c’est la clé pour que le metal véhicule les sentiments qu’il doit véhiculer selon moi ; cette intensité et ce côté physique sont très importants. A la fois, je veux proposer un bon concert et merder le moins possible. C’est différent quand on a dix-neuf ans, d’une certaine façon, quand tu te saoules et que tu ne te rends pas compte à quel point ça te met mal. Maintenant, je dois faire beaucoup d’exercice pour atteindre le niveau que je veux. Et oui, c’est épuisant et pour être bon sur scène, je dois faire du sport à fond presque tous les jours quand nous sommes sur la route, parce qu’ainsi, le concert n’est pas le truc le plus dur que j’ai fait dans la journée, ça devient un peu plus facile. Mais ça veut dire que je brûle probablement quatre mille calories par jour en exercice physique. J’ai d’ailleurs porté l’un de ces moniteurs cardiaques sur le torse lors d’un concert pour me faire une idée, et c’est comme si j’avais couru. Je cours ici chez moi, je fais environ treize kilomètres et c’est équivalent à un concert, donc c’est épuisant, mais je dors super bien quand nous tournons !
Vois-tu un côté thérapeutique ou cathartique au fait de bouger et danser comme ça sur scène et au fait d’être aussi physique ?
Oui, exactement, et cette catharsis est aussi l’un des rôles que le metal a eus dans ma vie. « J’ai quatorze ans, je suis furieux envers mon père, maintenant je mets la chaîne hi-fi à fond. » Cette catharsis, ce sentiment de force est une énorme composante. Quand on est gamin et qu’on va à des concerts, on a envie d’être devant et dans le moshpit. On n’achète pas du merch parce qu’on veut un joli t-shirt, on le fait parce que le t-shirt avec lequel on est venu est complètement trempé, donc il nous en faut un sec pour rentrer à la maison, car c’est l’hiver et comme on est adolescent, on n’a pas envie de payer un vestiaire, donc on est venu sans veste. C’est cette énergie que j’ai aussi envie d’amener sur scène et je veux faire bouger le public, je veux qu’il bouge avec moi et je veux qu’il nous donne tout ce qu’il a, donc je lui donne tout ce que j’ai. Le tout est plus grand que la somme des parties. Ça fait vraiment partie de la psychologie du concert, pour tout le monde présent, d’en tirer le maximum. Et ce que nous pouvons faire aujourd’hui, c’est encore mieux. Autant j’aime toujours aller à des concerts et profiter en tant que client qui paye, autant le fait que nous puissions faire notre propre truc à notre façon, ça va encore bien au-delà.
Il y a dans l’album des chansons qui flirtent avec d’autres genres musicaux très dansants, comme le côté rockabilly ou surf rock de « Gotta Wanna Riot » ou le quasi-funk de « The Dirt I’m Buried In », et même le côté bluesy, langoureux, à la Tarantino de « Train ». Avatar a toujours été un pot-pourri de styles : dans quelle mesure étudiez-vous d’autres genres musicaux afin de les utiliser de façon naturelle dans votre style de heavy metal ? Ou est-ce inné chez vous ?
Nous étudions accidentellement ou de manière incidentelle parce que nous nous intéressons à un tas de choses différentes. Je suppose que c’est bien de vouloir comprendre les rouages de différents genres musicaux et d’en tirer quelque chose, absolument, mais ce n’est pas comme si nous disions : « Je vais faire une chanson funky, donc il faut que j’écoute un paquet de funk. » C’est plus : « J’ai écouté un paquet de funk dans ma vie parce que j’aime aussi ce type de musique. Tiens, ce plan paraît intéressant, c’est un peu funky, non ? » Encore une fois, c’est cette part accidentelle du processus, parce que nous sommes qui nous sommes et faisons ce que nous faisons. Nous puisons dans plein de choses différentes. Il s’agit aussi en partie d’apporter quelque chose à la conversation, et une manière d’augmenter ses chances d’y arriver, je suppose, c’est en ayant un plus grand vocabulaire.
« Les mercredis vers trois heures du matin, peut-être que je suis un sataniste, mais je ne suis pas entièrement dévoué à cette idée, car j’embrasse aussi le changement et parce que, fondamentalement, je me vois comme un individu responsable de ses actions et de sa place dans l’univers. Je sais aussi que les mots et les définitions sont secondaires, je me réserve le droit de les changer quand je veux. »
Peux-tu nous en dire plus sur les trois chansons que j’ai mentionnées ? Car elles participent vraiment à la diversité de l’album…
« Gotta Wanna Riot » c’est assez amusant. Ça a commencé avec un riff ; j’avais un riff marrant à jouer, les autres gars aimaient le jouer et nous avons écrit toute la chanson autour. Mais finalement, le riff en question n’était pas si bien que ça, donc nous avons dû le jeter, mais nous avions tout le reste. Le riff principal est venu en dernier ; enfin, il est venu en premier, il a mené à tout le reste, et ensuite nous l’avons jeté pour en trouver un autre. J’étais un peu foufou au moment où cette chanson s’est faite, donc le fil de pensée qui m’a mené à vouloir faire ça [chante une mélodie très joyeuse], c’est que je n’avais pas de fin pour le refrain. En conséquence, je me suis amusé avec et c’est venu spontanément en déconnant. Cette chanson est faite pour donner une impression comme si les Beach Boys étaient un groupe de death metal de Stockholm en 1989 ou quelque chose comme ça, en combinant ces énergies. J’ai un gros faible pour la musique des années 60, j’ai toujours été un énorme fan des Kinks, des Beatles et tous les bons trucs de cette époque, donc il s’agissait en grande partie de trouver le moyen de croiser ça avec le heavy metal. C’est une autre chose concernant Avatar : nous voulons à la fois un côté obscur et un côté fun. Nous avons fait Avatar Country, c’était super amusant, puis nous avons fait Hunter Gatherer qui était très sombre, très sérieux thématiquement, et maintenant, ce nouvel album est un bon mariage des deux. Peut-on être vraiment heavy ? Peut-on être un groupe de heavy metal tout en ayant du tambourin à fond dans le refrain ? C’est ce genre d’idée qui a mené à ça.
Concernant « Train », j’ai toujours adoré, par exemple, « RV » de Faith No More et ce genre côté narratif. J’adore Tom Waits et l’atmosphère qu’on peut créer avec du chant qui se rapproche du parler. Je trouve que ça sonne comme une ballade soul, genre [chante « Oh! Darling » des Beatles]. Pour le coup, c’est une atmosphère rétro – dans un contexte différent avec une partie heavy et tout, mais on retrouve ce côté nostalgique mystérieux. Je vis en Finlande, donc je vais au sauna toutes les semaines et quand j’y vais, j’aime écouter la BO de Twin Peaks. Ce côté nostalgique et mystérieux qu’on retrouve dans la musique évocatrice, jazzy, décontractée est quelque chose avec lequel nous voulions expérimenter.
Il y a de grosses portions de « The Dirt I’m Buried In » qui sont très vieilles. Autant je parle de vouloir être à la pointe, essayer d’être différent et de faire toutes ces choses… Pour cette chanson, nous avions une super partie funky, la partie de guitare dans le couplet, le refrain, et instrumentalement, nous avions la plupart des parties depuis des années. Je ne sais pas depuis combien de temps, mais très longtemps, peut-être jusqu’à dix ans. Nous en avions différentes versions, car nous voulions à un moment donné que ça devienne vraiment heavy. La dernière version avant celle-ci faisait sept minutes et avait une escapade death metal de deux minutes au milieu, ça partait vraiment dans tous les sens. Nous apprenons sans cesse la même leçon : quand tu composes quelque chose, ferme-la et écoute ce que tu as fait, prends une profonde respiration et laisse-le devenir ce qu’il a besoin de devenir. C’est bien que ce soit funky, même si on est un groupe de metal. Ce n’est pas un souci, il ne faut pas avoir peur du funk. Le funk c’est bien, alors voyons où ça va. Une fois que nous avons commencé à traiter la chanson comme ça, c’était plus facile de la finaliser, car nous avons toujours trouvé qu’elle avait un super et puissant refrain. Ça faisait des années que nous pensions tenir quelque chose avec ce groove, et il est très simple mais amusant à jouer.
J’ai d’ailleurs écrit cette partie et je la jouais d’une façon particulière, mais ensuite, évidemment, ce n’est pas moi qui l’ai enregistrée, j’ai laissé les bons guitaristes s’en charger, même si c’est moi qui l’ai composée. Ce n’est qu’après, quand l’enregistrement de l’album était fini, que j’ai montré à Tim comment je jouais le riff avec un petit slide et il était là : « Merde, on aurait dû le faire comme ça ! » Malgré tout, ça reste un petit plan bien sympa à jouer dans toute sa simplicité. Il y a toujours sur chaque album une chanson qui a pris une éternité à aboutir. Sur le dernier, c’était « Gun », qui vient aussi d’une très vieille idée. C’était, genre : « Comment fait-on du piano tout doux ? » Et aussi : « Si ça devient heavy plus tard, c’est bon. » Nous laissons le truc mûrir et encore une fois, j’ai dit : « C’est bien comme tel quel. Faisons comme ça. »
« La démocratie me paraît être un concept satanique parce qu’on vote pour une personne. Ce n’est pas un roi choisi par Dieu comme c’était le cas pendant longtemps. »
Pour faire la transition entre le côté dansant et la dimension satanique, fut un temps où certains mouvements trop suggestifs, comme lorsque Elvis Presley agitait son bassin, étaient considérés comme diaboliques. Penses-tu que la danse et le satanisme vont de pair, d’une certaine façon ?
Quand on y pense, danser a été interdit dans les églises à un moment donné, il y a plusieurs siècles, et dans la plupart des cas, ce n’est pas vraiment revenu, donc je suppose que oui. Le fait de danser dans le bon contexte s’est révélé être une forme ultime d’expression de liberté. Les gens manifestent parfois en dansant dans la rue, en célébrant qui ils sont et ce qu’ils sont. Je pense que le mouvement de la gay pride est né en grande partie sur les pistes de danse et dans les clubs gays pour trouver une communauté et une forme d’émancipation. Une personne oppressée y trouve une forme de liberté, notamment pour s’exprimer. Je pense que beaucoup de gens font le lien entre la danse et la libre expression, ils se rendent à des rave-partys et ce genre d’endroits. Donc, absolument, il y a un facteur libérateur et c’est justement ma définition de Satan aujourd’hui.
Il y a un an, tu nous avais parlé de cette ivresse du coureur que tu as eue, où tu as su que tu étais Satan. Tu as dit avoir réalisé que « le symbole de Satan commençait à prendre plein de significations différentes que jusqu’à récemment il n’avait pas pour [t]oi » et que tu essayais « encore de comprendre exactement ce que c’est ». J’imagine que tu as eu le temps de réfléchir à ces significations depuis…
Oui, mais c’est un processus continu pour moi. Suis-je un sataniste ? Je ne sais pas. Oui, pourquoi pas, pas plus qu’autre chose. Le plus important que j’ai réalisé était que… Sur ces questions, je suis avant tout un athée, mais malgré tout, cet album, cette phase de ma vie et les années qui ont mené à la conception de cet album ont été marqués par le fait de comprendre la spiritualité et d’avoir un mode vie spirituel tout en sachant que la Terre est ronde. Encore une fois, je suis parti courir, j’ai eu cette ivresse du coureur et j’ai réalisé que j’étais, non pas un sataniste, mais Satan, et je crois qu’un jour, vous aussi vous pourrez être Satan. Tout comme les mots peuvent avoir du pouvoir, je pense que les symboles comptent et que les rituels ont du pouvoir. Je ne parle pas de pouvoir magique – je ne suis pas capable de faire un rituel pour me transformer en grenouille – mais des rituels du quotidien, la méditation, la musique qu’on écoute, sa façon de se déplacer, les actions qu’on accomplit dans de petits domaines qui affectent ses décisions et celles dans les grands domaines de la vie. Les petits actes de gentillesse aident à se mettre en capacité, potentiellement, de faire de grands actes de gentillesse qui affectent le monde.
En ce sens, j’ai une approche spirituelle, mais ce n’est pas vraiment lié à un point de vue dogmatique spécifique que serait le satanisme. Je pense, par exemple, qu’on peut me qualifier de féministe, mais il y a énormément d’eaux troubles autour de toutes ces définitions différentes suivant à qui on parle, en tout cas pour nous, les profanes. Sur ce postulat de base, je pense que les femmes sont traitées différemment et de façon dégradée par rapport aux hommes, que c’est systémique et structurel. Je crois en ça et je contribuerais volontiers, au mieux de mes capacités, à changer ça pour le meilleur. Donc, je suppose que je suis féministe, mais je peux me perdre en chemin parce que je ne suis pas suffisamment intelligent. Si on pense au satanisme d’Anton LaVey, à celui d’Aleister Crowley, aux rituels magiques, au fait de verser du vin sur des nichons ou peu importe, ce n’est peut-être pas tellement pour moi, mais en l’occurrence, j’ai beaucoup de sympathie pour une organisation qui s’appelle le Temple Satanique et pour sa façon de faire. Encore une fois, c’est une manière d’approcher la religion pour les athées, en l’occurrence. Satan est un symbole. Si on regarde le Moyen-Orient, le monde dans son ensemble, la Pologne et les lois sur l’avortement, les Etats-Unis, les grandes et petites religions et le boulot de ces grandes religions – les trois premiers commandements parlent tous d’obéissance et d’obéir à l’autorité quoi qu’il en soit –, dans ce langage et cette logique, Satan, en tant que symbole, va à l’encontre de ça. C’est le bouc contre le mouton. Soit dit en passant, j’adore les moutons, mais pas quand c’est une description pour dire qu’on fait partie du troupeau de quelqu’un. C’est là que Satan a du sens. Satan est un symbole de liberté.
Les mercredis vers trois heures du matin, peut-être que je suis un sataniste, mais je ne suis pas entièrement dévoué à cette idée, car j’embrasse aussi le changement et parce que, fondamentalement, je me vois comme un individu responsable de ses actions et de sa place dans l’univers. Je sais aussi que les mots et les définitions sont secondaires, je me réserve le droit de les changer quand je veux. Si je dis en 2022 en interview que je suis un sataniste, peut-être qu’en 2024 je comprendrai pourquoi c’était une très mauvaise idée ; j’ai sorti cet album dans lequel je chante que je suis Satan, donc, de toute façon, c’est de ma faute. On verra à quel genre de questions j’aurai à répondre à cause de ça dans dix ans, quand j’aurai évolué, mais aujourd’hui, Satan fait vraiment sens, à bien des égards, et les différentes définitions de ce qu’il peut être ont vraiment façonné cet album.
« Le Moyen-Orient a vu passer toutes les religions et elles ont essayé de faire du mieux qu’elles pouvaient pour que les choses fonctionnent, donc peut-être que c’est au tour de Satan de prendre les commandes là-bas. On a essayé tout le reste et le résultat n’est pas folichon, n’est-ce pas ? »
Evidemment, si on parle de Satan, on parle forcément de christianisme. Quelle a été ta relation à cette religion, à la Bible, etc. au fil des années ?
J’ai lu la Bible et je n’y crois pas. La religion a été dans ma périphérie et a fait partie de mon environnement immédiat quand j’étais gamin. Je ne connais pas une seule personne religieuse que je n’aime pas, donc ce ne sont pas particulièrement des opposants. C’est quand ça devient important et structurel, quand on parle de l’influence du pape sur les pauvres en Amérique du Sud ou en Afrique et de l’obéissance fondamentale – et aveugle – que ça pose problème. « Honore ton père et ta mère », non, c’est des conneries ! Les parents devraient honorer leurs enfants. L’enfant n’a pas choisi d’exister, mais les parents ont la plupart du temps choisi de faire un bébé, donc c’est l’inverse. Je dois beaucoup à mes parents parce qu’ils sont qui ils sont, c’est-à-dire des gens extraordinaires que j’aime profondément, mais pas parce que ce sont mes parents ; il existe des parents nuls. Je ne crois pas en tous ces trucs autoritaires. Dans l’intérêt de notre discussion actuelle, je dirais que la démocratie me paraît être un concept satanique parce qu’on vote pour une personne. Ce n’est pas un roi choisi par Dieu comme c’était le cas pendant longtemps.
C’est intéressant ce que tu dis sur la démocratie, car l’idée du satanisme est revenue dans l’actualité de façon assez étrange avec la propagande russe et Vladimir Poutine qui accuse l’Occident de « satanisme »…
J’aimerais que ce soit vrai ! Encore une fois, le type de règle que Poutine impose à son peuple et essaye d’imposer au peuple ukrainien ressemble beaucoup à cette idée d’autorité divine, donnée par quelque chose de supérieur, comme les gens le faisaient depuis les croisades et même avant. Ce droit divin, c’est des conneries. Je ne connais aucune organisation satanique ayant conquis un pays. Je ne connais aucune croisade satanique. Je ne sais pas combien de fois Jérusalem a été incendiée à cause de satanistes. Je ne connais aucun kamikaze sataniste, peut-être qu’il en a existé, mais je n’en ai pas entendu parler. En l’occurrence, le Moyen-Orient a vu passer toutes les religions et elles ont essayé de faire du mieux qu’elles pouvaient pour que les choses fonctionnent, donc peut-être que c’est au tour de Satan de prendre les commandes là-bas. On a essayé tout le reste et le résultat n’est pas folichon, n’est-ce pas ?
Il y a d’ailleurs aussi un côté un peu politique dans cet album…
Il y a effectivement une part de prise de position, le fait d’oser dire certains absolus et ne pas tourner autour du pot sur certains sujets. Nous avons toujours été assez intéressés par la politique dans le groupe, nous nous tenons au courant de ce qui se passe dans le monde, mais à la fois, je n’ai jamais chanté : « Votez pour ceci ! », « Votez pour cela ! », « Que ces gars aillent se faire foutre ! » Je n’ai jamais fait ça jusqu’à cet album avec « Violence No Matter What » : « How hard can it be for your bestest to agree that no one gets to be a fucking fascist? » (« Est-il vraiment si difficile pour les grands de ce monde de comprendre que personne n’a le droit d’être un putain de fasciste ? », NdT) Les gens n’avaient pas l’impression que c’était important de le dire parce que la plupart d’entre nous en étaient déjà plus ou moins convaincus depuis pas mal de temps. Je pense qu’on a tous vu que c’était une épouvantable idée il y a quatre-vingts ans, mais maintenant nous voilà et peut-être qu’il faut le redire tout haut. C’est donc peut-être devenu plus un commentaire à chaud que ça n’aurait dû l’être. Ce franc-parler, le fait d’assumer une idée et le fait de se permettre de changer, tout ça va de pair chez moi.
Tu as déclaré que c’était votre « album le plus énervé, le plus chaud sexuellement et le plus spirituel, tout en même temps ». La colère, le désir sexuel et la spiritualité, est-ce une sorte de sainte trinité pour toi ?
Pourquoi pas ? J’aime bien cette idée ! Ça pourrait complètement l’être. Je pense que nous avons pu assez bien expliquer la spiritualité et la colère, donc concernant la partie sexuelle… Il y a des allusions, quelque chose qui rime avec « enter you » et ce genre de trucs dans l’album. Mais ça va de pair avec l’approche musicale funky, le groove et le côté entraînant, et l’idée de traiter le metal comme un genre musical dansant, il y a une forme de poussée en avant. Le désir sexuel est plus dans la musique elle-même que dans des propos cochons dans les textes. On le retrouve çà et là, mais je ne prononce nulle part le mot « vagin » [rires].
« Je ne pense pas qu’on ait besoin d’autant de groupes parodiques ou humoristiques que ce qu’on a aujourd’hui. Il y a une limite au comique. »
Non seulement il y a un côté dansant dans la musique d’Avatar, surtout sur cet album, mais il y a aussi beaucoup d’humour. Autant on a vu la montée en puissance des groupes parodiques, autant on a aussi des artistes plus ambigus, comme vous, mais aussi Powerwolf ou quelqu’un comme Devin Townsend qui savent être très sérieux avec leur musique mais qui usent également d’un grand sens de l’humour. Penses-tu que le metal n’a pas à être soit purement sérieux, soit purement humoristique ?
Il y a de la place pour tout, évidemment, mais je ne pense pas qu’on ait besoin d’autant de groupes parodiques ou humoristiques que ce qu’on a aujourd’hui. Il y a une limite au comique et au fait de s’amuser. Je peux vraiment apprécier des groupes ultra-sérieux. J’aime beaucoup le dévouement et la sincérité. J’adore Anathema alors que ce n’est pas drôle du tout. Il y a de la place pour ça, absolument. Ceci étant dit, je considère Avatar comme un groupe de rock n’ roll. Le rock n’ roll, c’est s’amuser. « One, two, three o’clock, four o’clock, we’re gonna rock around the clock tonight » et il y aussi de la place pour ça. Être dans un groupe, c’est une forme d’art en soi, et c’est l’album, la chanson, c’est crier « ne soyez pas fascistes », c’est raviver la relation qu’on avait avec Satan quand on était adolescent, mais c’est aussi un spectacle. On met des costumes amusants, on s’éclate, les gens fument de l’herbe, boivent de la bière, se tiennent par la main et passent un très agréable moment en concert. C’est ce qu’on fait pendant le weekend, c’est un barbecue, c’est toutes ces choses, et en conséquence, il y a de la place pour tout ça.
Si vous êtes amateur de cinéma, notre plus célèbre réalisateur en Suède est probablement Ingmar Bergman, connu pour Le Septième Sceau, avec la scène du jeu d’échecs avec la Mort et tout. Quand je l’ai enfin regardé, dans ma jeunesse, je me suis dit : « C’est drôle, aussi ! » On se souvient d’un chevalier qui parle de la mort et essaye de la duper, le côté médiéval et la peste noire, mais c’est aussi amusant. Il y a même de la place pour l’odyssée en noir et blanc de Bergman, donc on peut tout faire. C’est du rock n’ roll et c’est aussi une célébration. On a besoin de musique qui s’attarde sur le malheur – encore une fois, nous avons parlé de catharsis, d’expression humaine et toutes ces choses qui motivent la musique – mais il y a aussi ces vieux morceaux qu’on chantait quand on était plus jeune et qu’on joue encore en se mettant en cercle avec ses amis autour d’un feu de camp. Les bons moments font aussi partie de ce monde.
Te reconnais-tu dans la part d’humour des artistes que j’ai mentionnés ?
Surtout Devin Townsend. Je suis un méga-fan depuis mes quatorze ans et ensuite, quand nous avons tourné ensemble. J’ai suivi de près sa carrière et sa réflexion autour de celle-ci. Encore une fois, il plaisante, il pète dans le microphone et j’ai l’impression qu’il est même parfois un peu trop dans l’autodépréciation, plus qu’il n’a besoin de l’être, mais pendant qu’il fait ça, il a aussi des chansons émouvantes qui nous mettent les larmes aux yeux. Je pense que l’humour a son importance pour créer ces profondes connexions. Ça fait partie de la sincérité et de l’humanité de l’art. On veut être honnête. J’aime honnêtement m’amuser, j’aime honnêtement sortir une blague et j’aime honnêtement être sur scène devant des gens qui s’amusent. Et si je le fais suffisamment bien, ils s’éclatent comme jamais, donc il y a cette joie. Nous parlons de Satan, d’obscurité, d’être furieux contre les fascistes, de savoir si Satan peut aider au Moyen-Orient et de toutes ces choses. Le meurtre et la violence – là aussi, musicalement –, la catharsis… et le rock n’ roll ! Et puis, je suis un putain de clown et nous allons remuer les fesses parce que je veux tout donner de moi, de façon à ce qu’en retour, vous donniez tout de vous, et qu’alors la magie opère.
Lzzy Hale apparaît dans la chanson « Violence No Matter What ». C’est probablement l’une des chanteuses les plus agressives et énergiques actuellement sur la scène. Même si vous jouez deux types différents de metal, elle adore le heavy metal traditionnel et l’utilise pour le faire avancer à sa façon. Te retrouves-tu, d’une façon ou d’une autre, dans son énergie et son amour pour le metal ?
Absolument. Nous avons parlé à la presse ensemble il y a quelques semaines et le courant est très bien passé. C’est la première fois que nous discutions aussi longtemps. De même, nous ressentons un vrai lien avec le groupe Halestorm en général parce que ça fait une éternité qu’ils sont ensemble, comme nous. Ils véhiculent une telle joie quand ils jouent ensemble. Peu importe à quel point vous essayez d’être bon sur un album, ça évoluera en live si vous êtes ce genre de groupe, et j’ai vraiment un respect extrême pour eux. Il est certain qu’il y a des affinités, et elle peut être tellement heavy et agressive tout en étant une chanteuse exceptionnelle, elle était donc parfaite pour notre chanson. Après, ça s’est fait très simplement : nous lui avons demandé par le biais de notre management. Nous avions tourné ensemble, donc il y a des liens. C’était d’ailleurs notre producteur qui a pris contact au départ et ensuite notre management s’est chargé des échanges. Maintenant, j’ai son adresse e-mail !
« Ca paraissait tellement familier [de voir Iron Maiden en coulisses]. On les met sur un tel piédestal, mais une fois qu’on y est, il y a le catering, les balances, les amplis… Tu te dis : ‘Oh attends une seconde, c’est un concert de metal. Je connais ça !’ Sauf que tu joues avec des héros et des êtres magiques, comme le Père Noël et James Bond. »
On se moque toujours des groupes qui disent « ceci est notre meilleur album à ce jour »…
Mais ceci est notre meilleur album à ce jour, c’est vrai !
Justement, ayant pleinement conscience de ça, tu l’as quand même dit ! Dirais-tu que s’efforcer de faire son meilleur album est une nécessité, autrement ça n’a pas d’intérêt ?
Bien sûr. A partir de Black Waltz, j’ai traité chacun de nos albums comme notre dernier : si je n’ai plus qu’une occasion de dire une chose supplémentaire dans le monde de la musique, qu’ai-je envie de faire ? Il faut tout rendre important, ne rien prendre pour acquis et puis trouver un défi : qu’est-ce qui est dur ? Dans quel domaine sommes-nous nuls actuellement ? Qu’est-ce qui était nul dans le dernier album ? C’est avec cet état d’esprit que nous faisons de la musique et je pense que tu peux te rendre compte en m’entendant parler que nous sommes aussi passionnés que jamais par ça.
Parmi tous les concerts que vous avez faits dernièrement, vous avez ouvert pour Iron Maiden au Brésil. Comment c’était d’être témoins en coulisses d’un groupe qui a été et est toujours une référence en termes de spectacle et de théâtralité ?
C’était fascinant. C’était très spécial parce que nous sommes bien sûr des fans de longue date et nous jouions des reprises d’Iron Maiden avant d’avoir nos propres chansons. Nous avons déjà observé et analysé d’autres grands groupes en concert et tout, mais le truc le plus dingue, c’est que ça paraissait tellement familier. On les met sur un tel piédestal, mais une fois qu’on y est, il y a le catering, les balances, les amplis… Tu te dis : « Oh attends une seconde, c’est un concert de metal. Je connais ça ! » Sauf que tu joues avec des héros et des êtres magiques, comme le Père Noël et James Bond, et nous avons été très bien traités. C’est vraiment ce que j’ai retenu. Nous étions stressés comme nous ne l’avons jamais été. Surtout avec Maiden, tu as l’impression d’avoir affaire à une tribu mondiale de fans et il y a ce sentiment d’appartenance. C’était la première fois depuis mon adolescence que je me suis dit à propos d’un public : « S’il vous plaît, aimez-nous. » Autrement, nous n’en avons plus rien à foutre. Les gens qui saisissent aimeront, et dans le cas contraire, pas de problème, mais là, j’espérais vraiment que les Brésiliens allaient saisir – et ils ont saisi, c’était un soulagement après le premier concert. Ensuite, pour le second concert, j’étais plus à l’aise, mais pour le premier, nous étions tendus. J’ai adoré leur façon de faire les choses. Il y avait dans leur manière de concevoir la scène des solutions pratiques que j’ai aimées, avec des morceaux de tissu pour couvrir les structures et transformer ça en scénographie d’Iron Maiden. J’ai aussi beaucoup aimé leur utilisation de la pyrotechnie. Quand on parle de pyrotechnie, on pense tous à Rammstein et personne ne peut s’offrir ce genre de chose, mais la manière dont Iron Maiden utilise la pyrotechnique est très précise, très sélective. Sur le refrain de « Sign Of The Cross », il y en avait et c’était génial. Mais nous faisons nos devoirs et étudions Iron Maiden depuis le premier jour !
Interview réalisée par téléphone le 8 décembre 2022 par Nicolas Gricourt.
Retranscription : Emilie Bardalou.
Traduction : Nicolas Gricourt.
Photos : Johan Carlén.
Site officiel d’Avatar : avatarmetal.com
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toujours la bouche ouverte, le leader risque de prendre froid.
[Reply]
Il a éternué pendant ses injections de botox.