Quatre ans après son premier album, Avatarium n’est pas près de lâcher le morceau et profite de son élan créatif qui paraît désormais inarrêtable. On pourra même être surpris de voir un Leif Edling, alors en pleine convalescence pour un méchant burn-out, enchaîner en à peine un an un EP de Candlemass, un EP puis un album avec son nouveau projet The Doomsday Kingdom, et désormais un troisième album avec Avatarium, baptisé Hurricanes And Halos. Sauf qu’à bien y regarder, le « Doomfather » semble de plus en plus se détacher de ce dernier. Lorsque sur The Girl With The Raven Mask il n’avait enregistré que la moitié des morceaux, cette fois-ci il n’a pas posé une seule note sur l’album, cédant sa place à Mats Rydström qui passe du statut de bassiste live à membre à part entière, pour ne devenir plus qu’un compositeur-parolier à la marge.
Et si sur le papier cela peut paraître inquiétant pour la pérennité d’Avatarium (qu’il a lui-même créé, rappelons-le), la réalité démontre qu’au contraire, Edling, en se mettant en retrait tout en continuant à faire profiter au groupe de ses dons d’auteur-compositeur et riffeur, permet aux talents qui composent la formation de s’ouvrir et se libérer. En première ligne desquels on retrouve la chanteuse Jennie-Ann Smith et le guitariste Marcus Jidell que le patron du doom a eu le flair de dénicher et qui prennent ici littéralement leur envol. Le couple signe d’ailleurs deux des huit compositions qui apportent un vent de fraicheur salvateur à l’album : « Road To Jerusalem », envoûtante avec ses percussions, son mélange de sonorités folk et sudistes, son ambiance profonde, ses harmonies oniriques et ses atours semi-jammés, et « When Breath Turns To Air » d’une délicatesse emplie de spleen, où Jidell semble caresser sa guitare du bout des doigts. Si on a déjà eu un certain nombre d’occasions de découvrir les dons guitaristiques de ce dernier – avec Avatarium mais aussi The Doomsday Kingdom ou plus récemment encore Soen -, cet album pourrait bien devenir sa plus belle carte de visite. Autant son coup de médiator sur les parties heavy font honneur au patron Tony Iommi, autant là où il se montre le plus époustouflant est lorsqu’il prend le lead dans un subtil mélange de Jimi Hendrix et David Gilmour, ne laissant aucun obstacle s’interposer entre son cœur et ses doigts, jouant avec une distorsion vivante, organique, qui parfois crachote, à l’instar des trois minutes de transe qu’il s’accorde pour le final de la sabbathienne « A Kiss (From The End Of The World) », qu’on aurait bien vu durer, encore et encore, ou bien la doucereuse et mélancolique instrumentale qui fait office de générique de fin à l’album.
Car si sur les deux premiers albums Avatarium se cherchaient encore sur la production à adopter, faisant un pas affirmé vers un son plus brut, naturel et live sur The Girl With The Raven Mask, mais pour autant un peu « rustre », ici le groupe trouve son équilibre, plus peaufiné, plus clair, plus chaleureux, mettant en valeur les qualités acoustiques de chaque instrument et des voix. Encore un mérite à attribuer à Jidell qui porte également la casquette du producteur. Mais si le guitariste marque largement le disque de son emprunte, il n’est pas seul à l’œuvre, loin s’en faut. On peut citer l’organiste Carl Westholm qui contribue à la richesse de l’arrangement et de l’émotion, faisant preuve d’une vraie complémentarité avec la guitare, ou la batterie de Lars Sköld au groove toujours bien senti, et évidemment Smith qui mûrie un peu plus à chaque album. En témoigne sa prestation puissante sur « The Sky At The Bottom Of The Sea », chanson qui épouse franchement l’esprit de Rainbow, ou encore ce refrain éclatant et cathartique, simulant une version heavy de The Mamas And The Papas, sur « The Starless Sleep », d’autant plus saillant ainsi entouré de couplets aux harmonies ténébreuses.
Et Edling dans tout ça ? Il a beau être absent physiquement de l’album, son âme n’en est pas moins partout sur les chansons qu’il a apporté – une majorité –, toujours dans cette ambivalence improbable de lourdeur et de légèreté, marque de fabrique du combo. « Into The Fire – Into The Storm » s’inscrit dans une lignée de titres plus directs, aux tempos soutenus (« Girl With The Raven Mask » mais aussi les titres d’ouverture des albums de Candlemass), dans un esprit proche de Deep Purple, efficace pour se mettre en jambe. Et comment passer à côté de « Medusa Child » ? Véritable orfèvrerie de doom progressif, contrastée (la transition pour le moins tranchée entre le couplet et le refrain), sur laquelle un chœur d’enfant vient appuyer la dimension dramatique du propos. Neuf minutes de voyage, par ce long développement atmosphérique qui monte en intensité sur toute la seconde moitié.
Si The Girl With The Raven Mask montrait une volonté d’évolution dans le son sans parvenir vraiment à la concrétiser dans la musique et s’émanciper des bases posées sur le premier album, Hurricanes And Halos s’impose comme l’album où Avatarium se transcende, porte son art vers de nouveaux horizons et ouvre le champ des possibles. Le lest qu’aura lâché Edling aura finalement été une bénédiction. Pourvu que cette formule tienne, compte tenu du résultat. Hurricanes And Halos pourrait bien marquer un tournant pour Avatarium, tant dans sa dynamique créative que dans sa carrière.
Clip vidéo de la chanson « The Starless Sleep » :
Lyric video de la chanson « Into The Fire / Into The Storm » :
Album Hurricanes And Halos, sorti le 26 mai 2017 via Nuclear Blast. Disponible à l’achat ici
« Hurricanes And Halos pourrait bien marquer un tournant pour Avatarium, tant dans sa dynamique créative que dans sa carrière. »
C’est ce qu’on peut leur souhaiter effectivement, l’album est magnifique…mais le Glazart à Paris n’est pas vraiment la marque d’un tournant trés marqué…pour ce qui concerne la France en tous les cas.
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