Après de longs mois loin de la scène, les Suédois d’Avatarium, forts du succès critique de leur dernier album The Fire I Long For, reviennent sur scène pour deux dates, l’une à domicile, au sein de la salle Nalen à Stockhölm et l’autre, le lendemain, à Göteborg dans la salle Pustervik. Ces deux dates augurent-elles un retour sur scène et une tournée plus vaste ? Pour le savoir, nous avons assisté aux deux concerts et nous nous sommes entretenus avec Markus Jidell et Rickard Nilsson (qui complète notre déjà longue interview avec Markus à l’occasion de la sortie de l’album) afin d’évoquer, entre autres, les influences de chacun, la genèse du nouvel album et l’importance nouvelle de Jennie-Ann.
Aussi, dans l’immédiat, prenez place avec nous dans la file d’attente de la salle Nalen en ce vendredi soir à Stockholm.
Quelques personnes sont déjà là avant l’ouverture, prévue pour 20h00. Une file d’attente qui prendra peu à peu de l’ampleur au fil des minutes. Dehors, il fait froid – un froid supportable – mais la météo a été généreuse et les fans attendent au sec.
Artistes : Avatatium – Prins Svart
Date : 10 et 11 Janvier 2020
Salle : Nalen et Pustervik
Ville : Stockholm et Göteborg
La salle est magnifique avec ses hauts plafonds et ses imposants lustres. La scène, qui possède comme une abside, est flanquée de grandes colonnades à la romaine et habillée de larges tentures. Aussi, lorsque Marcus Jidell nous explique en interview que, pour une éventuelle future tournée, ils souhaitent faire les choses correctement, la vision de cette salle nous renseigne sur ce qu’il entend. Indubitablement, l’écrin du soir est majestueux, et le guitariste énoncera lui-même que cette salle était parfaite pour présenter Avatarium.
Car il est important de noter que le groupe donne ses deux premiers concerts suédois en tête d’affiche ! Une situation plutôt étonnante au sein de son propre pays. Pour l’occasion, ils emmènent avec eux une première partie, identique sur les deux dates : la formation suédoise, Prins Svart – « Prince Noir » – exceptionnellement accompagnée du chanteur Mats Levén. Celle-ci délivre un hard-rock mélodique de bonne facture qui, s’il ne révolutionne pas le genre, possède plusieurs titres tels que « Svarta Drömmar » et « Tänk Om Det Ännu Finns Tid » qui feront agréablement dresser l’oreille. Au niveau scénique, que cela soit à Stockholm ou à Göteborg, la prestation manquera sans doute d’un peu de percussions et de charisme. Le public présent montrera cependant son enthousiasme, et c’est sans doute là l’essentiel !
Peu avant 21h45, la tête d’affiche fait son entrée assez solennelle nimbée de lumières bleues avec Jennie-Ann Smith vêtue en grande prêtresse ; long manteau noir, pantalon noir et élégant chemisier blanc avec un haut col complété par, petit détail intéressant, des Doc Martens. Le mélange des genres, chemisier de gala et chaussures très rock, donne dans les faits une touche très sympathique à l’ensemble. A noter que le concert de ce soir est filmé et sera retransmis en direct sur un célèbre réseau social qui sera utilisé avant les concerts pour que les fans complètent la « setlist ».
Le groupe entame le concert par les deux premiers titres de leur dernier album : le massif « Voices » et le plus épique « Rubicon ». Les titres ont une texture particulière sur scène qui pourra déstabiliser celles et ceux qui s’attendaient à une restitution fidèle de l’enregistrement studio. Marcus expliquera à ce sujet que le précédent opus, Hurricanes And Halos a été enregistré dans des conditions plutôt « live » tandis que pour The Fire I Long For, le groupe s’est attaché à peaufiner la production : les couches de guitares ont été travaillées et il a eu recours à des overdubs pour obtenir un son plus imposant. Un travail nécessairement impossible à restituer en live. Mais la saveur des titres est loin d’être désagréable ! Il faut dire que, comme le précise Marcus, les titres préexistaient bien avant la production. Dès ces premiers morceaux, deux constats, valables pour l’ensemble du show, pourront être faits : le son est excellent – chaque instrument est clairement audible – et la voix est parfaitement mise en avant, portant l’ensemble avec magnificence, puissance et éclectisme.
« Into The Fire / Into The Storm » change le rythme et se veut plus directe, avant que ne résonne « Lay Me Down », une des pépites du dernier opus. Pépite par sa beauté et par la variété de teinte que sa sérénité apporte. Il semble que la chanteuse ne soit pas étrangère à cela. Evidemment, elle compose davantage que par le passé. Marcus aussi, d’ailleurs, puisque Leif Edling a pris du recul et a décidé de laisser Avatarium voler de ses propres ailes en laissant ses membres choisir leur propre direction. Evidemment, Marcus nous le dira, il reste attaché à ce que Leif demeure toujours impliqué. Il lui sait d’ailleurs gré de cette liberté nouvelle. Le guitariste ne souhaite en effet pas qu’Avatarium soit la petite sœur de Candlemass qui reste la création de Leif, son enfant : Avatarium doit tracer sa propre route. Pour en revenir à Jennie-Ann Smith, si elle compose, il paraît évident dans les propos de Rickard qu’elle permet aussi l’ouverture vers de nouvelles créativités et donc l’exploration de nouveaux horizons. Une réelle excitation et un profond respect se ressentent lorsque les musiciens en parlent.
Il faut dire que le groupe est aussi consolidé par le fait que tous les membres se connaissent de longue date et sont amis. Marcus affirme d’ailleurs qu’en tant que leader – même s’il reste modeste et le dit avec des pincettes –, il est très satisfaisant de voir le puzzle Avatarium finalement complété par l’arrivée du batteur Andreas « Habo » Johansson et que chacun est désormais à une place lui permettant de donner le meilleur de lui-même et de briller en tant qu’artiste, créant un combinaison unique selon lui. Un constat énoncé avec bienveillance, simplicité et reconnaissance.
Revenons au direct, à Nalen, où Jennie-Ann s’adresse au public, tout sourire, établissant le contact avec la salle. Durant tout le concert, elle assumera ce rôle de meneuse de scène, parlant aux fans et les incitant à se manifester. « Avatarium » nous ramène aux débuts du groupe. Ultra-lourd, ce morceau permet d’apprécier la frappe du batteur, de voir la chanteuse habitée, inspirée, et de se faire chatouiller les oreilles par un court solo de basse – intermède qui figure aussi sur la version studio du titre. Le morceau se termine tandis que Jennie-Ann laisse ses comparses seuls sur scène. La salle honnêtement remplie – assurément plus que pour la première partie – apprécie et offre à ce classique du groupe une belle ovation.
Accélération de rythme avec le très rock « Shake That Demon » qui permet cette fois-ci à Rickard d’effectuer un court solo avant que Marcus ne prenne le relais. Puis arrive « Pearls And Coffins » avec sa batterie monstrueuse, Jennie-Ann à l’acoustique et le solo de Marcus qui se jettera à genoux ! Rickard et Matts Rydström, le bassiste, sont eux aussi très actifs. Avec ce titre, le concert atteint une intensité qui ne redescendra jamais, et le groupe semble parfaitement maîtriser son sujet.
« In My Time Of Dying » offre un changement de registre : Marcus et Jennie-Ann sont désormais seuls sur scène. Nous touchons presque à la magie du gospel, au moins dans l’esprit sacré de ce genre, sur cette reprise de Led Zeppelin, que Marcus cite par ailleurs comme groupe dont il aurait aimé avoir composé les morceaux, notamment « Stairway To Heaven ». Il citera aussi « Wooden Ships » de Crosby, Still and Nash, Neil Young qui est l’un de ses héros en termes d’écriture ou encore les Beatles. Pour sa part, Rickard botte en touche, trop de beaux morceaux existent pour lui. L’album que le claviériste amènerait sur une île déserte ne fait cependant aucun doute : In Rock de Deep Purple. Marcus opterait pour un des American Recordings de Johnny Cash – Unchained peut-être –, artiste qui a énormément compté pour lui à une époque de sa vie. Des artistes bien loin de la sphère metal. Et c’est vraisemblablement là une force du groupe, de posséder des influences très variées. Rickard indique que finalement l’aspect « heavy » peut se trouver dans différents styles, et qu’il s’agit en réalité plus d’une question d’énergie que d’autre chose. Or cette énergie peut se trouver dans le jazz autant que le rock’n’roll des années cinquante. Marcus approuve et précise que c’est cette énergie qu’ils recherchent en studio, et que tout leur travail est de parvenir à la retranscrire durant l’enregistrement. Un travail qui nécessite autant le bon équipement que beaucoup de temps.
Au rayon des influences musicales, pour Marcus, le numéro un, le « gourou » reste Tony Iommi qui possède, selon lui, une vibration unique, quelque chose que le guitariste d’Avatarium cherche à atteindre. Et de préciser qu’il apprécie d’ailleurs chez Black Sabbath leurs influences versatiles, allant du jazz au rock’n’roll des années cinquante en passant par les Beatles.
Sur scène, la reprise de Led Zeppelin, joliment habillée par le show de lumières colorées, permet à Jennie-Ann de montrer toute l’étendue de ses capacités vocales. La chanteuse présente ensuite, soutenue par la batterie et les applaudissements du public, l’ensemble des musiciens. Puis le groupe lance le très puissant « Medusa », avant de faire une courte pause et de repartir magistralement avec « The Sky At The Bottom Of The Sea » qui remporte un franc succès amplement mérité ! Jennie-Ann remercie les techniciens avant un imposant « The Fire I Long For » et une nouvelle variation avec « The Girl With The Raven Mask » qui remet les gaz et permet à la chanteuse d’interagir avec les fans en leur demandant d’applaudir.
Il est presque 22h00 quand le temps du rappel intervient. Rickard et Jennie-Ann reviennent seuls sur scène pour un moment magique avec « Stars They Move », titre jazzy amené par Leif Eidling mais arrangé par Rickard et Jennie-Ann. Assurément, il s’agit là d’une de ces portes ouvertes par la chanteuse. Marcus est d’ailleurs assez clair là-dessus : une chanteuse plus typée metal ne rendrait pas un tel titre aussi émouvant. Définitivement la chanteuse paraît être une sacrée ressource qui a grandi, s’est développée avec Avatarium. Rickard explique que dans ce processus d’exploration de différents styles musicaux, surtout dans ce style heavy, une personne va chercher sa propre identité, c’est-à-dire ce qui rend précisément le processus intéressant, comme si, sans la nécessité d’une pensée consciente, cette personne parvenait à affirmer : « Ça y est, je sais qui je suis. » Pour le claviériste, la chanteuse est exactement dans cette démarche.
Quoi qu’il en soit, sur scène, il ne fait aucun doute que le public sait qui elle est : une chanteuse qui transmet une belle émotion même accompagnée d’un seul clavier. Il est intéressant de voir que, en concert, le groupe joue ce titre très dépouillé, assumant cette part des facettes d’Avatarium. Il ne s’agit pas là d’un simple remplissage de disque mais de l’ADN du groupe et même de cet album sur lequel le groupe a beaucoup discuté afin de savoir ce qu’ils voulaient et de savoir comment ce nouvel album, finalement charnière, devrait sonner. Plus heavy a priori, avec un retour aux deux premiers albums, mais aussi influencé par le son californien de la fin des années soixante. Pour le guitariste, ces discussions ont été très importantes pour définir une direction, façonner l’atmosphère de l’album. Et de citer « Lay Me Down » comme un bon exemple de ce que le groupe peut réaliser, à savoir quelque chose à la fois mélancolique et lumineux.
« Moonhorse » termine de bien belle manière ce premier concert en tête d’affiche. Pour un coup d’essai, c’est une belle réussite.
Rendez-vous le lendemain à Göteborg, ville que le groupe rejoint en train. En échangeant avec Marcus après le concert du soir, il s’avère que nous prendrons le même train, que nous serons même dans deux voitures qui se suivent. L’occasion pour le guitariste de caler l’interview. Une bonne idée. Cependant, dans les faits, chacun se reposera et nous verrons Jennie-Ann et Marcus peu de temps avant l’arrivée du train pour recaler l’interview après les balances. Toutefois, nous passerons quinze bonnes minutes à discuter de choses et d’autres, Marcus et Jennie-Ann, très avenants, nous accueillant avec une grande gentillesse. Espérons que cet échange fera partie des conversations intéressantes que le guitariste recherche lorsqu’il est en tournée ! En effet, Marcus explique que durant ces moments, il y a beaucoup d’attente, et que ces attentes sont un aspect plutôt ennuyeux de leur vie d’artiste. Donc, il est important à ses yeux d’être entouré de bons amis, de gens avec lesquels il est possible d’avoir des discussions intéressantes et de rire. Il a parfois vécu des situations où, loin de chez lui, dans un pays inconnu, il a été confronté à des gens dont il se demandait : « Sont-ils amicaux ? » Pas forcément sa tasse de thé, de ce que nous pouvons comprendre. Rickard partage le fait que l’attente reste un des aspects les plus pénibles de leur vie d’artiste – l’attente des balances par exemple –, ces moments où ils doivent juste patienter, sans forcément pouvoir utiliser ce temps pour créer.
Le concert de Göteborg présente les mêmes morceaux, dans une salle plus petite et plus standard en termes d’agencement. Le public sera moins nombreux, ce qui n’empêchera pas le groupe de proposer une seconde prestation de qualité avec ses moments lumineux. « Pearls And Coffins » à nouveau, avec son solo de guitare. Encore une fois « In My Time Of Dying » montrera que Jennie-Ann est une sacrée vocaliste ! Autres excellents moments de ce concert à Pustervik, « Medusa » et la déferlante de « The Sky At The Bottom Of The Sea ». Les plus attentifs des fans auront remarqué une légère hésitation dans le chant sur « Shake That Demon ». Rien qui ne gâche la fête. Il faut prendre ses marques après ce long temps hors des scènes.
Particularité de ce concert à Göteborg, Mickaël Stanne de Dark Tranquility sera parmi le public et se prêtera avec gentillesse au jeu des photos avec les fans. Un jeu auquel les musiciens d’Avatarium n’auront rien à lui envier puisqu’ils sortiront dans la salle sur les deux dates pour échanger avec les spectateurs.
Marcus nous disait qu’il aimerait vraiment jouer en France, car il sent que la musique d’Avatarium peut fonctionner chez nous. Espérons que le musicien ait raison car leur dernière venue au Glazart n’avait pas déplacé les foules. The Fire I Long For a qui plus est bien été reçu, plusieurs médias se penchant sur son cas et donnant des avis plutôt positifs. Marcus lui-même est agréablement surpris par cet accueil, d’autant plus important que l’implication était cette fois plus importante, Jennie-Ann et lui-même s’étant investis dans la composition avec des interventions de Rickard. De fait, le guitariste considère véritablement cet album comme un effort collectif, et ces retours positifs confortent l’ensemble du groupe dans sa récente orientation.
Il est donc à espérer que les fans français soient nombreux et que le groupe trouve, selon ses propres critères, « la » bonne façon de se présenter, afin que les deux partis se rejoignent à l’occasion d’une ou plusieurs dates françaises. Marcus évoque pour sa part des recherches déjà effectuées pour une tournée européenne et que le groupe souhaite développer ses aspects visuels et progresser sur le plan scénique en identifiant de potentiels lieux appropriés. A suivre… « Some are longing for Avatarium’s fire to feel its flames and get their fingers burned ! »
L’interview nous permet aussi de sortir du cadre strict d’Avatarium en évoquant par exemple les tournées avec Evergrey, groupe auquel Marcus a participé. Le guitariste aura cette expression très imagée pour qualifier la nature des tournées avec ses compatriotes : « Party on wheels ! » Assez clair ? Le guitariste garde de bons souvenirs de ces moments même si cela peut être fatigant ! Autre sujet annexe, les projets solos de Marcus. Il a déjà réalisé un premier opus en 2013, Pictures From A Time Traveller. Le guitariste indique qu’il a actuellement de la matière, orientée low-key, écrite il y a trois ou quatre ans. Il a besoin de temps et d’un moment où il pourra vivre sur ses réserves financières pour les finir car cela ne sera pas forcément de la musique sur laquelle il gagnera de l’argent. Il aimerait sortir un double vinyle avec le premier opus et ses nouveaux titres pour proposer deux voyages différents à l’auditeur. Après, il explique que cela peut être un long processus qui peut prendre des années. A suivre aussi.
Pour conclure sur Avatarium, à l’instar d’un Black Sabbath, le combo suédois propose une musique variée, passant de titres très lourds, doom, à des choses plus incisives, directes et rock’n’roll. Une variété qui fait toute la richesse du groupe. Ajoutez à cela une prestation scénique de très bonne facture, et vous obtenez un groupe sur lequel il est plus qu’intéressant de se pencher. Certes sa richesse musicale demande sans doute un temps pour être apprivoisée mais, une fois adoptée, elle ne vous lâchera plus.
Setlist Avatarium :
Voices
Rubicon
Into The Fire / Into The Storm
Lay Me Down
Avatarium
Shake That Demon
Pearls And Coffins
In My Time Of Dying
Medusa
The Sky At The Bottom Of The Sea
The Fire I Long For
Girl With The Raven Mask
Rappels :
Stars They Move
Moonhorse
Interview réalisée en direct par Loïc ‘Lost’ Stephan et Olivier Gestin le 11/01/2020 avec Marcus Jidell et Rickard Nilsson.
Un groupe qui mérite une vraie reconnaissance. J’etais à la date du Glazart, et c’était un concert fabuleux!
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Grozeil, tu as vraiment raison. Ils ont un vrai talent et effectivement le concert du Glazart a été magnifique. Il faudrait juste un peu plus de public pour que le groupe soit tenté de venir chez nous 😉
Très bon report ! « Stars They Move » est effectivement un des meilleurs titre du dernier album tout comme le fait que Jennie-Ann ne soit pas formatée « Metal » est un atout certain. Leur version de « « In My Time Of Dying » doit valoir son pesant de krisprolls. J’aime beacoup ce nouveau line-up.
euh …Tony Iommi , pas Tommy svp.
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