On peut être rassuré de voir que la production discographique d’Avatarium n’aura pas été affectée par le burn-out prolongé de son leader, compositeur et bassiste Leif Edling (également connu pour être « monsieur » Candlemass), raison de sa décision de se retirer pendant un an des tournées, comme nous l’a récemment appris le guitariste Marcus Jidell. Voilà donc après un premier album séduisant, qui faisait le lien entre Candlemass et ce nouveau projet, et un EP, All I Want, qui donnait un aperçu de ce que l’avenir du groupe possiblement nous réservait, qu’Avatarium est de retour pour attester que son entreprise n’avait rien d’une histoire sans lendemain.
Avatarium reprend en effet là où on l’avait laissé sur l’EP All I Want. Le son de la guitare se fait plutôt brut voire cradingue en rythmique, le clavier va exclusivement puiser ses sons dans la tradition des années 70, l’orgue Hammond en tête, inscrivant le tout dans une démarche organique et old school – une bonne part de l’album a par ailleurs été enregistrée live – qui démarque un peu plus Avatarium de Candlemass, même si la patte d’Edling reste reconnaissable entre mille. Dans le fond, ceci constitue avant tout un simple ajustement par rapport au premier album. Certes certaines chansons, comme « Girl With The Raven Mask » ou « Run Killer Run » s’éloignent du doom pour embrasser une orientation plus heavy, dans la continuité du titre « All I Want », lui empruntant même quelques relents zeppeliniens sur la chanson éponyme via les vocalises de Jennie-Ann Smith – certains y entendront plutôt une référence à la BO du Bon, La Brute et Le Truand ou à Tarzan… -, pour autant Edling garde définitivement la main lourde en matière de riffs. Et l’une des caractéristiques qui faisait le charme du premier opus s’impose un peu plus comme la marque de fabrique du combo, à savoir son ambivalence, cette oscillation quasi permanente avec des accalmies douces et minimalistes chamboulées par l’embrasement des guitares, avec ce que cela peut comporter de nuances.
L’atmosphère bluesy désolée, avec de très subtiles teintes harmoniques hispanisantes, presque western spaghetti dans l’esprit, de « Pearls And Coffins » rappelle certains choix des BO de Tarantino, voire celles d’Ennio Morricone. Même rapport cinématographique pour « Hypnotized » qui traîne l’auditeur dans une étrange valse psychédélique faite de hauts et de bas à en donner le tournis. « Ghostlight », dans ses plans et cassures (la partie ambiante au tiers qui repart comme elle est venue, de façon soudaine) vient en partie marcher sur les platebandes progressives des derniers Opeth, en foncièrement plus heavy-doom. « The Master Thief » va même jusqu’à reposer sur une base semi-jazz, semi-doom (cet Hammond pachydermique) qui à elle seule témoigne du riche potentiel d’Avatarium. Car Avatarium se dévoile pudiquement. Si au premier abord, hormis le son qui se démarque d’emblée, The Girl With The Raven Mask semble camper sur les acquis du premier album, l’effet de surprise étant par ailleurs passé, il révèle toutefois tous ses petits secrets au fil des écoutes.
The Girl With The Raven Mask est un album plein de subtilités, où particulièrement brille le couple Smith-Jidell (dans la musique comme à la vie). La première contribue à l’identité de la musique avec des lignes de chant souvent émouvantes, parfois dramatiques et théâtrales, et à l’attrait mélodique désormais familier, pour ceux qui se sont délectés du premier opus. Le second exploite un peu plus encore les finesses de son jeu et notamment l’influence de David Gilmour dans des leads aériens, creusant un peu plus les contrastes avec les passages rythmiques rugueux et massifs, comme dans les dédales de « January Sea », entre un riff à la « Iron Man » et des voluptés toutes pink floydiennes. Voilà peut-être ici le meilleur moyen de qualifier simplement The Girl With The Raven Mask : la rencontre de Black Sabbath et Pink Floyd. Autant dire qu’avec de telles références, et une telle maîtrise, Avatarium non seulement confirme mais également promet un bel avenir.
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Album The Girl With The Raven Mask, sortie le 23 octobre 2015 via Nuclear Blast.