La meute chasse toujours les indésirables. Bad Wolves en a terminé avec Tommy Vext et son comportement « émotionnellement et physiquement violent », selon les dires des membres restants. Le groupe l’a remplacé au pied levé par Daniel « DL » Laskiewicz, ex-guitariste de The Acacia Strain, et le label Better Noise Music s’est chargé de mener la bataille juridique avec Tommy, ce dernier souhaitant notamment s’approprier le crédit de plusieurs titres. Afin de prendre un nouveau départ de la meilleure des manières, Bad Wolves a clarifié certaines positions : dix des treize chansons du premier album Disobey (2018) ont été composées avant l’arrivée de Tommy Vext, changer seulement quelques paroles d’une chanson ne suffit pas à s’approprier l’intégralité de la création et les caprices de diva n’ont rien à faire au sein d’une entreprise qui se veut collective. Bref, l’ère Tommy Vext se devait de se terminer quelle que soit la véracité des arguments avancés. Dear Monsters est ainsi le troisième opus de la formation et peut-être le plus important : il doit définir Bad Wolves pour les années à venir.
Coupons court à toute forme de suspense : Daniel Laskiewicz remplace sans peine Tommy Vext via un timbre extrêmement similaire, un poil moins exubérant. Le titre d’ouverture « Sacred Kiss » lui laisse d’ailleurs le temps de se présenter en accompagnant la première mélodie langoureuse de Dear Monsters. Il sait montrer les biceps dès que les guitares entreprennent leur récital metalcore et groove metal à la production en béton. Bad Wolves semble avoir acéré ses crocs et démontre d’emblée les influences pop de son heavy rock taillé pour les ondes. Une formule camionneur-princesse qui lorgne parfois du côté d’Architects pour quelques riffs acérés. « Never Be The Same », et sa rythmique plombée, confirme immédiatement le dessein de Bad Wolves de livrer single après single sans réellement se soucier de variations quelconques. À ce petit jeu, Bad Wolves s’en sort plus que convenablement et pourrait aisément se prêter à illustrer les plus grands tourments de nos âmes d’adolescents. « Lifeline » se nourrit de ses deux prédécesseurs pour continuer de jouer la carte de l’émotion déclamée avec ferveur. Les guitares n’hésitent pas à se laisser aller à quelques interventions leads rappelant le heavy des eighties, notamment sur la power-ballade téléphonée « Wildfire ».
Derrière une façade aussi générique que bien exécutée et adéquatement produite se cachent néanmoins quelques légers écarts. Le riffing de « Comatose » se veut plus facétieux avec une mélodie sautillante et s’oppose au déroulé classique des autres titres. Pas de quoi se faire surprendre, juste une respiration bienvenue. L’électro-pop-rock de « Gone » viendra de toute manière tuer dans l’œuf toute velléité d’audace musicale. On en vient à apprécier les titres les plus athlétiques comme seul moyen de s’extraire d’une dynamique homogène, à l’instar d’« On The Case » ou « House Of Cards » qui prouvent que Bad Wolves adhère au culte du riffing frontal avec les cervicales en ligne de mire. Un défouloir qui souffre d’une perte d’intensité en raison de l’anecdotique « If Tomorrow Never Comes » qui a le charisme d’une démo gratuite d’home studio et d’une nouvelle pseudo-ballade « Springfield Summer » reposant sur des accords de guitare acoustique académiques. Bad Wolves a d’ailleurs choisi de terminer Dear Monsters par un nouvel effort sentimental avec « In The Middle », à nouveau une progression mélancolique qui se meut en effusion grandiloquente. La musique téléphonée et volontairement accessible de Bad Wolves doit être considérée pour ce qu’elle cherche à accomplir. Dans l’ensemble, le rock générique de Dear Monsters est un générateur de plaisirs coupables et certaines mélodies se révèlent insidieuses. Si Bad Wolves désirait grappiller autant d’audience que possible, Dear Monsters est un argument de poids à condition de ne pas être allergique à un générateur randomisé de riffs qui rappellent les affects d’MTV.
Bad Wolves peut être soulagé quant à son avenir. Son nouveau line-up respecte la direction tracée par les deux opus précédents. Il est l’un des avatars du metal grand public qui n’a que pour seul dessein l’accès direct à l’émotion primaire. Dear Monsters donne dans le générique de qualité là où d’autres figures de proue du genre se sont parfois perdues. Bad Wolves va à l’essentiel et applique les codes jusqu’au bout. On n’attend pas du loup qu’il change son régime alimentaire.
Clip vidéo de la nouvelle chanson « Lifeline » :
Album Dear Monsters, sortie le 29 octobre 2021 via Better Noise Music. Disponible à l’achat ici