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Interview   

Bad Wolves : d’un monstre à l’autre


« Pas le droit d’en parler. » La réponse a le mérite d’être claire : on n’en saura pas plus sur les différends qui opposent Bad Wolves et leur ancien chanteur Tommy Vext, suite à une éviction houleuse en début d’année, sur fond d’accusations contradictoires des deux parties – le chanteur accusant le groupe de ne pas tolérer ses opinions politiques conservatrices, le groupe accusant le chanteur de comportement physiquement et moralement violent – et d’actions en justice. Le fait est que Bad Wolves est très vite passé à autre chose, poursuivant la réalisation de son nouvel album et s’attelant à la recherche de sa nouvelle voix.

Le résultat, c’est Dear Monsters, un troisième album qui accueille Daniel « DL » Laskiewicz derrière le micro. Le nom vous est peut-être familier, et pour cause, DL a longtemps officié au sein d’un autre groupe, The Acacia Strain, en tant que… guitariste. On le savait aussi déjà compositeur et producteur, c’est donc une nouvelle facette de ses multiples talents qu’il met à la disposition de Bad Wolves, leur offrant de belles perspectives pour le futur. Nous en discutons ci-après avec John Boecklin, batteur du groupe mais aussi leader, principal compositeur et producteur. Nous en profitons justement aussi pour en savoir plus sur ses diverses casquettes et sur sa pratique de la batterie qui a grandement évolué depuis son passage au sein de Devildriver.

« Mon corps et mon cerveau vont maintenant commencer à assimiler tout ça. Cette expérience va se lier émotionnellement au quatrième album, beaucoup plus qu’à celui-ci. Je pense que ma thérapie va se prolonger dans le quatrième album. »

Radio Metal : En janvier cette année, Tommy Vext a annoncé son départ de Bad Wolves. Il y a eu pas mal d’agitation autour de ça, entre lui et le groupe. Comment les fans ont-ils vécu ça ?

John Boecklin (batterie) : D’après mon expérience en tant que fan de musique quand j’étais petit, puis dans la vingtaine, quand j’ai commencé à faire des tournées, et avec la naissance des forums, de Blabbermouth, Lambgoat, etc., je sais que lorsque deux membres d’un groupe se disputent ou que des membres passés et actuels se renvoient la balle sur internet, ça finit par vraiment rebuter. On ne sait plus qui a tort ou a raison, et au final, les deux parties ont l’air stupides. Je pense que c’est ainsi que les fans voient ça. Certains choisissent leur camp, mais je pense que la plupart des gens lèvent les yeux au ciel. Nous avons regardé et nous avons mis un terme à une grande partie de ces soucis.

Votre relation créative avec Daniel « DL » Laskiewicz n’a pas commencé sur Dear Monsters, mais sur l’album précédent N.A.T.I.O.N., pour lequel il était crédité. Pensez-vous que cela a rendu la transition plus facile ?

Pas tellement car je ne le connaissais pas et je ne l’avais jamais rencontré en personne. L’expérience que nous avons eue avec lui, c’est qu’il a écrit le refrain, la voix et la mélodie d’une chanson intitulée « The Consumerist ». Notre communication était minimale, car ce qu’il a fait était tellement bien que je n’ai pas eu à lui faire de retour. Donc c’était genre : « Cool, merci ! Super ! » Je trouve que c’est ironique mais ça n’a pas eu tellement d’effet pour le choix du chanteur, il n’a pas eu de coup de pouce par rapport aux autres candidats. Tout ce qu’il a fait quand il est arrivé aux auditions et quand il a auditionné sur des anciennes chansons a parlé de lui-même. C’est un tout. Il est dans la bonne tranche d’âge pour être dans Bad Wolves. Il a l’expérience d’un musicien de tournée. Il a fait partie d’un groupe, The Acacia Strain, qui a tourné pendant douze ans. Il s’est donc fait les dents et connaît la route. Il est producteur, donc il peut s’enregistrer lui-même, et il est guitariste, donc il peut écrire des chansons. Il a une très bonne justesse. Il a un côté très menaçant dans son allure, ce que j’apprécie. On peut difficilement faire plus complet : chanteur, compositeur, performer, avec de l’expérience… La première chose que j’ai faite avec Daniel pour l’album était de lui envoyer la piste de guitare du morceau « Springfield Summer ». J’étais là : « Eh, voilà un truc sur lequel j’ai travaillé. » Je lui ai balancé ça, il m’a tout de suite répondu en rajoutant des mélodies vocales par-dessus et nous nous sommes mis au travail.

Daniel est principalement connu pour son passé au sein de The Acacia Strain – un groupe très différent – en tant que guitariste. Étais-tu surpris au départ qu’il s’adapte aussi bien à Bad Wolves, en tant que chanteur ?

J’ai été agréablement surpris quand j’ai entendu son audition. Il a chanté deux chansons. Je crois que c’était « No Messiah » et « Learn To Live », et c’était super. Ce n’était pas genre : « C’est DL de The Acacia Strain ? » avec un point d’interrogation. C’était plutôt : « Dieu merci, c’est DL de The Acacia Strain ! » avec un point d’exclamation. J’ai su dès le début qu’il avait tout ce que nous recherchions. Et j’aime aussi dire que parmi tous ceux que nous avons auditionnés, et il y en avait d’excellents, nous avons fait un vote et ça a été unanime. J’ai aimé que tout le monde pense la même chose. Nous étions tous sur la même longueur d’onde.

Avez-vous auditionné beaucoup de chanteurs ?

« Auditionné » veut dire qu’ils ont été dans une pièce avec nous. Il y en a eu une dizaine dans ce cas, je crois. Mais des candidatures, il y en a eu plein, du fils de Nicolas Cage à… Bon sang, un paquet de monde ! Je ne pense pas que nous devrions passer en revue tous les noms qui ont auditionné, parce que je n’ai pas envie de faire de l’ombre au chanteur que nous avons choisi, DL. Mais oui, il y en a eu plein. Nous sommes donc passés de candidatures à des auditions, à les faire venir dans une pièce avec nous, et enfin dans le studio, ce qui a été la troisième étape, pour voir comment ils sonnaient sur les nouveaux morceaux, et comme je l’ai dit, le vote a été unanime.

Est-ce que le fait qu’il soit guitariste offre une option supplémentaire à Bad Wolves, que ce soit une autre guitare ou au moins pour l’implication dans la composition et sa compréhension des chansons ?

À cent pour cent. Certains chanteurs sont peut-être là à dire : « Je joue un peu de guitare… », mais DL joue vraiment de la guitare. C’est un guitariste, donc quand il a un avis ou une idée, elle est prise au sérieux, et généralement l’idée est elle-même sérieuse et fonctionne. Je peux imaginer, suivant la chanson, de le mettre à la guitare à un moment donné. Ce serait très cool d’avoir une autre dynamique. Mais je vais te dire, quand nous jouons des chansons comme « Learn To Live », ce n’est pas fait pour être joué à la guitare et chanté en même temps, c’est très dur ! Ou si tu prends une nouvelle chanson, comme « On The Case », si nous la jouons en live. Ces chansons ont un côté djent et tu remarqueras que la plupart des groupes de djent n’ont pas un bon chanteur qui joue de la guitare, car c’est un univers à part de jouer de la guitare comme ça.

« Ce groupe a ressenti de la pression depuis le premier jour. Nous avons été lancés dans la stratosphère avec une reprise qui a pris une telle ampleur que les gens ont remis en question notre intégrité, notre longévité. […] Je fais la musique que je veux faire et l’opinion de qui que ce soit sur ce que je fais ne m’empêchera jamais de faire ce que je veux faire. »

Daniel a officiellement été annoncé en juin et nous voilà en octobre, avec un nouvel album dans les bacs. Ça paraît être un court laps de temps pour faire un album. Ça veut donc dire que le processus pour Dear Monsters avait commencé avant l’arrivée de Daniel ?

Correct, et ça a été un processus très long. Ce disque a été le plus long à faire de tous les disques que j’ai faits dans ma vie. C’est principalement dû au fait qu’il y a eu un changement de line-up en plein milieu, ce qui a mis les choses en attente. Ça a entraîné des réécritures, des changements de parties de morceaux, le choix final du chanteur – le processus a duré des mois – et des procès, pour finalement s’arrêter là et dire : « Le voilà ! », puis donner le temps à l’album de s’installer. Il a fallu environ deux ans pour le réaliser. Ceci étant dit, lorsque DL est entré en scène, cela n’a pas particulièrement affecté les chansons. Les seules choses qui ont été changées sont les paroles. Tout ce que d’anciens membres avaient pu écrire, nous l’avons changé. Si j’écrivais une mélodie, on l’utilisait. Cela n’a donc pas vraiment changé, car bien que les deux chanteurs soient complètement différents, nous avons choisi un chanteur qui représente et sonne comme quelqu’un qui pourrait faire ce que nous avons fait dans le passé. Ce n’est donc pas comme si nous nous étions mis à essayer de monter un groupe de death metal tout d’un coup ou quelque chose comme ça.

Le changement de chanteur s’est-il accompagné d’une certaine pression ? As-tu l’impression que le groupe a dû faire ses preuves une nouvelle fois ou qu’il y avait de grandes attentes ?

Bien sûr, mais nous réagissons tous assez bien à la pression. Ce groupe a ressenti de la pression depuis le premier jour. Nous avons été lancés dans la stratosphère avec une reprise qui a pris une telle ampleur que les gens ont remis en question notre intégrité, notre longévité. Peut-on continuer comme ça ? Comment ça va se passer ? Ce n’est pas nouveau pour nous. C’est juste un autre défi.

Voyez-vous encore des gens remettre en question votre intégrité ?

Bien sûr. Je le vois. Ça ne me dérange pas. Je dois m’occuper de ma propre vie. Je fais la musique que je veux faire et l’opinion de qui que ce soit sur ce que je fais ne m’empêchera jamais de faire ce que je veux faire.

Tu disais que la réalisation de cet album a pris beaucoup de temps, mais comment avez-vous réussi à ne pas vous laisser distraire par tout ce qui se passait autour du groupe ? Vous êtes-vous consciemment mis dans une bulle, en ignorant le monde extérieur ?

Les choses qui se passaient étaient trop fortes pour être ignorées. Comment j’ai fait face à ça ? De différentes manières. Le vacarme est arrivé majoritairement quand l’album était presque terminé, et ça a provoqué de la colère, de la peur, du ressentiment. Comment j’ai répondu à ça ? Je ne sais pas vraiment. J’ai beaucoup traîné avec mes amis. Je suis beaucoup sorti. J’étais productif. Je ne me suis pas enfermé et je n’ai pas prétendu que si je me fermais au monde, rien de tout ça n’existait. J’y ai remédié et j’ai gardé la tête haute. Si quelqu’un voulait me demander quelque chose, je lui disais : « Oui, bien sûr. Voilà ce qui se passe. » La seule chose qu’on ne pouvait pas faire, c’était tourner. Nous allons nous y mettre aussi, et puis nous nous montrerons et nous irons de l’avant. Je n’étais pas un reclus. Ça ne m’a pas affecté de la sorte.

T’es-tu nourri de ces émotions, de cette colère, etc. pour les mettre dans l’album et dans vos performances ?

Non, je pense que beaucoup de ces émotions vont apparaître sur notre prochain album. Je pense que j’étais tellement impliqué, en tant que propriétaire de la marque et du groupe, qu’il y avait beaucoup de choses que je devais faire tous les jours. Mon corps et mon cerveau vont maintenant commencer à assimiler tout ça. Cette expérience va se lier émotionnellement au quatrième album, beaucoup plus qu’à celui-ci. Je pense que ma thérapie va se prolonger dans le quatrième album.

L’album a pour thème la confrontation avec ses démons. Le titre de l’album, Dear Monsters, donne l’impression que vous leur écrivez une lettre. Que vouliez-vous dire à ces monstres ?

C’était un peu comme : « Comment avez-vous pu ? Comment osez-vous ? Et si vous alliez vous faire foutre ? » [Rires] Non, je veux dire, c’est ouvert à l’interprétation. Je dois dire que j’ai vécu une année et demie très tumultueuse avec la pandémie, comme tout le monde. En tant que musicien, le monde s’est écroulé, j’ai dû faire face à un changement de line-up, à des procès, j’avais l’impression que les choses empiraient chaque jour qui passait. Je me suis littéralement réveillé au milieu de la nuit avec ce nom, Dear Monsters. Je l’ai écrit dans mes notes sur mon iPhone. Je ne sais pas pourquoi je me suis réveillé et j’ai pensé que ce serait un titre cool, je pense que je rêvais de quelque chose, mais ça correspond vraiment à mon humeur et à ce que je traversais. C’est aussi une chose universelle basée sur ce que le monde traverse, et je ne m’y attarderai pas car c’est trop difficile à décrire en quelques phrases. Mais Dear Monsters semble correspondre à cette ambiance.

« On sait tous que le metal est une route à sens unique la plupart du temps. Si vous en sortez et changez légèrement de trajectoire, ou si vous voulez que la route prenne une autre direction, les gens s’énervent. Je prends plaisir à énerver les gens lorsque nous prenons un virage et faisons quelque chose qui pourrait être perçu comme commercial ou pop. »

Quels ont été tes principaux démons ?

L’équilibre. L’équilibre a toujours été très difficile pour moi. Je suis soit dans un sens, soit dans l’autre. Je suis ce vieux cliché qui dit : travailler dur et s’amuser tout autant. Plus on vieillit, plus cela devient difficile à faire. Mes démons proviennent surtout de mon enfance, de certains traumatismes et de choses comme ça. Grâce à la thérapie que j’ai suivie, j’ai bien abordé mes problèmes et je les ai affrontés. Je me sens donc bien avec mes monstres et mes démons. Je les traite avec respect, mais je sais qu’ils sont là.

Penses-tu que cette question d’équilibre se traduit dans la musique ?

Tu n’aurais pas pu mieux dire. Je pense que ça fait partie de mon charme parce que j’écris des chansons vraiment heavy, et que j’ai un passé dans mes autres groupes, et puis aussi, j’aime vraiment des chansons comme « Springfield Summer » sur ce disque, où c’est une facette tellement différente de moi. On sait tous que le metal est une route à sens unique la plupart du temps. Si vous en sortez et changez légèrement de trajectoire, ou si vous voulez que la route prenne une autre direction, les gens s’énervent. Je prends plaisir à énerver les gens lorsque nous prenons un virage et faisons quelque chose qui pourrait être perçu comme commercial ou pop. Tout ce que je fais, c’est écrire de la musique qui me rend heureux. C’est tout. Le contraste est une identité, et j’espère que cela restera ainsi. Tu peux faire ce qu’Opeth fait, écrire du heavy metal et t’aventurer dans des territoires très sombres, et même dans des territoires de jazz obscur, même si la plupart des fans d’Opeth n’aiment pas le nouvel Opeth [rires]. Mais ce n’est pas le genre d’oppositions que je veux. J’aime la musique de mon enfance, comme Genesis, Elton John ou Michael Jackson, leur côté plus pop. Ce genre de choses fait partie de mon histoire, de l’ADN de la musique que j’aime écrire.

Dans Bad Wolves, en plus d’être le batteur, tu es le leader du groupe, le principal compositeur et le producteur. Penses-tu qu’en tant que batteur, tu une vision globale de la musique et du groupe qu’un guitariste ou un chanteur n’a peut-être pas ?

Pas nécessairement. Ça a toujours été mon travail, même quand j’ai commencé ce groupe. Je suis vraiment bon pour mettre la machine en marche. Avec cet album, j’ai douze chansons que j’ai apportées au groupe, mais je laisse généralement le groupe et le chanteur décider de ce qu’ils veulent faire et des chansons sur lesquelles ils veulent travailler. Parce que parfois, je vais trop loin. Certaines des chansons que j’ai écrites au début étaient très funky, presque comme du Primus. Ils disaient : « C’est génial, mais ça ne ressemble pas à Bad Wolves. » J’ai donc laissé le collectif et le coproducteur, Josh Gilbert, décider. Je mets tout en route, puis ils travaillent dessus, et je travaille dessus. Et puis je suis aussi très bon pour nous amener à la ligne d’arrivée : « Ok, cette chanson est presque prête. Faisons ça, blah, blah, blah. Très bien, cool. On devrait être bons maintenant. » Produire est loin d’être un travail aussi difficile qu’à une époque. Avec la technologie d’aujourd’hui, il n’est pas difficile de produire un disque qui sonne bien. Nous sommes toujours fiers du fait que nous enregistrons une vraie batterie. C’est génial. À part ça, nous faisons appel à un ingénieur, Joseph McQueen, et nous faisons en sorte que le boulot soit fait. Je suis juste très doué pour l’organisation. Comme les autres membres du groupe aussi. Ce n’est pas mon attitude de dire « c’est mon groupe et je suis le patron ». Je suis en quelque sorte toujours à la recherche d’aide.

D’un autre côté, comment parviens-tu à avoir suffisamment de recul pour produire les chansons que tu écris et joues ?

Il pourrait y avoir des côtés positifs et négatifs à ce que je sois producteur de nos propres chansons, c’est pourquoi nous avons eu un coproducteur, mais ça découle en grande partie de… Je ne pense pas que ça intéresse vraiment les producteurs ou alors ils coûtent trop cher, et je ne pense plus que cela en vaille vraiment la peine. Je pense que dans le temps, les gros producteurs vous donnaient des sons inatteignables, une qualité de production inatteignable. C’était le principal. Et puis parfois, ils faisaient des suggestions de chansons auxquelles vous n’auriez normalement pas pensé. Avec l’équipe et le groupe que nous avons, je pense que nous pouvons nous enrichir suffisamment les uns les autres pour faire un bon et solide disque sans avoir à payer quelqu’un cent mille dollars et aller enregistrer dans un endroit qui lui convienne pour qu’il puisse être à la maison avec sa femme et ses enfants à dix-sept heures. On peut établir nos propres règles quand on fait les choses à notre façon.

En tant que batteur, à un moment donné, tu as pris des leçons avec David Elitch. Apparemment, cela a beaucoup changé la donne pour toi et tu as déclaré que tu avais « dû restructurer et changer [ta] technique. C’était comme si [tu avais] recommencé à jouer de la batterie en repartant de zéro ». Peux-tu me parler de ce processus de réapprentissage de la batterie ?

En un mot, ce n’était pas facile. Cela change la donne, mais surtout, cela ouvre les yeux. La façon dont David Elitch enseigne, nous avons commencé par la technique. J’ai donc dû changer ma prise. Changer de prise après avoir fait quelque chose pendant vingt ans… Changer quoi que ce soit après l’avoir fait pendant vingt ans est sacrément difficile et cela prend des années – ce ne sont pas des semaines, ni des mois – et cela demande du dévouement. David savait que ça allait être un problème pour moi. Une bonne métaphore est la suivante : si vous allez chez le dentiste toutes les deux semaines, il saura si vous ne vous brossez pas les dents ou n’utilisez pas de fil dentaire.

« Devildriver, pour moi, c’était très rapide, très extrême, mais généralement linéaire, avec du frisé partout. C’était comme si je répétais des variations de choses que j’avais faites un million de fois, mais un peu différemment. Je me demandais : « Qu’est-ce que je peux faire d’autre ici ? » C’est en partie pour ça que j’ai quitté le groupe. »

Il est devenu un mentor plus qu’un professeur de batterie, parce qu’il te demande : « Eh bien, pourquoi tu n’as pas fait ça ? » ou « Pourquoi tu ne fais pas ça correctement ? » Tu commences à ouvrir les yeux et beaucoup de cela s’applique à ton style de vie et à tes priorités. Ce n’est pas tellement : « Est-ce que tu étudies vraiment les bons rudiments ? Quel genre d’art regardes-tu ? Qu’écoutes-tu ? » C’est un tout. Il te fait regarder le monde entier, pas seulement la caisse claire devant toi. Et il ne le fait pas exprès, il ne te fait pas t’asseoir en te disant ces choses, mais tu commences à te demander comment il en est arrivé là et tu lui poses des questions, tu apprends à connaître sa vie et ce qu’il trouve intrigant artistiquement parlant. Tu le respectes tellement que tu respectes ce qu’il aime. Ensuite, tu commences à regarder au plus profond de toi et tu commences à apprendre ce que c’est que d’être quelqu’un comme lui, d’être capable d’enseigner comme lui et d’être capable d’avoir les connaissances qu’il possède. Il le fait en lisant beaucoup, en pratiquant beaucoup et en s’imposant une grande discipline. C’est le genre de personnes qu’on devrait avoir autour de soi, dans sa vie.

Tu as également déclaré qu’« après DevilDriver, [tu as] senti que [ta] créativité avait atteint son apogée ». Qu’est-ce qui, selon toi, t’empêchait d’aller plus loin dans la créativité ? Quelle était la cause de cette limite ? Était-ce simplement une question de technique ?

C’était le cas. En tant que batteur, j’avais deux grosses caisses, beaucoup de cymbales, etc. Si on m’enlevait tout cela et me donnait une grosse caisse, une caisse claire et un charleston, je ne savais pas quoi faire et je n’aimais pas ça. Les batteurs qui ont leurs propres chaînes de batterie sur YouTube et sur Instagram ont commencé à prospérer. Je regardais ces batteurs qui faisaient des choses que je ne pouvais même pas comprendre. Ils étaient plus jeunes que moi et ils étaient sur une grosse caisse, une caisse claire et un charleston. Je ne comprenais même pas ce qu’ils faisaient mais je ne pouvais pas non plus m’arrêter de regarder. C’était le signe pour moi que j’avais vraiment besoin que quelqu’un me montre des choses. En améliorant ma technique et en apprenant les permutations, certains rudiments et autres, j’ai vu clair. Au moins maintenant je comprends ce qui se passe avec beaucoup de choses plus complexes.

Je pense que la batterie du premier album de Bad Wolves est un énorme reflet de ce que j’ai appris. C’est beaucoup plus polyrythmique. La batterie du premier album est très complexe, surtout des chansons comme « Truth Or Dare », cette chanson est vraiment complexe pour moi, ou « Shapeshifter ». Beaucoup de ces morceaux sont composés de percussions vraiment sympas avec des roulements que je n’aurais pas été capable de faire sans Elitch. Devildriver, pour moi, c’était très rapide, très extrême, mais généralement linéaire, du frisé partout. C’était comme si je répétais des variations de choses que j’avais faites un million de fois, mais un peu différemment. Je me demandais : « Qu’est-ce que je peux faire d’autre ici ? » C’est en partie pour ça que j’ai quitté le groupe. J’ai écrit beaucoup de guitares pour ce groupe aussi et je me suis dit : « Combien de riffs de Devildriver qui vont intéresser les gens ai-je encore en moi ? » Je sentais que j’avais besoin de changement. J’ai donc écrit la chanson « Learn To Live » avec un accordage différent. J’ai regardé ce qui se passait dans le metal et j’ai adapté certains accords, ça a commencé à changer mon instinct en tant que compositeur aussi. J’ai donc écrit des chansons à la guitare, comme « Officer Down », « Learn To Live » et « No Masters ». Et tu sens que ça ne ressemble pas à Devildriver, c’est à cette époque que j’ai quitté le groupe.

D’un autre côté, il est intéressant de noter que beaucoup de chansons du nouvel album de Bad Wolves ne semblent pas aussi compliquées, du point de vue de la batterie, par rapport à ce que tu as fait dans le passé. Penses-tu que la technique ne consiste pas seulement à jouer une partie compliquée, rapide ou chargée, mais qu’il y a beaucoup de technique – si ce n’est plus – impliquée dans le fait de jouer un rythme très simple ?

J’ai appris plus de techniques, mon style est devenu plus compliqué et ça se voit sur le premier disque. Ensuite, j’ai l’impression d’avoir mûri à partir de là, je me suis dit : « Ok, j’ai montré que j’ai des idées différentes et plus d’un tour dans mon sac. C’est cool. J’ai fait ça. » Puis, sur le deuxième album, l’intro de « I’ll Be There » est toujours l’un des rythmes de batterie les plus difficiles que je doive faire en live, mais en général, j’ai pris la décision consciente d’être plus simple sur cet album. Nous jouons devant un grand nombre de personnes et les trucs complexes, qu’on les aime ou qu’on les déteste, ça ne se traduit pas aussi bien. J’ai donc commencé à faire plus simple et ça m’a suivi sur le troisième album aussi. Il y a deux ou trois trucs sympas, mais je ne pense pas que Dear Monsters soit un disque très difficile du point de vue de la batterie, mais je le trouve passionnant et amusant.

Tu as dit dans le passé que tu as « toujours été un peu un surjoueur ». Cela a-t-il été difficile d’apprendre à te retenir ?

Pas d’apprendre. C’était difficile d’entendre dire que je devais me retenir. Je donne la casquette de producteur à l’ingénieur du son quand j’enregistre la batterie, parce que c’est lui qui entend vraiment. Je fais beaucoup de choses sans y réfléchir et lui me disait : « Ça empiète sur les voix. Ça ne va pas… C’est trop… » Ce n’est pas facile de l’entendre dire, mais je fais plus confiance aux autres qu’à moi-même parfois.

Interview réalisée par téléphone le 26 octobre 2021 par Nicolas Gricourt.
Retraduction : Nicolas Gricourt.
Traduction : Emilie Bardalou.
Photos : Jim Louvau.

Site officiel de Bad Wovles : badwolvesnation.com

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