
Grg Hammetson : C’est exactement la question que nous nous sommes posée : que s’est-il passé ?! Pour ce concert à Lyon, nous étions censés jouer au CCO, mais pour une raison quelconque, la salle a été modifiée à la dernière minute. On ne l’a appris qu’il y a six ou sept jours. Nous devions absolument informer le public.
Passons maintenant à l’interview proprement dite. Comment vous est venue l’idée de mélanger les mélodies des BEATLES et les riffs de METALLICA ?Là aussi, on se demande encore ce qui s’est passé ! A l’origine, on a fait ça pour se marrer à l’occasion d’un festival. On a enregistré quelques chansons sur CD, et on les a distribuées gratuitement. Et puis ces chansons se sont retrouvées sur Internet, sans même qu’on soit au courant. C’est là que tout a démarré. Le potentiel d’Internet est énorme. Neuf mois plus tard, on nous a appelé en nous disant : « hey, vos chansons sont sur internet, vous devriez jeter un ?il ! »
L’EP Garage Dayz Nite a été enregistré à l’occasion du Spoof Fest de Milwaukee. Pouvez-vous nous expliquer ce qu’est ce festival ?Le festival en est à sa 13ème ou 14ème édition. Nous nous sommes rencontrés grâce à lui. C’est un festival au cours duquel tous les groupes locaux se réunissent et s’éclatent en musique et dans la bonne humeur.
C’est un certain David Dixon qui a baptisé le groupe BEATALLICA. Mais qui est cet homme ?Aujourd’hui, David est un excellent ami, mais à l’époque, c’était un parfait inconnu. Il était professeur de physique à la Marquette University de Milwaukee. Et aussi un grand fan des BEATLES. C’est lui qui a mis nos chansons sur Internet pour les partager avec ses amis, et il se demandait comment les présenter. Au début, il voulait nous appeler « Meatles », mais ça ne sonnait pas vraiment bien. Finalement, il a trouvé BEATALLICA. Tout est uniquement de sa faute !
Au début, vous avez conserve le plus grand anonymat, notamment sur votre site Internet. Redoutiez-vous des problèmes d’ordre légal ? A l’époque, Napster était déjà en procès…Ce procès a eu lieu plus tôt, au milieu des années 1990, non ?
C’était en 2000.Ah bon. Nous avons débuté en 2001. A l’époque, on ne savait vraiment pas à quoi s’attendre, alors on a fait profil bas. Le problème, c’est que si les choses semblent bien se passer, on a tendance à vouloir en faire plus. Nous avons fini par franchir les limites ; nous étions trop exposés, il y avait bien trop de questions… Une histoire rapportée sur le site anglais Boing Boing a attiré l’attention de tout le monde, et c’est là que la sonnette d’alarme a été tirée.
Finalement, vous vous êtes attiré la sympathie de plusieurs musiciens, comme Mike Portnoy, de DREAM THEATER, un groupe dont vous avez même fait la première partie. Lars Ulrich lui-même apprécie votre musique. Cela vous a-t-il surpris ?Oh que oui. Comment vous réagiriez, vous, si Lars Ulrich vous appelait chez vous pour discuter ?! C’est très étrange, d’abord on pique des trucs à ces gars, et maintenant, d’un certain point de vue, on se retrouve partenaires… Nous avons plusieurs arrangements au niveau légal et on est en contact régulièrement, tout les six mois environ. Quand on rentrera chez nous après Noël, je vais devoir les appeler pour leur donner des nouvelles.
Et du côté des BEATLES, quelles réactions ?On en a eu peu. Paul McCartney s’est demandé si c’était une blague ! Les seules réactions que nous avons reçues venaient des avocats des BEATLES. Mais si quelqu’un chez eux écoute cette interview et a envie de déjeuner ou de boire un verre avec nous, pas de problème !
Peut-on espérer voir BEATALLICA en première partie de METALLICA, comme APOCALYPTICA à une époque ?Ce n’est pas de notre ressort, c’est plutôt du leur. Nous sommes très mitigés là-dessus. Kliff vous répondrait probablement qu’il n’y a aucun problème. Comme je l’ai déjà dit dans une interview aux Etats-Unis, je vois les choses sous cet angle : à Thanksgiving, les familles se réunissent et mangent de la dinde. BEATALLICA en première partie de METALLICA, ce serait comme mettre de la dinde congelée au micro-ondes et la manger avant d’aller dîner chez ses parents pour Thanksgiving. Ou pour dire les choses autrement, ce serait comme boire une bière sans alcool alors qu’une vraie bière est à portée de main.
Vous avez l’habitude de jouer en Europe, et plus particulièrement en Allemagne. C’est votre second passage en France. Comment décririez-vous vos expériences à Paris et Lyon ?Le concert d’hier soir était extra, vraiment génial. La salle était pleine, et le public était super. Le public parisien est toujours agréable, très énergique, les gens adorent nous renvoyer ce qu’on leur hurle depuis la scène. Le concert que nous avons donné à Paris l’été dernier était l’un des meilleurs de la tournée.
Vous avez eu des soucis avec Sony pour raisons légales. Voir cette grosse compagnie se dresser contre vous vous a-t-il fait peur ? Comment cela s’est-il terminé ?Sony est effectivement l’une des plus grosses maisons de disques au monde. C’est sûr qu’il vaut mieux être du côté de ses alliés que de ses ennemis. Mais nous nous sommes montrés diplomates et avons résolu les problèmes. Tout le monde pensait que la grosse méchante entreprise allait dévorer le pauvre petit groupe, mais au final, nous leurs avons parlé dans leur langage. Nous sommes tous adultes, pas des gamins de 14 ans qui veulent mettre le bazar. Aujourd’hui, il n’y a plus de problème, mais nous devons prouver à ces gens que nous méritons ce qu’ils nous ont accordé.
Lars Ulrich vous a même donné un coup de main…Oui, il était vraiment de notre côté. Il voulait que les choses se résolvent et il a tout fait pour ça.
Le premier album de BEATALLICA est maintenant dans les bacs. Vous aviez de nombreuses chansons dans votre répertoire. Comment avez-vous sélectionné celles qui se retrouveraient sur l’album ?Les critères de sélection étaient les problèmes juridiques et le potentiel des chansons. Certaines de celles que nous voulions mettre sur l’album n’ont pas été approuvées. Beaucoup d’éditeurs individuels ont refusé de nous donner les droits. Nous avons même dû interrompre l’enregistrement de certaines chansons pour raisons légales. Les chansons qui se retrouvent sur l’album sont celles avec le plus de potentiel que nous ayons eu le droit d’enregistrer. Avec le répertoire que nous avons maintenant, nous sommes en mesure de faire un nouvel album, mais nous devons d’abord obtenir l’autorisation d’enregistrer les chansons. Je pense que le processus sera plus aisé pour le prochain disque qu’il ne l’a été pour celui-ci. Le premier album nous a pris beaucoup de temps, mais les choses devraient être plus faciles aujourd’hui, puisque nous savons comment tout cela fonctionne. Ce que nous n’avons pas pu mettre sur le premier album se retrouvera sans doute sur le deuxième, ainsi que pas mal de nouveautés.
Certaines chansons ont été retravaillées et réenregistrées depuis vos débuts. Pourquoi ?Tout le monde nous pose cette question… A l’origine, nous avions enregistré les chansons en 14 heures sur format mp3. Elles n’ont jamais été mixées, ni même enregistrées correctement. Comme nous l’avons déjà dit, ce n’était qu’une blague, personne n’était censé entendre ça ! Aujourd’hui, c’est de la musique à un niveau professionnel. Les chansons passent très bien sur une chaîne hi-fi, pas besoin de les écouter sur un lecteur mp3 pour les apprécier. L’autre raison est la présence de Grg à nos côtés aujourd’hui. Il ne faisait pas partie du groupe à l’origine, et nous voulions vraiment l’intégrer sur l’album. La même chose s’est produite avec Kliff. Lorsque nous avons sorti ces mp3, nous n’étions pas un groupe. Aujourd’hui, nous en sommes un, et l’album devait refléter cela.
Certaines chansons ont également été retravaillées au niveau de la composition…Oui, c’est le cas de Four Horsemen, par exemple. Jouer en live vous fait voir les choses sous un angle différent. On a joué ces chansons sur scène pendant presque deux ans, ce qui nous a donné le temps d’apprendre beaucoup de choses. Il arrive que certaines « erreurs » commises sur scène rendent très bien, alors on les garde.
Au-delà du simple arrangement musical, votre approche est pleine d’humour. Est-il important pour vous de ne pas vous prendre trop sérieux par rapport aux autres groupes de Metal ?C’est moi qui écris les chansons, je dois donc me montrer très vigilant sur le sujet des paroles. Bien sûr, celles-ci doivent être drôles et plaisantes, mais elles doivent aussi être intelligentes. Nous nous prenons les choses au sérieux. Si nous ne le faisions pas, nous n’aurions jamais pu être signés ou parvenir à ce niveau.
Jaymz, tu parviens à imiter la voix de James Hetfield à la perfection. Est-ce ta véritable voix ou bien te considères-tu comme un imitateur ?La façon dont je m’adresse à toi en ce moment précis te fait penser à qui ?
A toi !Exactement. J’ai souvent entendu des remarques du genre : “waouh, tu as exactement la même voix que James Hetlfield !” Faux. Vous entendez des voix, ce n’est qu’une illusion ! Vous n’entendez que ce que vous voulez bien entendre. Prenez les gars de Kiss, par exemple. Ils ne se baladaient pas tout le temps avec du maquillage et des semelles compensées, c’étaient des types ordinaires. Nous jouons des personnages, et Kliff est d’ailleurs très bon à ce jeu-là. Qui est exactement ce Kliff McBurtney ? Ce n’est pas seulement un nom, ça va bien au-delà. Tout comme le personnage de Jaymz Lennfield, d’ailleurs.
Pensez-vous que votre musique puisse contribuer à amener plus de monde vers le metal ?C’est ce qu’on aime à penser. METALLICA et les BEATLES sont deux groupes diamétralement opposés, mais peut-être que nous parvenons à amener METALLICA dans le camp des Beatles, et vice versa. Les plus anciennes chansons des Beatles ne correspondent pas exactement à ce qu’écoutent les fans de METALLICA, surtout les plus jeunes. Grâce à nous, ils pourront peut-être écouter les vieux disques des BEATLES de leurs parents et les apprécier. Les parents ne devraient pas non plus avoir peur de la musique qu’écoutent leurs enfants. Les miens étaient effrayés par ce que j’écoutais quand j’étais môme, on s’est pas mal disputés à ce sujet. Il faut être ouvert et ne pas avoir peur de ce qu’on ne connaît pas.
Kliff, tu utilises beaucoup les effets de guitare que Cliff Burton a apportés au Metal. Tous les membres du groupe sont habillés comme les BEATLES à l’époque de Sergeant Pepper. Vous jouez beaucoup sur votre manière d’être et de vous exposer. D’une certaine façon, cela fait penser à ce qu’a fait Devin Townsend avec STRAPPING YOUNG LAD : il a voulu écrire de la musique extrême dans rien connaître à ce genre. C’était une sorte de parodie. Considérez-vous BEATALLICA comme un groupe de Metal parodique ?Si je comprends bien la différence, d’un point de vue juridique, la parodie est quelque chose de gratuit, tandis qu’on doit payer pour la satire. Donc oui, on peut dire que nous faisons une parodie ! (tout le monde éclate de rire) En fait, c’est avant tout un hommage aux deux groupes. Nous les aimons tous les deux, avons grandi avec les deux, et on s’éclate avec les deux. Si on regarde la définition des mots « parodie » et « satire » dans le dictionnaire, on peut penser qu’il s’agit de la même chose. Evidemment, pour un juriste, ça n’a rien à voir. Si vous voulez prouver que ce que vous faites est satirique, vous devrez le faire devant un tribunal. Heureusement, nous avons évité ça. C’est au public de décider si ce que nous faisons est parodique ou satirique. Sommes-nous un groupe de rock ou un groupe de Metal ? Un groupe comique, ou même un groupe pop, puisque nous utilisons l’?uvre des BEATLES ? C’est à vous de décider. Notre opinion sur ce sujet est peut-être totalement différente de la vôtre.
Les paroles de vos chansons sont parfois très critiques envers le glam metal. Que reprochez-vous à ce style musical ?!Jaymz: Ça, c’est la faute de Grg ! Explique-toi !
Grg: Tout a commence quand j’étais môme. J’ai croisé un clown avec du maquillage et des cheveux longs, et j’ai détesté ça ! Plus sérieusement, les musiciens de glam metal sont des cibles faciles, on peut aisément se moquer d’eux. Mais c’est vraiment bon enfant, on ne fait que plaisanter. Cela dit, ils le méritent, ils ressemblent à des nanas !
Jaymz: Cette musique est faite de poseurs, comme vous dites en français ! On se moque tellement de nous-mêmes quand on joue… J’arrive à me rendre ridicule au sein de ce groupe, chez moi, partout. Il faut être prêt à se moquer de soi-même quand on veut se moquer des autres. C’est un concept très important dans nos paroles. On a déjà rencontré les types dont on se moque, et il n’y a aucun problème avec eux.
Le succès de BEATALLICA est dû principalement à Internet. Grâce à cela, vous avez réussi à sortir un album. Que pensez-vous de la guerre qui oppose l’industrie de la musique à Internet ?Grg: Il y a une véritable compétition entre les deux. Les maisons de disque ne peuvent tout simplement pas se battre contre le téléchargement. D’un autre côté, nous n’en serions pas là aujourd’hui si le téléchargement n’existait pas. Je ne pense pas que ce phénomène soit si terrible. Personnellement, si je téléchargeais un album et que celui-ci me plaisait, j’irais acheter le CD, pour avoir la pochette et tout ce qui va avec. En tant que fan, j’aimerais en savoir plus sur l’artiste et ce qu’il a créé. Malheureusement, l’industrie du disque est en perte de vitesse, et tous les artistes voient leurs ventes diminuer. Je pense pourtant qu’il faut vivre et laisser vivre.
Jaymz: Si vous vous contentez de télécharger des albums et que vous ne faites rien pour l’artiste en retour (comme aller en concert ou acheter des produits dérivés), alors vous n’êtes pas vraiment fan de cet artiste. Vous ne faites que prendre, mais vous ne donnez rien en retour. Il faut faire attention à ne pas se dire : « waouh, j’ai eu les 17 albums de ce groupe gratuitement, et en plus je ne les ai jamais vu en concert ! » De nos jours, les gens profitent au maximum de ce que peuvent leur offrir les nouvelles technologies, et c’est parfaitement normal. Mais il faut se méfier de ce « monstre » et apprendre à le dompter.
Kliff: Je crois que ce monstre auquel il fait allusion s’est développé très vite, et que l’industrie du disque n’y était pas préparée. Aujourd’hui, grâce à iTunes, il est possible de payer ce qu’on télécharge, mais à la fin des années 1990, la situation était plus grave. Nous ne savions vraiment pas quoi faire. Tout le monde télécharge, c’est une véritable épidémie, mais il y a d’autres moyens de soutenir un groupe – les produis dérivés, les T-shirts, les concerts…
Pour finir, que peut-on attendre de BEATALLICA à l’avenir ? Allez-vous poursuivre dans cette voie, à savoir le mélange des BEATLES et de METALLICA, ou avez-vous d’autres surprises en réserve ?Nous avons toujours des surprises en réserve, seulement nous ne pouvons pas en parler ! Plus sérieusement, je crois qu’il serait complètement ridicule, quand on s’appelle BEATALLICA, de faire un truc du genre LYNYRD SKYNNYRD rencontre SLAYER. Ça, c’est à quelqu’un d’autre de le faire. Allez-y, si vous voulez, montez un groupe et venez jouer ! Nous, nous sommes BEATALLICA, et c’est à ça qu’on doit s’en tenir. J’ai eu une conversation avec les gens de notre label il y a quelques semaines, et ils m’ont dit : « Souvenez-vous que c’est ce projet qui vous a rendus célèbres. Vous n’avez pas vraiment le contrôle de ce que vous faites. D’une certaine façon, c’est la musique qui dirige. » Ce que nous faisons est original, et c’est tant mieux. Maintenant que nous sommes lancés, nous devons donner le meilleur de nous-mêmes, en gardant à l’esprit que ce que nous sommes uniques. Ça, je vous le garantis.
Entretien réalisé le 17 décembre 2007 à Lyon
Traduction : Saff’
Myspace BEATALLICA : www.myspace.com/beatallica