Nergal est une personnalité unique en son genre qui a toujours fait ce qu’elle voulait, qu’importe – ou tant mieux – si ça va à l’encontre d’un ordre établi, qu’il soit politico-religieux ou celui de puristes d’une scène musicale. En trente ans, Nergal est devenu l’une des figures emblématiques du paysage metallique, voire mainstream (que ce soit en tant que coach dans l’émission The Voice of Poland ou avec son projet Me And That Man), mais ses valeurs et son attitude restent largement ancrées dans ce qu’on associe habituellement à l’underground. Preuve qu’on peut réussir sans se trahir.
Le musicien sort aujourd’hui Opvs Contra Natvram, un nouvel album de Behemoth au titre qui résonne comme un véritable leitmotiv. C’est à cette occasion que nous avons passé un coup de fil à un Nergal en très bonne disposition, prenant son temps pour nous répondre pendant une heure durant. Et une heure n’est pas de trop pour plonger avec Monsieur Behemoth dans les sujets brûlants au cœur de son actualité, de celle de son groupe principal et de celle du monde en général. Covid-19, festivals d’été, douzième album de Behemoth, guerre en Ukraine, cancel culture, nouveaux ennuis judiciaires… Qu’il laisse parler ses sentiments ou opte pour la réponse provoc’ (si un blackeux qui admet que c’est tout de même bien de gagner sa vie avec sa musique, c’est provoc’), Nergal est un artiste passionné et passionnant… qui ferait tout de même bien de se concentrer sur sa conduite entre Gdańsk et Varsovie au lieu de donner des interviews !
« J’ai besoin de ces provocations dans ma vie. Si on m’envoyait sur une île paradisiaque peuplée de grandes blondes, avec assez d’argent et tout le confort dont j’ai besoin, j’arrêterais de faire cette musique parce que je serais détendu et heureux – et au final, je finirais par me sentir inutile. »
Radio Metal : Au début de la pandémie, lorsque le monde s’est confiné, tu rentrais d’une grande tournée des arènes avec Slipknot. Tu as déclaré que tu étais « usé et que [tu] avais demandé à l’univers de trouver une solution. C’était quelque chose dont [tu] avais vraiment besoin – de prendre [ton] temps, de respirer et de vivre. C’était agréable. [Tu] n’avais pas fait ça depuis une éternité. » Y a-t-il eu des moments par le passé où mener cette vie a pu te coûter ?
Nergal (chant & guitare) : Il y a eu des hauts et des bas pendant cette période. Pendant les premiers mois de la pandémie, comme tu l’as rappelé – parce que je l’ai dit publiquement –, j’étais ravi qu’il ne se passe rien, parce que j’étais usé et épuisé par la vie sur la route. C’était assez intense. J’avais quarante-trois ans, et j’avais passé la moitié de ma vie dans un van ou un bus, à voyager. C’est une super vie, mais ça finit par se ressentir. Je ne peux pas vraiment dire : « Prenons six ou douze mois de vacances », parce que je ne suis pas tout seul dans cette aventure. Il y a les autres membres du groupe, qui ont leurs propres obligations financières et une famille, et il y a toute l’équipe, tous les techniciens. Eux aussi dépendent de nous financièrement. Je ne peux pas simplement mettre tout le monde au chômage et dire : « Allez, on s’arrête parce que j’ai besoin de vacances. » Ce n’est pas aussi simple. Je peux faire ça sur un mois, mais pas plus. En gros, je me suis dit que l’univers avait entendu mon appel et que je pouvais prendre un peu de repos. Mais la situation a traîné en longueur, ça n’en finissait pas. À un moment, je me suis même demandé si j’allais retrouver ma vie d’avant – et j’ai toujours des doutes, pour être franc. Jusqu’à un certain point, ce sera le cas, mais notre vie et notre profession vont être bouleversées à jamais. On ne sait pas encore à quel point, mais c’est une certitude. J’ai fini par me sentir vraiment déprimé, et la vitalité de la vie en tournée a commencé à me manquer, comme le fait de bouger et de me nourrir de l’énergie des gens. Je transmets mon énergie, mais j’en absorbe aussi. Ça a fini par devenir un problème pour moi.
C’en est venu à un point où je suis devenu totalement nihiliste, sceptique envers tout à un niveau existentiel. Mais bon, nous venons de finir une tournée américaine qui a eu un succès fou, nous avons blindé des salles, nous avons même donné notre plus gros concert en tête d’affiche aux États-Unis à ce jour – plus de trois mille personnes. Nous n’avions encore jamais fait ça. Même si la tempête n’est pas encore derrière nous et que nous ne savons pas vraiment si nos fondations sont saines, nous avons au moins pu faire ça. Les deux groupes, Me And That Man et Behemoth, reviennent en alternance faire des concerts. Tous les signes me disent – nous disent – que les choses sont en train de s’améliorer. Du coup, je me dis : « OK, je vois la lumière à la fin du tunnel. Utilisons ce temps à bon escient. » Je sais que ça fait beaucoup à gérer, et il m’arrive souvent de me mettre à la place d’un fan lambda : il y a tellement de tournées, de concerts et de festivals, et si peu d’argent ! Mais tu sais quoi, mec ? Je suis reconnaissant pour tout ce que j’ai dans ma vie, et je suis prêt à dépenser jusqu’au dernier centime pour voyager et voir des groupes. Je suis ravi de pouvoir voyager et rencontrer des gens. Ce n’est pas vraiment un secret, Me And That Man n’est pas un groupe qui me rapporte beaucoup. C’est très symbolique. Je touche littéralement un cachet symbolique, parce que je dois tout payer, des impôts aux salaires de membres de session en passant par les déplacements – et les prix des vols ont explosé. Mais je me dis : « On s’en branle. C’est ma vie ; c’est ma mission. J’adore ce que je fais. Bouge ton cul jusqu’en France pour aller jouer au Hellfest. » Point barre.
Le fait d’avoir plus de temps et aucune échéance à respecter t’a permis de te plonger complètement dans le processus créatif. Comment cela a-t-il modifié ton approche par rapport aux albums précédents ?
Ça a ses avantages et ses inconvénients. Ce qui était cool, c’est que nous avons pu répartir les sessions d’enregistrement sur plusieurs mois et éviter le stress. Je pouvais prendre mon temps. Nous avons enregistré les parties de guitare, puis nous sommes revenus dessus plus tard. Je n’étais pas satisfait de certaines notes que j’avais jouées, mais j’avais la possibilité de les changer. Le danger, quand on a trop de temps, c’est de surproduire la musique. Je ne sais pas si tu as écouté l’album, mais si c’est le cas, tu pourras sans doute confirmer que le son est énorme. C’est solide, c’est bon, mais ce n’est pas surproduit. J’irais jusqu’à dire qu’il est encore plus brutal que l’album précédent, voire peut-être plus que The Satanist. C’est énorme, c’est un son qui vaut un milliard, mais c’est aussi brut, agressif, dangereux. Mais avoir le luxe de ne pas me détruire la voix sur un mois pour enregistrer l’ensemble de l’album, répartir le chant sur quatre ou cinq mois et n’aller en studio qu’une fois par semaine… Mec, c’était tellement confortable pour moi. C’était génial, et je suis ravi de notre performance sur cet album. Un autre scénario aurait été de se dire : « Nous avons plein de temps, écrivons plus de musique ! » Là encore, non. Je n’ai pas envie de submerger les fans avec soixante putains de minutes de black-death intense. C’est un album très compact, il n’y a pas de remplissage. Du début à la fin, c’est très condensé et cent pour cent Behemoth. Je pense que nous avons utilisé ce temps à bon escient. Je crois que tous les groupes du monde ont transformé cette période en processus créatif. Non seulement j’ai sorti un album avec Me And That Man au tout début de la pandémie, et un second au milieu, mais entre-temps, je revenais régulièrement à Behemoth. La pandémie est plus ou moins terminée, à présent – on ne sait pas pour combien de temps, mais j’espère que c’est pour de bon –, et nous sortons de la nouvelle musique. Pour nous, le timing était parfait. [Nous sommes rentrés de tournée, et] quelques semaines plus tard, le monde était à l’arrêt. C’était le meilleur scénario dans la pire des situations. Nous en avons profité autant que possible.
« La cancel culture n’est qu’une arme totalitariste supplémentaire dans les mains des censeurs. Certains de ces idéaux, comme le mouvement Me Too, sont tout à fait valables, mais la façon dont ils sont exécutés font de ces gens les nouveaux fascistes. »
Behemoth est un groupe qui joue beaucoup avec les émotions extrêmes, et ces deux dernières années, nous avons eu notre lot d’émotions extrêmes : frustration, anxiété, colère, tristesse… À quel point t’es-tu nourri de cela et de l’atmosphère générale ?
Je suis très sensible à tout ça. Mes antennes sont constamment sorties, j’absorbe toutes ces émotions et je n’y suis pas indifférent. Ce qu’on entend sur l’album, c’est la façon dont j’ai géré la situation difficile que nous avons tous traversée, cet isolement et cette misanthropie qui nous ont été imposés. Bien sûr que ça a eu un impact sur l’album et sur les sentiments qu’il véhicule. Mais je ne donne pas dans l’autopsie. Je ne regarde pas en arrière pour dire : « Cet élément vient de ceci, cet élément vient de cela. » Je n’analyse jamais les choses comme ça. Mais il est évident que la musique de Behemoth est inspirée par ce qui se passe dans ma vie, et pour le moment, elle est toujours dominée par la frustration et la colère. Je suis relativement en paix avec moi-même et mon environnement, mais il y a aussi beaucoup de contradictions. Je suis quelqu’un de très contradictoire. J’ai beau être calme, je suis aussi très remonté contre les tabous et les restrictions qu’on essaie de m’imposer. J’y suis vraiment très sensible.
Opvs Contra Natvram a hérité son côté atmosphérique et dynamique de I Loved You At Your Darkest. Il y a beaucoup de passages lents, presque atmosphériques, qui contrastent avec des moments plus brutaux, et énormément de variations de tempo. Penses-tu avoir atteint un tournant concernant la façon dont tu approches la dynamique de Behemoth ?
Je suis simplement un grand amateur de dynamique sur les albums que j’écoute. J’ai un gros problème avec les groupes qui se contentent de sortir des albums plats. Beaucoup de groupes sonnent juste plats. Même si les structures sonores sont intéressantes, le son est chiant parce qu’il est compressé et surproduit. C’est la raison pour laquelle, en termes de son, j’essaie de concevoir un album de façon dynamique, vivante, très organique. Un autre truc qui me pose problème, ce sont littéralement tous les putains de groupes de la planète qui disent : « Nous avons réussi à obtenir un son très organique. » Non, vous n’avez rien fait d’organique. Ça ne sonne pas organique. Revoyez votre définition de « organique », parce que ça ne sonne absolument pas de façon vivante. Ça sonne juste de façon surproduite. Quatre-vingt-quinze pour cent des albums sur le marché sont surproduits. Ce n’est pas organique, loin de là. J’assume toute la responsabilité de mes paroles en affirmant que oui, nous avons réussi à créer un son à la fois organique, agressif et sélectif, ce qui est un compromis difficile à atteindre.
Musicalement aussi. Cet album comprend des chansons comme l’avant-dernière « Thy Becoming Eternal », ou le titre d’ouverture, « Malaria Vvlgata », ou « Neo-Spartacvs », qui sont des putains de tueries. Elles te sautent dessus et elles te foutent une beigne avec un poing en acier. Mais j’aime aussi prendre une autre direction et être plus aventureux avec les chansons, comme avec « Versvs Christvs », qui conclut l’album. Je peux affirmer que nous n’avons encore jamais écrit de chanson de ce genre. Il y a beaucoup de grandes premières pour Behemoth sur cet album. C’est cent pour cent Behemoth, mais il y a toujours quelques escapades artistiques. Nous nous sommes autorisés à faire une chanson quasi gothique, intégrant du piano, avec « Versvs Christvs ». Évidemment, par la suite, ça se transforme en véritable tornade, mais la majeure partie de la chanson est très « musique classique ». Et je n’ai pas peur de m’aventurer sur ce terrain. Si j’ai une vision, je la suis. Donc oui, je pense que nous avons réussi à réaliser un album très honnête et très dynamique. On aime ou on n’aime pas, mais je ne pense pas qu’une seule personne sur cette planète puisse le trouver chiant ! [Rires]
« Le monde est devenu mou à un point que je trouve putain d’incroyable. C’est la raison pour laquelle, par exemple, je ne suis plus du tout actif sur Facebook, qui est devenu une vraie merde. C’est le repaire d’une bande de fiottes qui cherchent la moindre raison d’être vexées et de se plaindre. »
Le titre de l’album signifie « aller contre le courant ». Dirais-tu que c’est un facteur indispensable pour que Behemoth puisse s’épanouir dans l’art et la musique ?
J’imagine, oui. C’est un leitmotiv qui m’a accompagné la plus grande partie de ma vie. C’est la vérité. J’ai toujours eu les couilles de me battre pour ce que je pensais être juste, et il y a beaucoup de choses dans le monde moderne que je considère comme des armes et des outils très dangereux, qui violent nos libertés, nos droits et nos lois. Évidemment, si tu connais Behemoth et ma propre nature, tu sais que je me suis toujours dressé contre les systèmes établis – principalement la religion, parce que je viens d’un environnement religieux. De façon naturelle, je me suis rebellé contre ça, et je trouve que ça reste un combat très actuel. Je me bats toujours contre la religion, mais j’ai le sentiment que les frontières de Behemoth se sont étendues. Ce n’est plus seulement une question de religion ou de politique ; ça va au-delà. Ce sont nos vies qui sont concernées, la façon dont des armes et des outils que nous avons nous-mêmes inventés nous censurent. D’un côté, évidemment, je suis contre la censure religieuse, dont j’ai d’ailleurs été la cible et la victime, mais j’ai aussi été victime du politiquement correct, que je trouve aussi dangereux que le totalitarisme religieux – qu’il soit catholique ou musulman, d’ailleurs. Ce n’est pas que le catholicisme. Bien sûr, j’en parle parce que c’est le passif que j’ai, mais l’islam ne vaut pas mieux. Toute religion monothéiste est une menace pour la nature humaine. Je pense que ce que Behemoth a à offrir aujourd’hui est plus varié que jamais.
Tu as déclaré que tu te « battais sérieusement contre les tendances destructrices de la pop culture ». Aujourd’hui, dans la pop culture on parle du mouvement woke et de la cancel culture qui prospèrent sur les réseaux sociaux. Penses-tu que cela rende ton art encore plus pertinent ?
Oui, j’ai besoin de ces provocations dans ma vie. Si on m’envoyait sur une île paradisiaque peuplée de grandes blondes, avec assez d’argent et tout le confort dont j’ai besoin, j’arrêterais de faire cette musique parce que je serais détendu et heureux – et au final, je finirais par me sentir inutile. Ces choses auxquelles je prête attention et que j’essaie de retranscrire dans ma musique sont le carburant de mon art. Donc oui, à cent pour cent. Je n’ai jamais voulu ce qui se passe en ce moment. Je n’ai jamais demandé à naître dans ce pays, ou à me battre contre des politiciens ou des fanatiques religieux. Mais c’est ce dont j’ai hérité dans la vie, et je dois faire avec. Bon nombre de ces choses m’ont simplement été imposées. Je ne les ai jamais cherchées, et j’en suis devenu une victime. La cancel culture est un autre sujet que je pointe du doigt. Certains de tes lecteurs vont sans doute se dire : « C’est quoi, son problème, à Nergal ? La cancel culture est une bonne chose ! » Non, pas du tout ! C’est très dangereux, parce que c’est utilisé à l’excès. Ce n’est qu’une arme totalitariste supplémentaire dans les mains des censeurs. Certains de ces idéaux, comme le mouvement Me Too, sont tout à fait valables, mais la façon dont ils sont exécutés font de ces gens les nouveaux fascistes. Pour citer Winston Churchill, une figure historique et iconique, un grand intellectuel et un grand stratège, qui a contribué à la chute du fascisme en Europe et dans le monde en 1945 : « Soyez prudents, car les antifascistes d’aujourd’hui seront les fascistes de demain. » Ça se vérifie.
Le metal extrême est souvent perçu comme une forme d’art négative et destructrice. Penses-tu que les gens aient tort et que le metal extrême soit en fait plus positif et constructif que la pop ne l’a jamais été, par exemple ?
Je ne sais pas. Ce que certains trouvent destructeur, je le perçois comme créateur. Je ne peux pas m’exprimer pour d’autres groupes, mais par exemple, une chanson comme « Once Upon A Pale Horse », sur le nouvel album, est un hymne inspirant. Je hurle : « Love is the law, love under will. » Je cite Crowley, une phrase très inspirante, puissante et motivante. Ce sont des mots qui me poussent vers l’avant, qui sont là pour aider ceux qui sont à genoux. « Neo-Spartacvs » est un appel aux armes destiné à tous les libres penseurs : si vous êtes à genoux, ayez les couilles de vous redresser et de prendre vos propres décisions. Défendez les droits des femmes. C’est un vrai problème, de nos jours. Les droits des femmes sont attaqués dans le monde entier – en Europe, aux États-Unis, partout. Le choix de l’avortement appartient aux femmes. « Neo-Spartacvs » est là pour attiser la flamme. Vous pouvez faire comme Spartacus et dire non à la connerie. Vous pouvez refuser de participer à ce crime – parce que les lois anti-avortement sont un crime contre les femmes. C’est comme ça que nous faisons passer des messages universels dans les nouvelles chansons de Behemoth.
« Le monde a atteint le summum de l’absurde, et je le dis officiellement, je ne veux plus en faire partie. Ne comptez pas sur moi, je ne veux pas faire partie de ce putain de cirque. Allez vous faire foutre. »
À propos de « Neo-Spartacvs », justement, tu as déclaré que tu voulais « attiser la flamme de la rébellion ». Mais est-il seulement possible de se rebeller quand les gens sont englués dans leur petit confort, ont tellement à perdre et sont abrutis par toutes les informations dont ils sont bombardés ?
Je ne sais pas, mec. Peut-être que je suis simplement un putain d’idéaliste naïf. Je ne sais pas. Je sais ce que je crois être juste, et je sais ce que j’ai à faire pour rester moi-même. C’est ce qui me pousse dans la vie, ce qui m’aide à survivre au quotidien, ce qui rend ma musique pertinente. Étant donné la réponse qu’elle reçoit – Behemoth est toujours très suivi –, j’espère vraiment que le public prêtera attention à ce que nous avons à dire avec cet album. Je ne sais pas si je suis si naïf que ça. Peut-être que oui, peut-être que non. Mais la rébellion doit bien commencer quelque part. Si ce n’est pas aujourd’hui, ce sera demain, et si ce n’est pas demain, ce sera dans vingt ans – mais il faut qu’elle commence quelque part. La façon dont nous sommes manipulés par les réseaux sociaux aujourd’hui… C’est un outil formidable mais très dangereux, et je dis ça alors que j’y suis accro. C’est un fait, et j’en suis conscient, mais je suis aussi conscient du danger que ça représente. Ce n’est pas facile, mais encore une fois, c’est une arme à double tranchant : via les réseaux sociaux, je peux répandre ma propagande, dont je suis convaincu qu’elle est vertueuse et libératrice.
En parlant des réseaux sociaux, tu as publié un avertissement en polonais sur ta page Facebook, disant : « Le contenu de ce profil peut choquer vos sentiments religieux ou autres. Si vous n’êtes pas prêts à assumer, arrêtez de me suivre. » Certains observateurs affirment que non seulement les gens ont de plus en plus de mal à gérer ce qu’ils perçoivent comme choquant, mais qu’ils sont en outre de plus en plus facilement choqués. Qu’en penses-tu ?
J’en pense que le monde est devenu mou à un point que je trouve putain d’incroyable. C’est la raison pour laquelle, par exemple, je ne suis plus du tout actif sur Facebook, qui est devenu une vraie merde. J’ai même supprimé l’application de mon téléphone. Je n’y vais plus jamais. Je n’y suis pas allé depuis quelque chose comme un an, maintenant. C’est du passé, c’est surfait et ça n’a plus d’intérêt. C’est le repaire d’une bande de fiottes qui cherchent la moindre raison d’être vexées et de se plaindre. J’ai déjà été banni plusieurs fois pour de telles conneries – des trucs inintéressants, stupides, débiles et surréalistes – que ce n’est même plus frustrant parce que je n’en ai plus rien à foutre. Je trouve que c’est devenu totalement irrationnel. Il n’y a ni juge ni jury sur cette plateforme, uniquement un algorithme. C’est en gros un robot qui décide si tu es une bonne ou une mauvaise personne. C’est le nouvel Adolf – le nouvel Hitler. Allez vous faire foutre ! Vous tuez la liberté ! Et bien sûr, on n’a plus le droit de jurer. C’est quoi, la prochaine étape ? Plus de nudité, plus rien. Ils mettent un frein à tellement de choses pour qu’on finisse par devenir des robots incapables de penser par eux-mêmes. Et si on pense effectivement quelque chose, on doit le garder pour nous, car quelqu’un pourrait trouver ça dangereux, ou te qualifier de nazi, ou de pédophile – tu es ci, tu es ça, tu es noir, blanc, rouge… Vous ne me connaissez pas. Vous me jugez sur la base d’une photo, d’une seule phrase. En tant que personne publique, tu n’as plus droit à la moindre erreur, parce que cette bande de mioches est là à attendre que tu commettes une erreur pour pouvoir dire : « Ouh là, carton rouge ! Ce gars est annulé. Il n’est plus le bienvenu. » Le monde a atteint le summum de l’absurde, et je le dis officiellement, je ne veux plus en faire partie. Ne comptez pas sur moi, je ne veux pas faire partie de ce putain de cirque. Allez vous faire foutre.
Vous faites également référence au héros de la mythologie romaine Hercule. Penses-tu qu’il y ait des choses à apprendre des héros, qu’ils soient fictifs ou réels, issus de ces anciennes civilisations ?
Absolument. Il s’agit bien sûr de métaphores, mais il y a malgré tout… Nous avons toujours été inspirés par les anciens penseurs et philosophes. Ils n’ont jamais cessé d’être pertinents, aujourd’hui peut-être plus que jamais. Nous utilisons aussi des maximes latines, des putains de super proverbes. Il y a tellement de sagesse là-dedans. Au hasard, parmi ceux que nous utilisons sur l’album, je peux citer le proverbe grec « gnothi seauton », qui veut dire « connais-toi toi-même ». Imagine un peu si les gens s’appuyaient là-dessus plutôt que sur les Dix Commandements ; s’ils embrassaient ce proverbe, « connais-toi toi-même », avant toute autre chose. « Connais-toi toi-même. » Ça détermine tellement plus de choses. Parce que si tu te connais réellement toi-même, ou du moins si tu fais de ton mieux pour découvrir qui tu es, pourquoi tu es là, quelles sont tes limites et tes compétences, il y aurait tellement moins de problèmes et moins de crimes. Les gens pourraient coexister de façon pacifique – c’est du moins ce que je crois. Je peux me tromper, évidemment, mais je pense que Behemoth a toujours été très… Il y a évidemment l’aspect satanique que j’adore. Cette esthétique m’a toujours été très chère et je l’assume totalement. Mais au cœur de la nature de Behemoth, il y a toujours eu cette philosophie très centrée sur l’humain. C’est quelque chose de divin, mais d’un point de vue humain. Nous ne cherchons pas les réponses dans les putains de nuages. Nous utilisons les archétypes de l’enfer, de l’Hadès et des abysses qui nous ont été légués par les cultures anciennes et les chrétiens, mais uniquement pour encourager les humains à libérer le potentiel qui est en eux. C’est ce que j’essaie de faire dans ma propre vie. Nous pouvons peut-être être des modèles pour ceux qui sont en recherche de sens. Je ne sais pas.
« Je souhaite le meilleur à l’Ukraine, et j’espère vraiment que le scénario finlandais de la guerre d’hiver [de 1939] se répétera et que le petit pays viendra à bout de la putain d’énorme armée soviétique. Tu les laisses gagner un petit bout de terrain, et puis tu les prends à revers et tu butes deux mille communistes. Grandiose ! »
L’une des nouvelles chansons s’intitule « Off To War! » L’album a été enregistré avant la guerre en Ukraine, mais le fait d’avoir une guerre aux frontières de ton pays, la Pologne, et d’être confronté à la tragédie a-t-il changé la façon dont tu perçois le mot « guerre » ?
Certainement. L’album était déjà parti à l’impression et la guerre a éclaté en Ukraine. Je parle de l’invasion par la Russie, parce que c’est exactement ça : ce n’est pas un conflit, c’est une guerre. La définition est très importante. Nous avons posté plusieurs messages sur nos réseaux sociaux, et nos managers ont parlé du « conflit » en Ukraine. Je suis allé les voir moi-même pour leur dire : « Les gars, vous ne pouvez pas faire ça. Utilisez le terme correct : c’est une guerre. C’est l’invasion russe qui a déclenché la guerre, point final. » Il n’y a pas de juste milieu : si un pays se fait envahir, on doit toujours défendre ceux qui sont dans le besoin – en tout cas, c’est ce que moi je fais. C’est la raison pour laquelle, dans une guerre de civilisations, par exemple les chrétiens contre les païens, je suis toujours – et tout le monde le sait déjà – du côté des païens, parce que j’en suis un moi-même. Je suis toujours dans le camp des opprimés. Je défends toujours ceux qui, selon moi, se battent pour leur liberté. Je réalise à quel point la politique fait partie de ma vie, et à quel point elle est reliée à tout le reste.
Ça a vraiment changé ma façon de voir les choses. Ça m’a atteint au plus profond de moi. J’y suis extrêmement sensible, d’autant plus que mon ami Sasha [Boole], qui fait partie de Me And That Man, est sur le front en ce moment et ne peut pas tourner avec nous. Nous [avons assuré] les festivals avec un membre de session, malheureusement, mais nous avons pris cette décision en toute connaissance de cause. Je ne vais évidemment pas suggérer que nous changions simplement de musicien. Je souhaite le meilleur à l’Ukraine, et j’espère vraiment que le scénario finlandais de la guerre d’hiver [de 1939] se répétera et que le petit pays viendra à bout de la putain d’énorme armée soviétique. Tu les laisses gagner un petit bout de terrain, et puis tu les prends à revers et tu butes deux mille communistes. Grandiose ! Je compte sur les Ukrainiens pour envoyer autant d’envahisseurs de Poutine que possible en enfer. C’est la guerre, mec, nous sommes tous impliqués. Ça nous concerne tous, pas seulement moi parce que c’est à ma frontière. Tu es français, n’est-ce pas ? Ça te concerne aussi. Je suis ravi pour vous que Macron ait gagné. Imagine un peu… Je ne vais pas te demander quelles sont tes opinions politiques, mais si Le Pen, qui est une amie de ce putain de maniaque de Poutine, avait gagné, imagine la façon dont ça aurait déstabilisé les pouvoirs européens. Et imagine si ce n’était pas Biden – même si ce n’est pas le meilleur président qui soit, évidemment – au pouvoir, mais Trump… Bon sang…
Je vois souvent des gamins me dire sur les réseaux sociaux : « Tiens-t’en à la musique ! Arrête de parler de politique ! » Non, la politique, c’est ma vie. C’est ta vie. C’est la vie de ces mômes. Mais quand tu as seize ans et que maman te prépare à manger et paie le toit au-dessus de ta tête, tu ne penses pas à tout ça. C’est quand tu deviens adulte et que tu commences à penser par toi-même que tu réalises que tout est lié. Tu peux essayer de déconnecter le tout, mais c’est impossible. Ça fait partie intégrante de nos vies, et c’est aussi lié à la religion. J’ai commencé à me renseigner sur une organisation religieuse en Pologne, Ordo Iuris, qui est très dangereuse. C’est une organisation internationale, pas seulement polonaise, mais elle est en train de devenir un pouvoir politique en Pologne, et c’est un des agresseurs. Ils font partie de ceux qui me traînent en justice, mais tout ça, c’est politique, mec. Tout est lié. Tout est lié ! Et quand tu réalises que ces tentacules politiques tirent les ficelles partout dans le monde – dans ton pays, dans le mien, partout –, tu te dis : « Tout seul, je ne peux pas faire grand-chose, mais au moins, j’ai conscience de ce qui se passe. »
« J’espère que le moi de mes quinze ans n’aurait pas de problème à voir le moi de mes quarante-cinq ans se raser la tête, avoir les cheveux courts ou porter des T-shirts blancs, parce que j’étais assez radical. J’espère qu’il n’y aurait pas de conflit entre nous ! [Rires] »
As-tu des nouvelles de Sasha ?
Je lui ai parlé il y a une semaine ; il va bien. Il n’y a plus que ceux qui tirent les bombes qui se battent, aujourd’hui. Il est sur le front, mais il ne voit pas grand-chose. Il n’y a pas de combats de rue ou sur le front, seulement des bombes – ce qui est évidemment aussi dangereux qu’une bataille… Mais jusqu’à présent, il va bien. Je suis surpris qu’il soit si positif étant donné les circonstances. C’est mon héros. Je me serais probablement déjà barré un million de fois, mais lui, il se bat pour son pays et sa liberté. C’est quelqu’un de tellement bien. C’est une personne généreuse et formidable, un talent incroyable, et c’est tellement merdique. Ce qui se passe est tellement merdique. Chaque fois que je joue quelque part, que ce soit aux États-Unis, dans n’importe quelle ville, ou au Hellfest, au Graspop ou au putain de Download, je fais toujours en sorte que les gens entendent mon appel, qui est : « Il y a une guerre, en ce moment. Choisissez votre camp – et choisissez le bon camp. Le bon camp, c’est l’Ukraine. » C’est aussi simple que ça. Dans beaucoup de guerres, c’est loin d’être aussi simple. C’est du grand n’importe quoi et il est difficile de choisir un camp. Mais là, tous les Européens – et pas seulement – devraient se ranger dans le bon camp, soutenir et sauver l’Ukraine. Si tu assistes à un de nos concerts, tu m’entendras le dire haut et fort, parce que c’est très important d’en parler. Je suis surpris que de grands groupes n’en parlent pas. Ils pourraient avoir une vraie plateforme. Si tu t’adresses à mille, dix mille ou peut-être même cinquante mille personnes, ta voix peut devenir une arme puissante pour encourager les gens à soutenir la cause. Je ne sais pas. Je le fais parce que je pense que c’est la chose à faire.
Behemoth a eu trente ans l’année dernière, et bien sûr, la musique du groupe a beaucoup évolué. Que penserait le Nergal de 1991 du Nergal et du Behemoth actuels ?
Il ferait dans son froc et il se dirait : « Putain, quoi ?! » Il réagirait comme ça. Le jeune Nergal était très naïf mais très passionné. J’espère ne plus être aussi naïf, mais je suis toujours aussi passionné par ce que je fais. Je suis heureux de constater que j’ai évolué en tant que personne. J’espère que le moi de mes quinze ans n’aurait pas de problème à voir le moi de mes quarante-cinq ans se raser la tête, avoir les cheveux courts ou porter des T-shirts blancs, parce que j’étais assez radical à quinze, seize ou dix-sept ans. Je disais « je t’emmerde » à tout. Je dis toujours « je t’emmerde » à pas mal de choses autour de moi, mais je suis aussi plus âgé et plus mature. J’espère qu’il n’y aurait pas de conflit entre nous ! [Rires]
Avec les années, Behemoth a gagné énormément d’adeptes et connaît un succès mondial. Toutefois, ton attitude envers l’art et tes convictions sont plus souvent associées à la scène underground. Penses-tu que ce soit une idée fausse, et que cette attitude et ces convictions puissent parler à un grand nombre de gens, peut-être même dans la scène mainstream ?
Oui. Quand j’étais ado, j’écoutais Venom et je lisais des interviews de Venom ou de Euronymous de Mayhem. Je me souviens de Euronymous disant : « J’en air ras le cul d’être pauvre. Je veux toucher autant de gens que possible. » Même chose pour Venom : ils ne voulaient pas rester dans leur bulle. Ils voulaient devenir aussi connus que Kiss. Ils n’y sont pas arrivés, malheureusement, mais ils ont essayé. Je m’efforce de suivre leurs traces. Il y a un certain charme à jouer dans ces salles qui peuvent accueillir cent à deux cents personnes, remplies de gens qui vénèrent le groupe présent ce soir-là, mais ce qui m’inspire et me motive vraiment, c’est la possibilité de me retrouver en festival face à des milliers de personnes qui n’ont aucune idée de ce qu’est Behemoth ou qui n’ont jamais entendu de blast beats. Même si certaines chansons ont un potentiel mainstream, la majeure partie de ce que nous jouons est particulièrement radicale. Même quand la chanson ressemble presque à une ballade, comme « Barzabel », les paroles ne sont pas faciles d’accès ! C’est occulte, satanique, provocateur, rebelle. Nous ne parlons pas de sujets légers. Nous ne faisons pas du metal pour le plaisir de faire du metal. Nous jouons le genre de metal le plus sombre qui soit parce que ça va avec notre vision – une vision libératrice que nous espérons voir se répandre comme un virus et ouvrir les yeux des gens. Ça va au-delà de jouer des riffs et headbanguer devant une bande de gamins. Quand je joue devant mon public, je le respecte totalement, mais il me connaît. Il me connaît, il connaît l’arrière-pensée de Behemoth, il sait en quoi je crois. Ce dont je rêve pour Behemoth, c’est que nous parvenions à convertir les gens à ce que nous faisons, à faire grandir notre fanbase et à ne pas rester à ce niveau. Je veux dire, nous sommes déjà… Nous avons fait du chemin.
« Nous ne faisons pas du metal pour le plaisir de faire du metal. Nous jouons le genre de metal le plus sombre qui soit parce que ça va avec notre vision – une vision libératrice que nous espérons voir se répandre comme un virus et ouvrir les yeux des gens. Ça va au-delà de jouer des riffs et headbanguer devant une bande de gamins. »
Le groupe est assez gros ; je suis ravi de là où nous en sommes aujourd’hui. Je suis très reconnaissant. Mais si nous avons la possibilité de gagner plus de fans en tournant avec Slipknot, je suis prêt à le faire. Et c’est exactement ce que nous avons fait : nous sommes partis en tournée avec Slipknot et nous nous sommes défendus. Nous n’étions pas en train de dire : « Désolés, nous sommes polonais… » Non : « On vous emmerde ! On est polonais et on n’en a rien à foutre ! Et si vous pouvez bouger la tête sur cette chanson, aller plus loin et lire les paroles, peut-être qu’on pourrait vous convertir à quelque chose d’encore plus dingue [que Slipknot]. » C’est la raison pour laquelle je suis reconnaissant envers des groupes comme Gojira, Slipknot ou Ghost, qui peuvent être des passerelles vers des genres plus radicaux et plus extrêmes. C’est ce que les jeunes ont fait il y a des décennies avec d’autres groupes. Donc oui, j’ai beaucoup d’espoir. Certains groupes récents, comme Amon Amarth, Ghost et nos bons amis de Gojira, font quelque chose d’unique et peuvent faire office de passerelle parce qu’ils ont un potentiel mainstream. Peut-être que quelqu’un qui écoute Gojira peut se dire : « Tiens, ça, c’est Behemoth. » Ou quelqu’un écoute Ghost et se dit : « OK, c’est cool. J’aime bien, mais j’ai besoin de quelque chose de plus heavy. » Et quand il voit une autre version du pape dans la vidéo de « Barzabel », il se dit : « Putain, ce pape-là est encore plus taré que Papa Emeritus ! » [Rires] Je ne sais pas. C’est peut-être comme ça que ça va marcher, comme un effet domino. Je l’espère.
J’imagine que vous êtes la preuve qu’on peut avoir du succès sans être consensuel.
Oui, je pense que… [il réfléchit] Nous nous sommes construits organiquement, à partir de rien. Ce sont la détermination, la passion et la foi en ce que nous faisions qui nous ont menés jusque-là. Et bien sûr, nous avons rencontré les bonnes personnes aux bons moments. Nous nous sommes fait baiser plusieurs fois, mais nous avons appris la leçon. Je ne sais pas. J’apprécie vraiment le fait que Behemoth en soit arrivé là en grandissant constamment. Notre succès n’est pas venu du jour au lendemain. Nous avons toujours grandi, et je continue à penser comme ça : c’est en grandissant et en bâtissant des fondations solides et assez larges que nous répandrons la bonne parole.
Tu as déclaré que, « avec chaque nouvel album, [tu as] l’impression d’affronter le putain de mont Everest ». Qu’est-ce qui continue de te donner la force mentale de gravir cet Everest ?
Je crois que j’ai un vrai virus en moi, un intérêt, une curiosité : qu’y a-t-il après le virage ? Après le bâtiment suivant ? Allons un peu plus loin. Allons voir ce qu’il y a au-delà. Je crois que c’est la curiosité qui me pousse à avancer. Clairement, Behemoth n’essaie pas d’être plus heavy ou plus rapide. Ce que j’essaie de faire… Je vois la façon dont j’évolue en tant qu’individu et je réalise que je ne suis pas la même personne que celle qui a sorti I Loved You At Your Darkest il y a trois ans, ou qui a sorti The Satanist, ou Evangelion, etc. Ce qui m’intéresse vraiment, c’est de montrer la façon dont nous changeons, dont nous nous transformons. Pour moi, la plus grande vertu de Behemoth, c’est de pouvoir proposer quelque chose de nouveau et de différent à chaque fois. C’est toujours du Behemoth, mais l’approche est différente. Le son est différent, le visuel est différent, ce n’est pas une copie conforme de ce qui a été fait avant. C’est un nouvel avènement, si je puis dire. C’est ça qui me motive. Et jusqu’ici, ça fonctionne !
« Je sais que je ne suis pas un criminel ! [Petits rires] J’ai simplement une opinion différente, et une bande de crétins et de fanatiques considère ça comme un crime. Je pense sincèrement que je suis un artiste innocent qui est immergé dans son univers et sa vision, qui ont tendance à être radicaux et extrêmes. Ce n’est pas pour tout le monde, mais je n’ai jamais prétendu que c’était pour tout le monde ! [Petits rires] »
Ces dernières années, tu as à nouveau fait face à des problèmes judiciaires, après avoir été accusé d’avoir publiquement insulté l’emblème national polonais. Bien que tu aies encore une fois été acquitté, n’y a-t-il pas une partie de toi qui est fatiguée de provoquer les conservateurs religieux et nationalistes ? Je veux dire, tu risques à chaque fois de te retrouver avec un casier judiciaire qui pourrait menacer ta carrière de musicien à long terme. Je ne peux même pas imaginer à quel point ça doit être stressant…
Plus maintenant. C’était effectivement stressant au début, quand j’ai reçu ma première convocation au tribunal et que je n’avais aucune idée de ce qui allait en sortir. Mais ce que j’ai appris de tous ces procès, c’est qu’ils ne peuvent pas me mettre derrière les barreaux. Ce serait sans précédent. Ça n’arrivera pas. Et puis je sais que je ne suis pas un criminel ! [Petits rires] J’ai simplement une opinion différente, et une bande de crétins et de fanatiques considère ça comme un crime. Mais tant que nous vivons dans une société plurielle, il ne peut rien m’arriver d’un point de vue juridique. Dans le pire des cas, je devrai payer une amende, ou je serai condamné à deux ans de sursis, donc sans aller en prison. On peut vivre et voyager librement. Mais j’espère que même ça n’arrivera jamais, parce que je ne fais de mal à personne intentionnellement. Je pense sincèrement que je suis un artiste innocent qui est immergé dans son univers et sa vision, qui ont tendance à être radicaux et extrêmes. Ce n’est pas pour tout le monde, mais je n’ai jamais prétendu que c’était pour tout le monde ! [Petits rires] J’invite ceux qui sont intéressés à rejoindre mon temple, mon église, mon monde.
Mes comptes sur les réseaux précisent bien – uniquement en polonais, parce qu’apparemment, ce sont uniquement les Polonais qui sont offensés par ce que je fais : « Entrez à vos propres risques. Les sujets, informations, photos et contenus de ce compte sont susceptibles de heurter vos sentiments religieux. » Cet avertissement n’est fourni qu’en polonais, ce qui en dit long sur ce qui se passe en Pologne et la façon dont j’ai été pris pour cible aussi violemment depuis toutes ces années. Donc non, je ne suis plus inquiet. Je suis super agacé de devoir payer mes factures d’avocat – il y en a tous les mois. Je les paie avec mon propre argent. Il reste un paquet de thunes que je n’utilise pas sur les comptes d’Ordo Blasfemia. J’en ai utilisé un peu. J’ai lancé cette campagne pour alerter l’opinion, pour faire comprendre aux gens le genre de problèmes auxquels nous sommes confrontés en Pologne, mais je n’utilise pas vraiment cet argent. J’attends. J’aurai peut-être besoin de plus de fonds à l’avenir, mais pour l’instant, je gagne assez bien ma vie pour financer mes propres problèmes – parce que c’est ce que c’est. Donc je gère. J’ai appris à m’en accommoder.
Interview réalisée par téléphone le 13 juin 2022 par Nicolas Gricourt.
Retranscription & traduction : Tiphaine Lombardelli.
Photos : Grzegorz Golebiowski, Oskar Szramka (3) & Sylwia Makris / Christian Martin Weiss (9).
Site officiel de Behemoth : www.behemoth.pl
Acheter l’album Opvs Contra Natvram.
« Je suis ravi pour vous que Macron ait gagné. »
Nergal, 2022.
La tronche de la rebellion 😀
Il parle surtout du second tour à cet endroit j’ai l’impression, quand même.
Oui, il dit bien que c’est par opposition à Marine « Vlad et moi sommes très proches » Le Pen.
On aimerait que Nergal participe à aider les entreprises qui vont sous peu mettre la clé sous la porte faute de pouvoir payer les factures d’énergie