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Interview   

Benighted : une histoire d’amour…


Déjà vingt ans que le premier album de Benighted est sorti. Vingt ans de névrose, de psychose, de schizophrénie, et tant d’autres souffrances de l’esprit dont le hurleur Julien Truchan se sert de base, inspiré par son métier d’infirmier en psychiatrie, pour à la fois élaborer des concepts dignes du cinéma d’horreur et sensibiliser aux maladies mentales. Vingt ans aussi à personnaliser et affiner l’art du brutal, au gré des changements de membres.

Mais Benighted n’est pas là pour ressasser le passé, tout juste a-t-il brièvement brisé ses habitudes pour marquer symboliquement les vingt ans de sa formation en 1998 avec un EP, Dogs Always Bite Harder Than Their Master. Le combo continue inlassablement sa marche en avant avec son neuvième album studio, Obscene Repressed. Si Benighted entérine par ce biais la place de Kévin Paradis à la batterie et Fabien « Fack » Desgardins à la seconde guitare, la composition reste le terrain de jeu d’Emmanuel Dalle qui avait su s’imposer dès son arrivée en confectionnant Necrobreed. On ne change pas une formule qui a fait ses preuves, et Obscene Repressed démontre qu’ils ont eu raison, même si l’album se démarque évidemment par quelques particularités.

Nous avons joint Julien et Emmanuel pour disséquer ensemble ce nouveau méfait, entre conception musicale plus confiante mais pas moins pressurisée, thématique à la croisée de la paranoïa et du complexe œdipien, invités de standing et musique schizophrène. Emmanuel revient également sur le rôle de compositeur principal qu’il a endossé dès son arrivée et la façon dont il a pu si bien s’adapter au moule de Benighted, tandis que Julien nous parle de la place de la musique dans son travail et du regard de ses propres patients sur la musique de son groupe.

« Ce qui me tenait au niveau motivation et confiance dans le groupe, c’est qu’à chaque fois que nous avons eu un changement, c’était pour quelque chose de positif. […] Nous nous retrouvons avec le guitariste qui, à mon sens, est le meilleur compositeur que nous ayons jamais eu dans Benighted. »

Radio Metal : Necrobreed avait été suivi de deux changements dans le line-up. Le premier, le départ d’Olivier Gabriel dont on avait déjà discuté à l’époque, et le second, le départ de Romain Goulon qui est finalement resté très peu de temps dans le groupe, puisqu’il est parti aussitôt l’album sorti. Comment expliquez-vous ce départ aussi rapide ?

Julien Truchan (chant) : Romain avait très vite intégré le groupe et ça se passait bien. Le souci est qu’en tournée, il a commencé à développer un syndrome neurologique au niveau de sa cheville qui s’appelle la dystonie. Ça a commencé à vraiment beaucoup le stresser. Du coup, la tournée que nous avions faite en Europe avec Wormed, Unfathomable Ruination et Omophagia est devenue un cauchemar pour lui, dans le sens où le moindre coup de pédale qu’il devait donner l’inquiétait par rapport à cette cheville qui ne lui obéissait plus comme il le voulait. Du coup, il a vraiment vécu une tournée difficile. En rentrant, nous en avons discuté avec lui et nous avons pris la décision de trouver un autre batteur, parce que nous avions l’album à promouvoir et nous ne pouvions pas nous permettre d’attendre que sa cheville aille mieux. Sachant que lui était en plus dans une dynamique d’arrêter le metal extrême, parce que comme c’est quelque chose qui est stress-dépendant, plus il focalisait dessus, plus ça risquait d’être difficile. Dans un style aussi exigeant que le brutal death metal, c’était évident qu’il avait besoin d’un gros break pour pouvoir se remettre correctement de cette fragilité.

Vous n’avez quand même pas de chance !

Avec les line-up, nous n’avons pas eu de pot ! [Rires] Écoute, ça fait trois ans qu’il est stable, on croise les doigts !

Emmanuel Dalle (guitare) : Finalement, nous avons quand même de la chance. Malgré les changements de line-up, nous arrivons toujours à retrouver des musiciens qui le font largement, surtout avec Kévin. C’était quand même assez dur de pouvoir remplacer quelqu’un comme Romain, mais avec Kévin Paradis, ça le fait largement depuis quelques années, surtout quand on voit le boulot qu’il arrive à fournir sur les dernières sorties… Finalement, nous sommes plutôt chanceux, nous arrivons à nous en sortir.

A l’époque de la sortie de Necrobreed, Julien, tu nous disais : « Kévin Paradis est un garçon génial, c’est un batteur exceptionnel, mais il a déjà beaucoup trop de projets pour que nous puissions nous permettre de le prendre avec Benighted. » Pourtant, il a fini par rejoindre le groupe la même année. C’est le fait qu’il ait quitté Svart Crown qui a rendu ça possible ?

Julien : Oui, entre autres, parce que Kévin avait effectivement beaucoup de projets en même temps. Et quand est venu sur la table le fait de discuter de l’intégrer dans Benighted, il a pris des décisions en conséquence. Effectivement, il n’était pas très heureux dans Svart Crown, donc il a préféré arrêter Svart Crown et venir avec nous. Et là, nous sommes devenus son groupe principal, officiel. Du coup, il concentre le plus gros de son énergie sur Benighted ; il est disponible avant tout pour Benighted. C’est notre vrai batteur officiel, maintenant.

JB de Svart Crown nous avait justement expliqué qu’il y avait eu des tensions sur le plan artistique entre lui et Kévin, notamment parce qu’« il a voulu avoir carte blanche sur la batterie, chose qui n’était absolument pas prévue ». Du coup, cette carte blanche, c’est ce que vous lui avez offert dans Benighted ?

Pas complètement, non. Tout le monde a un droit de regard sur tout. Nous fonctionnons de manière très démocratique dans Benighted, dans le sens où s’il y en a trois ou quatre qui disent : « Non, ça, on ne le fait pas », nous nous rangeons à l’avis de la majorité. Après, Kévin a une telle force de travail au niveau de la batterie que nous avons rarement des choses à redire ! [Rires] Mais c’est juste vraiment dans l’angle sur lequel nous voyons tel ou tel riff avec la batterie que nous l’orientons, en lui disant que nous voudrions plutôt ceci ou plutôt cela. Après, je pense qu’il est heureux dans Benighted, dans le sens où c’est une musique dans laquelle il se retrouve, dans laquelle il peut pleinement exercer ses talents de batteur et incorporer son style. C’est pour ça qu’humainement, nous nous entendons tous super bien, il y a une cohésion absolument énorme, nous nous marrons tout le temps, donc c’est aussi pour ça qu’il est à mon sens « heureux » dans Benighted aujourd’hui.

Emmanuel : Globalement, j’écris tous les instruments, y compris la batterie, à la base, mais dans l’esprit d’avoir des lignes directrices. C’est-à-dire que sur certains passages, ça me paraîtrait évident qu’il y ait un blast au lieu d’un gros passage mid-tempo. Donc ça, Kévin va le respecter, mais il va tout réinterpréter à sa sauce derrière et rajouter son travail. Donc c’est vraiment un travail de groupe au niveau de l’écriture de la batterie. Il a carte blanche, mais il respecte quand même les directions qui étaient imaginées à la base.

Entre Necrobreed et Obscene Repressed vous avez sorti l’EP Dogs Always Bite Harder Than Their Master, c’est la première fois que vous faites ça. Quelle était l’idée derrière la sortie de cet EP ?

Julien : L’EP est un support que, personnellement, je n’aime pas, à la base. J’aime bien que les gens aient le temps d’assimiler les albums, de se les approprier quand ils sortent. Les sorties entre les albums pour relancer l’intérêt du public ou amener des trucs nouveaux, ça n’a jamais trop été l’esprit du groupe. Là, c’est vraiment parce que nous arrivions à nos vingt ans de carrière, que nous venions de sortir un nouvel album, et nous nous sommes dit : « Pourquoi pas faire un EP ? On l’a jamais fait. » Enfin, un EP… Au final, il fait dix titres, donc il est largement plus long que n’importe quel EP ! [Rires] Mais le truc était de faire quelque chose sous la forme d’un EP, un objet un peu spécial pour célébrer nos vingt ans de carrière.

« Nous pensons efficacité avant tout. Il faut que tous les morceaux soient, potentiellement – c’est con de dire ça –, comme des hits, où tu peux vraiment retenir les refrains. »

Obscene Repressed est donc le premier album de ce line-up. Necrobreed avait été presque entièrement composé par toi, Emmanuel. Est-ce que vous avez gardé cette même dynamique ?

Emmanuel : Oui, nous avons composé exactement de la même façon. Nous avions procédé aussi de la même façon pour Dogs, dont tu as parlé juste avant. Le truc, c’est que je compose en très grande partie tous les riffs, et aussi les instruments, de manière à ce que je puisse ressortir des démos très complètes pour les autres membres du groupe. Donc quand j’ai une compo, j’envoie les partitions et la démo avec tous les instruments, pour que tout le monde puisse juger la chanson dans sa globalité. En fonction de ça, chacun donne son avis sur certains passages. S’il faut quelque chose de plus efficace, de plus ou moins redondant, en fonction de ça, je retravaille derrière, et de temps en temps, avec Julien, et parfois d’autres membres de Benighted, nous nous retrouvons chez moi, nous retravaillons tout ça, nous faisons une espèce de brainstorming sur les structures des morceaux, de façon à avoir les structures les plus efficaces possible et des morceaux qui coulent de source, avec des intro, couplet, refrain assez évidents. Mais avec quelques surprises à l’intérieur, pour ne pas faire quelque chose de trop entendu. C’est pour ça que j’ai besoin de l’avis de tout le monde, parce que par pur réflexe, je vais faire des compos avec intro-couplet-refrain assez basiques et ça, c’est notamment grâce à Juju qui a moins… Tu m’excuseras Juju…

Julien : Je t’en prie, je sais ce que tu veux dire ! [Rires]

Emmanuel : Il a moins cet aspect théorique de la musique, donc il va apporter des choses un peu plus exclusives dans le mode de composition, ce qui fait que des fois, on peut se retrouver avec un passage jazz en plein milieu d’un morceau, des breaks qui peuvent arriver juste après une intro…

Julien : Je suis l’angle non conventionnel musical du groupe ! [Rires]

Emmanuel, quelle est ta formation au niveau musical ? As-tu eu des enseignements plus théoriques, justement ?

Emmanuel : J’ai eu une formation de musicien pro, à la base, et je suis prof de guitare depuis pas mal d’années, ce qui donne ma position de petit dictateur musical dans le groupe [rires]. Mais dictateur démocratique, parce qu’à la fin, tout le monde donne son avis. J’ai simplement une formation de musicien pro derrière, ce qui aide beaucoup pour la recherche de riffs, l’écriture de partitions, parce que j’envoie les partitions à tout le monde. Tout le monde travaille sur ordinateur avec le fameux logiciel Guitar Pro. Pareil pour d’édition de démos, j’ai été formé. Ça facilite, mais ça ne suffit pas. Malheureusement, ce n’est pas que de la théorie. Il faut arriver à quelque chose qui puisse plaire à tout le monde. Ça n’enlève pas du tout la pression, mais je pense que ça peut faciliter. Si je n’avais pas ce bagage derrière moi, peut-être que je galérerais plus à écrire.

Dirais-tu que, finalement, le death metal, qui est un style brutal et que certains qui n’ont pas l’habitude considèrent comme bruitiste etc., est plus musical que ce que les gens peuvent croire ?

Bien sûr. C’est juste qu’il faut avoir l’oreille pour arriver à distinguer les subtilités, arriver à séparer les instruments les uns des autres, parce qu’on a tendance à entendre une masse sonore sur des musiques extrêmes qui ne sont parfois pas très bien produites. Sur certains albums, pas tous bien sûr, on n’arrive pas à distinguer le travail fourni sur la batterie, par exemple. Sur la batterie, on a tendance à n’entendre que des blasts, des breaks, mais quand on a une oreille de musicien, on arrive à se rendre compte du travail qui a été porté derrière. C’est pareil pour la guitare : on entend juste des power chords, mais si on s’y penche vraiment, on peut entendre quelques subtilités dans la composition, dans l’écriture. Le death metal et le metal extrême en général, c’est quelque chose de très technique – je ne généralise pas –, ça demande vraiment de la rigueur et de l’endurance. C’est quand même beaucoup de travail, même dans la composition. Ce n’est peut-être pas du prog, ce n’est pas Dream Theater, ce n’est pas Animals As Leaders, mais ce n’est pas aussi débile que ce que certaines personnes peuvent le penser. C’est un style, je ne dirais pas élitiste, bien sûr que non. Après, c’est tellement vaste, le death metal. Tu as des trucs un peu pipi-caca qui vont être très simplistes, tu peux entrer dans d’autres styles qui vont presque toucher du jazz fusion… Mais quand on fait la synthèse de tout ça, ça donne des musiciens qui doivent être un minimum polyvalents, avoir un minimum de formation derrière. C’est quelque chose de très théorique, en fait, finalement. Si on sort des trucs pipi-caca bien sûr, mais je crois que c’est une évidence !

Necrobreed était ton premier album avec Benighted, et même ton premier album tout court. Or il se trouve que Necrobreed a très bien marché : ça t’a donné confiance ?

Oui, totalement. Pour la petite anecdote, la première compo que j’ai écrite pour Benighted, c’était « Reptilian », donc la première chanson de Necrobreed. Déjà à ce moment-là, j’avais l’appréhension d’envoyer la démo au groupe et que directement, on me dise : « Non, c’est de la merde » [rires]. Sachant que je venais d’arriver dans le groupe, j’avais déjà cette pression : est-ce que les gars du groupe vont apprécier mon travail ? Apparemment, ça a plutôt marché au début, donc j’ai continué. Après, il y avait cette seconde étape : la sortie de l’album et les premières chroniques. Là, tu te dis : « Bon, j’ai écrit la musique, c’est un groupe qui existe depuis dix-huit ans (à l’époque), qui a déjà sorti plein d’albums, et si moi, je suis nouveau, j’arrive, je compose un truc qui ne plaît à personne et que je coule le groupe, ça le fait pas. » Du coup, oui, c’était une grosse pression, et heureusement, ça a bien marché.

« Nous pourrions incorporer plein d’éléments non-metal dans Benighted, et ça sonnerait quand même. C’est le fait que la musique évolue comme la maladie mentale, c’est-à-dire dans une direction où on ne l’attend pas et de façon très brutale des fois. »

Justement, tu as intégré un groupe avec une longue histoire, une patte bien à lui. Comment es-tu parvenu à si bien t’intégrer au moule et sonner comme Benighted ?

Pour l’intégration humaine, ça s’est vraiment fait tout seul, parce que les gars de Benighted, quel que soit le line-up que nous ayons eu, tout le monde est très sympa. Nous nous sommes rencontrés lors d’une audition ou d’une répète et déjà, c’était la bise, le câlin, comme si nous nous connaissions depuis longtemps ! [Petits rires] Donc ça te met dans l’ambiance. Ce sont des pros pour te mettre à l’aise, dans Benighted. Je pense que ça a été la même chose avec tous les nouveaux membres. En ce qui concerne la musique, le fait d’arriver à intégrer ses influences dans un groupe qui existe depuis longtemps, c’est beaucoup plus dur. Si je me souviens bien, c’était le conseil de Kevin Foley, à l’époque, qui était notre batteur, il m’avait un peu rassuré là-dessus, en me disant que quoi que je fasse, il y aurait la voix de Juju derrière qui permettrait d’identifier le style Benighted. Et ce n’est pas faux, parce que si on écoute en détail certains riffs, des fois il y a carrément des riffs de death melo qui pourraient très bien avoir leur place dans un album d’At The Gates, mais le fait d’avoir les growls, les voix black de Juju, les pig squeals, ça s’associe directement au style de Benighted. Pour le coup, la voix est très importante dans Benighted. Je pense que musicalement, nous pouvons vraiment nous aventurer sur plein de terrains, du moment que nous avons la voix de Juju derrière, ça sonnera comme Benighted.

Julien : Je suis d’accord, mais je rajouterais aussi que Manu avait de toute façon une culture death/black déjà bien importante, puis qu’il a vite intégré le côté un peu punk du groupe dans son approche musicale, et dans l’énergie…

Emmanuel : [coupe] Je n’aime pas les punks ! Doucement !

Julien : [Rires] Il a vite compris que ce que nous voulions, c’était une musique qui vienne attraper à la gorge quand elle commence. Je trouve que ses influences collaient déjà vraiment bien à la musique de Benighted à l’époque de Carnivore Sublime et Asylum Cave. Je n’étais vraiment pas inquiet quand il a commencé à composer parce qu’il a compris l’essence de notre musique très vite, en y apportant sa propre culture musicale et ses propres influences, qui n’ont fait qu’enrichir notre musique, au final.

Emmanuel : Après, c’est vrai qu’il y avait quand même un petit travail d’analyse d’écriture stylistique du groupe. Je ne me suis pas lancé au hasard avec trois riffs en me disant : « Bon, de toute façon, ça sonnera ! » J’ai quand même bien écouté le discours, la discographie avant et essayé d’incorporer mes nouvelles influences. Sachant que, pour la petite anecdote, « Stay Brutal », qui est sur ICP (Insane Cephalic Production), c’est le tout premier morceau de death metal que j’ai appris à la guitare quand j’étais ado ! Du coup, c’était un peu ancré quand même, au départ.

Julien : Je me prends un grand coup de vieux dans la gueule, merci ! [Rires]

Emmanuel : Dix ans d’écart !

C’est quand même un gros risque pour un groupe établi de faire reposer toute la composition sur les épaules d’un « novice » pour Benighted. Ça ne t’a pas fait peur, Julien ?

Julien : Je t’avouerais que pour l’instant, je ne sais pas comment ça se fait, mais nous avons toujours eu la chance, quand un membre est parti, de trouver quelqu’un tout de suite derrière qui pouvait amener encore mieux. Ce qui me tenait au niveau motivation et confiance dans le groupe, c’est aussi que je me suis dit qu’à chaque fois que nous avons eu un changement, c’était pour quelque chose de positif. Donc je me suis simplement dit que l’incorporation de Manu ne ferait pas exception à la règle, et nous nous retrouvons avec le guitariste qui, à mon sens, est le meilleur compositeur que nous ayons jamais eu dans Benighted, et le guitariste le plus talentueux aussi, parce qu’il est capable de jouer des trucs incroyables. Donc nous avons vraiment eu une grande chance. Mais c’est vrai que tous les albums ont toujours reposé sur un guitariste qui compose beaucoup, et les autres qui apportent leur aide à ce membre. À l’époque de Carnivore Sublime, c’était Adrien Guérin qui était devenu le guitariste-compositeur « majoritaire », et nous l’aidions à construire les morceaux. Et quand il est parti et que Manu est arrivé en tant que guitariste officiel, c’est lui qui a pris ce rôle-là, et nous ne sommes pas déçus, car il a un talent de composition et une productivité qui sont assez impressionnants.

Benighted est un groupe de brutal death certes, mais connu pour avoir des influences hardcore dans les riffs, ce qui n’est pas forcément si banal que ça. Or, il y a une vraie continuité…

Il y en a même beaucoup plus sur le nouvel album que sur Necrobreed. C’est quelque chose sur quoi Manu a bien remis l’accent. C’étaient ces influences hardcore que nous avions un peu laissées de côté sur Necrobreed mais que nous voulions beaucoup plus présentes sur le nouvel album.

« Jamey [Jasta] est vraiment un passionné de la musique. Je m’attendais, avec quelqu’un de sa notoriété, qu’il y ait une facture à la fin, une addition pour sa participation ! Et en fait pas du tout ! […] Il était vraiment content de participer à notre album, preuve qu’il aime beaucoup ce que nous faisons. »

Emmanuel, le succès de Necrobreed t’a donc donné de la confiance : est-ce que ça veut dire qu’il y avait moins de pression pour Obscene Repressed ?

Emmanuel : Ce n’était pas du tout la même pression. Pour le coup, là, il y avait deux pressions. La première était le temps, parce que nous nous sommes vite retrouvés à composer l’album en trois mois [rires]. La seconde pression était le fait de me dire : « Est-ce que je vais arriver à me renouveler et à ne pas ressortir les mêmes riffs que j’ai sortis sur Necrobreed ou sur Dogs ? » Après, je ne me prends pas trop la tête là-dessus, ça vient naturellement. Mais c’est vrai que nous avons été dans le rush, pour cet album, donc il y avait la pression de ne pas faire quelque chose de bâclé. Ça s’est fait un peu dans la précipitation. En fait, en janvier, nous n’avions que deux morceaux de prêts ! Et arrivés en juin, nous avons vu la date du studio se rapprocher – nous devions enregistrer en octobre – et nous n’avions que deux ou trois morceaux de prêts. Donc de juin à octobre, il a fallu tout boucler, sachant qu’il y a les grandes vacances, avec les emplois de tout le monde, c’est un peu dur de gérer tout ça. Donc je dirais que c’est surtout le temps.

Tu veux dire que vous vous y étiez pris à la dernière minute ? Comment ça se fait ?

[Rires] Un manque d’organisation !

Qui vous a imposé une deadline, à ce moment-là ?

C’est la date de booking du studio !

Julien : Et la date de sortie de l’album par rapport à la tournée qui était déjà calée. Nous avons su assez tôt les dates de la tournée Warm Up Hellfest – à partir de mai l’année dernière –, donc il fallait absolument que l’album sorte avant la tournée, ce qui voulait dire une sortie fin mars/début avril, ce qui voulait dire un enregistrement studio septembre/octobre ! [Rires] Donc c’est là que ça a mis la pression aussi ! Les dates butoirs ont commencé à tomber et nous nous sommes dit : « Oh là là, il faut qu’on y aille ! »

Quels ont été les apports de Kévin et de Fabien, les deux nouveaux de la bande ?

Emmanuel : Kévin, comme je le disais tout à l’heure, il a retouché tout ce que moi, j’ai écrit à la batterie. Donc il a vraiment tout complexifié, il a même rajouté des polyrythmies. Il a vraiment fait un travail de dingue au niveau de la batterie.

Julien : Puis au niveau du temps aussi, parce que lui avait encore moins de temps ! C’était le premier à enregistrer, donc il n’a vraiment pas eu de temps pour bosser son instrument ! Il a écrit ses parties très vite et il a vraiment fait un boulot de malade.

Emmanuel : Pour le reste, c’est un peu délicat… [Rires]

Julien : Non, ce n’est pas délicat ! En fait, Fabien donne son avis sur les morceaux une fois qu’ils ont été travaillés.

Emmanuel : Pour la compo, pour le coup, ça a vraiment été Juju et moi, et Kévin, car il a quand même fait un gros travail sur les parties de batterie.

Ça n’intéresse pas les autres de mettre un peu plus leur nez dans la composition, amener des riffs, etc. ?

Julien : Ce n’est peut-être juste pas leur truc, en fait. Ils ont de très bonnes idées, mais sur des produits déjà finis. Ils sont plus dans une dynamique d’arrangement que dans une création et une proposition de riffs, ce que Manu fait extrêmement bien !

La moyenne des titres est globalement très courte, et peut-être plus grind du coup, même si l’album ne se résume pas qu’à ça. Ça vient d’une démarche consciente, d’être plus dans la concision ?

Emmanuel : Pas du tout. C’est juste qu’au bout d’un moment, nous nous sommes aperçus que tous les morceaux faisaient entre deux et trois minutes ! [Rires] C’était sciemment choisi sur Dogs, nous nous étions dit : « C’est un EP, il n’y a que trois nouveaux titres, donc on va mettre le paquet et faire des trucs de deux minutes, très grind. » Sur cet album, vraiment pas du tout. Ça s’est fait naturellement, vraiment.

Julien : Nous avons essayé de ne pas y réfléchir du tout, pour que la construction des morceaux se fasse de la façon la plus instinctive possible, sans se dire : « C’est pas assez long, faut rajouter une partie… »

« C’est une histoire d’amour, comme d’habitude ! [Rires] L’amour fait faire de ces choses ! »

Emmanuel : Exactement, ou alors de se dire : « Il reste une minute, il faut meubler. » Surtout, nous sommes anti-meublage, dans Benighted ! Et sur tous les morceaux ! Que ce soit sur la longueur, où, comme nous disions, nous n’allons pas nous forcer à rajouter une minute parce que le morceau en fait une et qu’il pourrait en faire deux ou trois, mais aussi sur le meublage de l’album, où on peut se dire : « Ah, il manque deux morceaux, comment on va faire ? » Nous ne réfléchissons pas là-dessus, nous pensons efficacité avant tout. Il faut que tous les morceaux soient, potentiellement – c’est con de dire ça –, comme des hits, où tu peux vraiment retenir les refrains, avec des refrains que tout le monde pourrait scander, avec des intros que l’on puisse reconnaître… Chaque morceau doit avoir son identité. C’est ce qui fait que nous n’avons pas cette impression de meublage sur la longueur ou sur la diversité des morceaux. Pour tout te dire, la seule contrainte que nous nous soyons posée, c’est de ne pas faire un disque trop court, parce que c’est un peu arnaquer les fans. Si tu fais un truc de vingt minutes, ce n’est pas très cool ! Donc s’il manquait vraiment quelques minutes, nous rajoutions une chanson, plutôt que de rallonger bêtement des chansons que nous avions déjà, mais nous ne nous sommes vraiment pas pris la tête là-dessus, c’était très naturel.

En revanche, on retrouve quelques passages progressifs. Comment est-ce que vous vient l’idée d’intégrer une intro acoustique à « Brutus » ou un passage jazzy sur « Muzzle » ? Car ce n’est pas forcément une évidence au premier abord…

Julien : Concernant l’intro de Brutus, c’est vraiment par rapport au concept. J’avais cette phrase du film Fight Club qui me trottait dans la tête, où il disait : « J’avais juste envie de détruire quelque chose de beau. » Et je vous ai fait chier avec ça, hein Manu ! Je disais : « Il faut une intro avec une guitare claire ! » Ils m’ont dit : « Mais pourquoi ? » [Rires].

Emmanuel : Je n’ai pas l’habitude d’écrire des parties de guitare acoustique ! J’étais un peu piqué sur le vif, en plein studio, genre : « Tiens, pour dans deux jours, il nous faut une intro à la guitare acoustique… » [Rires]

Julien : Je l’avais dit des mois à l’avance ! Mais l’idée du truc, c’est que déjà le morceau s’appelle « Brutus » et quand la personne l’écouterait, quand il démarrerait, elle se dirait : « Je n’ai pas mis le bon CD, ce n’est pas le bon groupe que j’écoute ! » La fracture au milieu du morceau, c’est vraiment en rapport avec le concept de l’album, où le petit garçon dit à sa maman qu’il a préparé quelque chose de très beau pour elle, mais il le détruit complètement avant de pouvoir lui offrir. Après, l’idée de « Muzzle », ce n’est pas toi, Manu ?

Emmanuel : Pour le coup, oui, c’était moi. J’avais fait ça dans une compo d’un vieux projet à moi, qui n’avait mené à rien, et je m’étais dit que ça serait pas mal de l’introduire dans Benighted. Cette idée m’est venue par rapport au morceau « Carnivore Sublime », où, en plein milieu, tu as une espèce de passage samba-electro, juste après l’intro. Je m’étais dit que ça serait bien d’avoir quelque chose qui contraste de la même façon, mais peut-être en moins joyeux, moins dansant et plus instrumental, quelque chose que nous jouions vraiment et non pas un truc electro joué par l’ordinateur. En l’occurrence, qu’est-ce qui s’éloigne du grind et du death musicalement, et qui serait jouable par des musiciens de metal ? Du jazz ! Donc c’est venu assez naturellement. Ça aurait pu être de la funk, mais c’est tombé sur du jazz.

Est-ce que la schizophrénie de votre musique et ces passages surprenants participent à la thématique sur la folie qui est indissociable de Benighted ? Ou bien c’est surtout une question de dynamique et de faire que l’auditeur ne s’ennuie pas ?

Julien : C’est clairement les deux. C’est ce qui fait que nous pourrions incorporer plein d’éléments non-metal dans Benighted, et ça sonnerait quand même. C’est le fait que la musique évolue comme la maladie mentale, c’est-à-dire dans une direction où on ne l’attend pas et de façon très brutale des fois, qui fait des ruptures très franches avec ce qui se passait avant. Donc ça va très bien avec le concept et en même temps, ce que nous aimons aussi, c’est que les personnes qui écoutent notre musique se disent : « Ah oui, ce morceau, c’est celui où il y a le break, où ils changent de style, c’est hyper-surprenant, je me rappelle, c’est un de mes préférés ! » C’est vraiment pour aider à identifier les morceaux, et pour que les gens n’écoutent pas un album de Benighted comme on écoute un album de brutal death classique, en disant à la fin : « J’ai pris une grosse branlée, c’était monstrueusement violent, mais je serais incapable de te dire quel titre j’ai retenu et ce que j’en ai gardé, ni mon morceau préféré. » Nous écrivons vraiment des « chansons », dans Benighted. Ce sont des titres qui ont une identité à part entière et qui sont censés se suffire à eux-mêmes. Ils font partie d’un ensemble, mais ils sont capables de défendre un album avec leur propre identité.

Emmanuel : Ça rejoint ce que je disais quand je parlais de meublage, comme quoi toutes les chansons avaient une identité propre à elles. Ce fait d’ajouter des éléments schizophrènes, comme des parties de jazz en plein milieu, ça donne des identités propres aux chansons. On sait directement à quoi on a affaire, à quelle chanson… C’est vachement plus mémorisable.

« Quand j’écris les paroles, j’ai vraiment le film de mon histoire dans la tête. Je les écris vraiment comme des scénarios. »

Discutez-vous tous les deux de ton boulot, Julien, qui sert beaucoup de base aux concepts de Benighted, pour que toi, Emmanuel, tu t’en imprègnes et retranscrives cette folie dans la musique ?

Absolument pas ! [Rires] Nous en discutons genre : « Juju, raconte-moi des anecdotes ! Il s’est passé quoi avec les fous, au boulot ? » Mais par rapport au concept, non. En général – enfin tout le temps ! – je continue à composer de mon côté, et le concept vient après, ou avant… Vraiment, nous ne nous mettons pas d’accord dessus. En général, nous nous rejoignons chez moi, comme je disais, pour mettre en commun nos idées ou retravailler des compos. Mais non, nous n’en parlons pas, désolé ! [Rires]

Julien : En fait, c’est le contraire qui se passe. C’est quand Manu a écrit un morceau que le morceau me parle, dans le sens où je me dis que ça pourrait être telle partie de l’histoire que j’ai écrite, parce que ce morceau me renvoie ça. C’est plutôt dans l’autre sens.

Emmanuel : C’est plutôt l’instrumental qui aide à écrire, et pas le sujet qui aide à écrire la musique.

Vous avez de nouveau des invités sur l’album : Sebastian Grihm (Cytotoxin) et Karsten Jäger (Disbelief) qui sont des amis du groupe, en revanche la présence de Jamey Jasta est peut-être plus surprenante. Comment s’est faite la rencontre ?

Julien : Rencontre, il n’y a pas eu. Jamey, je l’ai croisé une fois sur un festival, j’avais dû lui demander une photo, et c’était tout… Par contre, dans le groupe, nous sommes plusieurs gros fans d’Hatebreed, depuis le commencement de leur groupe, moi entre autres, et j’adore la voix de Jamey Jasta. Comme Obscene Repressed prenait une orientation avec une patte hardcore beaucoup plus marquée, je me suis dit que ça serait absolument énorme d’avoir un putain de chanteur de hardcore sur un morceau, en l’occurrence « Implore The Negative », qui s’y prêtait beaucoup. J’avais eu vent, il y a un ou deux ans, que Jamey Jasta avait parlé de Benighted dans un de ses podcasts, et qu’il avait diffusé un de nos clips, ou quelque chose… Donc je me suis dit qu’il devait bien nous aimer ! Donc j’ai tenté ma chance en écrivant à Nuclear Blast, en leur disant : « C’est Julien, de Benighted. On aimerait beaucoup inviter Jamey en guest sur le nouvel album. Sauf que je n’ai aucun moyen de le joindre. Est-ce que vous pouvez lui faire suivre mon mail ? » Et le gars de Nuclear Blast, qui s’appelle Markus, adore Benighted, et il m’a dit : « Putain, ça serait génial, cette collaboration ! Par contre, Jamey est une des personnes les plus occupées que je connaisse, donc il se peut qu’il ne réponde pas ! » Je me doutais bien qu’il devait avoir un sacré planning ! Du coup, il m’a dit : « Mais je lui envoie, j’adorerais que ça se fasse ! » Et puis quinze jours plus tard, j’ai reçu dans ma boîte mail un mail de Markus qui me disait : « Bon, bah Jamey est OK, donc Julien, voilà Jamey ; Jamey, voilà Julien. Je vous laisse vous débrouiller tous les deux pour ce guest ! » Il m’a demandé de lui envoyer le morceau instrumental pour commencer, ce que j’ai fait. Ensuite, je lui ai envoyé le morceau avec toutes les voix que je pensais dessus. Et il a trouvé ça génial, il m’a dit : « Je vois avec mon ingé son, j’enregistre ça, et dans trois semaines, je t’envoie les pistes ! » Et voilà comment ça s’est fait.

Comme quoi, y aller au culot, ça marche !

Ouais ! Nous avons eu de la « chance », dans le sens où Jamey est vraiment un passionné de la musique. Je m’attendais aussi, avec quelqu’un de sa notoriété, qu’il y ait une facture à la fin, une addition pour sa participation ! Et en fait pas du tout ! Il m’a juste dit : « Tu peux juste filer cent cinquante balles à mon ingé son, parce que ça va lui prendre du temps, c’est du boulot. » Donc il m’a filé son mail, son PayPal, donc j’ai réglé son ingé son. Mais lui, à aucun moment il n’a voulu que nous le payons, il était vraiment content de participer à notre album, preuve qu’il aime beaucoup ce que nous faisons. C’est pour ça que si j’entends des choses sur Jamey Jasta, je défendrai toujours le truc en disant que c’est vraiment un grand passionné de la musique, il a vraiment une démarche authentique quand il aime ce qu’il entend et quand il aime la musique qu’il fait.

Et dans les cas de Sebastian et Karsten, comment avez-vous eu l’idée de les impliquer sur ces morceaux spécifiquement ?

Sebastian, ou Grimo, car c’est son surnom, nous avons fait la tournée avec Aborted, Hell Over Europe Tour, il y a deux ans, et nous sommes devenus très proches super vite. J’avais aussi chanté sur l’album Gammageddon de Cytotoxin, des années en arrière. Et vu le mois de tournée que nous avons passé ensemble, c’était parfaitement logique de l’inviter sur le nouvel album, parce que nous aimons inviter des frangins, des gens avec qui nous partageons une affinité, une passion pour la musique, des tournées, des choses comme ça. Pour le morceau « The Starving Beast », vu qu’il fallait un enchaînement de grosses voix qui se répondent, c’était parfait. Pour Jäger ça s’est fait un peu plus au dernier moment, dans le sens où quand j’ai commencé à essayer de faire le refrain de ce magnifique titre qui s’appelle « Mom, I Love You The Wrong Way », je me suis surpris à essayer de tirer ma voix dans des sons à la Obituary, ou à la Disbelief, des trucs avec des voix très arrachées. Et du coup, je me suis dit : « Au lieu de me faire chier à les faire alors que ce n’est pas mon timbre, je vais directement demander à l’expert ! » Du coup, j’ai envoyé un message à Jäger, qui m’a dit : « Oui, avec plaisir, carrément, on fait ça ! En plus, nous avons le nouveau Disbelief qui sort, j’aimerais bien que tu sois dessus. » Donc j’ai dit : « Bah allez, on y va ! » Ça faisait un peu comme si on s’échangeait un dîner, genre : « La prochaine fois, c’est chez moi ! » [Rires]. Du coup, c’est juste parfait parce qu’il a vraiment le timbre que je voulais pour ce morceau, donc c’est super cool de l’avoir pour la deuxième fois sur un album de Benighted.

« Je transpose ce qu’il se passe dans Benighted à mes patients à l’hôpital où je travaille, et ça les aide beaucoup dans leur difficulté à travailler sur les choses que la psychose abîme. »

Vous restez fidèle au producteur Kristian Kohlmannslehner. C’est un producteur un peu touche-à-tout, quand on voit la liste des groupes avec qui il a travaillé, que ce soit Powerwolf ou Crematory, des groupes qui n’ont rien à voir avec Benighted. C’est ça qui en fait un producteur intéressant pour Benighted justement ?

Emmanuel : En toute honnêteté, oui. Parce que c’est quelqu’un qui n’est pas fondamentalement à fond dans le death metal ou le metal extrême. Comme tu viens de le souligner, il travaille dans beaucoup de styles de metal différents, du hardcore, du power, du heavy, des trucs pop aussi. Ce qui lui donne un très bon regard extérieur par rapport au groupe. Il ne juge pas notre musique en tant que fan de metal extrême pur et dur, mais en tant qu’auditeur plus ou moins lambda, ce qui l’amène à nous donner des conseils sur la manière de tourner les morceaux pour qu’ils soient le plus efficaces possible. Par exemple, de manière à ce que – chose qui serait plutôt rare [petits rires] – si un fan de heavy ou un fan de hardcore écoute du Benighted, il puisse retrouver une efficacité qu’il entendrait dans ses groupes préférés.

Julien : Disons que Kohle, vu qu’il a une culture beaucoup plus mainstream que la nôtre, il arrive à nous donner des idées de choses hyper-accrocheuses dans une notion plus générale, à laquelle nous ne penserions pas en tant que musiciens de metal extrême. Il a des idées, pour les refrains notamment, pour rendre les choses encore plus accrocheuses, des idées de break qu’il amène, pour nous aider dans la direction que nous voulons, c’est-à-dire vraiment faire des chansons de metal extrême.

Obscene Repressed est de nouveau un concept inspiré par ton métier d’infirmier en psychiatrie, et plus particulièrement un patient qui a une fente palatine, sur fond de complexe d’Œdipe notamment… Peux-tu nous en parler ?

C’est un thème qui m’a été inspiré par un patient dont je me suis occupé il y a une bonne dizaine d’années, qui avait justement une fente palatine pas opérée, et qui délirait sur le fait que le trou qu’il avait dans le palais faisait entrer la fumée de ses cigarettes directement dans son cerveau, lui donnait des ordres et des choses comme ça. J’ai juste mélangé l’histoire de ce garçon avec des complexes d’Œdipe que pourrait avoir un enfant avec un père maltraitant et une mère ambivalente et discordante comme peuvent l’être beaucoup les mamans de schizophrènes. En mixant tout ça, je suis justement arrivé à l’histoire de Michael, le garçon de l’album, qui va développer un délire paranoïde sur son père, en pensant que c’est son père qui l’a fait comme ça volontairement, parce qu’il voulait garder Maman pour lui, et comme ça, vu qu’il est très laid et que Maman l’oblige à porter des bandes sur le visage à la maison, elle ne pourra jamais être « amoureuse » de lui comme il le voudrait. Ça se termine quand il trouve une façon détournée et torturée de retourner en partie dans Maman, en volant le rasoir de Papa, symboliquement, en se découpant sa protubérance qu’il a sur le visage, et en la mélangeant à la nourriture de la famille le soir, pour que Maman le mange, sans vraiment savoir ce qu’elle mange. C’est-à-dire qu’elle mange la partie la plus dégoûtante de lui pour elle, sans le savoir. C’est sa victoire à lui. Vous le verrez demain dans le clip, c’est extrêmement charmant et romantique ! C’est une histoire d’amour, comme d’habitude ! [Rires] L’amour fait faire de ces choses !

La dernière fois, on parlait de ta démarche qui se rapproche beaucoup de celle du cinéma d’horreur, et cette nouvelle histoire pour Obscene Repressed en est encore un très bon exemple, c’est très cinématographique. Mais justement, est-ce que vous essayez explicitement de donner une dimension visuelle à votre musique, de manière à ce qu’elle crée des images dans l’esprit des gens ?

Emmanuel : Comme nous le disions tout à l’heure, nous ne nous concertons pas sur les sujets, mais forcément, quand j’écris certaines parties, étant un grand fan de cinéma d’horreur, il y a certains riffs qui peuvent m’évoquer quelques films que je peux avoir en tête. Mais je pense que les images sont beaucoup plus liées aux paroles que la musique.

Julien : Par contre, quand j’écris les paroles, j’ai vraiment le film de mon histoire dans la tête. Je les écris vraiment comme des scénarios. Pour te dire, demain, notre clip va sortir aux États-Unis. Il va être en avant-première sur le site de Dread Central, qui est le plus gros magazine de films d’horreur aux U.S. L’imagerie du groupe commence à attirer pas mal les fans de films d’horreur et les médias de films d’horreur, parce que depuis deux albums, nous faisons vraiment des clips très léchés en termes d’esthétique, d’horreur, etc. C’est quelque chose qui commence à être repéré, donc nous allons voir si ce n’est pas quelque chose que nous pouvons développer après, en faisant vraiment une histoire plus longue, en termes de visuels, que raccourcie à trois minutes trente de clip, pour voir où ça nous mène. Parce que le visuel est très important dans Benighted, parce que le concept psychiatrique va de pair avec l’identité musicale, de toute façon.

Justement, Julien, la dernière fois, on avait discuté du fait de savoir si tu avais fait des démarches pour être par exemple scénariste pour un film, ou pour développer l’histoire via des trilogies de vidéos, etc. Est-ce que vous avez déjà pensé à collaborer avec un réalisateur pour carrément mettre en image tout l’album ?

C’est quelque chose que j’adorerais. Je n’ai pas les contacts pour, mais ça peut commencer à se faire justement, car si nous commençons à intéresser ce milieu-là, j’espère avoir les contacts pour le faire un jour. Ce serait super. Même un court métrage de vingt ou trente minutes, avec trois morceaux à nous dedans et l’histoire du concept toute retracée, ça serait vraiment un super projet, pour moi.

« Les patients dont je m’occupe, souvent, dans leur famille ils ont l’identité du malade, ils sortent dans la rue, ils ont l’identité du malade, ils arrivent à l’hôpital, ils ont l’identité du malade… Ça leur fait aussi du bien de se dire qu’ils peuvent être guitaristes ou chanteurs dans un projet. Au niveau du narcissisme, ça leur apporte beaucoup. »

Julien, tu utilises ton métier comme source d’inspiration pour la musique de Benighted, mais est-ce que tu utilises parfois la musique pour aider tes patients ?

Oui, bien sûr, tout le temps. J’ai une médiation qui tourne autour de la musique dans l’hôpital psy où je bosse, et tous les mercredis matin, je fais de la musique avec les patients. Nous écrivons des paroles, nous jouons de la musique ensemble, nous n’avons pas les qualités de compositeur qui peuvent nous permettre d’écrire nos propres morceaux, donc nous reprenons des trucs de variétés ou de rock, et nous nous réapproprions les textes en les écrivant au groupe d’écriture avec les patients. Nous avons déjà sorti trois albums, pour nous, en allant en studio d’enregistrement pro où j’emmène les patients. C’est une belle aventure à chaque fois, c’est absolument génial ce que ça leur fait vivre. Et là, nous sommes justement au bout du travail de composition qui va nous amener à nouveau en studio. Nous y allons le 2 avril avec les patients, pour enregistrer cinq titres sur lesquels nous travaillons depuis un peu plus d’un an maintenant.

Emmanuel : Je peux témoigner là-dessus, j’ai été amené à enregistrer du Laurent Voulzy pour Julien. Entre autres.

Julien : [Rires] Oui, parce que Manu me file un coup de main pour la musique, pour que nous puissions arriver en studio de façon le plus confortable possible. Donc oui, c’est vrai que je demande beaucoup à mes contacts dans le metal de me filer des coups de main, des infographistes, des choses comme ça, quand nous avons nos morceaux, parce qu’il faut une pochette d’album. C’est vraiment le même boulot que dans Benighted, c’est-à-dire que je sollicite les mêmes personnes, sauf que je transpose ce qu’il se passe dans Benighted à mes patients à l’hôpital où je travaille, et ça les aide beaucoup dans leur difficulté à travailler sur les choses que la psychose abîme.

Il y a donc un vrai pouvoir thérapeutique de la musique.

C’est avéré. Bien sûr. Au-delà de la fonction cathartique de créer de la musique, il y a aussi la façon dont ça peut te renarcissiciser en termes de personne. Les patients dont je m’occupe, souvent, dans leur famille ils ont l’identité du malade, ils sortent dans la rue, ils ont l’identité du malade, ils arrivent à l’hôpital, ils ont l’identité du malade… Ça leur fait aussi du bien de se dire qu’ils peuvent être guitariste ou chanteur dans un projet. Au niveau du narcissisme, ça leur apporte beaucoup. Après, grâce au fait de travailler ensemble en répétition, nous bossons sur toutes les choses que la psychose abîme, c’est-à-dire la concentration, l’imaginaire, ça aide aussi à gérer l’angoisse car le fait de focaliser sur un travail à faire, ça met toutes les idées parasites de côté et donc ça diminue l’angoisse… Il y a beaucoup de choses qui se passent juste en ayant l’investissement d’être dans un projet musical ensemble.

En tant que groupe, est-ce que le fait de composer pour Benighted vous aide avec vos propres névroses – car tout le monde en a – et vos démons ?

Moi, oui, à fond ! [Rires] Et toi, Manu ?

Emmanuel : C’est un gros défouloir. C’est comme les gens qui font des sports de combat. En général, ce sont les gens les moins violents, derrière, car ils se défoulent là-dedans, tout simplement. J’ai l’impression que c’est ce que nous faisons, mais version musique.

Julien : C’est la même chose pour moi. Comme tout un chacun, j’ai ma propre violence à gérer, j’ai tout un tas de choses à gérer du fait des énergies négatives que nous recevons toute la journée avec des gens qui ne vont pas bien, ou des choses comme ça. La musique et le sport sont mes deux plus belles façons d’évacuer toute cette énergie négative au lieu de la ronger et de me faire du mal avec, ou des choses comme ça. La faire sortir, c’est vraiment la fonction cathartique de la musique et du sport en général. On transforme l’énergie négative en quelque chose de constructif et d’épanouissant, et qu’en plus, on partage avec les autres. Comme disait Manu, j’ai fait du rugby quasiment toute ma vie et les rugbymen sont les personnes les plus posées, les plus accueillantes que j’ai jamais vues, alors que de l’extérieur, ce sont des gens qui feraient peur. Le public metal, c’est la même chose. La violence est dans la musique, elle répond à certains codes, et il n’y en a pas besoin en dehors car elle est déjà dans la musique, ou au rugby, elle est déjà sur le terrain.

Tu parles de la musique que tu fais avec tes patients, mais est-ce qu’ils connaissent la musique que tu fais avec Benighted et les thématiques que tu y traites ?

Oui, bien sûr. Ça les fait beaucoup rire, d’ailleurs ! Ils me demandent régulièrement : « Vous partez quand en tournée, Julien ? » Ils me demandent des nouvelles de mes concerts quand je rentre le week-end… Ça participe beaucoup à la confiance que j’ai avec les patients. Je leur parle de mes concerts, de comment ça se passe… C’est aussi arrivé que j’aie des patients qui me disent : « Julien, j’ai vu votre clip, euh… » Une fois, il y en a un qui m’a fait rire, parce qu’il est arrivé le lundi matin à l’hôpital, il arrivait de chez lui, et il m’a dit : « Dites donc, j’ai vu votre clip, votre truc sur le don d’organes, il est sympa ! » [Rires]. Bien sûr, j’ai éclaté de rire ! Et les patients me disent : « Mais vous êtes complètement fou pour faire cette musique ! » Et je leur dis : « Mais qu’est-ce que vous croyez ? » Donc c’est génial de pouvoir démystifier tout ça. C’est pareil, quand les patients me voient arriver physiquement avec mon crâne rasé, mes tatouages, mon look de psychopathe, de skinhead, ou ce que tu veux… C’est évident que la première image qu’ils ont, c’est celle de quelqu’un qui n’est pas rassurant. Et le fait d’être qui je suis humainement, et la façon dont j’aborde les patients, ça démystifie tout ça, et ils entrent encore plus facilement en confiance avec moi grâce à ça, mon physique atypique qui normalement devrait faire peur à la personne lambda, mais qui fait qu’en fait, ils se disent : « En fait, Julien, c’est hyper-facile de parler avec lui, il est hyper-entourant, précautionneux… » Ça me sert beaucoup, toute cette imagerie, toute cette identité dans mon travail, à aider les patients du mieux que je peux… Ça m’aide beaucoup.

« Les patients me disent : ‘Mais vous êtes complètement fou pour faire cette musique !’ Et je leur dis : ‘Mais qu’est-ce que vous croyez ?’ Donc c’est génial de pouvoir démystifier tout ça. »

D’un autre côté, par rapport à une personne lambda, les thématiques que tu traites peuvent les toucher plus directement. Comment est-ce qu’ils le prennent ? Ils n’ont pas ce côté détaché que nous pouvons avoir…

Bien sûr. Ce qu’il y a, c’est qu’il y a toujours ce risque qu’un patient me dise un jour : « En fait, vous nous utilisez pour vos histoires. » Alors bien sûr, je ne calque jamais complètement l’histoire de quelqu’un à un concept de Benighted, ça ne serait pas professionnel. Par contre, quand les patients me demandent : « Mais en fait, c’est quoi votre message, dans Benighted ? » Je leur dis que le message, c’est que les gens qui souffrent de pathologies comme eux souffrent tout le temps, qu’ils ont des vies très difficiles, que la société a très envie de les montrer comme des gens dangereux pour les autres, qu’il faut enfermer, et ainsi de suite. Et je leur dis que dans tous les albums de Benighted, il n’y a jamais une seule histoire de patient qui fait mal à quelqu’un d’autre qu’à lui-même. Les gens qui souffrent de schizophrénie sont avant tout dangereux pour eux-mêmes.

Tes patients arrivent donc à avoir suffisamment de recul.

Oui, parce qu’ils sont relativement équilibrés au moment où nous en parlons, et parce qu’ils me font confiance aussi. Sans la confiance, ils pourraient très bien délirer sur ma gueule, aller voir et revoir mes clips, et arriver en pensant que c’est un clip qui parle d’eux, que je leur veux du mal, et des choses comme ça. Mais ce n’est jamais arrivé en vingt ans de carrière.

Cette année marque les vingt ans de votre premier album et, Julien, tu es évidemment le seul rescapé de cette époque. Comment vois-tu le parcours du groupe durant tout ce temps ?

Je suis super fier de tout ce que nous avons fait au fil des années. C’est vrai qu’il y a beaucoup de monde qui a transité par le groupe, qui a apporté sa patte, son expérience, sa passion. J’utilise beaucoup cette image, mais je suis passé d’une aventure avec des copains de lycée à répéter dans le garage de mon père, pour finir qu’en jouant une musique qui se veut anti-commerciale, brutale, et tout, nous allons jouer à l’Olympia au mois d’avril ! [Rires] C’est con, mais pour moi, c’est un bel accomplissement. Jamais je n’aurais imaginé que ça prenne une telle ampleur, mais je suis content de voir que les fans sont toujours là et nous soutiennent de plus en plus au fil des albums que nous faisons, parce que nous restons fidèles à ce que nous avons toujours été. Je ne regrette aucune époque, même si musicalement, nous avons évolué, à l’époque c’était ce qui nous correspondait. Je suis fier de toutes les époques traversées avec Benighted, et je pense que nous en avons encore beaucoup de belles à vivre, d’ailleurs.

Quels sont tes souvenirs de vos débuts et de ce premier album ?

À l’époque, nous nous étions inspirés de Carmina Burana pour écrire un morceau sur le premier album, et mon père, qui bossait dehors, a entendu le morceau, il est venu nous voir, et il nous a dit : « Hé mais ça, j’aime bien ! » [Rires]. Il a dit : « Si vous voulez enregistrer votre premier album, si vous avez besoin de fonds, je veux bien vous filer de l’argent ! » C’est parti comme ça. Mon père nous a donné un gros coup de main, sachant que nous répétions chez lui, donc tous les samedis, il avait une dizaine de metalleux avec des packs de Kronenbourg et des trucs comme ça, qui débarquait ! [Rires] Nous répétions tout l’après-midi, ça finissait en barbecue géant le soir… Auquel mon père participait ! Il adorait ça, c’était une époque qu’il adorait aussi. J’ai surtout ça en image, c’est vraiment la bande de copains qui se réunit tous les samedis pour répéter, et qui part en studio, ce qui à l’époque me paraissait être une aventure extraordinaire, et hyper-rare ! Nous nous disions : « Ça y est, on franchit un cap monstrueux, on va en studio ! » Je me rappelle de l’émotion à l’époque, qui était énorme. C’est pour ça que je ne regrette rien, parce que même si maintenant, quand je réécoute le premier album, je me dis : « Oh là là, mon Dieu, c’était pas carré ! » [Rires], je ne regrette pas du tout ! Parce qu’à l’époque, nous l’avions fait avec nos tripes, avec les moyens que nous avions, et nous en étions super fiers.

Quelle était l’ambition du groupe à ce moment-là ?

C’était de faire des concerts. Nous ne voulions que ça, faire des concerts. Quand nous avons commencé à sortir un peu du département, nous nous disions déjà que nous avions de la chance de pouvoir trouver des plans à droite à gauche. Il n’y avait pas autant de facilité, de contact et de communication, parce qu’il n’y avait pas Internet, à l’époque. Nous avons vraiment fait ça à grands coups de courriers envoyés à des associations, des organismes, des radios… Nous nous sommes faits comme ça. J’ai arrêté de compter le nombre de courriers, de CD que j’ai envoyés à droite à gauche pour arriver à nous développer. Ça me prenait une énergie et un temps phénoménaux ! Et à l’époque, c’est pareil, je n’avais pas d’ordinateur, donc tous les courriers, je les écrivais à la main et j’y passais des heures ! [Rires] Je me rappelle bien ! Ce n’était pas aussi simple que maintenant, où tu envoies sur la page Facebook d’une orga le lien de ta vidéo, en disant : « Mettez un like et faites-nous jouer ! » Ça demandait un poil plus d’énergie !

« C’était vraiment la bande de copains qui se réunit tous les samedis pour répéter, et qui part en studio, ce qui à l’époque me paraissait être une aventure extraordinaire, et hyper-rare ! Nous nous disions : ‘Ça y est, on franchit un cap monstrueux, on va en studio !’ Je me rappelle de l’émotion à l’époque, qui était énorme. »

Est-ce que vous allez célébrer ces vingt ans, ressortir quelques morceaux que vous n’avez pas joués depuis longtemps de ce premier album ?

Je ne pense pas. Pour l’instant, nous sommes tellement occupés avec la promotion du nouvel album que nous n’avons pas du tout ça à l’esprit. Nous manquons de temps, en fait. Vu que nous avons tous nos métiers à côté, nous sommes vraiment focalisés sur la promo de l’album, c’est très chronophage, et nous n’avons vraiment pas le temps d’imaginer faire quelque chose comme ça.

Vous n’êtes donc pas forcément dans la célébration comme beaucoup de groupes aujourd’hui ? Parce qu’aujourd’hui, c’est vraiment devenu le grand business chez les groupes ! Tous les ans, il y a des tournées anniversaires.

C’est facile, tu ne sors rien de nouveau et tu jongles… Nous pouvons te faire une tournée des quinze ans d’Identisick l’année prochaine, si tu veux ! Ça évite de sortir un nouveau truc et permet de prétendre qu’il y a de la nouveauté ! Nous préférons faire la promotion pour notre nouvel album, et si un jour nous nous trouvons l’excuse de célébrer les vingt ans d’un album parce que nous n’avons rien sorti d’autre, nous le ferons peut-être, je n’en sais rien. Mais ce qui est sûr, c’est que comme tu le dis, c’est un bel outil commercial quand même.

Vous allez bientôt partir sur le Warm-Up Hellfest qui ira jusqu’au Japon… Comment est-ce que vous vous sentez par rapport à ça ?

Emmanuel : Nous avons super hâte, mais là, nous commençons à être inquiets, avec le coronavirus ! Donc on se demande si ça ne va pas être annulé !

Julien : Exactement ! [Rires] (La partie française de la tournée a effectivement été annulée depuis, NDLR)

Emmanuel : Non, par contre, nous avons super hâte. Ça serait la première fois que nous jouerions au Japon. Mais au-delà du Japon, la tournée française risque d’être quelque chose de vraiment cool, dans des super conditions. C’est organisé par le Hellfest, donc tu t’imagines que c’est très carré ! Comme Juju le disait, nous aurons droit à un Olympia, ce qui est assez inédit pour un groupe de metal extrême. C’est vraiment que de l’impatience, nous comptons les jours.

Par rapport au Japon, vous savez un peu le public que vous avez là-bas ?

Julien : Pas du tout. Je ne suis pas du tout en mesure de l’évaluer. Je sais que nous avons des fans au Japon, parce que nous recevons des messages de fans japonais. Mais je ne sais pas du tout quelle masse de population ça représente. Par contre, ce qui est sûr, c’est que comme l’affiche du Hellfest Warm-Up Tour au Japon est énorme, parce qu’il y a des groupes qui se rajoutent tels que Marduk, Pentagram ou Envy, nous allons toucher en deux concerts plusieurs milliers de personnes. C’est une super opportunité pour nous faire découvrir là-bas, et leur montrer ce que nous, Benighted, pouvons faire sur scène.

Emmanuel, tu parlais du coronavirus, mais c’est quand même un sujet sérieux…

Emmanuel : C’est inquiétant, parce que ça entre dans une période assez charnière pour nous. Ça serait assez dramatique pour la promotion de l’album si jamais c’était amené à vraiment niquer tous nos plans. Mais pour l’instant, nous faisons avec, ce n’est toujours pas annulé, nous gardons espoir.

Vous en discutez avec les gars du Warm-Up Hellfest pour tâter le terrain et voir comment eux sentent ça ?

Julien : Nous sommes dans la même position qu’eux, c’est-à-dire que nous sommes dans l’attente. C’est quelque chose qui peut passer en quinze jours comme ça peut passer en deux mois. Donc nous ne savons pas du tout. Nous espérons juste que ça sera comme la grippe classique, c’est-à-dire que dans quinze jours, on n’en entendra plus parler, qu’on lèvera toutes ces mesures de protection où on annule concert après concert, événement après événement… Nous pouvons juste croiser les doigts et attendre. Nous sommes impuissants.

Interview réalisée par téléphone le 8 mars 2020 par Nicolas Gricourt.
Retranscription : Robin Collas.
Photos : Anthony Dubois.

Site officiel de Benighted : www.benighted.fr.

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  • Désolation dit :

    Bien dommage que leur premier batteur Fred « Fight »( décédé en septembre 2019) , pourtant membre plus que fondateur du groupe et présent sur les 4 premiers albums, ne soit pas évoqué une seule seconde…c’est bien triste d’oublier …

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