

Radio Metal : Petit retour en 2002, pour commencer. J’ai entendu dire que l’une des causes du split de MR. BIG concernait des relations tendues entre toi et les autres membres du groupe. Peux-tu confirmer ou infirmer ces rumeurs et nous donner des détails sur ce qui s’est passé à l’époque ?
Billy Sheehan : Il y a bien eu des tensions, mais c’était entre le management et le groupe, pas entre les autres et moi. Je m’entends bien avec tout le monde. J’ai effectivement eu quelques difficultés avec Eric, mais nous sommes amis malgré tout. Il était tout simplement temps de s’arrêter.
Paul Gilbert fait une apparition sur ton dernier album solo, Holy Cow. Etait-ce le point de départ de la reformation de MR. BIG’s ?Oui, effectivement. J’ai travaillé avec Paul et nous avons passé de très bons moments. Il m’a ensuite invité à l’un de ses concerts, et j’ai eu l’occasion de jammer. Pat Torpey était là, lui aussi. Nous avons joué plusieurs chansons de MR. BIG à la House of Blues de Los Angeles, et le public est devenu dingue. C’est là que nous avons réalisé que tout ce qui nous manquait, c’était Eric ! Nous avons commencé par lui envoyer quelques mails, puis avons engagé la conversation. Nous nous sommes retrouvés autour d’une table et avons décidé de remonter sur scène ensemble.
Pat Torpey a récemment joué avec Richie Kotzen. Avez-vous pensé à embarquer Richie dans cette reformation ?Pourquoi aurait-on fait ça ?
Pourquoi pas ? Il fait partie de l’histoire du groupe…Comment ça, pourquoi pas ? A-t-on déjà vu MR. BIG jouer avec deux guitaristes ? Vous ne voulez pas non plus une section cuivres et un pianiste ? Richie est un ami, c’est un type formidable et nous l’adorons, mais nous sommes toujours stupéfaits d’entendre les gens suggérer de prendre deux guitaristes. C’est dingue, je ne comprends même pas d’où vient une telle idée.
Dans le communiqué de presse envoyé par Frontiers Records, il est indiqué que l’une des raisons de la reformation de MR. BIG est l’insistance des fans. Les fans ont-ils souvent une telle influence sur les décisions d’un groupe ou d’un musicien ?Pas toujours, mais ça arrive ! Pendant des années, nous avons tous reçu des courriers de fans, ou vu des gens nous aborder après un concert pour nous parler de MR. BIG. Juste avant la reformation, c’était de plus en plus flagrant. Un nombre incalculable de fans souhaitait cette réunion. Nous aimons faire plaisir aux gens, c’est très agréable de voir des visages souriants et d’entendre les gens chanter. Ils viennent nous voir après le concert pour nous dire qu’ils ont passé un super moment. C’est l’une des choses les plus agréables lorsqu’on est dans un groupe : les gens apprécient ce que vous faites et vous les rendez heureux. Certains fans ont connu de graves problèmes dans leur vie, et ils nous écrivent pour nous dire qu’écouter MR. BIG les a beaucoup aidés à les surmonter. Ça m’arrive aussi : dans les moments difficiles, écouter un certain album ou un certain type de musique m’aide énormément. Le fait que nous puissions rendre les fans heureux est extraordinaire. Leurs remarques ont eu une certaine influence sur nous. Nous voulons simplement qu’ils soient heureux et apprécient ce que nous faisons, donc ça a beaucoup joué.


Oui, c’était un peu comme si rien ne s’était jamais passé ! C’était très étrange. Nous nous sommes retrouvés et tous les points négatifs ont disparu. Il n’y a eu aucune dispute, personne n’a élevé la voix… Nous avons tous évolué en tant qu’individus. D’une certaine façon, je suis ravi que nous nous soyons séparés pour mieux nous retrouver. Je ne suis pas sûr que les choses se soient passées de la sorte si nous étions restés ensemble. Je suis content que nous ayons suivi des chemins différents et que nous ayons pris le temps de mûrir. Le style de Paul s’est incroyablement amélioré. Le groove de Pat était déjà extraordinaire à la base, mais là, il a atteint des sommets ! La voix d’Eric a également beaucoup évolué. C’est très rafraîchissant et très agréable à vivre. C’est un peu comme si nous repartions de zéro, c’est vraiment fantastique.
MR. BIG a sorti plus d’albums live que d’albums studio. Cela veut-il dire que tu considères principalement MR. BIG comme un groupe de scène ?Tout à fait. Quand j’ai fondé MR. BIG, le but était de créer un groupe capable de jouer et de chanter pour de vrai. A l’époque, beaucoup de groupes faisaient semblant, mettaient en marche un paquet de samples et des ch?urs bidon… Je voulais être plus proche de groupes comme HUMBLE PIE, SPOOKY TOOTH et BAD COMPANY, qui chantaient et jouaient vraiment. En studio, on peut faire n’importe quoi. De nos jours, on peut vraiment faire chanter n’importe qui. Même KANYE WEST (ndlr : KANYE WEST est un rappeur et producteur de hip-hop) chante en studio, alors qu’il ne serait pas capable de tenir une note sur scène. Ce type n’a aucun talent ! Mais avec les correcteurs de justesse, même lui peut donner l’impression de chanter. Grâce à la technologie, la plupart des musiques qu’on entend à la radio est complètement artificielle. Nous, on aime jouer et chanter. Les techniciens et les ingénieurs du son nous demandent toujours quel type de sampler nous utilisons, mais nous n’en avons pas ! On ne fait que jouer et chanter. C’est une chose qu’ils aiment bien entendre.
Back To Budokan contient deux nouvelles chansons. Annoncent-elles un nouvel album ?
Je ne sais pas. Il est possible que nous fassions un nouvel album, nous verrons. Nous sommes déjà occupés pour un bon bout de temps, mais comme nous écrivons tous beaucoup, l’album pourra être prêt très vite si l’occasion s’y prête et que nous trouvons le temps nécessaire. Nous sommes devenus de bien meilleurs compositeurs. Si nous décidions de le faire, ce serait bouclé très rapidement, et tout se ferait comme au bon vieux temps.
Tu as affirmé dans une vidéo éducative que tout ce que tu avais appris en tant que musicien, tu l’avais appris sur scène, en jouant avec un groupe. Avec MR. BIG, tu joues de la basse, tu fais des solos de dingue, tu chantes et tu assures le spectacle. Et avec tout ça, tu nous dis que tu as le temps d’apprendre ! Comment est-ce possible ?Quand vous jouez, les choses viennent toutes seules. Chaque chanson comporte un moment d’improvisation, et chaque chanson est très différente. Lorsque j’ai commencé ma carrière, je jouais tous les soirs de la semaine, parfois trois ou quatre fois par soir. Notre record, c’est vingt-et-un soirs de suite. On déplace notre équipement nous-mêmes, sans roadies, on monte la scène, on joue 21 soirs de suite, on a une journée de repos, et on recommence ! Au début, on jouait tellement qu’on n’avait pas le temps de s’entraîner. En étant sur scène, j’ai développé différentes façons de jouer. Beaucoup de musiciens passent trop de temps à jouer dans leur coin et ne montent jamais sur scène. La faculté de jouer en groupe est quelque chose de spécial, c’est très différent d’une performance chez soi, quand on chante en karaoké. J’encourage tous les musiciens à rejoindre un groupe et à jouer sur scène. Vous découvrirez tout ce que vous avez besoin de savoir, et cela vous donnera une plus grande profondeur.

Pas tellement. Le seul inconvénient, c’est les voyages en eux-mêmes, se rendre d’un endroit à un autre. Mais sur cette tournée, nous avons la chance d’avoir un tour bus extraordinaire. Il est tout neuf, c’est parfait. C’est propre, tranquille, confortable et ça rend la vie beaucoup plus facile. Une fois que je suis dans le bain, je pourrais passer ma vie sur la route, j’y suis habitué. Malgré tout, j’aime quand même être chez moi, et puis mon chat me manque !
Billy Gibbons de ZZ TOP apparaît sur ton album solo, Holy Cow, en tant qu’invité spécial sur une chanson. Je sais que tu es un de ses fans et qu’il a beaucoup influencé certaines de tes techniques, comme l’utilisation d’harmoniques artificielles. Est-il normal pour un bassiste d’être influencé par un guitariste ?Ces techniques peuvent s’appliquer à tout instrument comprenant des frettes et des cordes, comme un violoncelle ou une contrebasse. JACO PASTORIUS, par exemple, a été énormément influencé par les saxophonistes. Il a transcrit de solos de saxophone. Je crois même que « Donna Lee », une chanson de son premier album solo, était tirée d’un solo de saxophone. Lorsqu’un musicien est influencé par des instruments différents du sien, cela conduit toujours à certaines innovations. J’écoute beaucoup de solos de violon et de violoncelle, des pièces pour orchestre, du piano, du saxophone… Je ne me limite pas à la basse. Plus que tout, je suis influencé par les batteurs. Quand je vais voir un groupe, le batteur est toujours la première personne que je regarde. Ça permet d’ajouter un peu de saveur à ce que je fais en tant que bassiste.
On dit souvent que les hommes qui portent la barbe sont les plus gentils – et plus la barbe est longue, plus l’homme est gentil. Toi qui as renconré BILLY GIBBONS, es-tu d’accord ?Si la longueur de la barbe permet de mesurer la gentillesse de quelqu’un, alors BILLY GIBBONS a exactement la barbe qu’il faut ! Sa taille est tout à fait appropriée, parce que c’est l’un des hommes les plus gentils, généreux et extraordinaires que j’ai jamais connus. Depuis le début, c’est l’un de mes héros. Il traînait avec JIMI HENDRIX, quand il était jeune. C’est incroyable qu’il ait accepté de participer à mon petit disque. Aujourd’hui encore, je continue de parler d’un album que ZZ TOP a enregistré il y a quelques années, Rhythmeen. C’est l’un des meilleurs albums jamais produits, un formidable mélange des genres. En plus d’être l’un des plus grands guitaristes du rock encore en vie, BILLY GIBBONS est l’homme le plus généreux que je connaisse. En fait, si sa barbe correspondait vraiment à sa gentillesse, elle traînerait par terre et il ne pourrait pas marcher !
C’est tout ! As-tu quelque chose à ajouter ?La France est un peu comme le Japon, dans le sens où elle permet de garder en vie de la musique qui, sans elle, aurait du mal à survivre. Les Européens en général, et les Français en particulier, soutiennent la musique et les musiciens. C’est dans leur culture ; déjà à l’époque, les musiciens de jazz venaient jouer en France. Ici, ils pouvaient trouver du travail, donner des concerts et gagner leur vie, tandis qu’aux Etats-Unis, on les ignorait. Beaucoup de musiciens ignorés peuvent jouer au Japon. Je connais un bon nombre de bluesmen et de jazzmen qui partent jouer au Japon pendant une semaine au Blue Note, engrangent suffisamment d’argent pour l’année, retournent chez eux en Amérique et cessent de jouer. La France a une grande culture artistique qui reflète les différentes couches de la société. C’est formidable.
Entretien réalisé en Octobre 2009 par phoner
Site Internet MR BIG : www.mrbigsite.com
