
Black Bomb A : Nous sommes à la fin de notre tournée, avec les festivals de cet été qui vont bientôt avoir lieu. Ce soir nous sommes à Lyon pour le Metal Fest. Pour ce qui est de l’actualité de Black Bomb A, nous sommes entrain de préparer notre quatrième album.
Pouvez-vous faire un petit retour sur votre carrière ? Quelle a été l’évolution du groupe depuis Human Bomb ? Les autres albums semblent moins Hardcore…Effectivement, ces albums sont un petit peu plus approfondis dans ces nouvelles choses que nous avions envie de tester. Certains sont plus mélodiques malgré certains morceaux qui demeurent « baston », toujours « rentre dedans ». Ca reste quand même de la musique relativement violente. On ne fait pas de la musette ou de la variété. Je pense que c’est une évolution naturelle des choses. Je crois que Black Bomb A est un groupe qui a voulu sans cesse se renouveler au fur et à mesure des albums sans tourner en rond et faire tout le temps la même chose. Nous avons viré des membres aussi à chaque album (rires).
Pouvez-vous revenir sur ces changements de line-up ?Dés qu’un membre était usé on le jetait et on en prenait un nouveau. Jag a eu le temps de se ressourcer un petit peu ; il est en pleine forme et il est revenu. On sait pas combien de temps ça va tenir… On verra bien (rires) !
Certains membres sont partis, d’autres ont été virés …C’est un peu de tout ça oui. Je crois que c’est la vie de tout groupe au bout de 13, 14 ans… Je pense que chacun choisit un petit peu son chemin et puis c’est vrai que le chemin musical de Black Bomb A ne peut pas convenir à certaines personnes. C’est pourquoi ils partent. C’est une histoire de caractère aussi. C’est comme ça, c’est la vie et je pense que ça arrive dans pas mal d’autres groupes aussi. En tout cas on est toujours là. Aujourd’hui nous sommes cinq. A la base nous étions six et ce n’est pas évident. Plus on est nombreux, plus c’est difficile. Le principal est d’avoir que des gens qui sont à bloc dans ce qu’ils font. Après c’est normal pour certains qu’au bout de dix ans ils aient une lassitude ou ne serait-ce que l’envie de voir autre chose ; voir aussi ce que tu peux être en dehors d’un groupe. C’est vrai que pour certains d’entre nous, on a grandi avec le groupe, on s’est un petit peu battis comme ça. Tu peux avoir un moment où tu peux avoir besoin d’autres trucs sans pour autant dénigrer le groupe.
Si on reprend une de tes phrases, la passion est nécessaire pour tous les membres du groupes et pour continuer…Oui c’est vrai. Malgré les changements de line-up, Black Bomb A a été un groupe sur chaque album et sur chaque tournée où les gens étaient très investis dans ce qu’ils faisaient. Ce n’est pas un groupe qui faisait les choses en se disant « bein tiens c’est ma croûte, je fais ça comme ça ». Non, car dans ce cas là, soit ils sont partis, soit on l’a senti et on a dit « les gars, ça fonctionne pas ». Donc au final je pense que c’est un groupe qui reste tout le temps hyper motivé et c’est ce qui fait l’énergie qu’il peut y avoir sur disque ou sur scène. Je pense que c’est ce qui est le plus important. Et je pense qu’au bout de plus de 12 ans d’existence tu es une entité. Alors tu peux changer des gens dedans mais elle est là. Elle existe par cette énergie avec les gens qui font partie du groupe. Je pense que c’est ça le principal.
Au bout de tant d’années, est-il difficile de ne pas être lassé avec cependant une évolution à travers vos albums mais toujours la même musique? N’avez-vous pas tous envie d’aller explorer de nouveaux horizons musicaux ?Tu peux avoir des side-projects. Tu peux faire d’autres trucs à côté. Il se trouve qu’à un moment je suis parti du groupe parce que justement je pensais que j’avais besoin de ça et que je n’étais plus à 100% dans le groupe que je respecte trop pour faire les choses à moitié. La vie a fait qu’on m’a reproposé de retravailler et que je me sentais de me réinvestir à 100% dans ce projet. Donc voilà tout va bien. Après il y a d’autres soupapes, certaines personnes le gèrent différemment. Certains ont des side-projects, d’autres iront voir au delà de la musique pour s’épanouir autrement. Tu peux arriver à tout concilier même si ce n’est pas toujours évident. Le principal c’est d’être à fond quand tu le fais.
Votre premier album a connu un énorme succès sur la scène Metal française. Malgré le fait que vous soyez toujours présents, dans les disquaires et sur la scène, avez-vous l’impression que Black Bomb A est passé de mode, à l’instar de groupes appartenant à la Team Nowhere ?Je ne pense pas. Si ça avait été le cas, nous nous serions plantés dans les tournées. Il n’y a pas eu moins de monde à nos concerts et même justement, il y a un nouveau public qui arrive. On pourrait être has-been, mais je ne pense pas que ce soit le cas. Oui effectivement si c’était toujours les même personnes à nos concerts depuis, on serrait un groupe has-been ou peut-être pas à la mode comme tu dis. Ce n’est pas vraiment le cas puisqu’à nos concerts il a des gamins qui ont 15 ans. Je ne pense pas être has-been, après je ne sais pas… Honnêtement je pense que nous nous serions posés des questions s’il y avait moins de monde à nos concerts. Ce n’est pas le cas.
Justement. Black Bomb A est peut-être un groupe intimiste. Les gens écoutent Black Bomb A sans l’afficher sur leurs tee-shirts. On aime Black Bomb A et on ne le montre pas forcément. C’est le groupe de l’intimité. Nous sommes toujours là à vos concerts… Mais est ce de la nostalgie ?Il y a certainement des gens nostalgiques, j’en suis persuadé. Certaines personnes nous demandent encore si le prochain album sera du Human Bomb. Mais après nous ne pouvons pas refaire à chaque fois le même album. Là dans ce cas là, on est has-been. On évolue comme les fans doivent évoluer. C’est peut-être pour ça que nous jouons devant des gens qui n’étaient pas là il y a 10 ans.
Lofofora est en tête d’affiche ce soir. Vous considérez-vous à l’instar de beaucoup de groupes français, comme les fils spirituels de Lofo ?Non, nous ne nous considérons pas comme les fils spirituels de qui que ce soit. Par contre ce qu’on peut dire sur Lofofora c’est que ce sont des gens qui nous ont extrêmement aidés ; que ce soit en nous prenant sur leurs tournées à nos débuts ou même humainement dans ce qu’ils ont pu nous expliquer. Nous ne sommes pas leurs fils dans ce cas là, mais plus des petits cousins, des frangins. Ce sont nos frères, nous avons un immense respect pour eux.
Black Bomb A : « Tu ne peux pas être complètement confiant sur ton groupe. Ce n’est pas possible. Un groupe c’est compliqué, c’est un chemin de vie, une aventure. Justement, un groupe dont tu es trop confiant, trop installé devient, quelque part, un taff de bureau. Je pense que c’est justement cette dose d’incertitude et cette dose de questionnement qui fait que tu évolues, que tu as envie et que tu cherches toujours ».
Nous on fait notre truc et si on fait les deux c’est tant mieux. On ne part pas dans l’optique de se créer un nouveau public ou de faire plaisir aux anciens. Nous c’est pour le fun. On a un petit côté fasciste (rires). On est confiant pour ce soir…
N’est-ce pas difficile d’être confiant quant à l’avenir de son groupe alors que l’industrie du disque est au plu bas ?Evidemment. Mais nous n’avons jamais été confiants. Tu ne peux pas être complètement confiant sur ton groupe. Ce n’est pas possible. Un groupe c’est compliqué, c’est un chemin de vie, une aventure. Justement, un groupe dont tu es trop confiant, trop installé devient, quelque part, un taff de bureau. Je pense que c’est justement cette dose d’incertitude et cette dose de questionnement qui fait que tu évolues, que tu as envie et que tu cherches toujours. On se dit souvent qu’on va atteindre tel but ou tel autre. Mais finalement, une fois que tu l’as atteint, si tu t’arrêtes là, il n’y a plus rien et tu te dis : « ça y est, j’y suis ! » et là tu deviens nostalgique, effectivement. Quand tu es toujours dans une espèce de recherche, tu as ces questionnements qui vont t’amener à creuser donc tu as des choses à dire et c’est ça qui est très important.
Vous possédez de grandes influences Hardcore et Punk. Avez-vous d’autres influences comme le jazz, l’électro par exemple, qui pourraient rajouter la touche de folie qui caractérise parfaitement l’univers de Black Bomb A ?Nous écoutons tout. Bien sûr, on ne tombera pas dans quelque chose d’expérimental à rajouter du jazz ou autre chose. Nous faisons une musique simpliste pas au sens péjoratif du terme. Nous voulons une musique directe et efficace. C’est parfois même complexe d’avoir autant d’influences différentes et d’arriver à faire quelque chose de simple avec parfois seulement 3 riffs mais qui rentrent dedans. On écoute de tout, depuis 12 ans les membres du groupe ont évolué et ne se sont pas cantonnés à écouter seulement du Punk et du Hardcore. Après, il y a cette souche Metal au sens large du terme mais nous écoutons encore plein d’autres trucs : du rap, de l’électro. Je pense qu’apporter des influences comme celles-ci, trop extrêmes, pourraient dénaturer l’identité du groupe. Je pense que ces influences peuvent être digérées en nous sans forcément être retranscrites dans notre musique. Après, en allant très loin, peut-être… C’est fait à la sauce Black Bomb, on digère et on repense l’influence.
Si vous deviez faire une reprise ?Mais on l’a déjà fait… (rires)
Une nouvelle en préparation, je voulais dire …Ho non… On ne sait jamais… C’est une longue histoire les reprises. Nous avons commencé avec une reprise de Bad Religion. Nous en avons même fait une des The Exploited, Alternative il y a très longtemps.
Quelle est votre notoriété en dehors des territoires français ? La Belgique n’est pas très loin. Avez-vous visé un autre public ?On essaye, on y tend. C’est dans les projets de Black Bomb A de s’exporter dans les autres pays étrangers. Ca a été fait depuis le début, mais c’est très dur en tant que groupe français. Très peu y arrivent ; on citera dernièrement Gojira qui est le seul à s’exporter en dehors des frontières, mais c’est très compliqué.
Pensez-vous qu’on groupe comme Gojira ait ouvert les portes pour d’autres groupes français ?Pas forcément. Je pense que ce qui leur arrive, leur arrive à eux. Je ne suis pas de ceux qui pensent que Gojira va ouvrir la voie à d’autres groupes. Ils ont ouvert leur propre porte. C’est très bien, ils le méritent amplement. Ils font un truc de fou et qu’ils en profitent. C’est le talent qui ouvre les portes ; avec parfois les circonstances, des coïncidences, un peu de chance… Et que ce soit sur le marché français ou international. Là où l’histoire de Gojira est intéressante, c’est que même s’ils n’ouvrent pas de porte à d’autres groupes, ça permet de montrer à d’autres pays comme l’Amérique, qu’un groupe venu de France est capable de faire de la musique qui tue. Ca fait du bien en tant que musicien français de se dire qu’ailleurs les gens sauront qu’il n’y a pas que l’accordéon en France. J’ai lu une interview sur Gojira faite par le chanteur de Lamb Of God qui avouait ne pas s’intéresser aux groupes français avant et qui s’est rendu compte en écoutant du Gojira que la scène française était très riche et qu’il y avait beaucoup de groupes de qualité et que personne ne s’y intéressait vraiment. Ca peut alors ouvrir les yeux de certaines personnes, mais pas des portes. Pour revenir à ton autre idée, Black Bomb A est allé jouer en Allemagne, en Autriche, en Italie, en Angleterre avec une distribution en Angleterre, en Allemagne, bientôt au Japon. Donc ça se repend quand même un petit peu tout en restant underground. Les choses se font petit à petit et c’est là qu’on se dit qu’on est pas has-been car des portes s’ouvrent toujours au fur-et-à-mesure. Ca nous file quand même la pêche de savoir qu’à l’étranger on commence à se préoccuper de notre pays. Et même après 12 ans d’existence, des choses se débloquent encore maintenant. On est à fond et on a encore envie de continuer.
On vous verra alors encore dans dix ans…Peut-être avec des cannes. Mais nous sommes heureux de vivre cette aventure à cinq. Scalp est parti depuis maintenant deux mois.
Quelles sont les raisons de son départ ?Il s’est lassé et a eu besoin d’être plus proche de sa famille. On comprend…
Petite question pour terminer. Vous considérez-vous comme un groupe engagé ?C’est personnel à chacun, mais je crois que non. L’écriture n’est pas un moyen de nous engager. Nous ne sommes pas un groupe politisé. Après, prendre le micro est une manière de s’engager même si tu ne dis pas de texte et que tu transpires sur ta guitare, tu t’engages parce que tu prends position dans ce que tu donnes aux gens. Tu renvoies une émotion, quelque chose. Un engagement peut être juste émotif. On se donne beaucoup et c’est notre manière à nous de s’engager. Cela ne veut pas dire que nous n’avons pas nos idées et parfois tu peux retrouver quelques phrases dans nos paroles par-ci par-là mais on ne tombe pas dans un discours mais plus dans l’énergie. Si tu cibles cette énergie dans une politique, elle est perdue.
Entretien réalisé le 31 Mai 2008 à Lyon
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