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Interview   

Blackfoot : Rickey Medlock transmet son héritage


Blackfoot - Photo credit Doug HeslipVoilà une décision qui, au choix, fera grincer des dents, notamment parmi les fans de la première heure, ou au contraire attisera la curiosité. En tout cas, le guitariste-chanteur et maintenant producteur Rickey Medlocke innove et propose quelque chose d’assez inédit dans l’histoire du rock : il a choisi de refonder son emblématique groupe Blackfoot, un des fers de lance du rock sudiste, avec une toute nouvelle équipe de jeune loups et surtout… sans lui ! Enfin, « sans lui », ne pas croire qu’il les jettent négligemment en pâture dans l’arène aux fauves. Au contraire, s’il reste occupé avec son groupe principal Lynyrd Skynyrd, Medlocke s’implique désormais dans Blackfoot en tant que producteur et mentor. Le but ? Faire (sur)vivre la musique et l’héritage de son bébé, pourquoi pas éternellement.

En tout cas, le premier album du restant de la vie de Blackfoot arrive. Intitulé Southern Native, il met clairement les racines du groupe en avant et fait écho au répertoire classique de Blackfoot, avec des musiciens très respectueux de l’histoire et de la musique dont ils héritent mais qui, de part leur jeunesse, lui injecte du sang neuf. C’est pour expliquer en détail toute cette démarche que nous nous sommes entretenus avec Rickey Medlocke, qui partage également avec nous son expérience, mais aussi le nouveau leader de la bande, le guitariste-chanteur Tim Rossi qui ne cache pas son admiration envers son aîné, ni un enthousiasme plein de promesse.

Blackfoot - Photo credit Doug Heslip

« L’une des choses dont je suis le plus fier est qu[e Blackfoot] ait vécu aussi longtemps, que la musique ait vécu aussi longtemps, que l’héritage et la légende aient vécus aussi longtemps, et le fait de transmettre ça à un tout nouveau groupe de mecs. »

Radio Metal : Rickey, tu as décidé de reformer le groupe Blackfoot avec un tout nouveau line-up constitué de jeunes musiciens et en te mettant en retrait. C’est une décision assez inédite dans l’histoire du rock n’ roll. Comment t’es-tu retrouvé à faire ça ?

Rickey Medlocke (production) : C’était en fait une idée qui a été développée avec un de nos partenaires de business ici en Floride, qui est venu voir mon manager et moi, nous demandant si nous serions ouverts à l’idée de faire un tout nouveau Blackfoot avec quatre jeunes gars et sortir quelque chose, car c’était il y a trois générations que le groupe d’origine était populaire et rencontrait du succès. Au départ, je n’étais pas très ouvert à cette idée et puis, lorsque j’ai pu y réfléchir, je me suis dit que le groupe a eu sa popularité il y a si longtemps qu’il y avait probablement toute une génération d’acheteurs d’albums et de rockeurs qui n’avait probablement même jamais entendu parler de Blackfoot, qui ne savait pas qui c’était. Et donc nous avons décidé de le faire, d’essayer. Nous avons réuni les membres du groupe, en commençant par Tim Rossi, le guitariste, et Brian Carpenter, le bassiste. Ces deux gars ont joué pendant des années ensemble. Nous avons démarré avec ces deux gars et nous avons finalement trouvé le batteur, Matt Anastasi, et le dernier à rejoindre le groupe était Rick Krasowski. Donc, en gros, ma stipulation était que je ne le ferais que si je pouvais produire l’album et aider à coécrire certaines chansons ou même avoir certaines chansons de mon catalogue que je n’ai jamais sorties. J’ai donc été de l’avant et monté le projet. Ca a pris plusieurs années à se développer mais enfin, nous avons commencé à enregistrer l’année dernière et nous avons fini juste après le 1er janvier de cette année. L’album est mixé et maintenant le label est en train de le sortir !

D’ailleurs, aucun des gars n’étaient même nés lorsque Blackfoot a été formé…

Je pense que les jeunes musiciens sont en train de se tourner vers le classic rock et ses musiciens, et d’apprendre que nous savons de quoi nous parlons et que nous jouons encore de nos instruments. Tu vois ce que je veux dire ? Je pense qu’ils voient les groupes de classic rock comme un truc authentique. Et une fois que nous serons partis, ça aura disparu à jamais, sauf sur album. Bon, le truc, lorsque nous nous sommes réunis… Ouais, ils n’étaient pas nés, et ça rejoint ce que je te disais juste avant, c’est pourquoi le projet était si important, le fait de le faire avancer et essayer parce que leur génération n’avait même pas entendu parler de Blackfoot et peut-être que même la moitié de la seconde plus vieille génération n’a jamais entendu parler de Blackfoot. La vraie vieille génération qui a grandie avec Blackfoot, ouais. Donc voilà où je veux en venir. Ils sont nés à une époque où personne de leur génération ne connaissait Blackfoot. Donc nous voilà aujourd’hui, avec un tout nouvel album et ces gars ont chopé un super feeling, et ça fonctionne super bien.

A la suite de ta décision de passer le flambeau à un nouveau groupe de musiciens, les membres d’origine Greg T. Walker et Charlie Hargrett ont joué ensemble sous différents noms. N’y avait-il aucun moyen de les impliquer dans ce retour de Blackfoot ?

Voilà le truc : ce n’est pas un retour de Blackfoot parce que je n’y suis pas impliqué en tant que membre à plein temps. C’est comme ce que Foreigner fait aujourd’hui. Mick Jones a un peu fait la même chose avec Foreigner, il sort et apparaît de temps en temps avec le groupe mais c’est un tout nouveau groupe, ce ne sont que de nouveaux membres. Donc ce que je voulais faire, c’était avoir de plus jeunes membres et leur donner le nom, pour plaire à un nouveau public qui n’avait jamais entendu de Blackfoot auparavant. Donc Greg et Charlie s’était déjà approprié un autre projet et si jamais il devait y avoir une reformation du Blackfoot d’origine, Jakson [Spires] devra être en vie, et Jakson est décédé il y a sept ou huit ans maintenant. Donc toute la raison d’être de ce projet est de transporter l’héritage vers l’avenir, maintenir en vie la musique d’autrefois mais aussi apporter de la toute nouvelle musique aux gens qui n’ont peut-être même jamais entendu parler de Blackfoot, et ceci était le seul objectif.

Mais quelle a été la réaction des anciens membres de Blackfoot à cette décision ?

Je n’en suis pas certain parce que nous ne nous sommes pas parlés depuis des années. Mais tu sais, il se trouve qu’ils font leur truc et moi je fais mon truc. Et tu sais quoi ? J’ai toujours souhaité à ces mecs que du bien dans tous ce qu’ils sont partis faire. Tu sais, ils utilisaient le nom Blackfoot, nous avons conclu un accord, car je possède toujours le nom. Donc nous nous sommes mis d’accord et ils sont partis pendant sept ans, ont joué sous ce nom avec Bobby Barth et un autre batteur. Lorsque le contrat est arrivé à expiration, ils ont décidé de ne pas renouveler l’accord et le nom m’est revenu, et c’est là que nous avons commencé à avoir l’idée de faire un tout nouveau line-up, car je ne peux pas être dans le line-up avec le groupe parce que je suis trop occupé avec Lynyrd Skynyrd.

Tim, comment as-tu réagit lorsque Rickey t’as parlé de son projet et t’as demandé de rejoindre le groupe ?

Tim (guitare & chant) : Je trouvais ça super ! Il m’a expliqué l’idée et j’ai complètement compris ce qu’il essayait de faire. Je sais que peut-être certaines personnes ne comprennent pas très bien mais lorsqu’il m’a expliqué, c’était parfaitement logique et j’étais surexcité et honoré ne serait-ce qu’il me demande de m’y impliquer. J’en étais donc très content.

Quelle était ta relation à Blackfoot avant de rejoindre le groupe ?

Je suppose, en gros, que j’étais simplement un fan, vraiment [petits rires]. J’écoutais Blackfoot, j’appréciais un bon nombre de grands groupes de rock sudiste, comme Lynyrd Skynyrd, Blackfoot et Molly Hatchet. Enfin, bon, j’aime aussi d’autres groupes ; même Pantera, pour moi, était un genre de groupe rock sudiste, une version plus moderne, évidemment. J’aime les classiques du rock sudiste. Je suis donc juste un fan, vraiment, et il se trouve que je jouais dans le même coin où Rickey vivait. C’est à peu près comme ça que me suis retrouvé sous son radar, pour ainsi dire.

Blackfoot - Photo credit Doug Heslip

« Nous voulons essayer de contenter autant que possible les fans de la vieille école, mais tu ne peux pas contenter tout le monde, évidemment. Certaines personnes veulent que rien ne change, ce qui n’est pas dans la nature du monde. »

Rickey, j’imagine que tu as été très méticuleux pour choisir les nouveaux membres du groupe. Quels étaient les plus importants critères pour toi pour qu’ils fassent partie de Blackfoot ?

Rickey : Probablement que la chose la plus importante, lorsque tu fais un projet de ce type, est de choisir les membres en sachant qu’ils comprennent ce que tu recherches, ce que tu essaies d’accomplir. Et la meilleure chose que j’ai l’habitude de dire, c’est que ceci est un face à face entre la vieille école et la nouvelle école. Et tu peux entendre un vieux côté classique dans cet album, mais avec une approche actuelle, pour ce qui est du rock. Il faut comprendre que le rock est au bas de l’échelle ici, aux States. Le rock n’est pas une grosse denrée. Il n’y a que de la pop, du hip-hop et de la country dans ce pays. Donc, quoi qu’il en soit, faire un pur groupe de rock, ça revient à tenter sa chance ici. Mais je crois que l’Europe et d’autres endroits dans le monde s’agrippent encore au rock et acceptent encore cette musique de nos jours. Donc mon critère était de choisir de supers musiciens, les mettre ensemble, réunir les bons musiciens et les laisser exprimer ce qu’ils ressentent être le rock aujourd’hui, au sens sudiste du style. Et tu sais quoi ? Ils apprécient les anciennes musiques mais pourtant, ils ont vraiment un truc lorsqu’il s’agit de produire de la nouvelle musique. Et lorsque nous nous sommes retrouvés pour écrire des chansons, c’est comme ça que ça ressort. Il y a un côté old school mais avec une nouvelle attitude. Je joue sur l’album, je l’ai produit, comme j’ai dit, j’ai joué dessus, j’ai co-écrit cinq chansons là-dessus. L’une des chansons, le single « Southern Native », je l’avais dans mon catalogue, celle-ci et une chanson dénommée « Everyman » ; j’avais mis ça de côté pendant de nombreuses années ! « Southern Native » est probablement une chanson qui a vingt ans et qui n’a jamais vu la lumière du jour. Et donc la voilà sur l’album ! Et tu sais quoi ? Nous verrons ce qui se passera !

Tim, toi et Brian Carpenter ayant été les deux premiers à être choisis pour le nouveau line-up, avez-vous pu donner votre avis pour choisir les autres membres qui seraient avec vous dans le groupe ?

Tim : Ouais. En fait, Rickey nous a un peu chargés de cette responsabilité, disant : « Hey, allez chercher d’autres supers mecs avec qui vous vous entendez et vous avez un bon feeling. » Ensuite il venait, nous amenions les mecs et nous les essayions. Lorsque nous avions enfin trouvé la bonne alchimie et le bon assortiment de mecs, Rickey est venu et a approuvé. Il est venu et a écouté, il avait un sourire sur le visage et nous nous disions : « Ok, Rickey sourit. Je pense que nous sommes sur la bonne voie. » Bien sûr, nous voulons son approbation pour tout ce que nous faisons et il nous donne des directions et conseils. Mais il nous laisse aussi partir et prendre nos décisions et faire ce qui nous paraît naturel. Mais Rickey est une telle influence pour nous qu’heureusement, la progression se fait toute seule.

Jeremy Thomas était originellement le chanteur de cette nouvelle version de Blackfoot, mais il est parti il y a quelques mois. Je ne me souviens pas avoir vu de communiqué à ce sujet. Que s’est-il passé ?

En étant dans Blackfoot, tout le monde doit être sur la même longueur d’onde et être là pour le groupe dans son ensemble. Malheureusement, lorsque certaines personnes ne sont là que pour elles-mêmes et davantage préoccupées par son propre programme et le faire avancer, ça devient un problème, et ça a un peu été le cas avec Jeremy. C’est un mec talentueux mais c’était aussi un mec égocentrique et égoïste qui était là pour lui-même et ne jouait pas en équipe. Et c’était vraiment pour ça que ça n’a pas marché entre lui et nous. C’est dommage, car c’est un mec qui a du talent, mais je suis sûr que tu connais le business de la musique et que c’est bien plus qu’une question de talent, ça a à voir avec le genre de sacrifice et d’effort que tu mets dans les choses, et être capable d’être un être humain à peu près correct qui peut s’entendre avec le reste des gars et faire des sacrifice pour tous les autres. C’était quelque chose qu’il n’était pas vraiment capable de faire, malheureusement. Donc ça ne pouvait pas se faire ; nous avons dû nous séparer.

Rick Krasowski et toi, Tim, êtes tous les deux mentionnés comme étant guitaristes et chanteurs. Du coup, pourquoi avoir choisi d’être deux chanteurs et comment vous partagez-vous le chant ?

Ouais, nous chantons tous les deux et nous jouons tous les deux, ce qui au final est vraiment amusant. En gros, je chante toutes les musiques sur le nouveau CD, Southern Native, et Rick a fait beaucoup d’harmonies au chant et autre sur l’album. Et ensuite, en concert, nous faisons pleins de classiques de Blackfoot, donc là, lui et moi nous partageons une bonne partie des chansons. Rick chante plein de d’excellents vieux classiques de Blackfoot et j’en chante aussi et je chante les nouvelles chansons de Southern Native. Et ensuite, à mesure que nous avancerons, sur le prochain album, je suis sûr que nous allons permettre à Rick de chanter plus de choses. Dans le cas présent, il est juste arrivé à la toute fin de l’album, donc au final il a fait un paquet d’harmonies. Mais ça fonctionne très bien. Nous nous faisons vraiment plaisir. Nous partageons le chant en concert et nous faisons pleins d’harmonies et d’échanges ensemble. Donc il se trouve que c’est vraiment bien et le public réagit vraiment positivement à ça. Et ça nous plait parce que ça créé, en quelque sorte, de nouvelles opportunités pour faire des choses avec la voix dans le groupe, ce qui est cool. Rickey a un peu eu l’idée, en disant : « Ce serait super si les gars, tous les deux vous faisiez ce truc ensemble avec la voix, en échangeant. » Ca s’est donc avéré être très bon et nous sommes très contents de la direction que ça a pris.

Est-ce que vous vous êtes tous tout de suite bien entendu ou bien vous a-t-il fallu un peu de temps pour vous connaître ?

Comme tu le disais, Brian et moi jouions ensemble avant, donc nous étions très à l’aise tous les deux. Ensuite, ce qui s’est passé, en gros, c’est que nous avons trouvé de nouveaux mecs et ça a très vite collé. La première chose qui s’est passé, lorsque les gars arrivaient, c’était que nous trainions ensemble pendant un moment et ensuite nous jouions, parce qu’évidemment, il faut qu’il y ait une certaine maitrise musicale mais ce qui était vraiment important… Dès que nous savions qu’un gars avait vraiment du talent… Comme dans le cas de Matt [Anastasi], notre batteur, et Rick, notre guitariste et chanteur, c’étaient de supers musiciens mais après avoir joué et juste trainé, nous avons vu quelles étaient leurs personnalités. Nous nous sommes super bien entendus, nous avions tous le même sens de l’humour, un regard similaire sur la vie et une attitude à la « vivre et laisser vivre » très ouverte. C’est quelque chose de très important dans un groupe, il faut avoir un esprit grand ouvert, être ouvert aux opinions et suggestions des autres et ce genre de choses. C’est vraiment ça, ce groupe de mec. Dans les cas de Matt et Rick, ce sont des gars très naturels, posés et humbles, et ça collait parfaitement. Lorsqu’ils sont arrivés, tout était réellement naturel. Rick est arrivé dans le groupe et en moins d’un mois, il est parti avec nous donner des concerts et on aurait dit que ça faisait longtemps que nous travaillions ensemble. Nous avons pris un peu de recul après le premier concert et avons dit : « Wow ! Ça ne fait que trois semaines, ça s’est passé super vite ! » Mais c’était très naturel. C’était donc une très bonne combinaison et il y avait une très bonne alchimie entre les mecs.

Blackfoot - Southern Native

« Il faut comprendre que je suis jeune d’esprit et de cœur, et j’écoute toute sorte de musique. J’écoute plein de musique parce que c’est ainsi que tu t’éduques. Et puis tu prends cette éducation et tu en fais bénéficier tes propres projets. »

Le projet d’avoir un tout nouveau line-up de Blackfoot remonte à 2012. Est-ce que ces quatre années étaient nécessaires avant de sortir un album ?

Ouais, Je pense que ça l’était, dans le sens où ces quatre années nous ont permis d’intégrer certains gars et voir s’ils étaient vraiment les bons. Tu sais, parfois il est facile de trouver quelqu’un qui a du talent mais à la fois, c’est un peu comme avoir un colocataire. Tu peux bien t’entendre avec quelqu’un que tu rencontres, ensuite emménager ensemble et six mois ou un an plus tard, tu te dis : « Oh, bordel, je ne supporte pas ce mec. Il est trop. Nous ne nous entendons pas. » En ce sens, c’était comme ça que s’est passé le processus pour éliminer certains candidats qui sont venus et repartis du groupe. Il fallait que nous passions un peu de temps avec eux, travaillions avec eux et jouions avec eux pour voir s’ils étaient vraiment le genre de gars qui pouvait faire le sacrifice et avait un esprit suffisamment ouvert par rapport au projet et aux autres gars. Comme tu le sais, dans un groupe, il y a plein d’influences et d’opinions, et il faut vraiment avoir une certaine attitude et mentalité par rapport à ça. C’est un peu ce qui s’est passé. Je veux dire que tous les gars que nous avons essayé et avec qui nous avons travaillé étaient talentueux en soi mais c’était vraiment une question de trouver, au niveau musical et de la personnalité, la bonne alchimie. Les quelques premières années ont vraiment servies à trouver les bonnes personnes et ensuite, à partir de là, une fois que nous nous sentions à l’aise et stables, c’est là que nous avons commencé à composer et envisager d’enregistrer un album et tout.

En vous appropriant le nom et l’héritage de Blackfoot, un groupe qui existe depuis 35 ans, est-ce que ça ne vous donne pas parfois le sentiment de brûler les étapes ?

Eh bien, je suppose que tout dépend comment tu vois ça. Tu sais, comme tu l’as dit, Rickey a eu une longue carrière et Blackfoot a une longue histoire mais de la façon dont Rickey voit les choses, il veut que le groupe continue pour encore trente-cinq ou quarante ans. Comme il le dit lui-même : « Je veux que vous portiez le nom et l’héritage de Blackfoot même quand je ne serai plus là. » Lorsqu’il nous a demandé de faire ça et porter la tradition de Blackfoot et du rock sudiste vers l’avenir, vers une nouvelle génération de fans, je l’ai pris très au sérieux. Je sais qu’il y aura toujours des gens que ne comprendront peut-être pas le concept, et ce n’est pas un souci, mais j’ai parfaitement compris ce que Rickey essayait de faire. Donc pour moi, ça avait totalement du sens. Une chose que Rickey dit, c’est qu’aux concerts de Lynyrd Skynyrd, ils voient trois générations de gens. Il y a les fans d’origine de Lynyrd Skynyrd et puis leurs fils et filles et ils amènent aussi leurs grands-enfants. Il y a donc cet énorme ensemble d’âge de fans de Lynyrd Skynyrd qui suit le groupe. C’est quelque chose que Rickey voulait faire avec Blackfoot. Et c’est un peu ce qui est en train de se passer maintenant lorsque nous partons donner des concerts ; les fans d’origine sont là, ce qui est super, et ensuite ils amènent leurs enfants et certains d’entre eux amènent même leurs grands-enfants. Tu as donc l’occasion de rencontrer trois générations de fans de rock. Ce qui est génial, c’est que la nouvelle génération ne connait pas forcément l’histoire de Blackfoot, certains d’entre eux ne savent même pas qui Blackfoot était, donc ils nous voient juste comme un nouveau groupe et nous accepte comme en tant que bébé groupe, dans le sens où nous ne sommes qu’un nouveau groupe sur la scène, et ils aiment ce qu’ils entendent et voient… Du coup, nous gagnons beaucoup de nouveaux fans comme ça. Nous voulons essayer de contenter autant que possible les fans de la vieille école, mais tu ne peux pas contenter tout le monde, évidemment. Certaines personnes veulent que rien ne change, ce qui n’est pas dans la nature du monde. Les choses changeront toujours, mais une grande part [de ce projet], c’est le fait d’attirer de nouveaux fans et c’est ce que nous avons fait.

N’y a-t-il pas parfois des conflits de génération ?

Tu sais, tu serais surpris. Nous donnons plein de concerts de ce genre où il y a des gens de tout âge. Je veux dire qu’il y a des gamins qui ne sont même pas encore adolescents aux concerts et puis tu as des gens qui ont jusqu’à cinquante et soixante ans, et nous jouons dans ces énormes festivals et tout le monde s’entend, il n’y a pas de conflit entre les générations et groupes d’âge. Je dirais une chose : le public rock sudiste a une sorte de mentalité familiale et pleine de gentillesse. En fait, je crois que c’est le cas de tous les publics rock. Je veux dire que même dans le metal et le hard rock, le rock sudiste, les différents styles, je crois que cette mentalité est pour ainsi dire universelle ; les fans de rock se sentent liés les uns aux autres par la musique et leur amour pour celle-ci. Donc tout ce que j’ai pu voir depuis 2012, à donner tous ces concerts, partout à travers les Etats-Unis et en Angleterre, ce sont des gens de différentes générations qui semblent être sur la même longueur d’onde. Donc, pour ma part, je constate que ça a été plutôt positif.

Et entre Rickey et le groupe, ne ressentez-vous jamais de fossé générationnel lorsque vous travaillez ensemble ?

Rickey : Non, pas vraiment [petits rires]. Ces mecs sont des musiciens tellement accomplis qu’ils ont compris et écouté ce que je recherchais. Il faut comprendre que je suis jeune d’esprit et de cœur, et j’écoute toute sorte de musique. J’écoute plein de musique parce que c’est ainsi que tu t’éduques. Et puis tu prends cette éducation et tu en fais bénéficier tes propres projets. Il n’y avait donc jamais, comme tu dis, de conflit ou fossé générationnel. Ça s’est vraiment bien mis en place parce que ces mecs sont talentueux. Ils savaient que j’avais l’expérience en studio et que j’ai eu du succès en faisant des albums. Ils ont donc dû également beaucoup apprendre. Et lorsque ça s’est mis en place, ça a super bien marché ! Il n’y avait pas de bagarre en studio et aucune animosité ou quoi que ce soit de ce genre.

Tim : Je suppose que la seule réelle division était dans le fait que Rickey est grosso-modo un vétéran chevronné de la vieille école et nous de jeunes gamins. Mais vraiment, nous nous entendons très bien et nous avons énormément de respect pour Rickey, pour tout ce qu’il a fait et tout son savoir. Mais aussi étant fans de la musique et du genre, et le fait qu’il a eu une influence sur nous, ça fait qu’il y a un large terrain commun entre les deux. Nous sommes tellement influencés par lui, sa génération et tout ce mouvement rock sudiste dont il faisait partie que nous avons ceci en commun. Et puis, aussi, Rickey est très ouvert d’esprit et a une sorte de regard moderne sur la nouvelle musique, les nouveaux groupes et toutes ces nouvelles influences. Je veux dire qu’il est totalement ouvert et aime plein de nouveaux groupes, et ça vaut aussi pour l’aspect technique. Je veux dire que Rickey peut se débrouiller avec Pro-Tools et tous ces programmes informatiques, il les connait du bout des doigts. Plein de mecs de la vieille école ne sont pas autant portés sur les nouvelles technologies et les nouveaux processus d’enregistrement qui existent aujourd’hui. Rickey est à la pointe de tout ça. Il possède toutes les technologies les plus récentes pour faire de l’enregistrement. Donc, même si nous avons abordé l’album de façon old school – nous avons essayé de le rendre aussi old school que possible -, nous l’avons quand même fait avec Pro-Tools, et Rickey a joué un rôle d’ingénieur sur la majeure partie de l’album. Donc je pense que c’est pareil des deux côtés : Rickey a une attitude ouverte envers la nouvelle génération et la façon dont nous faisons les choses, et nous avons une attitude ouverte envers les pratiques de la vieille école et ce qu’ils avaient l’habitude de faire à l’époque. C’est pourquoi je pense que les éléments modernes et classiques se combinent si bien dans la manière dont nous avons écrit les chansons et enregistré le CD. Tout le monde s’entend merveilleusement bien ! C’est même incroyable que ça a été aussi facile pour nous.

Rickey Medlocke - Lynyrd Skynyrd @ Hellfest 2012

« Lorsque tu commences à faire plaisir à une maison de disque au lieu de te faire plaisir toi-même, tu es fichu ! Tu prends la direction de la sortie. […] Si tu ne peux pas te faire plaisir, alors c’est une cause perdue. »

Avec l’impressionnante carrière que tu as, Rickey, en tant que musicien et artiste, penses-tu que c’était le bon moment pour toi d’enfiler la casquette de producteur ?

Rickey : En fait, ça fait depuis de très nombreuses années que j’ai envie de faire ça. Je m’y étais essayé après que le Blackfoot original se soit arrêté et j’ai produit un album d’un groupe qui s’appelle Warp Drive. J’ai été en studio avec ces gars, je les ais produits. L’album n’est jamais vraiment sorti avant bien des années plus tard ; un label indépendant l’a récupéré et l’a sorti. Et je m’y suis aussi essayé avec d’autres groupes mais là, c’est la première fois que je le fais avec une grande maison de disque. Et tu sais quoi ? J’espère en faire davantage dans les années à venir !

Tim, comment as-tu abordé la responsabilité de prendre en charge ce groupe et l’accompagner vers l’avenir avec de la nouvelle musique ?

Tim : Je me suis simplement mis à bosser. J’ai le luxe d’avoir Rickey Medlocke tout le temps à mes côtés. En gros, s’il n’est pas sur la route avec Skynyrd, il est chez lui et il a un studio d’enregistrement et de répétition, et il a des bureaux et autre dans le bâtiment, tout dans un seul et même endroit, et tout ce que Blackfoot fait tourne autour de ce studio. Et si Rickey n’est pas parti avec Lynyrd Skynyrd, alors il est au studio. C’est un de ces mecs qui ne se reposent jamais. Il est toujours obligé de faire un truc musical. Donc s’il ne fait pas quelque chose avec Skynyrd, que ce soit enregistrer, tourner ou composer, il est au studio avec nous, avec Blackfoot. Nous avons donc ce luxe de pouvoir apprendre constamment de lui, sur presque tous les aspects, pas seulement la musique et la production mais aussi son point de vue sur la vie. C’est un gars qui a de l’expérience parce qu’il a tourné à travers le monde pendant maintenant trois décennies. C’est un mec assez sage et expérimenté. Donc vraiment, j’ai eu de la chance, dans le sens où j’ai pu… Dès que nous sommes ensemble, je suis toujours en train d’étudier ce qu’il fait et apprendre de lui. En ce sens, je suis plutôt chanceux d’avoir le meilleur [professeur qui soit] pour apprendre et porter la tradition de Blackfoot. Et il est d’ailleurs très facile de travailler avec Rickey et aussi il nous encourage toujours à faire notre propre truc. Même si c’est une énorme responsabilité, j’essaie de ne pas trop réfléchir au processus. Tu sais, Rickey nous encourage toujours à être nous-même, à interpréter les musiques de Blackfoot de la façon qui nous paraît naturelle, nous n’avons pas l’impression d’avoir de contraintes. C’est plus ou moins ça mon approche lorsque nous faisons les classiques mais aussi lorsque nous composons de la nouvelle musique, c’est très ouvert. Je prends ce travail très au sérieux mais je n’y réfléchis pas trop. Juste j’y vais, je fais de mon mieux et dès que je fais quelque chose, je jette un œil à Rickey et s’il sourit et apprécie, je me dis : « Ok, je suis sur la bonne piste. »

Donc, Rickey, si tu as produit l’album, tu as été impliqué dans sa composition et tu as même joué des parties, tu leur as quand même octroyé la liberté d’apporter leur propre patte au son et au style de Blackfoot ?

Rickey : Complètement ! En fait, je crois que, lorsque tu es producteur et que tu produits des albums, tu dois donner à tes artistes un peu de liberté pour s’exprimer. Et tu sais quoi ? Je pense que c’est le boulot du producteur de faire ressortir le meilleur d’un artiste. Je n’ai pas tellement rencontré de difficulté pour faire ça avec ces gars. J’ai travaillé par le passé avec des producteurs qui dirigeaient avec une main de fer et tu devais faire les choses à leur façon, et si tu ne le faisais pas à leur façon, ils te sortaient du studio et ils amenaient des musiciens de studio pour faire les choses à ta place. Et je crois que c’est mauvais de faire ça. J’ai travaillé avec plusieurs [de ces producteurs] et je me suis pris la tête avec eux en studio. Je me souviens toujours de ces choses et je me suis toujours dit que, si jamais je me retrouvais dans cette situation et cette position pour produire un artiste ou un groupe, je veux ne jamais avoir à être ce genre de producteur. Je pourrais donner des noms tout de suite mais ce serait déplacé. Donc disons juste ceci : j’ai travaillé avec quelques producteurs comme ça et crois-moi, je n’ai plus retravaillé avec eux ensuite. Je trouve que c’est une très mauvaise façon de procéder lorsque tu produits un groupe. Et ceci est un groupe. Et je laisse les gars avoir pas mal de liberté. Lorsque ça devenait un peu incontrôlé, je reprenais les reines et ramenait le groupe dans le droit chemin. Mais je laisse les gars avoir leur liberté d’expression et faire leur propre truc, et ça a super bien marché !

L’album étant intitulé Southern Native (Natif du Sud, NDT), Tim, peux-tu nous parler de ta relation au sud et à la musique sudiste ?

Tim : Comme tu le sais sans doute, le groupe a une longue histoire dans le mouvement rock sudiste. Rickey et les gars viennent de Jacksonville, en Floride, et deux des gars du line-up actuel sont natifs du Sud, dans le sens où ils viennent également de Floride. Deux d’entre nous sont du Nord ; je suis de Boston et Matt de New York. Nous sommes donc d’un peu plus au nord que la Floride [petits rires]. Mais, tu sais, le rock sudiste et l’influence de ces groupes sont pas mal universels partout dans le pays. Donc, pour nous, ce sont juste les influences que nous avions au départ. Et ensuite, lorsque tu déménages et vis en Floride, cette influence sudiste s’ancre vraiment en toi, et c’est un peu ce qui m’est arrivé avant d’intégrer Blackfoot. Je suis venu en Floride et ensuite j’ai commencé à m’impliquer dans plein de trucs de rock sudiste. Par exemple, avant que je fasse Blackfoot, j’ai joué avec Jimmy Van Zant, qui est un cousin de Ronnie Van Zant. J’étais donc vraiment immergé dans le rock sudiste. J’ai tourné dans le pays en jouant du rock sudiste avec d’autres groupes. C’était donc vraiment un genre d’université du rock sudiste pour moi, comme un camp d’entraînement. Donc au moment où je suis arrivé dans Blackfoot, j’étais déjà bien rôdé à la tradition du rock sudiste. Et j’adore ça, j’ai toujours aimé cette musique et maintenant j’ai vraiment adopté le fait de la jouer. Et les fans sont incroyables… Donc, c’est juste quelque chose qui est devenu parfaitement naturel pour moi.

Etait-ce important, visuellement, de mettre en avant vos racines sudistes sur cet album, de façon à ce que les gens comprennent immédiatement qu’ils doivent s’attendre au style classique de Blackfoot plutôt que la musique plus orienté sur les synthétiseurs qu’ils ont fait dans les années 80 ?

[Rires] Tu te souviens de certains de ces albums ! Ouais, je veux dire que, pour notre part, pour ce line-up, nous adorons toute la discographie de Blackfoot mais les albums que nous aimons le plus sont les quelques premiers albums de Blackfoot qui leur ont vraiment apporté tout leur succès, tu sais, Strikes, Marauder, Tomcattin’, Highway Song Live… Ceux-ci sont les albums qui, pour nous, incarnent parfaitement ce son originel brut de décoffrage de Blackfoot. Et vraiment, les classiques, c’est ce que nous jouons durant les concerts et c’est vraiment ce qui nous a influencés pour les nouvelles musiques que nous avons écrites pour le nouveau CD. Même visuellement, je pense que les gens pourrons regarder l’artwork à l’avant du CD et sans doute se dire que la musique qui se trouve sur le CD sera dans la veine de la version old school originale de Blackfoot, c’est-à-dire avec deux guitares, du chant et simplement du rock bourré d’énergie. Avec un peu de chance, les gens se mettront dedans, donneront une chance à la musique, l’écouteront et pourront apprécier le fait que les influences de la vieille école y sont très présentes.

D’ailleurs, avec l’album siogo (1983), le groupe avait ajouté des claviers à son son pour s’adapter à la musique de l’époque, mais malheureusement le disque s’est mal vendu. Rickey, est-ce que ça veut dire que tu as eu des difficultés par le passé à adapter Blackfoot aux nouvelles générations ?

Rickey : Tout d’abord, j’avais un problème, point barre, avec le fait d’ajouter du clavier à l’époque sous la pression de la maison de disque. La maison de disque voulait que nous nous présentions mieux, que nous nous modernisions, essayions des choses et développions ce qu’ils considéraient être un hit. Eh bien, nous étions déjà un hit ! Nous n’avions pas besoin de changer ! Tu sais, pour moi, de nos jours, le fait de revisiter Siogo, Vertical Smiles et tous ces trucs de l’ancien groupe, je n’y pense même plus. A mon avis, maintenant que j’ai parcouru tout ce chemin dans ce business, lorsque tu commences à faire plaisir à une maison de disque au lieu de te faire plaisir toi-même, tu es fichu ! Tu prends la direction de la sortie. Il faut donc juste être toi-même et faire ce que tu fais, et les cartes tomberont où elles tomberont. Si tu ne peux pas te faire plaisir, alors c’est une cause perdue.

Blackfoot - Photo credit Doug Heslip

« Il est important pour n’importe quel artiste d’essayer de jeter un pont entre les générations parce que la musique est importante. Les membres du groupe ne sont pas très importants. Je veux dire que la musique est ce qui importe le plus. »

L’album se termine sur une chanson dénommée « Diablo Love Guitar » qui a un côté très latino. Pouvez-vous nous en dire plus sur cette chanson et d’où vient ce parfum hispanique ?

Tim : Nous approchions la fin de l’album. Nous avions enregistré un paquet de chansons que nous voulions mettre sur l’album et puis Rickey est venu me voir, il m’a dit qu’il avait une idée et qu’il voulait savoir ce que j’en pensais. Il a dit : « J’ai eu cette idée comme quoi nous pourrions peut-être faire quelque chose qui sort des sentiers battus et que les gens n’attendraient pas forcément. Au lieu de mettre là-dedans une autre chanson de hard rock, et si nous réfléchissions à essayer d’y mettre un genre d’instrumentale, avec de la guitare, et peut-être de la guitare acoustique ? » J’ai trouvé l’idée super. Donc nous avons fait du brainstorming, nous avons réfléchi à ce que ça pourrait être et nous parlions à quel point nous aimions les guitares acoustiques dans le style hispanisant. Donc Rickey disait : « Ouais, peut-être que tu pourrais faire quelque chose comme ça ! Ça pourrait être cool. Pourquoi ne rentrerais-tu pas chez toi pendant quelques jours pour essayer de trouver quelque chose ? Et ensuite on verra ce que tu auras trouvé. » Donc quelques jours plus tard, je suis revenu le voir avec une idée de chanson et il l’a adoré, donc il a dit : « On n’a qu’à s’y mettre maintenant ! Allons-y et enregistrons ce truc. » Nous nous y sommes donc mis, nous avons enregistré toutes les parties acoustiques, ensuite nous avons amené les autres gars et Brian a enregistré la basse par-dessus, et puis Matt est venu a fait quelques percussions. Larry [Frantangelo], du groupe Twisted Brown Trucker, qui est le groupe de Kid Rock, c’est un incroyable percussionniste – il a joué avec plein de mecs différents -, il a même enregistré une piste de percussions dessus aussi. Ça sonnait génial et ensuite Rickey a dit : « Pourquoi est-ce qu’on ne balancerait pas un solo de guitare électrique là-dessus, juste pour faire quelque chose d’un peu différent, au lieu d’un solo acoustique ? » Nous avons donc branché une guitare et il a dit : « Essaie de jouer quelque chose comme ce que ferait Billy Gibbons de ZZ Top. » Et j’étais là : « Euh, ok, voyons voir [rires]. » J’ai donc envoyé un solo dessus, nous avons réécouté et au final nous avons bien aimé le résultat, donc Rickey a dit : Je vais la mettre en dernière piste du CD. » Nous sommes vraiment content du résultat. C’est un peu une façon différente de finir le CD, pour surprendre un peu les gens et leur donner une autre saveur.

L’industrie de la musique a beaucoup changé en trente-cinq ans. Pensez-vous que ce groupe, avec ce line-up, est mieux équipé, pour ainsi dire, pour affronter l’industrie actuelle et séduire une audience plus jeune ?

Rickey : Avec la façon dont l’industrie a changé, je pense que c’est beaucoup plus difficile pour les groupes de sortir et se faire connaître, autrement qu’en étant constamment sur les routes pour jouer. Je pense qu’ils doivent continuellement composer de la nouvelle musique et sortir des albums. Tu sais, à l’époque, tu pouvais sortir un album et tout d’un coup, une chanson ou deux sur cet album devenait un tube et tu étais lancé. De nos jours, on dirait que pour ces nouveaux groupes, il faut sortir trois, quatre ou cinq CDs avant que les gens accrochent, ça et aussi le fait de tourner constamment. Et je pense qu’avec Blackfoot, ces mecs vont devoir aller sur les routes, ils vont devoir aller à la rencontre des gens pour jouer et nous allons devoir sortir de nouveaux produits pour relancer la machine. Tu vois ce que je veux dire ?

Tim : Evidemment, les choses ont beaucoup changées dans l’industrie depuis l’époque de Rickey. A cette époque, c’est sûr que c’était très différent. Des gens peuvent voir ces changements comme étant négatifs mais pour un certain nombre de ces changements, je crois qu’aujourd’hui, à notre époque, il y a plein d’avantages positifs qui offrent aux groupes des outils avec lesquels travailler, comme avec internet, les réseaux sociaux et ce genre de choses. Je sais que plein de mecs de la vieille école aiment se rappeler le bon vieux temps et la façon dont les choses étaient faites, et c’était une super époque. Mais je pense que les choses sont plutôt bonnes de nos jours et que nous avons pleins d’avantages aujourd’hui, avec toute la technologie qui existe. Donc je trouve que c’est une bonne chose.

Ce projet, c’est clairement une question de transmettre la musique d’une génération à l’autre. Et, Rickey, c’est quelque chose que tu as déjà fait par le passé puisque tu avais invité ton grand-père Shorty Medlocke à contribuer à certains des premiers albums de Blackfoot. Quelle importance ça a pour toi d’établir un pont et une continuité entre les générations ?

Rickey : Voilà le truc : je trouve qu’il est important pour n’importe quel artiste d’essayer de jeter un pont entre les générations parce que la musique est importante. Les membres du groupe ne sont pas très importants. Je veux dire que la musique est ce qui importe le plus. Tu veux continuer à sortir de la nouvelle musique et cette nouvelle musique comble l’écart générationnel, car tout d’un coup, les générations commencent à l’écouter, elles comment à l’apprécier et ça l’amène plus loin, ça amène l’héritage, l’histoire et la musique de chaque groupe plus loin. Et je pense qu’il est très important pour les groupes comme celui dans lequel je suis, Lynyrd Skynyrd. Je trouve qu’il est très important pour Lynyrd Skynyrd de continuer à sortir de la nouvelle musique. C’est important pour Blackfoot de continuer à sortir de la nouvelle musique, ou Black Stone Cherry ou Blackberry Smoke ou des groupes comme les Rolling Stones, AC/DC et… tu sais, tous ces groupes. C’est un truc important ! Simplement pour faire vivre l’héritage et porter la musique en avant. Surtout pour le rock ! Je veux dire… [Petits rires]. Je ne peux imaginer… Peut-être que j’ai tort en disant ceci mais je ne peux pas te nommer une seule chanson de hip-hop qui, selon moi, sera un classique intemporel. Tu vois ce que je veux dire ?

Est-ce que tu vois Lynyrd Skynyrd et Blackfoot comme des entités qui transcendent les générations et peuvent continuer éternellement ?

Bien sûr. Je ne suis pas tout à fait sûr que… Tu sais, avec Blackfoot j’essaie de transcender les générations à venir pour maintenir la musique en vie. Je ne suis pas certain que Lynyrd Skynyrd pourrait faire ça, du fait qu’il y ait Gary Rossington, qui est le seul membre fondateur restant. J’étais dans le groupe original pendant un temps et Johnny [Van Zant] est le plus jeune frère du chanteur originel mais je pense que viendra un jour où, comme tout le monde, vous nous verrez raccrocher les gants. Je veux dire qu’à mon avis ce n’est qu’une question de temps avant que cela arrive. Maintenant, avec Blackfoot, j’ai pris de très grandes dispositions pour que le nom continue à vivre, d’accord ? Le nom de Skynyrd continuera probablement à vivre, rien que grâce à sa musique, son histoire et son héritage, mais ce que je veux faire, c’est créer un autre héritage pour que ça continue à aller de l’avant. Et l’héritage que j’aurais, c’est le succès que j’ai eu au départ avec le groupe et ensuite la seconde fois en tant qu’ingénieur producteur faisant tout le truc.

Le blues est une musique qui est transmise d’une génération à l’autre. Est-ce cet esprit qui t’inspire ?

Oh, absolument ! Je veux dire que j’adore le blues ! J’ai grandi avec ça à cause de mon grand-père Shorty et simplement, j’adore le blues. Et je pense que le blues mélangé avec le rock, c’est vraiment une super combinaison et c’est ce que je pense fait ce nouveau Blackfoot, un album de heavy blues rock, exactement comme le vieux Blackfoot faisait du heavy blues rock.

Blackfoot - Photo credit Doug Heslip

« La nouvelle génération est tellement constamment bombardée de musique qu’elle est usée, avec les nouveaux groupes et les nouveaux produits qui sortent, et il faut qu’elle change et commence à creuser à nouveau dans l’histoire de la musique pour trouver des groupes comme Lynyrd Skynyrd. »

Comment comparerais-tu ta génération de musiciens à la génération actuelle ?

Je pense que la nouvelle génération est tellement constamment bombardée de musique qu’elle est usée, avec les nouveaux groupes et les nouveaux produits qui sortent, et il faut qu’elle change et commence à creuser à nouveau dans l’histoire de la musique pour trouver des groupes comme Lynyrd Skynyrd. Je sais que par ici, Skynyrd a probablement des fans aussi jeunes que treize ou quatorze ans jusqu’à soixante-dix ans. Nous avons trois ou quatre générations de fans maintenant. Bon, je pense que c’est ce qu’ils font, les fans recherchent dans le passé et ils ramènent la musique : « Hey, regarde ! On vient juste de découvrir ça ! » « Eh bien, tu l’as peut-être découvert mais ça existe depuis un moment ! » Et c’est ça qui maintient la musique en vie, ce sont les gens qui la recherchent et qui la découvrent.

Penses-tu qu’il y aura de vieux fans qui n’accepteront pas Blackfoot sans toi au chant et à la guitare, et sans certains des anciens gars, ou bien est-ce que ces fans ne sont simplement pas ceux que tu vise avec cette nouvelle version du groupe ?

Eh bien, voilà le truc : il y aura des vieux fans de Blackfoot qui verront ça et dirons : « Nah… Tu sais, Rickey n’est pas dedans ou quelqu’un n’est pas dedans… peu importe… Ça ne peut pas être Blackfoot. » Eh bien, ne juge pas le livre par sa couverture. Ecoute l’album, soit ouvert d’esprit et écoute le CD. Le groupe vient juste d’ouvrir pour nous à Kansas City et il y avait plein de nouveaux fans. Il y avait de jeunes fans de Skynyrd mais aussi plein de plus vieux fans, et de plus vieux fans qui connaissaient Blackfoot. Ces gars se sont super bien débrouillés. A la fin de la soirée, les gens étaient debout et adoraient le groupe, car tout est une question de musique. Ce n’est pas une question de qui est dans le groupe. C’est la musique. Et c’est ce que je dis à ceux qui nous défoncent dans Skynyrd en disant [il prend une voix ridicule] : « Oh, tu sais, il n’y a qu’un membre fondateur d’origine… » Eh bien, tu sais quoi ? J’étais là aussi au début ! Je sais ce qu’il s’est passé et je me considère comme un des gars d’origine. Donc, voilà le truc : nous y allons et nous jouons la musique d’autrefois et nous maintenons l’histoire et l’héritage en vie. C’est ce qui importe. C’est une question de musique, pas de personnel !

Tim, le but de Rickey avec sa décision étant de faire rencontrer l’ancienne et la nouvelle école et de transmettre ce classic rock à nouvelle génération, te sens-tu investi d’une mission ?

Tim : Ouais. C’est une responsabilité assez lourde, c’est certain. Mais je me sens vraiment bien avec ça. Pour ma part, je prends ça très au sérieux. Mais bien sûr, j’essaie de m’amuser avec, j’essaie de ne pas trop réfléchir au processus, mais j’ai appris via Rickey qu’une chose importante en musique était d’être soi-même, être fidèle à la musique et comment on la ressent et ensuite, juste y mettre toutes tes émotions et toute ton énergie. C’est donc en gros ce que j’ai fait et ce que les gars ont fait. Donc même si nous prenons ça très au sérieux, nous essayions aussi de nous amuser, de nous exprimer et simplement y mettre tout ce que nous avons. Jusqu’ici, les fans, de toute évidence, ont ressenti et vu que nous vivons vraiment pour ce truc et que le fait de porter l’héritage représente tout pour nous. Donc, ouais, je sens que c’est une lourde responsabilité mais ç’en est une avec laquelle je passe de très bons moments et Rickey est très content de comment ça se passe, donc je me sens vraiment bien avec la direction que tout ça prend.

Donc pensez-vous que Blackfoot est maintenant prêt à continuer avec ce nouveau line-up pendant aussi longtemps que le groupe a déjà existé ?

Oui ! C’est mon intention. Mon but est de faire perdurer Blackfoot. Tu sais, Blackfoot existe depuis un bon moment maintenant et, ouais, mon intention est de le faire perdurer pendant des décennies et des décennies à venir. Si nous pouvons maintenir ce truc suffisamment longtemps, comme dit Rickey : « A un moment, vous pourriez faire passer les rênes de Blackfoot a un autre gars qui est de la prochaine génération, et lui pourra faire que le groupe continue. » Je dis souvent « Blackfoot pour la vie » parce que c’est vraiment mon intention. Rickey m’a demandé que ce groupe continue et le projeter vers l’avenir, et c’est clairement ce que j’ai l’intention de faire.

Rickey : Ils sont complètement dedans maintenant et ils peuvent le garder aussi longtemps qu’ils le veulent ! J’espère qu’ils le garderont pendant les dix, quinze, vingt ans à venir.

Penses-tu que tu seras toujours là auprès d’eux ou penses-tu qu’à un moment tu les laisseras prendre leur envol en ne t’impliquant plus ?

Eh bien, écoute, je m’impliquerais dans la production des albums jusqu’à ce que je décide que peut-être je ne veux plus le faire. Mais pour le moment, je ne regarde pas aussi loin dans l’avenir. Je regarde les cinq prochaines années. Ils sont sur la route là en ce moment, ils sont lancés et je fais quelques apparitions spéciales avec les mecs. Dans certains cas, j’y vais et je fais deux ou trois concerts avec eux, et c’est amusant ! Tout est une question de s’amuser et de faire de la musique. Ils sont tous seuls, ils partent et jouent sans moi. Donc voilà le truc, et voilà ce que je ferais. Pour les cinq ans à venir, c’est ce que je ferais avec les gars. Mais tout de suite, nous nous occupons de les mettre sur la route, de cet album et ensuite nous commencerons à envisager un autre album à venir.

Blackfoot a connu une quantité impressionnante de musiciens dans ses rangs et l’histoire du groupe a été un peu mouvementée. Qu’est-ce qui a été si dur dans le fait de maintenir ce groupe ?

Tu ne peux rien y faire lorsque quelqu’un décède. Je veux dire lorsque quelqu’un part, si tu veux continuer à jouer, tu dois trouver de nouveaux membres. Skynyrd a été confronté à ça de nombreuses fois mais, pourtant, nous continuons parce que c’est important pour Gary, pour Johnny et pour moi de maintenir la musique en vie et de continuer. Bon, n’importe quel groupe connaîtra des changements de personnel à un moment donné. Il y en a qui ont eu suffisamment de chance pour encore avoir leur line-up d’origine, comme ZZ Top. Je veux dire, bordel, regarde AC/DC ! Ils viennent d’avoir une série de mauvaise chance avec Malcolm, leur batteur et avec Brian Johnson, et je ne suis pas sûr si les mecs vont vouloir continuer, personne ne sait, mais tu sais quoi ? Ils ont déjà eu des changements de personnel qu’ils ont surmontés. Regarde les Rolling Stones ! Ce n’est pas le groupe d’origine tel qu’il avait démarré, ils ont eu des changements de personnel. Tout est une question de musique ! [Petits rires]

De quoi es-tu le plus fier à propos de ce groupe et sa carrière ?

Je vais te dire : l’une des choses dont je suis le plus fier est qu’il ait vécu aussi longtemps, que la musique ait vécu aussi longtemps, que l’héritage et la légende aient vécus aussi longtemps, et le fait de transmettre ça à un tout nouveau groupe de mecs. Je suis vraiment fier que les gars ont pu se raccrocher à l’histoire et à la musique du groupe des années soixante-dix, du début des années quatre-vingt, et se l’approprier ; ils ont pris ce côté heavy blues rock et l’ont inséré dans leur propre musique. Et je suis très fier de pouvoir être producteur et faire avancer ça pour que ces mecs puissent mettre cette musique sur album pour l’éternité. Car la musique continue à vivre et c’est ce dont je suis vraiment fier.

Interviews réalisées par téléphone les 11 et 12 juillet 2016 par Philippe Sliwa.
Fiche de questions : Nicolas Gricourt & Philippe Sliwa.
Retranscription, traduction & introduction : Nicolas Gricourt.
Photos : Doug Heslep & Nicolas Gricourt (photo live).

Site officiel de Blackfoot : www.blackfootband.com

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