Si Released était l’album de la libération, Dying Breed est peut-être celui qui achève le retour Blackrain à ses racines. Ses racines dans le hard rock, le glam et le sleaze qu’il assume plus que jamais, mais aussi ses racines dans sa propre carrière, en revenant auprès du producteur Chris Laney et à l’énergie brute qui avait fait la force de Licence To Thrill (2008). La différence ? L’expérience qui joue considérablement, autant dans la construction des morceaux, dans l’interprétation, que dans le regard critique du groupe sur sa propre œuvre. Dans l’entretien ci-après, Swan, frontman de la formation, les pieds sur terre, n’hésite pas à faire preuve de franchise sur tous les sujets.
Thématique du titre oblige – « espèce en voie de disparition » –, nous avons longuement échangé sur la place du rock aujourd’hui et sur l’état de l’industrie musicale. Une forme de pessimisme se sent dans ses propos, proportionnel à la passion qu’il voue à sa musique de prédilection. L’échange, durant lequel nous avons « challengé » sa vision des choses et qui se prête évidemment au débat, est en tout cas riche et instructif. Tout comme lorsqu’il nous parle de la Suède, son pays d’adoption, et de son expérience aux côtés de Crashdïet.
« Nous ne voulons pas des trucs trop compliqués. Ce n’est pas quelque chose qui nous intéresse. Je pense que c’est dur de faire des choses simples, mais quand on y parvient, je crois que ce sont les meilleurs morceaux qui en ressortent. »
Radio Metal : Released a vu beaucoup de changements pour Blackrain : changement de label, changement de management, changement de look, et de manière générale une reprise en main de groupe. Quel bilan tires-tu de cette période ?
Swan Hellion (chant/guitare) : Ecoute, le bilan était assez vite fait : c’était un changement assez radical à la suite de notre changement de management, et ça a été plutôt un changement dans une bonne direction. Nous avons recommencé à faire beaucoup de choses par nous-mêmes, à prendre beaucoup de décisions par nous-mêmes, et je pense que nous nous sommes retrouvés, finalement. Nous avons retrouvé l’esprit que nous avions au départ, petit à petit – ça ne s’est pas fait instantanément –, et je pense que nous avons eu un parcours jusqu’à ce nouvel album aujourd’hui qui nous a fait retrouver nos racines. C’était une très bonne chose, je pense.
Dying Breed est justement présenté comme le résultat d’une volonté de retour aux sources, notamment par le biais de la collaboration avec Chris Laney, qui avait produit Licence To Thrill. Qu’est-ce qui a déclenché cette envie ?
Ça s’est fait finalement de manière assez naturelle. Nous avons fait les morceaux, ça faisait déjà depuis pas mal de temps que nous pensions à mixer à nouveau nos albums en Suède ou en Scandinavie, parce que nous pensons qu’il y a un savoir-faire là-bas et ils ont une manière de faire sonner les choses, le rock et particulièrement notre style, comme personne d’autre ne sait faire. En fait, nous pensions déjà retourner faire mixer les chansons chez Chris Laney pour Released. Ça ne s’était pas réalisé parce que j’avais quand même contacté Jack Douglas et lui s’était montré très motivé, il avait insisté pour le faire. Du coup, nous avions fait tout ça à Los Angeles avec lui, c’était une bonne expérience, mais c’est vrai que retourner avec Chris Laney et retrouver cette touche suédoise, scandinave, ça nous va quand même mieux. Ils savent faire sonner notre musique comme personne d’autre. C’est vraiment quelque chose que, selon moi, nous allons continuer à faire dans le futur.
Qu’est-ce que Chris Laney a compris sur le son de Blackrain que Jack Douglas n’a peut-être pas forcément compris ?
Ce n’est peut-être pas une question de compréhension. Déjà, je pense qu’il y a une question de culture. C’est quelque chose qui nous correspond plus, qui est plus dans nos goûts. Quand je réécoute ce que Jack Douglas a fait pour nous, je trouve que c’est très bien, mais quelque part, je préfère la manière dont Chris Laney le fait. Il y a plus de couilles… Je ne sais pas comment te l’expliquer. Il y a une question de mixage, d’équilibre de l’ensemble, peut-être même – c’est con à dire – d’égalisation qui convient mieux, qui est plus moderne et fait plus vivre la musique et correspond plus à ce que nous voulons. Je ne sais pas pourquoi en Scandinavie spécialement ils sont… Il n’y pas qu’avec le rock un peu eighties ; je pense que tu vas même en Finlande, dans des studios comme le Finnvox, ils font sonner n’importe quel style de cette manière scandinave et c’est vraiment toujours réussi, en tout cas c’est mon impression et ce sont mes goûts. Ils savent mixer la musique comme personne d’autre. Je n’ai pas vraiment d’explication à ça, je t’avoue.
Tu as récemment déclaré que tu aurais aimé que les mixages de Released et Lethal Dose Of… soient meilleurs ; ce qui peut être surprenant dans le cas de Released où tu as justement suivi les sessions de mixage jusqu’à la fin. Tu penses que vous avez enfin trouvé la bonne recette avec le mix de Dying Breed ? Quelles sont les erreurs que vous avez corrigées à ce niveau ?
Par rapport à Lethal Dose Of…, c’était vraiment une situation spéciale, parce qu’au départ nous aurions bien voulu retourner avec Chris Laney et après c’était Beau Hill qui nous avait contactés. Ensuite, nous avons réalisé qu’il contactait tous les groupes sur MySpace, mais quand nous avions vu tout ce qu’il avait fait dans sa carrière, ça donnait vraiment envie, donc nous nous sommes dit que nous allions essayer avec ce type, il a quand même fait Alice Cooper et plein d’autres choses, donc ça ne pouvait être que mieux. En fait, ça n’a pas été le cas. Le mixage était complètement raté. Je pense qu’il l’avait fait faire à son apprenti ou quelque chose comme ça. En tout cas, le résultat pour Lethal Dose Of… était que nous avions dépensé tout notre argent et que nous nous étions retrouvés avec un mixage qui n’allait pas. C’est à ce moment-là que nous avions rencontré notre manageur qui nous avait aidés financièrement, car autrement nous, nous étions perdus. De fil en aiguille, c’est comme ça que l’histoire s’était passé.
Aujourd’hui, avec le nouvel album, je ne trouve pas que le mixage soit vraiment parfait, en fait. Je pense que d’un point de vue général, la manière dont sonne l’album, c’est vraiment très bien. C’est vraiment quelque chose qui nous va beaucoup mieux. Il y a les couilles que je retrouve qu’il y avait sur Licence To Thrill. Par contre, si on veut aller dans les détails, je pense que ce qu’avait fait Jack Douglas était quand même beaucoup plus propre. C’était mieux du point de vue du son. Si on veut parler du point de vue d’ingénieur du son, par exemple, je pense que c’était beaucoup mieux fait avec Jack Douglas. Maintenant, je préfère quand même écouter ce qu’a fait Chris Laney, même si ce n’est pas parfait. Pour nous, pour la suite, je pense que ce qui est à changer surtout, c’est la manière dont nous avons enregistré l’album, puisque nous l’avons plus ou moins fait à la maison. Nous avons fait quelques parties en studio, comme la batterie, mais tout ce qui est instruments à cordes, ça a été fait à la maison, et je pense que c’est là-dessus qu’il y a des choses à changer pour que le résultat la prochaine fois soit encore mieux. Après, je pense qu’il y a beaucoup de choses que nous entendons et dont les gens ne se rendront pas du tout compte. C’est toujours comme ça, de toute manière. Si je parle même à mon ingénieur du son, il va te raconter plein de choses que moi personnellement je n’entends pas et que je n’entendrai peut-être jamais. Je pense que le grand public ne se rendra pas compte de toutes ces petites erreurs et imperfections.
« Cette nouvelle génération, qui a dix-huit ans aujourd’hui, ils m’expliquent comment ils font de la musique et je t’avoue que… Bon, maintenant, je l’ai accepté, mais au départ, je me disais : ‘Putain, vous êtes vraiment des branleurs !’ Et les gars, ils me disent : ‘C’est clair que comparé à comment ils faisaient avant ou à ce que tu fais toi, ouais, on est des gros branleurs.’ Ça les fait marrer, mais au moins, ils le reconnaissent. »
Il y a une approche assez old school de la production de l’album. On peut l’entendre par exemple sur la ballade « All Angels Have Gone », mais surtout sur une chanson comme « We Are The Mayhem », où on a presque l’impression d’entendre la compression des cassettes qu’on écoutait dans les années 80. C’est un effet recherché ?
Non, pas du tout. Déjà, il y a un truc intéressant là-dedans, c’est que la ballade n’a pas été mixée par Chris Laney. Ça a été mixé complètement par notre ingé son à Paris qui a fait les prises de batterie ainsi que le mastering. Nous avions essayé de mixer des chansons avec lui, et nous n’étions pas assez satisfaits du résultat, surtout au niveau des guitares. Du coup nous sommes ensuite passés par Chris Laney, mais il y a plusieurs chansons que nous avons gardé parce qu’elles étaient bien comme telles. Et puis j’avais demandé à Chris qui m’avait dit que de toute manière il ne ferait pas mieux, il ferait certainement différent. Donc comme nous les aimions bien comme ça, c’était mieux de les garder. La ballade était vraiment comme je voulais, donc nous ne l’avons pas fait refaire. Il y a aussi « Nobody Can Change » qui a été complètement mixée par Brian et « Like Me », je crois. « We Are The Mayhem », par contre, ça a été fait par Chris Laney. Donc il y a quand même une grosse différence de mixage entre les deux. Par rapport à cette compression, c’est assez vrai sur tout ce que fait Chris Laney, car il compresse tout à burne, donc ça se ressent vraiment. C’est pour ça qu’on l’aime bien : dans sa façon de mixer, il y a vraiment ce truc très années 80 mais, à la fois, quand même moderne. Par contre sur la ballade, normalement ça se ressent moins, donc peut-être que c’est aussi un effet de mastering. Ce n’est pas quelque chose qui me choque et non, nous ne l’avons pas fait exprès.
Comme on le disait tout à l’heure, Chris Laney avait déjà travaillé sur Licence To Thrill. Que représente Licence To Thrill pour vous et, plus globalement, quel regard portez-vous sur vos premiers pas en tant que groupe ?
Très clairement, il y avait une bonne énergie, très positive, c’était vraiment « wild ». Par contre, je vois tous les problèmes… Moi, personnellement, je n’étais vraiment pas au point au niveau du chant. C’est quelque chose que je regrette beaucoup. Nous n’étions pas non plus au point sur la manière de structurer nos chansons. Ça aurait pu être beaucoup mieux. Mais il y avait quand même quelque chose de spécial et quelque chose que nous avons toujours eu, c’est-à-dire des mélodies assez accrocheuses qui marchent assez bien, c’est ce que j’aime dans le groupe. Après, malheureusement, nous n’avons pas été à la hauteur. Nous n’avons pas été assez parfaits assez vite. C’est mon point de vue spécialement sur Licence To Thrill. Après, je pense qu’il y a eu énormément de progrès à partir de Lethal Dose Of… et malheureusement, ce sont des albums qui ont été mal produits. Enfin, pas mal produits, mais en tout cas qui n’ont pas été mixés correctement par rapport à ce que j’attendais et de la manière que j’aurais voulu que ce soit mixé et que ça sonne, spécialement par rapport aux démos qui étaient parfois beaucoup plus convaincantes au niveau de l’énergie et de l’effet global. Ce sont des problèmes que nous avons eus sur Lethal Dose Of… et It Begins, et nous nous en sommes sortis à partir du moment où nous avons fait Released. Je pense qu’aujourd’hui, Released et Dying Breed, ce sont vraiment les deux albums où nous avons des bonnes chansons qui sont bien structurées et bien jouées ; ce sont les deux premiers albums du groupe qui sont vraiment écoutables, je pense.
Tu as quand même un discours très sévère sur vos albums, notamment par rapport au mixage. Est-ce que ça t’arrive de remettre en question cette sévérité, en te disant que c’est peut-être toi qui es un peu difficile ou tatillon ?
C’est probablement ce qui s’est passé sur ces albums où je ne suis pas satisfait de la production. Du coup, maintenant, je sais que non, ce n’est pas moi qui suis tatillon ou qui suis un peu difficile. Surtout que nous avons toujours la possibilité de comparer avec les versions démo. Quand les versions démo ont plus d’énergie et sont plus agréables – même si elles sont moins bien produites, moins bien jouées – que le résultat final, s’il y a un effet qui disparaît après la production de l’album, c’est qu’il y a quelque chose que nous avons loupé. Il y a de vrais critères objectifs. Du coup, c’est quelque chose de très agréable quand on travaille avec Chris Laney, car il comprend vraiment ce style. De toute façon, tu sais, il mixe tout le sleaze et le glam d’aujourd’hui, donc il sait ce qu’il fait. Je n’ai pas été au mixage avec lui, par exemple. Je n’ai pas besoin d’aller avec lui. Je lui envoie toutes les pistes, il me les renvoie et quand il me les renvoie, en général, je n’ai quasiment rien à redire. C’est très agréable et c’est pour ça que c’est bien de travailler avec lui.
On peut remarquer que, comparé aux deux précédents albums, c’est assez brut, qu’il n’y a pas forcément beaucoup d’arrangements et qu’il y a un parti pris de se concentrer sur le noyau dur du rock, soit guitare, basse, batterie et chant. Est-ce que cet album est aussi un recentrage sur l’essentiel ?
Je ne sais pas. Je n’en suis pas sûr. J’ai fait les chansons de la même manière que j’avais fait celles de Released. Après, maintenant nous avons tendance à adopter une petite routine qui fait que nous savons quel genre de chanson nous voulons. Nous ne voulons pas des trucs trop compliqués. Ce n’est pas quelque chose qui nous intéresse. Je pense que c’est dur de faire des choses simples, mais quand on y parvient, je crois que ce sont les meilleurs morceaux qui en ressortent. C’est ce qui nous plaît et c’est ce que nous voulons faire. Après, s’il y a besoin d’arrangement, nous faisons des arrangements. C’est vrai que peut-être nous en avons moins fait sur celui-ci. Il y a moins d’instruments extérieurs, c’est plus basé sur basse-guitare-batterie. Ce n’est peut-être pas non plus complètement recherché, c’est comme ça. En fait, nous avons voulu faire un album qui se tenait, qui n’avait pas trop de morceaux différents les uns des autres. Nous avons donc essayé de nous tenir à une ligne conductrice avec des morceaux assez homogènes, par rapport à Released où ça partait un peu dans tous les sens. Il y a des gens qui se sont sentis vraiment perdus apparemment avec Released. J’avais vu ça dans certaines chroniques, d’ailleurs en Suède, où l’album n’avait pas été très apprécié par certains magazines. Là nous avons donc essayé de faire quelque chose de plus rock du début jusqu’à la fin.
« Blast Me Up » était un des morceaux forts de It Begins. Il passait d’autant moins aperçu qu’il ouvrait l’album. Alors pourquoi l’avoir réenregistré sur ce nouvel album. Qu’est-ce qu’il vous déplaisait sur la version de It Begins ?
Déjà, la raison principale est que It Begins n’est plus disponible à la vente, ni en streaming. Donc la seule façon de pouvoir écouter « Blast Me Up », c’est avec le clip qui doit encore être sur YouTube. Et comme c’est une des chansons qui marchent le mieux en live, c’était une bonne raison pour la réenregistrer, pour que les gens puissent l’écouter. Il arrive souvent que les gens viennent après le concert et nous demandent sur quel album elle est. C’était un peu frustrant de dire qu’elle n’est plus sur aucun album et qu’ils ne pouvaient pas se la procurer. Après, le fait est que je pense que ça sonne bien mieux sur cette version mixée par Chris Laney, donc c’est tout bénef. Le problème sur It Begins, c’est que nous n’avions pas totalement eu notre mot à dire sur le mixage. C’est très bien produit mais ça ne sonnait pas vraiment de la manière dont nous voulions, surtout quand on compare… Enfin, maintenant on ne peut plus [rires]. Mais si tu mets ton CD de It Begins et que juste après tu compares avec quelque chose de moderne, je pense que nous ne sommes pas dans la compétition.
« Ghost, je pense que c’est le génie du siècle, car pour moi, c’est la meilleure excuse pour un metalleux d’écouter ce qui, habituellement, il appellerait de la musique de pédé. Grace à ce concept satanique et le visuel, je crois qu’ils ont réussi à faire quelque chose que personne ne peut faire. »
Pourquoi It Begins n’est plus disponible à la vente ?
Nous avions rompu le contrat avec Sony à l’époque, du coup Sony ne le commercialisait plus, d’une part. D’autre part, nous n’avons pas pu le re-presser nous-mêmes parce que nous ne détenons pas les droits sur les enregistrements. La seule manière c’est donc de tout réenregistrer si nous voulons le ressortir. Je pense qu’il n’y a aucune chance que nous récupérions les droits sur les enregistrements, et de toute manière, pour le moment ça ne nous intéresse pas. Après, c’est vrai que nous nous disons souvent qu’il y avait quand même de bonnes chansons. Il y a des chansons que nous avons toujours dans notre setlist et c’est vrai que ce serait sympa d’en réenregistrer certaines, avec une meilleure production. Parfois nous délirons sur le fait de refaire un enregistrement comme ça avec des morceaux de Lethal Dose Of… et It Begins. Peut-être que ça se fera dans le futur, nous ne savons pas. Pour le moment, ce n’est pas un projet, en tout cas, mais sait-on jamais.
D’après le communiqué de presse, Dying Breed serait une réaction face aux tournures que la musique prend actuellement. Les rockeurs sont-ils une espèce menacée, selon toi ?
Oui, enfin, c’est ce que le communiqué de presse dit [petits rires]. Après, on peut lui donner pas mal de sens différent. Moi, dans l’idée, au départ, c’était un peu un clin d’œil sur le revival des années 80, glam ou sleaze – quel que soit le nom –, qui a vraiment connu son pic il y a dix ans en arrière. Aujourd’hui, finalement, il n’y a plus que les vrais groupes du départ qui restent. C’est un peu un message par rapport à ça. Quasiment tous ceux qui ont commencé en même de temps que nous – je vais dire soixante-dix pour cent, si ce n’est quatre-vingts pour cent – ont arrêté en court de chemin. Tout le monde a abandonné. Après, oui, on peut aussi y voir un certain clin d’œil à la musique d’aujourd’hui. D’un point de vue très personnel, je trouve qu’on va vers la médiocrité et je le regrette beaucoup. Je pense être quelqu’un d’assez ouvert d’esprit, nous sommes même très ouverts à beaucoup de styles différents dans le groupe. Pour te dire à quel point je peux être ouvert, je reconnais volontiers les bons musiciens quel que soit le style qu’ils font. Je pense que quelqu’un comme Rihanna est une très grande chanteuse, même si je n’aime pas ce qu’elle fait. Je reconnais qu’il y a du talent et qu’il y a beaucoup de travail derrière. Je pense qu’aujourd’hui, même ça, ça commence à se perdre. Je vois de plus en plus la musique qui vient de l’ordinateur. Je vois de plus en plus de gens qui ne fournissent aucun effort pour faire de la musique, et c’est ça qui me contrarie beaucoup. Je vois les jeunes aujourd’hui, ils ne se prennent plus la tête, on n’apprend plus à jouer d’un instrument. Aujourd’hui, tu peux tout acheter. Tu peux acheter tes lyrics, tu peux acheter tes beats, etc. Tu n’as même pas besoin de savoir chanter parce que c’est tellement à la mode de mettre l’auto-tune à blinde que de toute façon… Il n’y a plus aucun travail à fournir. C’est surtout ça qui me dérange.
Après, n’y a-t-il pas là derrière un côté un petit peu réac comparable aux parents qui, dans les années 80, voyaient le hard rock qu’écoutaient leurs ados comme de la décadence, à fustiger ces nouvelles tendances et clamer que « c’était mieux avant » ?
Je n’ai pas l’impression. J’ai toujours pensé qu’avec la musique, on faisait des choses extraordinaires avant, mais on en fait tout le temps aujourd’hui. Aujourd’hui, ce que je reproche, c’est vraiment le manque de travail. Il y a encore beaucoup de trucs… C’est pour ça que je vais être prudent aussi : il n’y a pas que ça. Il ne faut pas non plus en faire une généralité, mais je vois de plus en plus les gens écouter la musique sur leur portable avec un son de merde et je vois qu’il n’y a rien derrière, je vois que tout est nul, de la composition à la production, tout est mal fait. Donc, ce n’est pas être réac, c’est vraiment constater que tout est nul. Pour moi, la musique, tant qu’elle est jouée par des musiciens, ça me va. Parfois, même s’il y a un côté ordinateur derrière, ça peut m’aller. Après, s’il n’y a plus que l’ordinateur derrière, dans ce cas ça ne m’intéresse plus. Dans ce cas, je pense qu’on ne peut même plus appeler ça de la musique, en fait. C’est surtout sous cet angle que je le vois. Après, j’ai quand même été assez ouvert à tout ce qui s’est fait jusqu’à très récemment. Je n’écoute pas tout le temps du rock et du metal. J’ai été assez ouvert d’esprit pour aller voir Lady Gaga en concert. C’est un des meilleurs concerts que j’ai jamais vus. Sur scène, c’est vrai que ce n’est pas pareil que sur les CD. Sur scène, il y a des guitaristes, il y a un batteur, et il y a bien plus de couilles qu’un concert de Mötley Crüe. Je reconnais volontiers que même si parfois on n’aime pas, il faut reconnaître que les gens ont du talent et qu’ils jouent bien. Aujourd’hui, de plus en plus, quand je vois ce qui se passe autour de moi, ce n’est pas ce que je constate.
Tu penses que la musique électronique, celle qui est faite par ordinateur, il n’y a forcément pas de travail derrière ?
Il y a toujours un travail… Justement, ça dépend. Je veux bien tout le temps reconnaître qu’il y a un travail de création, quoi qu’il en soit. On ne peut pas le nier. Après, moi, qui suis assez familier avec les programmes musicaux d’enregistrement, je vois ce qu’on peut faire aujourd’hui sur un ordinateur. Il me semble qu’aujourd’hui, si tu as trois mille euros à mettre dans un très bon ordinateur avec des bons programmes, je pense que tu peux faire carrière, et la seule chose que tu as à apprendre, c’est juste appuyer sur les boutons de l’ordinateur. Ce n’est rien de plus. On peut être d’accord avec ça ou pas, mais moi je trouve, personnellement, que c’est dommage de ne plus avoir l’apprentissage de l’instrument, le côté assez personnel et humain où il faut le vouloir pour y arriver, il faut fournir un vrai effort, il faut persévérer. Il y a quelque chose de vraiment « true » derrière cette démarche, et je crois que ce n’est pas quelque chose qu’on a quand on fait de la musique électronique.
Il y a toujours un côté un peu créatif, certes, tu ne peux pas l’enlever et encore ça dépend de ce qu’on fait, ça dépend des gens… Enfin, je ne sais pas, en appuyant sur un bouton sur mon logiciel Cubase, ça te sort un morceau tout fait. Il n’y a pas grand-chose à faire. Ce n’est pas un truc auquel j’adhère. J’ai été confronté à des exemples – je le suis de plus en plus. Aujourd’hui, je bosse dans le tatouage, donc je vois passer énormément de gens différents, et je vois passer surtout les jeunes. Cette nouvelle génération, qui a dix-huit ans aujourd’hui, ils m’expliquent comment ils font de la musique et je t’avoue que… Bon, maintenant, je l’ai accepté, mais au départ, je me disais : « Putain, vous êtes vraiment des branleurs ! » Et les gars, ils me disent : « C’est clair que comparé à comment ils faisaient avant ou à ce que tu fais toi, ouais, on est des gros branleurs. » Ça les fait marrer, mais au moins, ils le reconnaissent. Après, tu peux aussi dire qu’ils achètent leurs lyrics quelque part, qu’ils achètent leurs loops et leurs beats quelque part, donc il y a quand même quelqu’un qui a fait tout ça. Il y a de la création, mais ce n’est pas de la part de ceux qui s’en servent.
« Si on regarde bien, tous les grands noms d’aujourd’hui, les Guns N’ Roses, etc. on les a bien propulsés à un moment. C’est bien ça le problème aujourd’hui. On ne propulse plus personne. Donc les groupes, en général, pas tous mais la majorité, ont une durée de vie très éphémère. »
Après, si on suit cette logique, est-ce que les groupes aujourd’hui, quel que soit le style, ne sont pas tous des branleurs si on compare aux années 70, où quand ils devaient enregistrer, c’était sur des bandes, ils devaient les découper, les raccorder, etc. ? C’était très fastidieux, alors qu’aujourd’hui, la technologie offre des facilités inédites.
Exactement. Ecoute, c’est exactement de la manière dont nous nous débrouillons aujourd’hui, et ça fait déjà des années que nous pratiquons comme ça. Je vais te dire un truc qui est très clair : d’une part, il faut bien que tu enregistres tes parties, donc le travail est toujours là. Après, enregistrer sur bande et tout, je pense qu’il y a énormément de groupes qui le feraient volontiers s’ils avaient l’argent pour le faire. Le fait est qu’aujourd’hui, je ne vois pas qui peut se payer des journées de studio. C’est devenu inabordable et c’est bien la raison pour laquelle le home studio s’est développé, car plus personne ne peut payer pour ça. Personnellement, je préférerais largement passer des heures et des heures en studio pour enregistrer mes parties de chant ou de guitare en même temps que tout le groupe, parce que d’une part, nous aurions des trucs qu’on ne peut pas retrouver dans les home studios, c’est-à-dire ne serait-ce que l’environnement de la salle d’enregistrement, la réverb de la salle, ce sont des choses qu’on n’aura jamais dans un home studio et qui se ressentent beaucoup sur le résultat final du produit. Et il y a simplement le fait d’enregistrer avec du matériel très haut de gamme. Personnellement, je n’ai pas les moyens d’avoir des micros à sept, huit ou dix mille euros chez moi pour enregistrer les albums de Blackrain. Je préférerais aller en studio, mais personne ne veut payer pour ça. Je sais très bien que c’est le cas d’énormément de groupes aujourd’hui. C’est surtout ça la raison pour laquelle on ne le fait pas.
Même si ça reste marginal dans les médias grand public, on dirait que le hard et le metal ne se portent pas si mal dernièrement en France : le Hellfest bat tous les records, on a pu voir Gojira, Ghost ou encore récemment Alice Cooper dans l’émission Quotidien, des mastodontes comme Metallica, Rammstein ou AC/DC remplissent des stades… Finalement, cette musique est quand même en bonne santé, non ?
Oui, je pense. De toute manière, le metal, c’est un bon marché dans l’optique où les fans sont de vrais fans. Ce n’est pas comme cette jeune génération, justement, c’est là qu’il y a une grosse différence. Si je pouvais comparer, la jeune génération, tu peux leur donner ce que tu veux, de toute manière ce qui leur importe, c’est d’écouter ce que tout le monde écoute et demain ils auront oublié ce qu’ils écoutaient hier. C’est la différence majeure. Quand tu écoutes du metal ou du rock, il me semble que tu restes fan quasiment toute ta vie, ce qui veut dire que c’est un public fidèle.
J’ai lu quelques articles sur internet de patrons de maison de disques metal qui disent que là où ils voient la différence, c’est qu’ils ont l’impression que le public metal vieillit et ne se renouvelle pas vraiment. Il y en a quelques-uns qui sont assez négatifs par rapport à leur vision de l’avenir, car ils pensent qu’il n’y a plus que des vieux qui écoutent ça. J’espère qu’ils ont tort, mais quelque part je pense qu’ils ont un peu raison. Il y a énormément de jeunes groupes qui sont arrivés et qui marchent très fort auprès d’un public très jeune, du genre dans des trucs hardcore comme Asking Alexandria ou, pour parler français, Betraying The Martyrs. Mais c’est vrai que ce qui rassemble le plus, et ce qui continue à vendre plus que tout, et je pense que c’est ça qui fait vraiment augmenter la moyenne, ce sont les vieux dinosaures. Ce n’est pas tout le monde qui fait le Stade De France, c’est AC/DC, c’est Metallica… Certes, tu peux faire leur première partie, mais ça ne veut pas dire que toi tu rempliras le stade, je ne pense pas. Le business se fait quand même beaucoup aujourd’hui sur les vieux noms, les Alice Cooper, les AC/DC que tout le monde connaît et qui ont su parler à beaucoup de générations différentes.
Il y a aussi un truc que je constate, c’est que les festivals d’été comme le Hellfest ou le Sweden Rock, c’est devenu l’événement de l’année ; le Hellfest, c’est l’événement de l’année pour les metalleux français. Il y a même beaucoup de personnes qui, au lieu de prendre leurs vacances, économisent pour aller au Hellfest. C’est aussi une des raisons pour lesquelles il y a tellement de monde chaque année, car les concerts… J’ai habité à Paris cinq années, c’est quand même loin d’être toujours plein. Même quand ce sont de gros groupes, l’affluence n’est pas toujours là. Les festivals, ça reste quelque chose d’assez spécial, de convivial. Ça a un côté vacances où tu retrouves toute la communauté metal et c’est un truc qu’on ne retrouve peut-être pas dans un concert normal.
Tu parlais des groupes de metalcore, mais on peut quand même avoir l’impression qu’il y a une tendance au niveau du hard rock. On peut prendre l’exemple de Ghost qui est flagrant et qui est bien parti pour être une des grosses têtes d’affiche de demain, si ne n’est déjà le cas aujourd’hui. Et il y a des groupes, peut-être un peu plus modestes, mais qui semblent pas mal marcher, y compris chez les jeunes, comme Airbourne, Rival Sons ou Greta Von Fleet qui a été propulsé très tôt.
Oui, il y en a qui marchent. Alors, j’aurais quasiment une explication pour chacun [rires]. Airbourne, c’est évident que ça marche. J’adore Airbourne, j’adore les voir sur scène, c’est le genre de groupe que je voudrais voir tout le temps sur scène. Après, je suis désolé, c’est une copie d’AC/DC. Ça me paraît logique que ça marche, en fait. Qui n’aime pas AC/DC ? Tout ce qu’ils font, des chansons jusqu’au son, c’est vraiment AC/DC, donc ça ne m’étonne pas du tout que ça marche. Par contre, là où je vois qu’ils sont vraiment forts, c’est qu’ils bougent comme des dingues sur scène. C’est ce que j’attends d’un groupe de rock sur scène, donc je trouve ça génial. Ghost, je pense que c’est le génie du siècle, car pour moi, c’est la meilleure excuse pour un metalleux d’écouter ce qui, habituellement, il appellerait de la musique de pédé. Grace à ce concept satanique et le visuel, je crois qu’ils ont réussi à faire quelque chose que personne ne peut faire. C’est vraiment du génie. J’aime beaucoup aussi. Personnellement, je n’arrive pas à écouter un album en entier, mais les chansons que j’aime, je trouve que ce sont les meilleures chansons que j’ai jamais écoutées depuis des décennies. C’est vraiment mérité et je comprends que ça marche.
Ensuite, pour être honnête, Rival Sons, je n’ai jamais accroché, et Greta Von Fleet, par contre, j’ai bien aimé mais il me semble que c’est vraiment très années 70. Ce n’est pas forcément ma tasse de thé mais j’ai trouvé que c’était vraiment bien produit, qu’il y avait une bonne énergie, que c’était un bon groupe. Heureusement qu’il y a quand même des bons groupes et que les gens accrochent. Ghost et Airbourne, maintenant c’est confirmé que ça marche vraiment. Rival Sons et Greta Von Fleet, je ne suis pas convaincu que ce sont déjà des grands noms. C’est comme ce groupe qui a fait la première partie d’AC/DC dans le monde entier, Tyler Bryant & The Shakedown. Ils ont quand même fait le tour du monde avec AC/DC, mais la réalité derrière, c’est que quand ils ne sont pas avec AC/DC, ils font des salles minuscules et ils ne vivent pas du tout de la musique. Après, j’espère bien que le rock n’est pas en train de mourir et que ça restera un style majeur dans la vie des gens. De toute manière, il y a toujours des cycles, des hauts et des bas, c’est plus ou moins à la mode. En ce moment, je ne pense pas que ce soit vraiment très à la mode.
« Ce que je trouve difficile, c’est qu’au départ, on te catalogue dans un style et ensuite c’est impossible de t’en sortir. Je pense que nous aurions pu faire du black metal sur un album, on nous aurait dit que c’est de la copie de Mötley Crüe. »
Pour Greta Von Fleet, ce qui leur est parfois reproché, c’est d’avoir été propulsés sur le devant de la scène par des businessmen, avant même d’avoir fait un premier album…
Justement, ça aussi ça m’intéresse. Pourquoi est-ce qu’on leur reproche ça ? C’est un truc qui me dépasse. Si on regarde bien, tous les grands noms d’aujourd’hui, les Guns N’ Roses, etc. on les a bien propulsés à un moment. C’est bien ça le problème aujourd’hui. On ne propulse plus personne. Donc les groupes, en général, pas tous mais la majorité, ont une durée de vie très éphémère. Aujourd’hui, le monde de la musique est un milieu assez ingrat. C’est très difficile de vivre de sa musique. Il faut vraiment en avoir très envie et avoir envie de ce choix de vie qui est quand même très spécial pour ne pas abandonner. Ce n’est pas donné à tout le monde. Ce n’est pas tout le monde qui persiste. Tout le monde ne traverse pas l’épreuve du temps. Après, des fois, il faut être là au bon endroit au bon moment. Ce qui est important, c’est que le groupe fasse de la musique décente. C’est sûr que si on propulse un truc alors que les gars, il n’y en a pas un qui en met une dedans et que c’est vraiment de la soupe, je comprendrais que ce soit énervant. Personnellement, ce que j’ai écouté de Greta Von Fleet, ça me semblait quand même vraiment bien.
Je vais revenir sur ce que tu disais sur Aibourne, le fait que ça marche parce que c’est une copie d’AC/DC. Est-ce que c’est un critère suffisant pour expliquer leur succès ?
Bien sûr que non, ce n’est pas un critère suffisant. C’est aussi qu’ils le font bien. Car des copies d’AC/DC, il y en a énormément. Il y en a notamment un ici en Suède pas loin d’où j’habite, mais c’est beaucoup moins bien fait. Airbourne, ils sont arrivés avec un album, il y avait des tubes dedans. Quand tu as une production, un mixage comme ça qui est vraiment proche, tu as vraiment l’impression d’entendre AC/DC par moments, c’est plus communicatif et ça parle plus aux gens, ça passe mieux. Après, bien sûr, la raison principale, c’est que les gars sont bons et les chansons sont valables. Autrement, je ne pense pas que ça marcherait si ce n’était pas bien à la base.
D’un autre côté, est-ce que ce n’est pas difficile dans ce créneau d’avoir un son neuf et qui ne ressemble pas à autre chose ? Il y en a beaucoup qui disent que Blackrain, par exemple, vous sonnez beaucoup comme Mötley Crüe sur certains morceaux, beaucoup comme Bon Jovi sur d’autres, etc.
C’est pour ça qu’Airbourne, ils ont raison de faire ce qu’ils font, et ils le font à deux cents pour cent. Ils ne s’en cachent pas. C’est complètement assumé. Moi, ça a eu tendance à m’énerver un peu que sur certains albums on nous dise que ça ressemble à Mötley Crüe parce qu’en fait, pas du tout, de mon point de vue. Après, sur ce dernier album que nous venons de sortir, on m’a dit : « Tiens, ça, ça rappelle Mötley Crüe, ça rappelle Bon Jovi. » Là, par contre, je suis d’accord. Je l’assume sur ce dernier album parce que, personnellement, je l’ai vraiment fait exprès sur certains morceaux. Ce que je trouve difficile, c’est qu’au départ, on te catalogue dans un style et ensuite c’est impossible de t’en sortir. Je pense que nous aurions pu faire du black metal sur un album, on nous aurait dit que c’est de la copie de Mötley Crüe. C’est comme ça, tu l’acceptes et puis c’est tout. Ce n’est pas bien grave. Ce que je trouve dommage, c’est que peut-être, parfois, ça en rebute certains qui n’ont pas envie d’écouter des copies. Je t’avoue que c’est une question qui ne me dérange pas vraiment. Si les gens pensent que c’est comme Mötley Crüe, ça me va. Je m’en fous, en fait. Nous nous contentons de faire la musique que nous aimons, qui nous plaît, et à partir de là, si t’aime tant mieux, si ça ne te va pas, tu vas voir ailleurs.
Ce serait quoi les morceaux sur l’album où tu as fait exprès de sonner comme un autre groupe ? Par exemple, le côté Bon Jovi sur « We Are The Mayhem », c’était assumé ?
Oui, je l’assume complètement. J’ai fait en sorte que la ligne de basse rappelle un peu celle de « Livin’ On A Prayer », donc déjà ça fait beaucoup. Par contre, pour le reste, je ne l’ai pas vraiment fait exprès sur cette chanson, mais sur le résultat final, oui, je me suis dit : « Tiens, ça rappelle beaucoup Bon Jovi. » J’aime bien, donc je m’en fous, ça me va très bien comme ça. Par contre, plus un titre comme « A Call From The Inside », là j’avais une période où j’écoutais beaucoup Bon Jovi et j’ai voulu faire une chanson comme Bon Jovi. J’espère que c’est réussi, dans cette optique ! Egalement, nous avons sorti un single qui s’appelle « Hellfire », dont le riff d’intro rappelle beaucoup Mötley Crüe. C’est un truc dont nous ne nous étions pas rendu compte. Nous en sommes rendu compte quand nous avons posté la vidéo et que tout le monde dans les commentaires disaient : « Putain, c’est le riff de ‘Looks That Kill’ ! » Là, nous nous sommes dit : « Putain, c’est vrai que ça ressemble beaucoup ! » Pour le coup, l’explication, c’est que ce n’est pas nous qui avons fait le riff [petits rires], donc nous ne l’avons vraiment pas fait exprès. Car j’ai deux chansons, « Hellfire » et « A Call From The Inside », que j’avais envoyées à un arrangeur suédois, et il avait beaucoup réarrangé « Hellfire », notamment avec ce riff qu’il a fait. Il s’appelle Patrik Magnusson. Il n’est pas tant connu que ça, mais il avait produit l’album Generation Wild de Crashdïet, et je crois qu’il avait même composé la chanson « Generation Wild ».
Dans la chanson « Rock Radio », il y a des passages avec un effet sur la voix donnant l’impression que c’est le dirigeant d’une radio qui parle, reprochant notamment qu’il y a trop de guitare, trop de batterie, etc. A quel point il y a du vécu là-derrière ?
C’est ce qu’on nous répond quand nous voulons passer à la radio, donc oui, c’est du vécu [rires]. Nous ne correspondons pas aux critères aujourd’hui, surtout pas en France. Nous avons surtout du vécu en France ; c’est un exemple typiquement français. Tu ne corresponds jamais aux critères, tu n’es jamais dans le bon format, donc tu ne peux pas passer à la radio. C’est un truc qui nous aurait bien arrangés, parce que la radio ça rapporte beaucoup de sous, donc ça permet à beaucoup de vivre de leur musique. C’est pour ça que nous avons essayé deux ou trois fois, avec nos contacts et tout, mais ça ne les intéresse pas, ce n’est pas ce qu’ils veulent.
Après, même s’il y a pu y avoir des effets de mode où le hard rock a été médiatisé – je pense aux années 80 –, le caractère marginal n’est-il pas finalement inscrit dans son ADN ? Je veux dire qu’à leur grande époque, les Alice Cooper et autre Twisted Sister dérangeaient voire faisaient peur. Vouloir aller à l’encontre de ce côté marginal, ce n’est pas un peu aller à l’encontre de ce qui a fait cette musique, culturellement parlant ?
Ce qui a fait cette musique, ce qui en a fait des icônes, c’est quand même qu’on les a propulsés à la télé, à la radio, partout où ils pouvaient. Ils ont eu des expositions incroyables, des trucs qui n’existent plus aujourd’hui. C’est la raison pour laquelle aussi ils sont devenus des icônes, au-delà, bien sûr, du fait qu’ils étaient très forts et qu’ils ont fait des chansons inoubliables. C’est beaucoup de conditions réunies, à chaque fois, de toute manière. Mais toute cette exposition au grand public, c’est quand même là que tu passes sur le gros engrenage, comme c’est expliqué dans le livre de Mötley Crüe, par exemple. Si MTV n’avait pas diffusé les singles des Guns N’ Roses sur Appetite For Destruction, ils expliquent bien que leur succès n’aurait certainement jamais été le même. Donc tout est relatif. J’en conviens, bien sûr que le rock est une musique marginale, c’est une musique rebelle, mais à un moment donné, si tu veux que ça reste underground et si tu veux que ce ne soit qu’une poignée de true fans qui aient accès à tout ça, la réalité est simple : la musique marchera quatre ou cinq ans, et après plus personne n’en fera, ce sera mort et il n’y en aura plus. C’est donc nécessaire d’avoir ce genre d’exposition plus ou moins commerciale, dirons-nous.
« J’ai quand même un problème avec ce qui sort aujourd’hui et qu’on appelle du rap. […] Quand j’écoute Booba ou des trucs dans le genre, j’ai l’impression qu’on est tombés dans l’idiocratie totale. »
Certains voient le rap aujourd’hui comme étant ce qu’était le rock dans les années 80, c’est-à-dire une musique à la fois sulfureuse, qui peut déranger, et en même temps très médiatisée. Es-tu d’accord avec ça ?
Oui, je pense que ça l’a certainement été, c’est sûr. Mais bon, j’ai quand même un problème avec ce qui sort aujourd’hui et qu’on appelle du rap. Il y a des choses que j’écoute volontiers, même si ce n’est pas mon truc, je peux écouter. Tu me mets du Snoop Dogg, d’accord, je peux me farcir deux ou trois chansons, ça me va. Mais ce qu’on appelle le rap aujourd’hui, je ne sais plus ce que ça veut dire, je ne sais pas ce que les gens cherchent. Quand je vois ce qui se fait en France, c’est pareil, ça me désole. Quand j’écoute Booba ou des trucs dans le genre, j’ai l’impression qu’on est tombés dans l’idiocratie totale. Donc je ne sais plus vraiment ce que c’est. Je ne sais pas si c’est être rebelle… J’ai l’impression que c’est quand même plus dans l’optique d’avoir l’air cool, de dire le plus d’insultes possible et de se taper le plus de bombes sexuelles possible. Je ne vois plus où est le mouvement derrière. C’est un truc que j’ai vraiment du mal à comprendre. Après, le rap, il me semble que oui, à une époque, il y a vraiment eu des revendications fortes et intelligentes. Il y a eu des trucs bien qui se sont faits. Après, on aime ou on n’aime pas. C’est de toute manière un mouvement rebelle à l’origine, on ne peut pas le nier. De toute façon, c’est toujours plus fort quand ça commence. Je me rappelle de Wu-Tang Clan et tout, c’était quand même violent. On ne disait pas : « Je vais te niquer ta mère, parce que… » Je ne sais plus ce que j’ai entendu la dernière fois, je me suis attardé sur les paroles, mais j’étais navré. Ça n’avait aucun sens.
Après, si on se fait l’avocat du diable et qu’on regarde les vieilles vidéos et paroles de Mötley Crüe – un exemple parmi d’autres –, ça ne volait pas non plus très haut et il y avait aussi plein de bombes sexuelles.
Ça ne volait pas hyper haut, mais attention, là où il y a un truc sur lequel je ne suis pas d’accord, c’est que c’était quand même bien écrit. Aujourd’hui, ce n’est pas bien écrit. Aujourd’hui, c’est de l’insulte et de la rime pauvre. Il y en a certainement qui valent la peine mais, en tout cas, ce n’est pas ceux qui font les Bercy, les Zénith et ce genre de trucs. Il y avait des groupes avec des paroles à la con… Tu aurais pu citer Poison, par exemple [rires]. « Poison, Po-Poison ! » Ça ne volait pas très haut, je suis d’accord. Mais bon, derrière, il y avait quand même des grandes chansons, des très belles mélodies, ce n’est pas non plus pour rien qu’aujourd’hui, tu vas en Amérique, tout le monde connaît des chansons, c’est qu’il y avait quand même quelque chose de vraiment bien. Je ne sais pas si Booba, dans vingt ans, des gens se rappelleront ce qu’il faisait.
« Animal (Fuck Like A Beast) » de W.A.S.P., c’est un petit peu graveleux aussi. Si on imagine la chanson chantée en français, ce n’est pas forcément terrible…
Ce n’est jamais bien de dire « si tu traduis en français ». Ça ne se traduit pas. De toute manière, ça a toujours une interprétation. Ce que tu dis en français, tu ne peux pas le dire en anglais, et vice versa, c’est toujours une interprétation de ce que tu dis. Ça, ça ne marche pas, je ne suis pas d’accord avec ça [rires]. Après, oui, si tu replaces le truc à l’époque, c’est vrai que c’était de la pure provocation, mais j’en reviens toujours à la même chose : même si les paroles étaient de la pure provocation, on ne peut pas leur enlever qu’il y avait un gros travail musical derrière et la chanson était quand même bien. Donc oui, les paroles peuvent paraître de l’insulte gratuite sans beaucoup de sens derrière, mais il n’empêche qu’il y a tout un contenu, c’est tout un groupe, etc. C’est ce que je ne vois pas dans ce qui se passe aujourd’hui sur certains artistes.
Et puis Blackie Lawless a prouvé plus tard qu’il était capable de faire des choses plus profondes…
Oui, là-dessus je crois que ça ne se discute pas. En plus, derrière, il s’est conscientisé, dans la mesure où il ne joue plus « Animal (Fuck Like A Beast) » [rires]. C’est pour d’autres raisons, mais bon…
J’imagine que la vague de décès qu’on a pu vivre parmi les grands du hard et du metal vous a émus, et malheureusement ça n’ira pas en s’arrangeant. D’un autre côté, est-ce que ça joue un rôle de prise de conscience pour des groupes comme vous, en vous disant que vous êtes l’avenir de cette musique et que c’est à vous de prendre leur place ?
J’aimerais que ce soit vrai, mais je n’en suis pas certain. Il y a encore suffisamment de très gros artistes pour continuer à faire rêver les gens. Pendant combien de temps ? Je ne sais pas. On voit bien qu’AC/DC, ça ne va peut-être pas tout le temps très fort. Je pense que Metallica a encore de beaux jours. Les principaux seront encore là pendant quand même assez longtemps. Ce que je vois se développer plus que les nouveaux groupes – ça aussi ça me désole un peu, même si quelque part je peux le comprendre – ce sont les tribute bands, qui marchent beaucoup aujourd’hui. C’est surtout ça qui commence à vraiment marcher et à remplir les grosses salles, ce ne sont pas les vieux groupes. Je pense que ça fait déjà une bonne dizaine d’années que ça a démarré, mais je trouve que ça devient vraiment un truc à la mode. C’est assez incroyable tout ce qu’on peut trouver. Tu ne peux même plus compter le nombre de tribute bands à Pink Floyd ou à AC/DC qu’on peut trouver, et ces groupes-là feront toujours plus de monde que toi aux concerts. On passe sûrement un bon moment à écouter les reprises de son groupe favori, en plus sûrement à moindre prix, mais moi, ça n’a jamais été mon délire de vivre de reprises de chansons des autres. On me l’a souvent dit : « Tu verras, tu seras obligé de faire ça comme tout le monde si tu veux vivre de la musique. » On me l’a dit cent fois. Ce que j’ai toujours répondu, c’est : « Je préfère ne pas faire de musique que faire celle des autres. » Après, c’est un choix personnel, mais vraiment, c’est un truc qui ne m’intéresse pas. Mais c’est quelque chose que je vois et qui marche très fort. Donc l’avenir, je ne sais ce que c’est. J’espère que nous ferons partie de l’avenir mais je n’en suis pas certain.
Dans les années 70 et 80, l’idée du hard rock était un peu de bousculer les anciens et de prendre leur place. Est-ce que l’un des problèmes du hard rock d’aujourd’hui – et je parle autant des groupes que du public – n’est pas qu’on a trop de respect pour les anciens, justement ?
Je ne sais pas. Je t’avoue qu’il y a beaucoup trop de critères qui rentrent en jeu pour expliquer ça. On ne va de toute façon pas aller tuer les anciens pour les remplacer [rires]. Ce n’est pas possible de les remplacer. Ce qui est très fort avec les artistes qui restent, c’est qu’ils ont créé leur style. Ça a été les premiers à faire ce qu’ils font. Nous derrière, c’est vrai que nous ne faisons que nous inspirer de tout ce qu’ils ont fait. Tu ne peux pas remplacer un groupe comme AC/DC. Même Airbourne ne pas complètement remplacer un groupe comme AC/DC, car AC/DC est arrivé avec ça, c’est eux qui ont créé ça, qui ont amené un truc nouveau qui a bouleversé le monde à leur époque. Je pense que c’est aussi pour ça que les gens ne veulent pas en décrocher, car ils ont vécu avec ça. Les chansons de ces groupes, ça fait partie de leur vie, de leurs souvenirs, et je pense que ça provoque quelque chose de spécial, de très nostalgique. C’est irremplaçable. Je le comprends. Ces groupes sont arrivés, ils ont créé leur truc et c’était vraiment l’âge d’or, ils ont bénéficié d’une exposition de dingue. C’étaient les seuls, le monde entier en a entendu parlé, c’étaient des références. Aujourd’hui, ce n’est plus comme ça. On ne peut même pas reproduire ce qui s’est fait dans les années 70 ou 80. Je pense que ce n’est pas possible de refaire pareil.
« C’était du grand n’importe quoi… Nous nous prenions tous pour Mötley Crüe et je pense que nous aurions pu faire des compétitions de conneries avec eux. Je crois que notre but dans la vie à ce moment-là, c’était vraiment de nous démonter la tête le plus souvent et le plus possible, et nous étions très bons pour faire ça ! […] C’était marrant mais ce n’était pas productif, c’est sûr. »
Quand on écoute la chanson « Dying Breed », on dirait que cette idée de faire partie d’une « espèce en voie de disparition » dépasse même le cadre de la musique. Est-ce que ça veut dire que vous vous sentez en décalage avec le monde en général, en tant qu’êtres humains, avec les pratiques et modes de pensée des gens, etc. ?
Comme je te l’ai dit, on peut l’interpréter comme on veut [petits rires]. Oui, on peut peut-être le voir comme ça. Je pense que dans le groupe, nous sommes tous, à différents niveaux, plutôt contre la manière dont ça se passe aujourd’hui, avec l’argent et le petit noyau de personnes qui contrôle le monde, notre société, et nous impose absolument tout. Notamment, ce qu’on mange, d’où ça vient, ce qu’on voit, ce qu’on entend, etc. C’est très vaste. Nous sommes assez sensibles à ça. On peut donc l’interpréter comme ça et je te donne une explication rapide, mais qu’on soit d’accord, ce n’était pas l’idée première pour appeler l’album ainsi. Ce n’était pas aussi réfléchi, mais en tout cas ça marche !
Dans la chanson « A Call From The Inside » qui termine l’album, tu dis notamment des choses comme : « It’s time to leave the past behind », « I won’t take it anymore », « we’ll never look back », etc. Il y a cette idée de libération : est-ce un lien avec l’album précèdent, Released ?
Oui, ce sont des restes ! [Rires] Absolument. C’est tout à fait ça. Tu as mis le doigt dessus. Bon, après, ça peut être interprété de différentes manières aussi. Ça peut être interprété par rapport à la vie de tous les jours qui peut sembler très répétitive dans le monde dans lequel on vit, métro, boulot, dodo. Ça peut aussi être un coup de gueule par rapport à ça, mais c’est vrai que dans l’idée c’était des restes de l’album précédent.
Ça boucle la boucle.
Exactement ! [Rires] Là, c’est vraiment la libération finale et totale.
Toujours dans cette chanson tu parles de « call of the wild » : est-ce que le rock n’ roll, c’est avant tout une question d’instinct et de faire parler son côté animal ?
Non, je pense que c’est un truc assez personnel. Moi, j’aime bien parler de ce côté-là parce que c’est comme ça que je fonctionne et que je ressens les choses. J’ai toujours fonctionné comme ça. Je crois que c’est ce que je suis. Je ressens plus que je pense même parfois [petits rires] ; c’est peut-être même un problème de temps en temps. S’il y a des choix à faire, je fonctionne avec l’instinct. C’est pour ça que ça m’arrive souvent d’en parler. Après, c’est vrai que ça s’accorde bien avec le style, avec le hard rock, le rock, le metal, parce que ça vient des tripes. Cette musique, on l’aime parce qu’elle nous prend aux tripes. Donc c’est très lié, je pense.
Tu es de toute évidence un amoureux du hard rock, du glam et du sleaze. Je vais te poser la même question qu’on a posé aux gars de Crashdïet : qu’est-ce que tu penses de Steel Panther, qui semble parodier ces styles, et du succès indéniable que ce groupe rencontre ?
Personnellement, je n’aime pas du tout. Ce n’est vraiment pas mon truc, en fait. Je ne dois pas avoir d’humour [petits rires]. Ça ne m’a jamais fait marrer. Je les ai vus plusieurs fois aux Etats-Unis, donc il faut savoir qu’en plus, là-bas, ce n’est vraiment pas pareil que lorsqu’ils jouent en Europe. Aux Etats-Unis, c’est vraiment un show comique. Il y a entre cinq et dix minutes de pause entre chaque chanson pour raconter des conneries. Ça ne me parle pas. Ça ne me touche vraiment pas. Je n’aime pas du tout. Par contre, j’écoute tout le temps ce qu’ils font, pour voir ce qu’ils sortent, et j’avais déjà trouvé sur le dernier album qu’ils avaient vraiment des chansons qui sont des tubes. Le problème, c’est que dès qu’il commence à chanter « bite, cul, chatte, poil », je ne peux pas. Je trouve que ça casse le truc. Et c’est vraiment dommage, parce qu’il me semble que là, ils sont à un niveau de composition et de production tel qu’ils pourraient faire des « Livin’ On A Prayer » qui passeraient en boucle à la radio. Là, ils ont sorti « Gods Of Pussy », c’est pareil, si les lyrics étaient différents, je pense que ces chansons seraient des tubes. Mais là, surtout après tant d’albums, je trouve que ça devient vraiment relou. C’est un avis très personnel, ces trucs-là ne me font pas marrer. C’est pareil pour les groupes français. Ultra Vomit, Gronibard, ces machins-là, ils sont très forts, ils font des chansons superbes, mais dès que je commence à écouter les lyrics, je m’en vais. Ce n’est juste pas ma tasse de thé. Mais c’est vrai que ça marche bien. Les gens aiment bien. Je ne saurais pas l’expliquer mais ça va bien avec un esprit général de déconne. Je suis d’accord que parfois ça fait du bien, c’est juste que j’ai du mal à comprendre comment on peut bâtir une carrière là-dessus. Il y a un truc qui est sûr par rapport à ça, c’est que tous ces groupes font de la musique qui est excellente. Après, c’est le rapport aux lyrics, on accroche ou on n’accroche pas. Personnellement, je n’accroche pas.
Tu considères la Suède comme ton « pays d’adoption ». Peux-tu nous en dire plus sur ce qui te fait te sentir chez toi là-bas ?
C’est quelque chose qui ne s’explique pas vraiment. On en revient à la question de l’instinct. Par exemple, la première fois où je suis arrivé à Paris, je n’avais même pas foutu le pied dehors que je savais déjà que je détestais cet endroit. Je m’y sentais déjà mal. J’y suis resté environ cinq ans et j’ai toujours trouvé que c’était la pire ville du monde. En comparaison, la première fois où je suis arrivé en Scandinavie, je me suis tout de suite senti vraiment bien, vraiment chez moi, à l’aise. Après, j’ai été amené à être très souvent en Suède. Et plus récemment, j’ai eu l’occasion de déménager parce que je me suis marié avec une Suédoise. Voilà comment j’ai fini en Scandinavie.
Etant le seul en Suède, le groupe travaille beaucoup à distance. Comment faites-vous pour maintenir intacts la complicité et le sentiment d’unité au sein du groupe ?
Déjà, nous habitons à peu près tous à des endroits un peu différents. Même si je suis le seul à l’étranger, les autres n’habitent pas forcément dans la même ville. De toute manière, nous travaillons à distance depuis des années maintenant, depuis probablement plus de dix ans. Je pense qu’il y a énormément de groupes qui travaillent ainsi, ça marche très bien comme ça. Pour le maintien de l’unité, le truc, c’est que nous nous connaissons depuis tellement longtemps que nous sommes devenus une famille il y a de ça des années. Au bout d’un moment, je pense que la distance n’est pas un mal. Nous avons déjà vécu ensemble. Parfois, nous avons eu envie de nous taper dessus, nous avons réussi à gérer ces passages-là. Nous nous connaissons tellement bien les uns les autres que nous savons à peu près comment se prendre s’il y a des tensions. Aujourd’hui, il me semble qu’il n’y a jamais de tension. Maintenant, à chaque fois que nous nous revoyons, au contraire, c’est plutôt un plaisir, c’est vraiment cool, nous sommes vraiment contents, nous avons plein de trucs à nous dire et ça marche bien. En fait, c’est même mieux comme ça.
« Crashdïet avait permis ce revival, car c’est eux qui l’ont ramené. Ils ont créé une mode et c’est pour ça que c’était spécial et agréable d’aller là-bas : tout le monde avait du maquillage, des big hair, et ressemblait à une rock star. Au bout d’un moment, ça te poussait à faire tout ce que tu lis dans The Dirt. »
Concrètement, a quelle fréquence répétez-vous ensemble dans le même local ?
A la fréquence des concerts. Dès qu’il y a un concert, nous répétons ensemble. Ce n’est pas loin : c’est deux heures et demie d’avion, c’est très court, et ça ne coûte pas plus cher que de voyager en voiture en France. Ça reste très facile.
Te sens-tu plus en cohérence avec la manière dont le milieu de la musique fonctionne en Suède ?
Je vais te dire : c’est le jour et la nuit ! En Suède, le système est vraiment différent. Ce que j’ai vu, c’est que tout le monde a accès à la musique gratuitement. C’est une différence majeure et c’est ce qui fait qu’on trouve tant de bons groupes et de bons musiciens ici, car en plus ils commencent très tôt. Dès le plus jeune âge, tu peux pratiquer l’instrument qui te plaît, tu peux essayer ce que tu veux, tu vas à l’école et c’est gratos. Que tu aies de la tune ou pas, tu peux quand même faire de la musique. Forcément, tu peux être curieux et tu peux te permettre d’essayer plein de trucs. Après, la culture est quand même relativement différente. Quand je conduis ici, je sais que j’ai une radio nationale où il y a toujours du rock. Ce sont des différences comme ça qui font beaucoup, je trouve.
Les facilités pour faire de la musique, c’est effectivement quelque chose que Joacim et Oscar d’Hammerfall nous avaient raconté. Ce qu’ils disaient aussi, en rigolant, c’est que c’est une stratégie : ils incitent les jeunes à devenir musiciens, comme ça quand ils ont du succès, ils les ponctionnent en impôts…
[Rires] C’est sûr ! Par contre, là, oui, c’est le pays des taxes ! C’est un peu le côté négatif du pays. Mais autrement, musicalement, c’est vrai que c’est quand même mieux.
On a récemment parlé à Martin Sweet de Crashdïet. Il nous a notamment parlé du fait que tu avais auditionné pour le groupe et que vous aviez même composé ensemble (dont leur chanson « Caught In Despair »). Est-ce que tu peux nous parler de ces expériences ?
C’était la belle époque ! [Rires] Pour remettre dans le contexte, c’était il y assez longtemps, je fréquentais beaucoup le bassiste, Peter London. J’allais souvent à Stockholm et à chaque fois que j’y allais, c’est lui qui m’hébergeait. A ce moment-là, c’était du grand n’importe quoi… Nous nous prenions tous pour Mötley Crüe et je pense que nous aurions pu faire des compétitions de conneries avec eux. Je crois que notre but dans la vie à ce moment-là, c’était vraiment de nous démonter la tête le plus souvent et le plus possible, et nous étions très bons pour faire ça ! Après, comme j’étais tout le temps chez Peter… Lui avait déjà son home studio et c’est comme ça que nous avons commencé à faire des chansons. C’est vraiment lui qui m’a appris cette nouvelle manière d’enregistrer, de faire des démos, etc. et ça a vraiment changé ma manière de composer. Ça a beaucoup influé sur Blackrain. Aujourd’hui, tout ce que je fais, c’est lui qui me l’a appris, finalement. C’était vraiment passionnant.
Puis, à un moment donné, ils cherchaient un chanteur, donc forcément la question s’est posée assez vite… Enfin, c’est une question qui s’est posée sans se poser parce que de toute manière, eux avaient des conditions pour trouver un nouveau chanteur qui n’étaient pas compatibles avec ma situation. Eux recherchaient forcément un chanteur qui n’était pas déjà dans un groupe plus ou moins actif. Or c’était mon cas avec Blackrain et il n’était pas question pour moi de quitter Blackrain. Et puis aussi ils recherchaient quelqu’un qui habitait là-bas. Et je pense que je n’étais pas aussi bon que ça à l’époque [petits rires]. J’en chiais encore un peu au niveau du chant à cette époque-là. Je devais en chier particulièrement avec l’accent. On se moquait de moi assez régulièrement parfois [rires]. J’avais l’accent typiquement français. C’était vraiment un truc dur au départ, parce que tu ne t’en rends pas compte. L’accent, ils me l’avaient bien fait remarquer et ça m’avait d’ailleurs beaucoup aidé par la suite pour évoluer.
Si je me souviens bien, ils auditionnaient vraiment plein de monde. Il y avait énormément de candidats. Moi, comme je traînais avec eux déjà, j’étais tout le temps là-bas et nous enregistrions plein de trucs ensemble, ça s’est fait comme ça dans le courant des choses. En tout cas, c’était une époque où nous nous voyions souvent et c’est vrai que nous faisions des chansons ensemble… Parfois je leur ramenais des chansons, parfois j’aurais bien aimé leur piquer des chansons aussi. A ce moment-là, c’était vraiment le pic du revival glam. C’était très spécial. Ce n’était pas toujours très sérieux. Avec le recul, je pense que nous étions plus tout le temps complètement défaits qu’autre chose. Nous n’avancions pas trop dans tout ce que nous faisions. Mais bon, il en est ressorti deux ou trois trucs pas mal, notamment cette chanson que nous avions faite ensemble. Qui sait ? Ça se refera peut-être à l’avenir. En tout cas, nous nous entendions bien par rapport à tout ça.
Tu dis qu’« à ce moment-là, c’était du grand n’importe quoi ». Du coup, tu attises ma curiosité…
[Petits rires] Ce ne sont pas des trucs sur lesquels j’ai vraiment envie de revenir. Ce sont des trucs que je ne referais jamais aujourd’hui. Pour plusieurs raisons. D’une part, mon corps ne l’accepterait pas. D’autre part, parce que c’était vraiment… Je ne sais pas ce que nous avions dans la tête. C’était vain, c’était juste pour se démonter la tête, ça ne menait à rien. J’ai quand même d’excellents souvenirs de toute cette période, mais je pense que c’était trop. Ce n’était pas très productif. Oui, nous avions l’impression d’être Mötley Crüe et nous nous prenions pour Mötley Crüe, mais personne n’était Mötley Crüe. Ce n’était pas les années 80, même si Crashdïet avait permis ce revival, car c’est eux qui l’ont ramené. Ils ont créé une mode et c’est pour ça que c’était spécial et agréable d’aller là-bas : tout le monde avait du maquillage, des big hair, et ressemblait à une rock star. Au bout d’un moment, ça te poussait à faire tout ce que tu lis dans The Dirt et ainsi de suite. C’était marrant mais ce n’était pas productif, c’est sûr.
La dernière fois qu’on t’a parlé, tu évoquais vos ambitions internationales. Où en êtes-vous de ce point de vue-là ?
Aujourd’hui, je pense que nous le prenons différemment. Nous nous sommes un peu calmés sur tout ça. Là nous sommes très contents avec la sortie du nouvel album, car pour une fois, nous avons réussi à goupiller sortie d’album et tournée. D’habitude, nous avons toujours été assez malchanceux avec ça. Là nous allons déjà faire la tournée qui est prévue en octobre avec Kissin’ Dynamite, qui se déroulera un peu partout en Europe. Après, nous aimerions bien retourner au Japon, puisque l’album va sortir au Japon, donc je pense que c’est possible. Donc nous allons travailler là-dessus. Et après, on verra bien. Moi, je planche déjà sur un futur album. Maintenant, nous prenons plus notre temps et à la cool. Nous ne cherchons pas la tournée d’un an loin de chez nous. Nous n’avons plus vingt ans, donc nous voyons les choses un peu différemment, je pense. En tout cas, nous tenons quand même à faire de la musique et à faire des albums dans de bonnes conditions, en faisant vraiment des choses que nous aimons et d’une manière qui nous plaît vraiment. De même avec les tournées. Nous allons essayer de travailler comme ça à l’avenir, avec des dates sympas dans le plus d’endroits possible, et sur des durées et des périodes bien définies.
Interview réalisée par téléphone les 6 & 10 septembre 2019 par Philippe Sliwa & Nicolas Gricourt.
Retranscription : Nicolas Gricourt.
Site officiel de Blackrain : blackrain.fr/wordpress.
Acheter l’album Dying Breed.
Il faudrait définir la musique de pédé, non ? Pas très classe tout de même.
Sinon, au moins, le mec ne fait pas trop de langue de bois 😉
[Reply]
Cette lucidité et cette honnêteté me donnent carrément envie de découvrir son groupe !