Fêtant cette année ses dix ans d’existence, Blood Ceremony affirme discrètement mais sûrement sa place dans le vaste mouvement retro 70s’ qui déferle sur le rock et le metal depuis maintenant près d’une décennie. Signés dès leurs débuts sur le label prestigieux de Lee Dorrian Rise Above aux côtés de Ghost (qui ont depuis vogué vers d’autres horizons), les Canadiens emmené par Alia O’Brien ont eu l’occasion de peaufiner leur technique et de définir leur style en trois albums ayant reçu un accueil enthousiaste. En effet, pour se distinguer au milieu de toutes ces sorties estampillées « occult rock », le combo a privilégié la régularité et la fidélité radicale à leur vision des choses : là où la plupart des groupes proposent une relecture des codes des années 70, soit nourrie par les apports du metal extrême (on pense aux groupes les plus doom à la Electric Wizard), soit décalée par un sens de l’ironie un peu post-moderne (Uncle Acid And The Deadbeats ou, dans un autre genre, et avec le succès que l’on sait, Ghost) soit au contraire abordée avec un esprit de sérieux très black metal (The Devil’s Blood), Blood Ceremony a quant à lui une approche très littérale, presque bon élève, et semble viser à l’évocation d’époque la plus exacte possible. Et c’est cette approche que l’on retrouve dans Lord Of Misrule, le quatrième opus du groupe, que l’on peut intercaler entre deux vieux classiques de Black Widow, Coven ou Jefferson Airplane en n’y voyant que du feu.
En effet, avec ce quatrième opus, le groupe propose presque 45 minutes (pour neuf chansons ; même le format est d’époque !) de voyage en plein âge du Verseau. Dans le fond comme dans la forme, tous les poncifs des années 70 sont là, ressuscités devant nos yeux par nos oreilles avec une précision toute cinématographique – après tout, c’est à un film d’horreur de 1973 que le groupe doit son nom. Riffs accrocheurs, orgue Hammond et bien entendu, puisque c’est ce qui fait la patte du groupe depuis ses débuts, solos de flûte endiablés à la Jethro Tull : tout est là, et arrangé avec encore plus de finesse que précédemment. En effet, là où la flûte pouvait avoir un côté « gimmick » plus tôt dans leur carrière, elle est mise en avant de manière moins systématique et avec beaucoup de naturel, parachevant avec grâce certains des passages les plus irrésistibles de l’album, dans « The Rogue’s Lot » par exemple. Et des passages irrésistibles, il y en a : à chaque écoute, l’album se révèle plus accrocheur, quitte à devenir franchement entêtant, à l’image du titre d’ouverture, « Devil’s Widow », ou du voyage dans le temps instantané qu’est « Flower Phantoms », tube 60s’ à souhait. Mais la place est aussi faite à de beaux développements folk comme « The Weird Of Finistere », parenthèse atmosphérique placée presque au centre de l’album. En puisant abondamment dans le folklore européen (« Loreley », « Lord Of Misrule ») comme on a pu le faire pendant des années 70 en quête de réenchantement du monde, le groupe livre chaque chanson comme une sorte de petit conte, de vision idyllique d’une époque révolue, que ce soit celle des fêtes du Prince des Sots ou celle du Summer of Love.
Ce n’est pas pour rien que le titre le plus enlevé, qui, en réalité, termine l’album en fanfare avant un « Things Present, Things Past » très « Stairway To Heaven » aux allures d’épilogue, s’intitule « Old Fires » : ce à quoi s’attache Blood Ceremony depuis le début de sa carrière, c’est à verser de l’huile sur des foyers très anciens pour conserver la flamme ancestrale des liesses populaires, des fêtes carnavalesques dont nous avons peut-être perdu le sens aujourd’hui, et dont après les messes noires et les Saturnales en passant par le sabbat, la grand-messe que constituait le concert de rock lors de son âge d’or était peut-être la dernière incarnation. Au-delà de toutes les cérémonies évoquées dans leurs paroles, c’est sans doute cette dernière que les Canadiens s’attachent à reproduire avec le plus de feu et d’application.
Ecouter la chanson « Old Fires » :
Album Lord Of Misrule, sortie le 25 mars 2016 via Rise Above Records.